Comme on l'a déjà remarqué, la naissance du mental et la naissance de la parole furent des événements contemporains dans l'histoire de l'évolution. On lit dans la Lumière sur le Sentier : « La parole est le pouvoir de communiquer avec autrui ; le moment de l'entrée dans la vie active est marqué par son acquisition. « Lorsque la forme humaine sans mental prit feu au Foyer ardent des Pères du Feu (les Agnishwatta Pitris), elle acquit aussi le pouvoir de parler. D'une manière correspondante, la plupart des personnes, dans l'état actuel de leur conscience, ne parlent pas mais babillent comme autant d'enfants en bas âge. Tout comme le mental inférieur s'insère dans le fœtus au 7ème mois, tandis que le mental supérieur s'unit à la forme au bout des sept premières années, de même en est-il de la parole. En suivant cette analogie, l'humanité actuelle, dans sa conscience Manasique [ou Mentale], est située entre son septième mois et sa septième année. H.P.B. a travaillé avec le mental de la race, tel qu'elle l'a trouvé, et sa tâche a consisté à tenter de transmuer ce mental pour rendre la race capable de parler en toute connaissance et non de babiller au gré de la fantaisie, du sentiment et de l'émotion.

Seul un nombre limité d'individus de la race humaine a atteint le niveau de parole du Manas Supérieur. Lorsque la Loge Unie des Théosophes entreprend la tâche de changer le mental de la race, selon les exhortations de H.P.B. et W.Q. JUDGE, elle travaille à donner naissance à ce mode supérieur de langage.

Nous avons déjà fait allusion à la nécessité d'éviter non seulement le langage obscène, mais aussi le langage égocentrique, préoccupé uniquement de soi-même ou d'autres personnalités. Mais éviter de s'abandonner à un mode de langage inutile ou nuisible est insuffisant ; un tel exercice ne développera pas le mode supérieur, de langage, dont il est écrit : « La parole vient seulement avec la connaissance. Acquiers la connaissance et tu acquerras la parole. » Acquérir cette connaissance et cette parole, c'est devenir un Disciple. Car le Disciple est celui qui est « capable de parler » et, selon la Lumière sur te Sentier, « être capable de parler c'est avoir acquis le pouvoir d'aider les autres ».

Un aspirant sérieux doit apprendre à parler ce langage supérieur.

Apprendre à parler

En correspondance avec les trois stades où l'on apprend progressivement à écouter, il existe trois stades où l'on apprend la discipline de la parole. Après avoir indiqué le genre de langage qu'il convient d'éviter (et, sans cette abstention, essayer d'acquérir un langage plus élevé est non seulement sans aucune espèce de profit mais aussi plus dangereux, car c'est aller au-devant d'un échec certain), abordons maintenant l'étude de ce qu'il faut exprimer par la parole et de la manière dont on apprend à parler le langage de l'âme.

l) Apprendre à présenter oralement les enseignements de la Théosophie tels qu'ils sont consignés dans le Message. Pour donner à ceux qui le désirent la possibilité de le faire, des volontaires sont invités à faire connaître leur nom pour le travail de plate-forme de la L.U.T. Nul n'est sollicité — et encore moins forcé — à se porter volontaire.

2) Apprendre à parler à d'autres âmes dans le langage de l'Âme. Ce que l'on apprend à la Loge — lorsqu'on le pratique dans la vie — apporte des occasions, chaque jour et chaque heure, de donner et de recevoir de l'aide qui est d'une nature spirituelle. Transmettre ce que l'Ego Intérieur nous a enseigné, avec simple sincérité et sincère simplicité, constitue le second stade.

3) Apprendre à parler en tant que Canal des Grands Gurus, des Frères Aînés — ces modernes Héritiers et Représentants des Anciens Pères, qui soutiennent l'institution de la chaîne des Chélas, ou Disciples, dans le Kali-Yuga (l’Âge noir).

Mais rappelons-nous ces paroles :

La langue qui parle trouve un ennemi dans l'oreille curieuse, qui désire des louanges, qui est ouverte aux sons du monde des humains.

La Voix qui illumine et bénit a besoin d'oreilles amies pour l'entendre.

Mais, de cette Voix, il est écrit : « Avant que la voix puisse parler en la présence des Maîtres, elle doit avoir perdu le pouvoir de blesser ».

Le premier langage

Pour aider l'étudiant à surmonter l'habitude mondaine, si fortement enracinée, de parler impulsivement, sans réfléchir, de parler sans rime ni raison, parce qu'il faut entretenir la conversation, et ainsi de suite, il lui est recommandé de devenir un adepte de l'art qui consiste à pratiquer la parole de nature supérieure. Au tout début, il doit apprendre à répéter des idées spirituelles, des pensées métaphysiques, et à charger sa mémoire cérébrale des mots employés par les instructeurs, de manière à ce que les idées enfermées dans ces mots puissent être comprises, maîtrisées et assimilées. De très nombreux étudiants qui participent comme volontaires à la présentation de la Théosophie, sur la plate-forme de la L.U.T., reconnaissent l'aspect de service de cette tâche. Ils s'emploient à enseigner, à aider, à servir — c'est là une idée bonne, mais incomplète, qui est en outre subtilement dangereuse. L'instructeur-élève ne doit pas oublier son aspect d'élève : en réalité, il ne fait qu'apprendre quand il lit, quand il explique, quand il parle sur la plate-forme. Il est engagé dans un processus de purification du langage, d'acquisition du ton correct ; il apprend les préliminaires de l'art occulte par excellence. La plupart des étudiants ne soupçonnent même pas que l'occultisme de la véritable sorte peut s'apprendre sur la plate-forme de la L.U.T.

L'orgueil insidieux qui accompagne le « don de la faconde » parade sous les belles apparences du « seul désir d'aider et de servir ».

La réelle façon pour chacun de tester la valeur de son « service sur la plate-forme » est d'examiner la fidélité avec laquelle les enseignements sont répétés, et de considérer non la fluidité du discours, ni la beauté de la diction — bien que ces qualités soient estimables — mais l'habileté à stimuler les auditeurs à partir à la découverte des Enseignements — répétés ou expliqués — dans le Message lui-même. En second lieu, il faut chercher dans quelle mesure et jusqu'à quel point la juste attitude de la plate-forme est observée dans la vie, heure après heure. L'un des moyens majeurs d'appliquer les enseignements à soi-même est de s'en servir avec à-propos, à chaque occasion. Les Maîtres nous montrent la Voie à travers les enseignements ; nous devrions apprendre à trouver et à suivre la Voie à l'aide des enseignements ; et d'autre part, toute l'aide que nous désirons apporter, nous devrions la donner en indiquant les enseignements. Voilà ce qu'est apprendre à parler.

Dans cette tentative, l'aspirant trouve que la plupart du temps c'est sa langue qui parle et non son cœur. Il répète sa « science de tête » recueillie dans la Théosophie, car il a perçu la « doctrine de l'œil » et ne s'est pas préoccupé de façon adéquate de la « doctrine du cœur ». Son éloquence ne pénètre pas le cœur des autres : ils admirent cette éloquence ; ils sont éveillés par elle. Son savoir provoque les compliments des autres, mais ne les pousse pas à fouiller les Écritures. Si l'aspirant reconnaît ses limitations, l'application pratique qu'il fera de la Théosophie à lui-même sera plus énergique et plus complète. Il veillera au développement du second type de langage.

Le second langage

 « Il t'est impossible d'aider les autres tant que tu n'as pas acquis une certitude personnelle. Quand tu seras entré dans la Salle d'Apprentissage... tu découvriras en toi une source d'où jaillira la parole. »

Pour puiser à cette source intérieure de connaissance, nous devons nous retirer dans les espaces intérieurs où fleurit un jardin, en comparaison duquel notre monde est une jungle et notre civilisation un désert. L'ennemi qui barre la route vers cette retraite intérieure est le soi personnel inférieur dont le pouvoir est symbolisé dans l'expression « le pouvoir de blesser ». L'homme honnête qui mérite le titre de gentilhomme (distinction qui s'attribue d'une façon aussi large qu'inadéquate) ne « blesse » pas les sentiments ni la chair d'autrui. Mais, en Occultisme, le pouvoir de blesser « inclut beaucoup de ce que les hommes estiment, non seulement en eux-mêmes, mais dans les autres. L'instinct d'auto-défense et de conservation en fait partie ». Méditez ces paroles, car elles contiennent le plus clair des indications utiles pour la pratique correcte. Considérez-les en y ajoutant ce qui suit : « avoir perdu le pouvoir de blesser implique que le serpent [du soi réapparaissant sous une forme plus subtile] n'est pas seulement blessé, mais tué. »

Si nous faisons intelligemment notre examen de conscience, nous nous mettrons à scruter avec attention le ton de nos paroles, non seulement sur la plate-forme, mais aussi dans la conversation ordinaire. Il y a deux extrêmes qui séduisent trompeusement l'étudiant, en ceci comme dans d'autres domaines de travail.

Une voix haute, forte et puissante peut entraîner à l'un de ces extrêmes : être emphatique là où l'emphase n'est pas nécessaire ; être écrasant quand on veut seulement être emphatique ; prendre un ton dictatorial quand il s'agit uniquement de conseiller et de guider, et ainsi de suite, ce sont là des expressions du pouvoir de blesser. A tous ceux qui parlent ainsi comme des oracles, le conseil est donné : « Quand vous parlez fort, vous avez tort ».

À l'autre extrême, on trouve l'image de certaines vieilles Demoiselles — si aimablement sentimentales, si gentiment délicates, si humbles et si douces qu'elles craignent de parier nettement, d'élever la voix, de faire entendre clairement le son monotone de leurs notes soporifiques. Elles ont peur de blesser les sentiments d'autrui. Mais la peur est un aspect de la haine ; on voit donc, ici aussi, une manifestation du « pouvoir de blesser ».

Nous avons à apprendre à ne pas nous éprendre de notre propre voix. Ceux qui aiment entendre leur propre voix sont centrés dans la nature inférieure, et non dans la supérieure. Nous devrions nous servir de la parole pour le bien des autres.

Dans notre examen de conscience journalier, nous devrions inclure une certaine analyse non seulement de ce que nous avons dit mais aussi de la façon employée pour le dire, dans la conversation comme sur la plate-forme. Le ton utilisé, le son émis, la note choisie — ces éléments sont aussi importants que les mots prononcés.

L'Ego Intérieur est dans l'impossibilité de murmurer son message, ou même de faire entendre une note, pendant que l'inférieur n'est qu'une masse de sentiments qui sont enracinés — s'ils sont mauvais — dans le ternaire comprenant Désir, Colère et Convoitise ou — s'ils sont bons — dans l'Affection personnelle, la Patience personnelle, la Charité personnelle, en d'autres termes, une affection, une patience et une charité qui satisfont sa propre personnalité. Tandis que le tort causé par les mauvais sentiments se perçoit aisément, ce n'est pas le cas avec les bons sentiments. Ces lignes ne sont pas écrites contre l'affection, la patience et la charité, mais contre leur usage personnel et leur exploitation personnelle. Entre la droiture et le pharisaïsme, il y a la différence qui existe entre Buddhi et Kama — l'Amour Impersonnel et l'affection personnelle. Par conséquent il faut donner une direction différente aux courants de sentiments qui, par leurs mouvements, entretiennent la vie du soi personnel, si nous voulons entendre et exprimer la voix de l'Ego Intérieur. Cette transmutation des sentiments personnels en un Sentiment Impersonnel — la Compassion — est implicite dans le verset suivant :

 « Pour que la voix ait perdu le pouvoir de blesser, un homme doit avoir atteint le point où il ne se considère que comme un élément au sein des vastes multitudes vivantes. »

Il est impossible de recevoir de l'instruction de notre propre Ego Intérieur tant que les sentiments gouvernent l'Ego Personnel ; il est également impossible de parler ou d'apporter une aide de nature spirituelle quand les sentiments se développent et s'évanouissent en nous comme des vagues et que leurs flux et reflux se succèdent sans répit. L'apaisement complet des torrents déchaînés des sentiments n'est possible que pour l'Adepte, dont la conscience est comme un lac limpide ; nous devons apprendre au moins à créer occasionnellement cette condition de calme et ceci de plus en plus, au fur et à mesure de nos efforts. L'occasion la plus constante nous en est offerte dans l'exercice ordinaire de la parole : surveillons donc étroitement notre langage dans les conversations usuelles ou dans les entretiens sérieux et purgeons-le du ton d'amertume, d'aigreur ou de sentiment doucereux ; même ceci est difficile et met à contribution la concentration de l'aspirant — mais, tout de même, cet effort doit être fait. En tout cas, le travailleur de plate-forme peut et doit se préparer — et le faire en temps utile — en apaisant ses sentiments, en calmant sa conscience, en concentrant son mental errant et, par un suprême effort, en cherchant à s'assurer la direction du Maître au-dedans de lui-même. C'est si souvent que nous disons « il y a un Dieu dans chaque être humain », « chaque être humain est une incarnation de son Dieu », et que le conseil est donné de « sentir la Présence du Dieu intérieur pour s'affranchir de la misère des renaissances » — quelle meilleure occasion avons-nous de pratiquer tout ceci que l'opportunité qui nous est offerte de lire ou de répéter de la plate-forme de la L.U.T. tel ou tel aspect du grand Message spirituel ?

Une méthode permettant d'apprécier la mesure de notre succès dans cet effort consiste à noter jusqu'à quel point nous sommes capables de considérer les autres non comme des personnalités passagères mais comme des âmes immortelles progressant vers la perfection. « De même que l'individu possède une voix, de même en possède une ce en quoi l'individu existe ». Faisons une application de cette vérité : l'humanité a une Voix et nous vivons au milieu d'êtres humains. Qu'entendons-nous ? Avec quoi sommes-nous consubstantiels ? Percevons-nous et rencontrons-nous seulement laideur, faiblesse, mal ? À l'aide de quel principe de notre être avons-nous de telles perceptions et de tels contacts ? Sommes-nous capables d'entendre des sermons dans des cœurs de pierre ? II est relativement aisé de voir des sermons dans les pierres, mais difficile d'entendre le message émanant du cœur de pierre. Complétez la citation et lisez-la avec cette implication : « De même que l'individu possède une voix, de même en possède une ce en quoi l'individu existe. La vie elle-même a son langage et n'est jamais silencieuse. Et elle ne s'exprime pas, comme toi qui es sourd pourrais le supposer, par un cri. Elle est un chant ».

Pour percevoir le chant de la vie derrière les cris déchirants de celui qui souffre, la verve égocentrique de l'ambitieux, le discours fleuri de l'hédoniste, la harangue du propagandiste, et ainsi de suite, nous avons besoin de l'action de l'Âme en nous-mêmes. « Il est difficile de deviner où tu trouveras d'abord la douce voix dans le cœur des autres », mais il est ajouté : « Une fois que tu l'auras entendue (en toi-même) tu la reconnaîtras plus facilement autour de toi ». Quand une âme est capable de parler à une autre âme, l'apprentissage de la seconde sorte de langage est presque terminé.

Le troisième langage

Pendant tout ce processus où il s'efforce d'acquérir ce pouvoir du langage supérieur et de dominer « le pouvoir de blesser » et « le pouvoir de se sentir blessé », le néophyte se trouve dans la Salle d'Apprentissage probatoire où « sous chaque fleur (se trouve) un serpent lové ». Les risques de prendre le psychique pour le spirituel, l'égotique pour l'altruiste sont innombrables. Nous ne reviendrons pas sur ce sujet car il a été traité précédemment dans le chapitre intitulé « La troisième étape » (1). Le plus puissant facteur qui fortifie l'égotisme chez un individu est lié à cette confusion qui lui fait prendre le langage des habitants de l'astral inférieur pour celui de son propre Ego Intérieur et — bien plus — pour celui des Présences de l'Astral Divin (2). Si, par suite de sa constitution psychique, l'aspirant a une disposition à voir des couleurs et entendre des sons, qu'il prenne garde ! L'instruction venant de l'Ego Intérieur n'atteint pas le soi personnel facilement et aisément — c'est encore moins le cas avec les Messages des Maîtres. Le seul test sûr — pour le débutant, l'unique test — consiste à garder en mémoire et à appliquer cette parole de Sagesse, déjà citée : « Avoir perdu le pouvoir de blesser implique que le serpent (du soi réapparaissant sous une forme plus subtile) n'est pas blessé, mais tué. »

Le soi réapparaissant sous une forme plus subtile — ceci marque un stade dans la vie du Disciple en probation ; tôt ou tard, il aura à affronter cet aspect raffiné du soi — subtil et insidieux ; il peut déjouer ses ruses rapidement, ou cela peut lui prendre un temps prolongé ; mais il y a là un champ de bataille sur lequel il doit combattre, que le résultat soit l'échec ou le succès. S'il est vainqueur, il éprouvera la faim intérieure et, la ressentant, il criera pour recevoir la lumière. « Demander c'est sentir la faim intérieure — l'élan d'aspiration spirituelle ». De bien nombreux candidats ressentent cette aspiration, mais elle n'est pas véritable à moins d'être accompagnée de la lutte pour échapper à la prison de douleur — où nous nous sentons blessés parce que nous avons le pouvoir de blesser. Il est donc écrit : « Aucune voix ne pénètre dans son oreille intérieure (l'oreille de l'adepte) à moins d'être devenue une voix divine, une voix qui n'offre pas de possibilité d'expression aux cris du soi ». Et si l'imprudent aspirant essaie de forcer son chemin et de faire irruption dans le « cercle des ascètes », de terribles conséquences l'attendent. Il est dit : « Car si le néophyte formule sa demande sans avoir subi la purification complète, cet appel ne pénétrera pas dans la solitude de l'adepte divin, mais il évoquera les terribles forces qui sont les auxiliaires du côté sombre de notre nature humaine. » Ainsi donc, prenez garde !

 « L'appel du néophyte n'est pas entendu tant que la voix qui le lance n'a pas perdu le pouvoir de blesser ».

Quand le Disciple en probation est purifié et tient la bête du soi bien en main, il a encore une condition à remplir :

 « Les êtres divins donnent, ils exigent que vous aussi donniez avant de pouvoir être des Leurs. Aussitôt que le disciple essaie de parler, il découvre cette loi. Car la parole est un don qui n'est conféré qu'au disciple doué de pouvoir et de connaissance. Le spiritualiste pénètre dans le monde psychique-astral, mais il n'y dispose d'aucun langage assuré, à moins de le demander dès l'abord comme un droit et de persister dans ce sens. »

Il est vrai que dès le tout début — en raison de la grande importance accordée par H.P. Blavatsky (H.P.B.) et W.Q. Judge à la nécessité du service de l'humanité orpheline — la plupart des aspirants-étudiants manifestent un intérêt très marqué à rendre service. Mais l'Occultisme se réfère à un type différent de Service Spirituel : c'est celui qui est mentionné dans la citation ci-dessus. En rapport avec le besoin du Cycle de notre humanité, on voit se manifester le désir d'aider les autres : mille et une institutions existent pour secourir les pauvres bougres dans l'embarras. Ce sont des moyens offerts aux âmes ordinaires, qui leur font réaliser la valeur du service et apprendre indirectement la loi de fraternité et d'interdépendance. Mais le type de service auquel il est fait allusion ici est de nature toute différente en vérité. Les droits à servir et à se sacrifier accompagnent l'acquisition de la vraie connaissance spirituelle. La condition de Chéla (disciple) implique un genre spécial de service de l'âme, rendu à l'aide d'une sagesse de l'âme d'une nature particulière.

 « Si sa volonté est assez forte, le disciple acquiert le pouvoir de la parole ; un pouvoir double. S'il veut exercer son nouveau privilège, il doit l'employer sous sa forme double. Il découvre en lui le pouvoir de parler en la présence des Maîtres... mais... il ne peut faire résonner sa voix jusqu'aux cimes où se tiennent les dieux, tant qu'il n'a pas pénétré jusque dans les profondeurs où leur lumière ne brille pas du tout. »

Ces « profondeurs » ne peuvent être trouvées par les fidèles ordinaires; ils ne réussissent pas à percevoir l'existence de tels « bas-fonds », même lorsqu'ils en touchent les frontières ; souvent, ils passent à proximité d'un être tombé à « la dernière extrémité », le regard fixé ailleurs ; c'est bien ainsi, car la capacité d'arracher des âmes presque perdues de cette « dernière extrémité » dépend d'une connaissance spéciale sans laquelle le sauveteur lui-même risque de perdre pied et de se souiller avec la fange de ces horribles bas-fonds. L'élève doit donc apprendre comment faire sa demande pour obtenir cette connaissance spéciale.

« Ceux qui demandent recevront. Mais bien que l'homme ordinaire ne cesse de demander, sa voix n'est pas entendue. Car il demande avec son mental seulement : et la voix du mental n'est entendue que sur le plan où le mental agit. »

Pour acquérir la sagesse du cœur, nous devons demander avec l'âme-cœur — le Sentiment Supérieur — qui est d'une nature comparable au sentiment éprouvé par le nouveau-né pour sa mère nourricière. Il y a, dans ce bébé, la capacité instinctive de téter la nourriture, avec une complète confiance dans la mère. Il y a une compréhension mutuelle entre la mère et l'enfant (ceci est vrai aussi pour les mères animales et leurs petits) et, de manière correspondante, il existe un pacte mutuel entre le Chéla (disciple) qui apprend et le Guru qui instruit. Le Chéla « rencontre ses égaux — des hommes ayant le même caractère altruiste — avec lesquels son association devient permanente et indissoluble, parce que fondée sur une similitude vitale de nature. Il se trouve lié à eux par des serments qui n'ont pas besoin d'être prononcés ou exprimés avec des mots ordinaires ». C'est de cette Confrérie Ésotérique que H.P.B. a écrit : « La Section Ésotérique n'est pas chose terrestre, appartenant à cette terre ».

L'acte culminant qui apporte au Disciple vainqueur de tous les obstacles de la Probation le droit de demander et de posséder la Connaissance Royale est décrit dans la Lumière sur le Sentier, dans le passage suivant, où l'on notera que non seulement la Connaissance inonde le Chéla mais elle se déverse avec une telle puissance qu'elle parvient « jusque dans les profondeurs où leur lumière ne brille pas du tout ».

En réclamant le pouvoir de la parole, comme on le nomme, le Néophyte lance son appel au Grand Être qui se tient le premier dans le rayon de connaissance où il a pénétré afin qu'il le guide. Quand il lance cet appel, sa voix est renvoyée avec force par le pouvoir auquel il s'est adressé, et se répercute en échos jusque dans les recoins les plus profonds de l'ignorance humaine.

B.P. Wadia.

Note : (1) [Lire la première partie de l’article : « I – Qu’est-ce qu’écouter ? » – Voir Cahier Théosophique n° 118, © éd. Textes Théosophiques]

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