Le Gardien du Seuil : épreuves et obstacles sur le Sentier spirituel
Étude dans la Voix du Silence
H.P. Blavatsky explique que la forme astrale produite par Kama [les désire] doit être détruite. Habituellement, le Kama-rupa [forme astrale crée par les désirs] se forme après la mort du corps et avant que l'Ego n'entre en Devachan [état de béatitude post portem], en se libérant de cette forme. Mais dans la vie du chéla [disciple] en probation, étant donné qu'il pénètre dans le monde des vivants, en abandonnant derrière lui celui des morts, il se produit le phénomène du Kama-rupa en relation avec celui du Gardien du Seuil. L'âme éveillée devient consciemment vivante lorsque, chassant du champ du mental toutes les images-pensées nourries de Kama, elle commence à vivre par le pouvoir du cœur pur, c'est-à-dire par l'influence de Buddhi [l’âme spirituelle]. C'est pour ce double processus — qui consiste à disperser le Kama-rupa et à éveiller Buddhi, afin que Manas [le mental] puisse en être animé — que le monde objectif se révèle d'un grand avantage. (Article de B.P. Wadia « Le Destructeur du Réel », © Cahier Théosophique N°114, pp17-8)
Article « Clairvoyance »
La connaissance acquise en Sushupti [correspond à l’état de conscience pendant le sommeil profond] peut être ramenée ou non dans la conscience physique ; tout dépend des désirs de l'individu et de la préparation plus ou moins parfaite de ses consciences intérieures en vue de recevoir et de conserver cette connaissance.
Les voies de pénétration du monde idéal sont soigneusement gardées par des élémentaux contre l'intrusion des profanes.
Lytton fait dire à Mejnour [Zanoni, Livre IV, Chapitre II] : « ... nous jugeons d'après des épreuves qui visent à purifier les passions et à élever les désirs. Et en cela la Nature nous contrôle et nous assiste, car elle place des gardiens terribles et des barrières insurmontables entre les ambitions du vice et le ciel de la science suprême ».
S'il est correctement guidé, le désir de la jouissance physique se transmue en un désir d'une chose plus haute qui graduellement se transforme en un désir de faire du bien à autrui et perd peu à peu, en s'élevant ainsi, sa caractéristique de désir pour se transformer en un élément du sixième principe.
Ce contrôle de la nature auquel Mejnour fait allusion est tangible dans l'intervalle naturel compris entre les limites maximum et minimum : l'on ne peut s'élever trop haut, ni descendre trop rapidement ni trop bas. L’assistance de la nature est sensible dans l'état Turya [profonde méditation] : lorsque l'adepte fait un pas en avant, la nature aide au suivant.
Dans l'étal Sushupti, il se peut qu'on trouve ou non l'objet de sa recherche ardente, et, dès qu'on l'a découvert et qu'on désire en ramener le souvenir dans la conscience normale, à ce moment même prend fin l'état Sushupti. Mais on peut alors se trouver dans une position difficile en quittant cet état. Les voies que doit emprunter la vérité pour descendre dans la nature inférieure sont fermées. Cette situation est magnifiquement décrite dans un proverbe indien : « Le son dans la bouche et le feu sont tous deux perdus ». Ceci est une allusion à une pauvre fille qui mange du son et veut en même temps ranimer le feu qui s'éteint devant elle. Elle l'active en soufflant sur les cendres tout en gardant le son dans la bouche, mais il tombe sur les braises mourantes les étouffant complètement ; ainsi subit-elle une double perte. Dans l'état Sushupti l'anxiété qui est éprouvée en désirant ramener le souvenir des expériences dans la conscience agit comme le son sur le feu. Loin d'être une aide, comme certains se l'imaginent, le désir trop ardent de posséder certaines choses ou de travailler dans un certain sens est nettement pernicieux, et si nous permettons à ce désir de nous gagner pendant nos heures de veille il agira avec une force d'autant plus grande sur le plan de Shushupti. Le résultat de ces échecs est clairement exposé par Patanjali [v. Aphorismes du Yoga de Patanjali — 1ère Partie, n° 30 et 31].
Cahier Théosophique n°14 – [lire tout l’article « Clairvoyance » lien Site : theosophie.fr, Cahier Théosophique n°14)]
La Voix du Silence
« Les hauteurs des Pâramitâ [Vertus spirituelles] sont traversées par un sentier encore plus escarpé. Tu devras te frayer ton chemin à travers sept portails, sept places fortes gardées par de cruels Pouvoirs pleins de ruse : les passions incarnées. » (La Voix du Silence, p. 64).
Aphorismes du Yoga de Patanjali (aphorismes n°30 à 31, Partie I)
30. Les obstacles sur le chemin de celui qui désire atteindre la concentration sont la Maladie, la Lassitude, le Doute, la Négligence, la Paresse, l'Attachement aux objets des sens, la Fausse Perception, l'incapacité d'atteindre tout degré d'abstraction et l'instabilité dans l'état qui a pu être atteint.
31. Ces obstacles sont accompagnés de chagrin, de détresse, de tremblement et de respiration irrégulière.
32. Pour prévenir cela, il faut demeurer avec insistance sur une seule vérité. On entend ici toute vérité qu'on approuve.
33. Par la pratique de la Bienveillance, de la Compassion, du Contentement et par l'Indifférence aux objets de bonheur, de douleur, de vertu et de vice, le mental se purifie.
Les principales occasions de distraction du mental sont la Convoitise et l'Aversion. Cet aphorisme ne signifie pas que la vertu et le vice devraient être vus avec indifférence par l'étudiant, mais qu'il ne devrait pas fixer son mental avec plaisir sur le bonheur ou la vertu, ni avec aversion sur la douleur et le vice. Autrement dit, il devrait tout regarder avec un mental égal : et la pratique de la Bienveillance, de la Compassion et du Contentement conduit à l'allégresse du mental, ce qui tend à le renforcer et le stabiliser.
Article « Comment vivre la vie supérieure » (Cahier Théosophique N°73)
Le « Gardien du Seuil » qui se dresse devant les occultistes même avancés, et qui menace souvent de les écraser, ne diffère que quantitativement des épreuves imposées au Chéla, ou de celles de la probation, menant à l'état de Chéla. Il peut être utile d'examiner la nature de ce Gardien et de ces épreuves. Qu'il nous suffise de dire, pour l'instant, que cette nature est triple, et dépend de nos rapports :
1. avec notre nation,
2. avec notre famille,
3. avec nous-mêmes.
Et chacun de ces trois groupes de rapports est dû à l'extériorisation d'un fragment de notre propre Karma passé, c'est-à-dire à ses effets. […] Nous trouvons donc sept choses qui contribuent à nous assurer la victoire, ou qui nous conduisent à une triste défaite sans gloire, dans le formidable combat connu sous les noms de Gardien du Seuil ou d'épreuves subies par le Chéla :
1er – Les tendances mauvaises communes à nous-mêmes et à notre famille ;
2ème – Celle que nous avons en commun avec notre nation ;
3ème – Celles que nous possédons en commun avec l'humanité en général, et que l'on appelle ordinairement les faiblesses de la nature humaine, les fruits de la première transgression d'Adam ;
4ème, 5ème et 6ème – Les nobles qualités que nous avons en commun avec notre famille, notre nation, l'humanité ;
7ème – La façon particulière dont ces six groupes de nos activités karmiques passées choisissent de nous influencer ou ont la possibilité de le faire, ou leurs effets qui produisent en nous la tendance actuelle. Un adepte seul peut complètement maîtriser ce septième point, et tout mortel qui essaiera de diriger toutes ses énergies vers le plan le plus haut qu'il peut atteindre (« Ne désire que ce qui est hors d'atteinte » dit l'auteur de la Lumière sur le Sentier) arrivera, comme je l'ai dit récemment, à faire plus ou moins ce que peut accomplir l'adepte, pour autant qu'il agisse selon la règle. Tout Chéla ainsi que tous ceux qui entretiennent le désir de le devenir ― désir qu'ils croient secret ― ont affaire avec les six premiers groupes de tendances ou d'influences. […]
Pour conclure, on pourrait ajouter que l'élément le plus important dans le « Gardien du Seuil » et dans les épreuves subies par le Chéla, est formé par les défauts de famille, qui doivent être d'abord « conquis », puis viennent les défauts nationaux et les « maux de la chair » en général. Bien qu'il faille se débarrasser de tous trois simultanément et aussi rapidement que possible et bien que les trois genres de devoirs doivent être remplis, il est essentiel que les débutants attachent plus d'importance aux premiers qu'aux seconds plus aussi aux seconds qu'aux troisièmes, et qu'ils n'en négligent aucun. […] La question est posée parfoi : « Le Gardien du Seuil a-t-il une forme objective ? De quoi dépend-elle ? Apparaît-il à tout le monde sous une forme identique à celle qu'il revêtit pour Glyndon, dans l'histoire de Bulwer ? » (Voir Zanoni, par Bulwer Lytton, Ed.).
Elle est objective pour ceux qui se sont avancés très loin. Elle dépend :
1° D'une certaine chose que je ne nommerai pas ici.
2° Du degré de développement que le Chéla ou l'Occultiste a atteint, ou est sur le point d'atteindre ;
3° De la façon spéciale dont le Chéla ou l'Occultiste, sa famille et sa nation considèrent les élémentaux et le Gardien, ou plutôt des légendes et de la religion particulières à cette nation et à cette famille ;
4° De la forme plus ou moins monstrueuse ou insolite capable de l'effrayer ou le faire succomber le plus aisément, au moment critique.
En fonction des quatre conditions ci-dessus, le Gardien assume une certaine forme selon la façon dont le Chéla ou l'Occultiste a ou n'a pas rempli ses triples devoirs et selon la manière dont les sept éléments du Gardien s'affirment en lui. Mieux il s'est acquitté de ses triples devoirs moins le Gardien l'affecte. Naturellement, la forme n'est pas nécessairement la même pour tous.
Pourquoi le Gardien apparut-il à la sœur de Glyndon (Zanoni) alors qu'elle n'était pas en probation, et pourquoi sous une forme identique ?
Parce qu'elle était suffisamment sensitive et en sympathie avec son frère. Le principe qui régit ce cas est le même que celui de l'obsession.
Le Gardien peut être constitué par un seul élémental, ou par un ou plusieurs groupes d'élémentaux revêtant une forme collective. C'est un élémental unique quand la crise se produit au début de la tentative du Chéla ou de l'Occultiste en vue d'élever sa nature inférieure. Ce cas se présente lorsqu'il possède très peu de force (Karmique) pour parcourir le « sentier montant ». Plus loin il se trouve sur le sentier, plus nombreux sont les élémentaux qui composent le Gardien.
Qu'on ne s'imagine pas que le Gardien n'apparaît au Chéla ou ne l'influence qu'une seule fois, jusqu'au moment où le disciple atteint la première initiation ; ni que l'initié n'est troublé qu'une seule fois par sa présence ou son influence, entre deux initiations. Il apparaîtra chaque fois que la réserve de force Karmique tombera au-dessous de la limite minimale.
J'appelle par force Karmique le phala [mot sanskrit signifiant : rétribution, les fruits ou les effets résultant de causes] (effets ou fruits) du bon Karma désintéressé du passé, qui a atteint sa maturité. L'Occultiste peut avoir en réserve une quantité énorme de bon Karma passé, cependant si, durant la crise, l'Occultiste n' a pas un nombre suffisant de bonnes pensées altruistes pour mûrir un fragment suffisant de son bon Karma, il se trouvera privé de l'énergie karmique nécessaire. Peu nombreux sont ceux qui ont déjà mis en réserve une quantité appréciable de bon Karma ; et moins nombreux encore ceux qui possèdent le degré requis d'altruisme et de spiritualité, pendant la période d'épreuves. Mais combien plus rares encore sont ceux qui ne sont pas avides d'atteindre un développement de Yoga supérieur, sans en avoir les moyens nécessaires.
Tant que nous ne serons pas parfaitement qualifiés pour ce Yoga, nous devrions nous contenter de nous développer d'une façon ordinaire et nous pouvons le faire tout en essayant d'acquérir les moyens nécessaires, en menant une vie altruiste, et en servant d'exemple aux autres ; c'est là la situation de presque tous les théosophes ordinaires. Ils sont comme tous les humains, influencés par un « Gardien », qui n'est rien d'autre que l'effet exercé sur eux par leurs propres défauts, ceux de leur famille, et de leur nation ; et quoiqu'ils puissent ne jamais le voir en cette vie, sous une forme objective, son influence, communément envisagée comme « les mauvais penchants et les pensées de découragement », n'en est pas moins là.
Cherchez donc à vivre la vie supérieure, en commençant, dès maintenant, à purifier vos pensées, par de bonnes actions et par des paroles droites.
Murdhna Joti (Cahier Théosophique n°73)
Lettres inédites de B.P. Wadia
« Quand on pratique la discipline de l'examen de conscience à la lumière de la Philosophie du Vrai, nos côtés faibles et fragiles coagulent et se solidifient, et nous devenons capables, pour ainsi dire, de les objectiver. Ceci a rapport au phénomène du Gardien du Seuil. Les erreurs mentales et les péchés du mental exercent une terreur et constituent le véritable ennemi du néophyte. Ce que dit H.P. Blavatsky dans les "Transactions", est terrifiant si nous prenons ce point de vue. Les aspects métaphysiques et psychologiques sont tous deux également importants. » (Lettre d’avril 1961)
« Voyons les choses du point de vue des élémentaux : ils rebondissent sur vous et retournent à eux avec votre force. Ces élémentaux jouissent des vibrations d’irritabilité - c’est pour eux de la nourriture. Si un tel échange se poursuit, un « gardien du seuil » ordinaire va se former. La destruction d’un tel « gardien » est dix fois plus difficile que l’arrêt de la situation présente. Mais suivons le devenir de ce « gardien » jusqu’au bout. Renforcé, il sera finalement un foyer pour un « élémentaire » et alors ce « gardien » deviendra pour ainsi dire soi-conscient. Ensuite, l’une des parties en présence se trouvera obsédée par cet « élémentaire ». Eh bien ! Je ne pense pas que tout cela va se produire, mais vous, vous devez apprendre la leçon de la situation. Adoptez le point de vue le plus élevé. » (Lettre de décembre 1963)
« Ce que vous décrivez comme votre expérience, ce n’est pas le Gardien du Seuil, qui n’est encore qu’en formation. Vous vous êtes séparé de vos faiblesses avec l’aide de vos aspirations, et le rassemblement de ces faiblesses est en train de se faire. Quand ce processus sera achevé, ce seraPâpa-Purusha [= L’homme de péché], le mauvais Gardien. Mais nos aspirations, avec notre effort en vue de vivre la vie supérieure, commence également à prendre forme – comme Punya-Purusha [= L’homme de mérite]. Alors, avec l’aide et la force de ce dernier, nous devenons capables d’éjecter le premier de nous-mêmes.
« Dans la suite, il vient à nous tourmenter de l’extérieur ; c’est là le vrai Gardien du Seuil. En rapport avec ce sujet, il y a certains mystères qui font frémir. Une claire conscience, avec la pureté du magnétisme et la propreté du corps constituent vraiment la meilleure protection. Vous êtes sûr de surmonter les difficultés à mesure que vous persisterez dans l’effort d’attention-dévotion.
« Il existe plusieurs types de Gardien du Seuil. Tôt ou tard, chaque chéla vient à le rencontrer, sous une forme ou une autre. Cela, pour la simple raison que chaque être entretient la terrible hérésie personnelle de la séparativité, qui tient à la volonté de vivre une vie séparée, distincte de la Nature – Prakriti, animée par les Maîtres – les Purusha Parfaits ». (Lettre de juin 1964)
[Les Lettres inédites de Wadia sont disponibles en anglais sur le site ULT Malmö : http://www.teosofiskakompaniet.net/]
La Lumière sur le Sentier
« La toute première expérience du néophyte en Occultisme est une tristesse intolérable. Un sentiment de vide s'empare de lui et lui fait voir le monde comme un désert, et l'existence comme une entreprise qui ne mène à rien. Cette épreuve fait suite à sa première contemplation sérieuse de l'abstrait. En sondant, ou même en essayant de sonder du regard le mystère ineffable de sa propre nature supérieure, il provoque lui-même la précipitation sur son être de l'épreuve initiale. L'oscillation entre le plaisir et la douleur s'arrête — ne serait-ce qu'un instant — mais cela suffit pour le libérer soudain des solides amarres qui l'ancraient au monde de la sensation. Même très brièvement, il fait l'expérience de la vie plus large ; dès lors, il poursuivra son existence ordinaire, accablé par un sentiment d'irréalité, de vide, de négation horrible. Tel fut le cauchemar qui tourmenta le néophyte décrit par Bulwer Lytton, dans son livre Zanoni. Et le héros lui-même, Zanoni, qui avait appris de grandes vérités et s'était vu conférer de grands pouvoirs, n'avait pas encore passé le seuil où la peur et l'espérance, le désespoir et la joie, semblent être, à un moment, des réalités absolues et, l'instant d'après, de simples produits de l'imagination incontrôlée. » (La Lumière sur le Sentier, pp. 67-69)