Question. ― l'Ego entre-t-il dans le corps à la naissance ou avant ?
Réponse. ― l'Ego n'entre jamais dans le corps. Le corps n'est qu'un instrument grossièrement matériel animé ou adombré [ovrershadowed, en anglais dans le texte] par l'Ego. Nous avons l'habitude de dire que nos âmes sont emprisonnées dans nos corps, parce que les anciens parlaient de la sorte. Mais au temps où ils employaient cette phrase, il existait une explication supplémentaire courante au sujet du corps c'est-à-dire que ce dernier était considéré comme étant plus qu'une simple carcasse physique visible. Le corps et ses composants complexes s'étendent bien au-delà de ce qui est visible à nos yeux. En fait, ce que nous en voyons n'est que la partie solide ou visible ; chaque personne porte autour d'elle les parties les plus intangibles de son corps, qui sont néanmoins très puissantes dans leur action. Le corps visible est le noyau matériel et le reste en est la frange ou l'émanation moins matérielle. Aussi, lorsque les anciens parlaient de l'âme emprisonnée dans le corps incluaient-ils dans le mot « corps », la signification élargie donnée ci-dessus. Au moment de la conception, le corps astral, ou corps modèle, est formé et la potentialité d'un Ego enchaîné dans la personne est créée ; la connexion de l'Ego et du corps, à l'aide du principe Manas, se fait en général à sept ans et dès lors l'Ego est inclus ou enchaîné dans le corps. Mais avant d'arriver à un tel enchaînement matériel, l'Ego fut d'abord pris ou enserré dans les passions et les désirs, ou dans le principe kama [principe des désirs et passions], qui est toujours la cause productrice et efficiente de l'incarnation de l'Ego. Ce Kama est comme on le sait une part des skandhas, ou agrégats, dont le corps matériel est un élément.
Je ne vois point la valeur de l'objection contre la réincarnation qui prétend que cette loi est en conflit avec le pouvoir de la mère d'influencer l'enfant. Il n'y a aucune opposition entre les deux, car la mère- donne à l'enfant le corps et toutes ses tendances ; elle lui donne aussi le lait qui accroît encore ces tendances. Elle ne peut certainement pas affecter l'Ego, et c'est heureux, car elle pourrait vraiment en arrêter le développement. C'est le Karma passé qui amène l'enfant vers cette mère, et ce Karma peut exiger une bonne ou une mauvaise naissance, que la mère influencera en bien ou en mal.
W.Q. Judge
Article paru dans la revue américaine The Theosophical Forum, d’août 1892. © Textes Théosophiques, Cahier Théosophique n°97.
Question. - Si l'Ego n'est pas présent en tant qu'âme dans le corps d'un enfant de sept ans, comment justifier les souffrances subies avant cet âge ? Quel bénéfice l'Ego peut-il en tirer ?
Réponse. - Il est certain qu'aucun 'enfant ne pourrait souffrir si ce n'était son Karma. D'un autre côté, certains enfants ne souffrent pas et l'on pourrait alors poser la question : pourquoi tel enfant n'a-t-il que des joies ? La réponse doit être que tel est son Karma. Il en est de même pour la souffrance : c'est le Karma de l'âme. Ce doit être aussi parce que l'Ego perçoit la souffrance et en comprend le pourquoi. L'enfant peut ne pas le savoir, cependant, il arrive souvent qu'au cours de la vie, à l'âge mûr, on comprend pourquoi et comment certaines souffrances furent subies. Prenez le cas d'un enfant qui connaît les privations et les peines dès le début de sa vie et qui par ce fait même a développé en lui le courage et d'autres bonnes qualités, mais qui, placé dans des circonstances constamment heureuses dans sa jeunesse, ne serait pas devenu aussi fort ni aussi bon ; la souffrance, dans ce cas, avait de la valeur. Maintenant, prenez le cas d'enfants de sauvages qui sont sous l'empire de ce que l'enfant civilisé appellerait la souffrance. Pour eux, il n'y a aucune souffrance à moins que nous admettions qu'il puisse y avoir une définition absolue de la signification de la souffrance. Mais quand on dit que l'âme ne prend pas pleine possession du corps jusqu'à l'âge de sept ans, en règle générale, c'est parce que Karma seul guide l'âme vers ce corps là et toute la souffrance ou la joie sont en conséquence exactement la propriété de cette âme par l'intermédiaire des molécules du corps, car nous devrions toujours nous rappeler que l'homme 'entier, corps et âme, est uni comme une unité et que la masse de molécules per se est tout autant le Karma de l'âme qui s'incarne que n'importe quelle circonstance, environnement ou qualité. La question ne doit pas être résolue seulement sur la base du « bénéfice de l'Ego » mais aussi en tenant compte de la loi de cause et d’effet, de liens d'affinité et du Karma.
W.Q. Judge.
Article paru dans la revue américaine, The Theosophical Forum, d’octobre 1892. © Textes Théosophiques, Cahier Théosophique n°97.