Bien qu’ils ne soient pas totalement privés de leurs 6ème et 7ème « principes » [Âme spirituelle et Esprit], et bien qu’ils soient bien présents dans un lieu de séance spirite, les suicidés sont néanmoins séparés de leurs principes supérieurs par un gouffre, jusqu’au jour prévu de leur mort naturelle.
Les 6ème et 7ème « principes » restent passifs et négatifs, alors que, dans le cas d’une mort accidentelle, les groupes supérieurs et inférieurs [de « principes »] sont attirés l’un vers l’autre. De plus, les ego bons et innocents, gravitent irrésistiblement vers leurs 6ème et 7ème [« principes » : l'Âme spirituelle et l'Esprit], et ainsi soit sombrent dans une somnolence peuplée de rêves heureux, soit dorment d’un profond sommeil sans rêve, jusqu’à ce que sonne l’heure [du moment de leur mort naturelle]. Ils gardent, et vous verrez pourquoi, une faible pensée et un œil sur l’éternelle justice et le bon agencement des choses.
La victime d’une mort accidentelle, qu’elle soit bonne ou mauvaise, n’est pas responsable de sa mort. Même si sa mort était due à quelque action de sa part dans la vie précédente ou une incarnation antérieure, elle était, en bref, l’œuvre de la loi de rétribution, car elle n'était pas le résultat direct d’un acte délibéré commis par l’Ego personnel pendant sa dernière vie [où il a été victime d'une mort prématurée]. S’il avait pu vivre plus longtemps, il aurait pu expier ses actions passées bien plus efficacement, et même maintenant, l’Ego qui a dû régler la dette de son auteur (lego personnel), est libre des coups de la justice rétributive. Les Entités célestes [Dhyan-Chohan], qui n’ont pas la main pour guider l’Ego humain pendant la vie, protègent la victime infortunée quand elle est violemment rejetée de son élément dans un nouvel état avant son terme naturel et avant qu’elle soit mûre et prête pour ce nouveau lieu. Nous vous disons ce que nous avons appris par expérience personnelle. Oui, les victimes, bonnes ou mauvaises, dorment jusqu’à l'heure du Jugement dernier, qui est l’heure du combat suprême, entre les 6ème et 7ème, et les 5ème et 4ème [mental et désirs] « principes » à l’entrée de l’état de gestation. Et même après cela, quand les 6ème et 7ème principes, emmenant avec eux une portion du 5ème, sont entrés dans leur Samadhi Akashique [Méditation céleste posthume], même alors il peut arriver que le « le butin spirituel » du 5ème « principe » soit trop maigre pour renaître en devachan ; dans ce cas, il se revêtira d’un nouveau corps pour se réincarner […]
Ainsi, en aucun cas, un mort ‒ à l’exception des suicidés et des coques ‒ ne peut être attiré dans une séance [de spiritisme]. Et il est clair que ceci n’est pas en contradiction avec nos enseignements antérieurs, selon lesquels : « alors que les coques sont nombreuses, les esprits sont très peu nombreux ».
Revenons maintenant au cas des hommes qui sont les victimes de leurs vices, et que certains classent avec les « suicidés ».
À notre humble avis il y a une grande différence entre les suicidés et ces hommes qui pour s’être laissés aller à un excès de vices tombent prématurément dans la tombe. Nous, dont le point de vue serait inacceptable pour une compagnie d’assurance vie, disons qu’ils sont très peu nombreux – s’il y en a – parmi ces hommes vicieux qui sont parfaitement certains que la conséquence de leur action les conduira éventuellement à une mort prématurée. C’est le fruit de l’illusion. Ils n'échapperont pas à la punition [karmique] de leurs « vices », mais c'est à cause des « vices », et non de leur effet, qu’ils recevront la punition, surtout si l’effet était imprévu bien que probable. Autant appeler un homme un « suicidé » parce qu’il a trouvé la mort lors d’une tempête en mer, ou qu’il s’est donné la mort par un excès d’étude. L’eau peut attirer un homme, comme un excès de travail du cerveau peut affaiblir cet organe et l’emporter. Dans un cas personne n’oserait traverser le Kalapani [fleuve entre le Népal et l’Inde], ou prendre un bain par crainte de défaillir ou de se noyer ; et il y a de tels cas. Et si une telle vue prévalait, personne n’oserait faire son devoir, et encore moins se sacrifier, même pour une cause louable et hautement souhaitable, comme beaucoup d'entre nous le font. Le motif est l'essentiel, et l'homme est punit dans le cas d’une responsabilité directe et pas autrement.
Dans le cas d’une victime, le moment de sa mort a été anticipé accidentellement, tandis que dans le cas d’un « suicide » la mort est provoquée volontairement et en pleine connaissance délibérée des conséquences immédiates. Ainsi, un homme qui provoque sa mort dans un moment de folie temporaire n’est pas un suicidé au grand dam et souvent au dépens des compagnies d’assurance vie ! Pas plus qu’il n’est laissé la proie aux tentations qui nous assaillent dans l’état de kama loka, mais il tombe en sommeil comme toute autre victime.
Un Guiteau [qui assassina le Président Garfield aux États-Unis à la fin du XIXème siècle] ne restera pas dans l’atmosphère terrestre animé de ses principes supérieurs, qui, bien que présents, seront inactifs et paralysés. Guiteau est plongé dans un état où pendant un certain temps il sera toujours en train de tirer sur son président – et ainsi plonger dans la confusion et l’abattement des millions de personnes – quand il se verra toujours condamné et toujours pendu, baignant sans cesse dans l’image réfléchissant ses actions et pensées dans la lumière astrale, et particulièrement celles qu’il a entretenues lors de la dernière heure avant l’échafaud. Et il en est de même pour chaque assassin exécuté par pendaison ou autrement. Ceux qui étaient vicieux et non fou ne sont que partiellement mort après leur exécution. Ils revivront leur crime et leur condamnation sur le plan astral dans lequel ils baignent, et de là ils influenceront toutes les personnes quelque peu sensibles avec lesquels ils pourront entrer en contact. C’est le cas en particulier lors des séances de spiritisme où ils entourent le médium. Ceux qui sont naturellement doté du pouvoir d’observer ce plan de la lumière astrale, ou ceux qui ont acquis ce pouvoir par entrainement, peuvent voir, entendre et se répéter sans cesse les scènes de sang et de condamnation autour de ces infortunés. Dans le cas d’un meurtre collectif, comme quand beaucoup d’hommes pénètrent ou prennent d’assaut un bâtiment, et abattent cruellement ses occupants après un combat prolongé avec ces derniers, la scène entière sera souvent rejouée plusieurs fois, des années de suite et si vivement que beaucoup pourront la voir dans tous ses horribles détails, et presque tous peuvent entendre les bruits, les gémissements, les cris, la chute des corps, et les déchiquetages de chair humaine.

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(Traduction d’un extrait d’une lettre privée sur le kama loka et le suicide – Revue The Path, novembre 1889)

 

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