Un grand texte initiatique : la Bhagavad-Gîtâ
Introduction
Quelles sont les caractéristiques essentielles de la Théosophie?
Les grands thèmes théosophiques de la Bhagavad-Gîtâ (Le Divin et les grandes lois de la vie - La nature divine inhérente à tous les êtres - Que représente Krishna dans la Gîtâ ? - La situation de l'homme sur la terre)
Le cadre particulier de la Gîtâ pour décrire la situation de l 'homme
Quelques étapes de la voie de l'Éthique selon la Gîtâ
Introduction
La Bhagavad-Gîtâ fait partie des grands textes initiatiques que la Théosophie nous invite à découvrir (tels que le Sermon sur la Montagne, La Voix du Silence…) afin de montrer l’existence d’une tradition spirituelle planétaire, d’éveil et de libération de l’humanité.
La Théosophie cherche à :
- Montrer des traces de la Grande "Théosophie pérenne", la Theosophia perennis », la Sagesse divine, des Sages divins, de tous les temps,
- Retrouver le sens caché de textes habituellement interprétés de façon « multiple »,
- Faire connaître par la Théosophie exposée au 19ème siècle une traduction adaptée au monde moderne de cette Theosophia et aider à en retrouver la trace dans toutes les traditions spirituelles authentiques du passé.
- Aider à dévoiler dans les textes spirituels ce qui « incarne » quelque chose de cette Theosophia. [Retour sommmaire]
Quelles sont les caractéristiques essentielles de la Théosophie ?
- Une représentation universelle de l'homme et du cosmos dans leurs rapports dynamiques avec le Divin.
- Une compréhension des lois qui en découlent et s'imposent à l'homme.
- Une éthique de vie qui s'offre à l'homme pour vivre sa plus haute destinée à la place qui lui revient dans le cosmos et ses rapports avec le Divin.
La Theosophia est l'héritage immortel de l'humanité, le « yoga impérissable », révélé aux hommes au début de leur évolution sur terre.
- La Théosophie est pour tous, non sectaire par essence,
- La Bhagavad-Gîtâ s’adresse à tous quelles que soient ses croyances ; elle n'appartient à personne et aucune religion ; elle est un bien commun.
- Elle ne parle pas à un peuple élu, un prophète élu ou une élite.
- Elle est ouverte à tous ceux qui font l’effort de l'entendre et de vivre son enseignement. [Retour sommmaire]
Les grands thèmes théosophiques de la Bhagavad-Gîtâ
Le Divin et les grandes lois de la vie
- Pas de Dieu personnel, mais un Brahman absolu, non-manifesté, une Cause sans cause, source éternelle et réceptacle de toute vie, conscience, matière, énergie (cf. ch. XIII).
- Pas de création absolue, mais une succession d'Univers, tour à tour émanant du Non-Manifesté et y retournant, suivant des rythmes immuables (cf. ch. VIII).
- Pas de hasard, pas d'arbitraire dans le déroulement de la vie de ces univers, mais un déploiement de lois, gérées par des « dieux », ou hiérarchies de consciences diverses, soumises à des lois, le temps de l'activité de chaque Univers.
- Parmi ces lois, qui sont autant d'expressions d'une loi unique (Dharma) qui maintient l'ordre cosmique (cf. ch. III), il y a la loi cyclique (dont un des aspects est la réincarnation) et la loi de kama qui gère le cours de événements en fonction de tout le passé. C’est particulièrement la loi de causalité éthique qui donne à chaque homme le fruit des actions qu'il a semées), (cf. ch. VIII).
- La loi cardinale est celle de solidarité et d'interdépendance, (clairement indiquée au chapitre III), conséquence de l'unité fondamentale de tous les êtres, à tous niveaux, et de leur interdépendance.
- La loi du sacrifice, où chacun à sa mesure, contribue au bien et à l'harmonie collective : y contrevenir, c'est « vivre comme un voleur ».
La nature divine inhérente à tous les êtres
- Le Divin n'est pas une réalité lointaine, inaccessible : Il est « présent » dans le cœur, à la racine même de chacun.
- Il y a ainsi, dans chaque homme, une « âme vivante » (« Jivâtman», « étincelle divine »), issue du Divin, liée à Lui et destinée à réaliser sa présence et l'unité fondamentale de l'être individuel immortel, qui va d'incarnation en incarnation, avec l'Être-racine (l’Ishvara collectif) qui « représente », dans ce monde manifesté, le « lien » avec l'Absolu-Brahman.
- En réalité, le théâtre du déploiement des univers vise, à travers la multitude des êtres, à permettre une lente évolution des consciences « porteuses du Divin », en voie de retour et d’union au pôle Divin éternel.
- Certains êtres humains y sont déjà parvenus : Krishna les appelle des Mahâtmas, des « êtres à l’âme grande » (cf. ch. VII). Ces êtres ont réalisé, en eux-mêmes, la présence universelle du Divin, à la fois soutien et moteur de tous les êtres sans exception et réalité transcendante, infinie et ineffable.
Que représente Krishna dans la Gîtâ ?
Selon le contexte, la question se pose et il faudra prendre soin de bien « déchiffrer » le symbolisme évoqué derrière le nom de Krishna :
- Krishna pourra représenter ce Divin, soutien des Univers et racine éternelle de tous les êtres. À la limite, il pourra représenter le Brahman absolu, son « refuge suprême ».
- Il symbolise particulièrement le rayon divin destiné à devenir, non seulement présent mais actif dans l'âme humaine, à mesure que celle-ci fera l'effort de s'éveiller à ce rayon divin.
- En des passages précis, Krishna est le modèle même du Mahâtma accompli, qui incarne sur terre l'éternelle Theosophia et qui est actif parmi les hommes pour les conduire et les éveiller à leur divinité.
- Il représente particulièrement collectivement, la famille des plus grands Sages, des « dieux » réalisés qui veillent sur l'évolution collective de l’humanité et de la nature tout au long de son histoire.
- Finalement Krishna est « un homme parmi les hommes », incarnation de cette famille puissante de dieux réalisés (= le Guru immortel de tous les gurus mortels), compagnon et conducteur du char d'un autre homme, Arjuna qui n'a pas encore parcouru le chemin de l'évolution spirituelle mais s'y trouve déjà bien engagé.
- Dans le cours de la Gîtâ, cet homme Krishna se révélera comme le Guru (ou Maître) spirituel, qui acceptera Arjuna comme son disciple et le conduira su la voie de l'initiation (cf. ch. XI à XVIII). [Retour sommmaire]
La situation de l'homme sur la terre
L'homme n'est pas qu'un dieu potentiel, il est un dieu incarné dans la matière. L'âme spirituelle, rayon du Divin, n'a pas de sexe, ni de nationalité, ni de religion, elle est incarnée, pour pouvoir progresser, dans un corps, une nation, une religion etc. Elle dispose donc d'instruments adéquats pour « exister », sentir, penser, désirer, agir, souffrir et se réjouir.
- Dans l'ignorance où elle est arrivée (après de nombreuses incarnations), elle ignore son vrai statut, s'identifie au personnage terrestre qu'elle incarne, aux instruments qui sont à sa disposition (son corps…), etc...
- Elle est prise dans les rets de « la centuple corde du désir » et tombe dans l'égoïsme et l'attachement aux objets, l'égotisme, « c’est moi », etc.
- La loi de kama fait qu'elle s'emprisonne elle-même, par ses actions et ses attitudes, ses désirs (attractions, répulsions), etc., dans une cage d'écureuil d'où elle ne sort plus, au fil des incarnations.
Aliénée, prisonnière, vouée à l'impermanence et à la douleur, elle cherche vainement du secours, espère un salut au Ciel, etc., attend celui qui va la « sauver », la « préserver des souffrances », etc.
L'homme se tourne, dans le désespoir, vers des instances supérieures, vers les dieux ou le Dieu de la religion.
Mais la Gîtâ montre aux hommes qu’ils ont une alliance avec les dieux (cf. Chap. III) et sur ce point la Gîtâ est très théosophique, en effet :
Rien ne peut mettre l'homme définitivement à l'abri, tant qu'il nourrit en lui-même, les causes de ses souffrances, c’est-à-dire, des désirs et projets égoïstes, contraires à l'ordre de la Nature imposé par la loi d'Harmonie du Divin.
Krishna, en vrai réformateur de la religion (comme le sont tous les Maîtres Théosophes) condamne le ritualisme qui fait de la religion un troc avec les dieux (exemple, les rituels de sacrifices (cf. Chap. II). On cherche à obtenir tel ou tel privilège, en particulier un temps prolongé au Ciel, mais, comme le dit Krishna, ce répit est illusoire (cf. ch. IX), les « dévots » reviennent ici-bas su terre – « demeure de mort » (mrtyu loka : ch. IX, v3). En réalité, l'homme a devant lui une destinée divine (cf. ch. XVI) et, il lui appartient, à lui en propre, de la vivre et de l'accomplir (cf. ch. XI).
Dans le long terme : Toute démarche religieuse qui repose sur une espérance personnelle, un désir de salut égoïste, est vouée à l'échec. L'homme ne peut échapper à la loi de son être divin - il peut seulement retarder l'échéance et ralentir longtemps son pèlerinage de retour, en pleine conscience, à son pôle divin. [Retour sommmaire]
Le cadre particulier de la Gîtâ pour décrire la situation de l 'homme
Pour représenter de façon réaliste le problème de l'homme face aux défis de sa vie, l'auteur de la Gîtâ a choisi de placer son discours dans le cadre d'une grande bataille, où vont s'affronter deux groupes de forces armées : celles qui représentent le Vieil Homme qui occupe le plus clair de notre domaine intérieur - en usurpateur, si l'on tient compte de la situation idéale où le Divin devrait régner en nous - et les forces qui représentent l'avenir réel, l’Homme Nouveau, qui est appelé à être le maître, capable d'incarner le Divin (Krishna) sur la terre.
On peut analyser ce que représentent les combattants. La Gîtâ n'est pas manichéenne et n'oppose pas le « Tout-Mal » au « Tout-Bien ». Comme chaque élément qui de cet univers émane du Divin, ce qui s'apparente au mal, aux ténèbres, aux forces terrestres, n'est qu'un ensemble d'aspects qui avaient un rôle à jouer mais qui ont fini, par l'action des hommes, dans un rôle dévoyé, excessif, où ils s'opposent activement à la progression des forces de lumière et d'Esprit. Le combat qui doit être livré maintenant pour traverser la crise et assurer un ordre nouveau, permettant de progresser dans le sens de la destinée divine, ne peut être mené par l'homme avec ses propres forces : il doit se tourner vers le Divin en lui-même, pour le guider, l'inspirer et finalement partager avec lui les péripéties de l'incarnation terrestre.
Dans la Gîtâ, l'homme qui combat pour « l'Homme Nouveau » est Arjuna qui, significativement, a choisi Krishna comme son conseiller et son conducteur de char. Cet Arjuna est notre image, lorsque nous relevons le défi de notre vie. Mais ce n'est pas n'importe quel aspect de nous-même.
La Gîtâ ne parle pas :
- à l'affligé qui attend du secours sans rien faire ou en priant un Dieu Sauveur,
- à l'homme attaché aux biens de ce monde, qui, au besoin, « achèterait » au Divin le bénéfice d'un bonheur personnel avec force prières, offrandes, sacrifices, etc., (cf. ch. VII).
La Gîtâ s'adresse au « guerrier », qui est prêt à se lever pour faire face aux difficultés de l'existence. Et encore, pas n'importe quel « guerrier ». Elle parle uniquement au « chevalier », au « héros » qui dort dans chaque être humain qui possède une « tête », un « cœur généreux », des « mains », ainsi que « des bras puissants ». Un homme capable de reconnaître ses devoirs vis-à-vis des autres membres de sa collectivité et de lutter, au besoin, en sacrifiant sa vie, pour l'idéal supérieur qui s'impose à lui.
Ainsi, la Gîtâ propose à l'homme-héros potentiel, allié à son pôle divin, de se mettre en marche pour accomplir sa destinée divine, tout en vivant sa destinée terrestre et, à travers les péripéties de cette destinée terrestre, faite de luttes, de choix, de prises de conscience, d'échecs et de réveils, d'aller jusqu’au but final. [Retour sommmaire]
Quelques étapes de la voie de l'Éthique selon la Gîtâ
A. Devenir conscient de ce qu'est l'homme et de sa position dans ce monde
La Gîtâ s'adresse à chaque homme - chaque Arjuna - en particulier, et l'aide à faire le point (cf. Chap. I et II), à la lumière de la philosophie évoquée précédemment. Bien distinguer le permanent, l'éternel, le périssable, le passager, et trouver sa voie dans ce monde où chacun a sa place, ses devoirs - où le sens de sa vie doit être découvert.
B. Se résoudre à prendre du recul et à jeter un regard nouveau sur les événements
Autrement dit commencer à se tourner vers la fine pointe de notre être et donner la prérogative, non plus à la voix discordante des désirs, des sentiments tumultueux liés à l'égoïsme et au sens du moi, mais à l'intelligence du cœur ou aussi bien au cœur de l'intelligence, avec, comme inspiration, l'idéal le plus noble - le plus en harmonie avec le Divin, qu'on recherchera non comme un Sauveur, mais comme un inspirateur - un ami proche, qui sera disposé à parler quand la voix du moi personnel, revendicateur et batailleur, se calmera.
Dans cet espace secret de l'âme, le tumulte du monde changera de signification. C'est la discipline du Buddhi-Yoga [la discipline de l’intellect, du mental, appelé à discerner et à faire les choix éclairés, par la lumière de l’Esprit] que Krishna conseille à Arjuna de suivre : « Prends refuge dans le Buddhi-Yoga ! » (cf. ch. II), un des seuls ordres qu'il donne à son ami dans toute la Gîtâ.
C. Accepter toute action qui se présente comme nécessaire - imposée pour la vie (c'est-à-dire, par karma) - mais l'accomplir comme une offrande, (cf. ch. III).
Ce Karma-Yoga s'impose, en se rappelant la loi d'interdépendance des êtres de l'univers qui ont tous un rôle à jouer - parce que chacun est à sa place par karma ; mais tous devraient agir comme s'ils remplissaient une fonction, sans attendre en retour un bénéfice personnel - l'économie de la Nature exige ce genre d'attitude. Par ailleurs, chacun, au poste qu'il occupe, doit mesurer sa responsabilité vis-à-vis de ses frères et donner l'exemple de la meilleure exécution possible de l'action pour entraîner les autres vers le bien idéal. Il y a pour chacun un rôle social à jouer ; c’est le svadharma (le devoir personnel) qui s'impose comme la loi de l'action dans l’économie du monde.
D. Comprendre que l'action, généreuse, bénévole et bien accomplie, ne suffit pas. Il faut chercher la connaissance - gnose - qui l'éclairerait et lui donnerait tout son sens
Participer au monde (sans le fuir), intelligemment et efficacement n'est qu'un premier aspect de la démarche. L'intelligence du cœur, libérée des tourbillons des passions, désirs, répulsions, craintes, qui surgissent dans l'âme indisciplinée, doit se tourner vers l'intérieur, pour découvrir la vision de l'ordre profond du monde - vision qui appartient à la vraie Sagesse (le « Yoga » enseigné par Krishna, et communiqué à l'humanité dès le début (cf. ch. IV).
Il faut donc chercher cette sagesse, là où elle se trouve (auprès des sages, ou auprès du Maître intérieur), par une puissante recherche, une attitude de service et d'ouverture dans l'humilité (où le « moi » se tait, et devient serviteur dévoué). Cette sagesse découvre « l'identité fondamentale des êtres avec soi-même », c’est l'Unité essentielle de ce cosmos, avec ses lois puissantes d'harmonie et de rythmes dynamiques. Cette sagesse surgit spontanément dans l'intelligence du cœur (cf. ch. IV, v. 38).
E. Vivre et expérimenter, dans la pensée et dans l'action, cette identité, cette non-séparativité des êtres en vue de provoquer le basculement de la conscience, qu'on appelle le « renoncement » (cf. ch. V).
Ce renoncement devient de plus en plus naturel - une nécessité d'évidence - quand on mesure que l'on est ici-bas pour accomplir une mission qui correspond à l'être que l'on est devenu, à qui rien n'appartient pour toujours des choses de ce monde, et qui, intuitivement, perçoit le rôle qui lui revient avec la responsabilité qui lui incombe, dans le concert des êtres qui évoluent en même temps que lui. Ce renoncement, ce « lâcher prise », cet abandon de tout projet personnel en vue d’un gain quelconque, lime progressivement les chaînes qui emprisonnent l’âme incarnée, qui, ainsi, s’harmonise de plus en plus avec le Divin intérieur (qui ne vise que l'universel à travers chaque individu).
L'homme devient de la sorte comme un frère aîné qui se soucie plus de la famille des êtres humains, sous l'angle de ses intérêts les plus élevés, que de son petit bonheur, ou de son confort.
F. S'approcher de plus en plus résolument du foyer divin intérieur, pour l'élévation du soi inférieur avec la lumière du Soi Supérieur, par la méditation (cf. ch. VI)
Cette élévation prend son sens quand toutes les étapes précédentes ont été entreprise avec comme fruit : la voie de communication entre la conscience personnelle (dans l'intelligence du cœur devenue libre et active) et le foyer divin qui illumine et soutient l'âme dans sa trajectoire, s'ouvre progressivement.
Il y a alors une réponse de plus en plus positive de ce Divin - par l'émergence spontanée de la connaissance spirituelle qui doit guider l'individu (cf. ch. X), puis, par un combat d'âme à Âme, pour ainsi dire, où le soi divin fait entendre sa voix et ses ordres pour la conduite de la vie.
Dans cette voie, l'homme qui s'approche ainsi de son Soi Supérieur finira par découvrir non seulement sa propre identité essentielle avec ce soi mais aussi l'identité de tous les êtres avec lui (cf. ch. IV).
Quand ces étapes sont franchies, ou à mesure qu'elles se franchissent, dans l'esprit de la Gîtâ, naît dans l'être la véritable dévotion (bhakti). Cette Bhakti n'est pas un simple culte rendu à un dieu personnel sauveur, avec adoration passionnée à ce dieu, etc., ou fondée sur une foi aveugle. Cette bhakti enseignée par Krishna exige que soit libéré dans l'être le grand pouvoir d'amour, égal pour toutes les créatures, amis et ennemis, dont le soi supérieur est le foyer dans l'homme.
Ce qui implique :
- Une intelligence libérée de toute illusion et entrave.
- Une capacité infatigable d'agir pour le service l’humanité et l'harmonie du monde.
- Un cœur pur et dégagé de tout attachement, par un renoncement naturel et authentique.
- Une âme à l'unisson avec son foyer spirituel éternel.
On voit qu'une telle réalisation est exigeante, et le fruit d'une longue métamorphose intérieure ; c'est seulement le XIIème chapitre qui porte le nom de Bhakti Yoga.
La Gîtâ ne s'arrête pas au Vlème chapitre (relatif à la méditation), car la maturation de l'être dans le sens spirituel se poursuit au fil de ses efforts et de ses conquêtes.
La Gîtâ ne serait pas un texte théosophique, de valeur universelle, si elle ne débouchait pas sur la voie de l'initiation.
On conçoit qu'il doit y avoir d'autres étapes pour s'élever vers le Divin et finalement communier pleinement avec lui, se fondre en lui. Mais là, l'effort individuel ne suffit plus, il faut l'aide d'un guru initiateur. À partir du chapitre VIl, l'idée de dévotion, bhakti, revient de plus en plus et, en même temps, l'allusion à la Doctrine Secrète, que seul un initié peut communiquer. [Retour sommmaire]
Jusqu'au IXème chapitre, intitulé « La science royale et le souverain mystère » où Krishna reconnaît en Arjuna le disciple choisi, qu'il va maintenant conduire vers des étapes de plus en plus profondes de réalisation et d'éveil.
Il faut analyser en profondeur les chapitres qui suivent - en particulier le XIème, où Arjuna assiste à l'impressionnante transfiguration de son Maître ; et pour suivre le détail des enseignements, faits d'analyses serrées des « réalités » de notre monde physique et psychique, de mises en garde et d'exhortation à suivre la voie mystique, où le disciple pénètre des mondes inconnus, où seuls le soutiennent sa volonté, sa consécration et son Amour du Maître.
Et la Gîtâ reste « Théosophique », « Initiatique », jusque dans son achèvement :
- Le libre arbitre de l'homme est préservé jusqu'au bout : à l'homme libéré, Krishna dit : « Agis comme il te semblera le mieux », (cf. ch. XVIII).
- « Abandonne toute religion instituée, une fois que tu as trouvé la voie que je t'ai enseigné », c’est-à-dire hors de toute « forme » et de tout exotérisme.
- Compassion (intelligente).
La note dernière résonne, comme une injonction théosophique. Cette Sagesse, cette connaissance révélée au disciple par l’amour du Maître, doit être redonné aux hommes : « Il n’y aura pas d’autre serviteur plus cher au Maître que celui qui se chargera de cette tâche ». C'est la loi de la compassion qui oblige l'Aîné qui a trouvé la Vérité à revenir dans le monde, pour la faire découvrir aux autres et maintenir vivante la grande chaîne Guruparampara, la chaîne des Maîtres-disciples. [Retour sommmaire]