La santé de l’homme personnel

La santé de l’homme personnel

22 Avr, 2023

Sommaire
Introduction
I - Nourriture et habillement
II - L’Exercice physique et la respiration
III - Attention et sommeil
IV - Idéation et imagination


Introduction

« Une maladie n’est pas une entité… une maladie est un événement personnel. Elle fait partie de l’individualité elle-même. Autant de maladies différentes que de patients. » - Alexis Carrel dans L’homme, cet inconnu.

« Quelle est la place de la santé dans l’idée de salut ?... Le salut peut se décrire comme l’acte de ‘guérison cosmique’ » - Paul Tillich dans The Review of Religion, May 1946.

« La nature de l’homme est complexe. La partie de son être qui est composée de l’âme, de la conscience, du mental et de la raison est divine ; et, à partir de ses éléments supérieurs, il semble capable de s’élever jusqu’au Ciel. Alors que sa partie [matérielle] cosmique et de ce monde, formée de feu, d’eau, de terre et d’air, est mortelle et demeure sur la terre, afin que ce qui est emprunté à ce monde, puisse lui être restitué.
« C’est ainsi que l’humanité est composée d’une partie divine, et d’une partie mortelle (le corps). La loi de cet être double (l’homme), est la religion, dont l’effet se traduit par la bonté. La perfection est atteinte lorsque la vertu de l’homme le préserve du désir, et le pousse à mépriser tout ce qui lui est étranger. » - Asclépios, “Sur l’initiation” dans La Vierge du Monde.

Un désordre dans les habitudes extérieures, témoigne un désordre du mental. Cependant, entre le mental et le corps, il y a les nerfs de la Nature, appelés les élémentaux. Certains d’entre eux sont les déités qui président sur nos sens et nos organes corporels. Sans eux, aucune action n’est possible. Cette substance nerveuse de la Nature est vivante et consciente comme toutes autres choses dans le cosmos. Notre pensée, notre volonté et nos sensations humaines attirent à nous les esprits de la nature, et ces intelligences ainsi attirées jouent un rôle important dans notre vie quotidienne – dans la mauvaise humeur, ou dans l’enthousiasme ; dans l’exécution prompte ou tardive des devoirs ; dans le développement d’habitudes d’ordre, de propreté et d’exactitude, de laisser aller dans l’habillement ou sur le bureau, en mangeant et buvant, en rédigeant une lettre ou en établissant un bilan comptable… Ces élémentaux ou esprits de la nature sont intimement liés à nos skandhas.

Les skandhas composent l’homme personnel. Chacun, par sa pensée, sa volonté et ses sentiments, marque sur la substance nerveuse, ou l’essence nerveuse qu’il attire à lui, l’empreinte de sa propre signature ou son monogramme. C’est ainsi, que nous créons nos propres élémentaux tanhaïques. L’homme personnel peut être décrit précisément par son mental inférieur, ou Kãma Manas, qui attire et retient les élémentaux de la nature de tanha. Mais le facteur manasique dans le mental inférieur est une radiation, provenant du mental supérieur ; c’est-à-dire de l’Ego individuel uni à la duade Âtma–Buddhi. Il existe entre les deux Manas, l’inférieur et le supérieur, le pont composé par les aspirations du mental inférieur pour obtenir la présence à son coté et la direction de son parent. Mais, pris tels que nous le sommes dans les élémentaux de nature tanhaïque, ces aspirations ne sont pas prises en compte ; alors, elles deviennent muettes, et, avec le temps, s’atrophient. Ces aspirations constituent non seulement la force qui permet au manas inférieur de se libérer des liens d’asservissement des élémentaux mais, lorsqu’elles sont correctement cultivées, elles deviennent aussi ce qui fonde la vie supérieure.

Quelles sont nos aspirations ? Elles sont de deux sortes : supérieures et inférieures. En premier, il y a le mouvement ascendant du mental inférieur vers la vie supérieure, et la réponse qui vient du supérieur. C’est le désir supérieur, et il est, à juste titre appelé aspiration. Puis, en second, il y a les désirs ardents de Kãma, les désirs inférieurs qui passent par les sens, et qui trouvent une réponse en termes d’attraction – aversion, envers la myriade d’objets du monde, de la chair et du diable. On ne peut s’élever à une grande altitude sans en respirer l’air raréfié, ni toucher de la boue sans se salir. La pensée, la volonté, et le sentiment, ou l’idéation et l’imagination, sont à l’œuvre dans les deux types d’aspirations : Impulsions et fantaisies sont liées aux désirs inférieurs ; l’imagination et l’idéation pures sont liées aux aspirations supérieures.

Bien qu’il soit surtout caché dans les activités des vies élémentales inférieures, le Manas inférieur est cependant capable, lorsqu’il est stimulé et poussé par ses aspirations, de répondre aux injonctions du Manas supérieur ; et cela parce qu’il est le Manas supérieur.

Comme actuellement Kãma absorbe toute notre pensée, les forces nerveuses élémentales de la Nature, attirées par Kãma trouvent soutien et énergie dans quelques aspects de notre qualité manasique. Il en est de même sur le plan supérieur, où Manas est animé par Buddhi. Buddhi est inconscient sur le plan inférieur, par contre, Manas y est conscient. Manas est le « principe conscient de la monade Âtma-Buddhi ». Lorsque Manas [Supérieur] devient actif sur ce plan, alors, vraiment, Christ est né en nous-mêmes.

À notre stade actuel, les aspirations supérieures meurent rapidement, car nous ne les vitalisons pas par la pensée ; et, par conséquent, la Volonté Spirituelle, qui est le pouvoir de Buddhi éveillée, est de ce fait faible, sinon absente. Nous devons donc, délibérément renforcer nos aspirations à l’aide du mental ; nous devrions influencer en profondeur la nature des désirs par des pensées justes, puis exprimer nos aspirations à l’aide du corps physique (lui-même façonné par les aliments). Sinon les images laissées dans le mental s’atrophient ; et les aspirations qui ne sont pas nourries continuellement s’affaiblissent puis meurent.

Les bonnes aspirations sont la pierre de fondation de la vie supérieure. Notre vie quotidienne est faite de nos désirs et pensées intimes, qui s’expriment en mots et en actes, et qui affectent notre environnement extérieur. Lorsque nos aspirations sont convenablement nourries, par l’étude, la réflexion, et la bonne compagnie, elles tendent à éclaircir notre environnement par l’effet de l’amélioration de nos élémentaux tanhaïques. Nos aspirations supérieures grandissantes trouvent un miroir en nos skandhas ; il est par conséquent nécessaire de nettoyer le miroir, et de le garder bien poli.

Nos skandhas se reflètent en nous-mêmes, et nous font décider quelle nourriture nous mangerons, quel genre d’habit nous porterons, quel exercice nous allons prendre ; nos paroles, comme notre silence, résultent des tendances inscrites dans nos skandhas, et affectent notre respiration, notre idéation, notre imagination. Ce sont donc nos aspirations, qui affectent notre imagination-idéation, qui devraient nous guider pour améliorer le rythme de notre respiration, de nos paroles et de notre silence, et nous indiquer comment exercer le corps, quel vêtement porter, et quelle nourriture consommer.

En conséquence considérons quels pourraient être le but convenable et l’utilité de la nourriture, des vêtements, de l’exercice physique, de la respiration et de l’attention, de façon à nourrir correctement nos aspirations supérieures sur ce plan de la vie de veille.

La Théosophie apprend à contrôler nos skandhas — à les entraîner par une éducation correcte. L’Occultisme fait référence à quatre paires de facteurs qui jouent un rôle déterminant, dans notre effort dans ce que l’on pourrait appeler le contrôle des skandhas. Ce sont :

  • la nourriture et l’habillement ;
  • l’exercice et la respiration ;
  • la concentration et le sommeil ; et enfin,
  • l’idéation et l’imagination.

Les deux premières paires sont en rapport avec l’aspect extérieur ou matériel des skandhas, les deux dernières, avec leur aspect intérieur et psychologique.

La base morale à prendre pour une pratique correcte est succinctement reflétée dans le poème intitulé le Miroir magique, en ces termes :

Aspirant à la Pureté, le cœur gémit comme gémit la grenouille dans l’attente de la pluie.
Fais que tes soupirs ne soient pas la cause d’une sécheresse qui affame, ou d’une inondation dévastatrice.
La sécheresse est mère de la misère ; le gaspillage engendre l’inondation.
Tous deux dépouillent la Nature. Ils deviennent matricides.
La Vérité est l’âme de la Pureté.
Aspire à la Vérité : apprend de son silence, et de ses lèvres sacrées, comment la Pureté peut être atteinte.

Aspirant à la Vérité, le cœur gémit, comme l’oiseau bulbul pleure après sa compagne.
Ne laisse pas le souvenir de la Vérité se tenir loin de toi.
La Vérité est le Pati, le seigneur et mari ; la mémoire est la Patni, la femme qui marche derrière [Pati et Patnî : deux mots courants en hindi, signifiant mari (d’où maître, chef) et épouse (« qui marche derrière »)].
La Vérité est éternelle. Oublie le faux, et la mémoire du Vrai jaillira spontanément en toi.

En aspirant au Souvenir, tu es semblable à l’esclave lié à la terre, désirant ardemment l’azur de l’akasha.
Tourne ton regard vers le Ciel. Regarde et observe avec vigilance et attention, zèle et enthousiasme.
Contemple la voûte de la Grande Mémoire, loin, très loin.
Avec Grâce elle descendra sur la couronne de la tête, puis jusqu’à la chambre secrète du cœur.
Sois vigilant. Garde en mémoire la Vérité. Atteints à la Pureté. [Retour Sommaire]

I- Nourriture et Habillement

« Abstiens-toi des aliments dont nous avons parlé, et dans les purifications,
« Comme dans la libération de l’Âme, décide, et réfléchis sur chaque chose »
Les Vers d’Or des pythagoriciens, (v. 67-68 – Trad. Léonard Saint-Michel – Éd. Typ. Marcel Bouin)

Le Maître dit, « Ni la robe et ni le vêtement porté par-dessus ne doivent prendre la place l’un de l’autre ; il en est de même parmi les humains, où aucun homme ne devrait troubler un autre, ni interférer avec lui ». « Quand une personne importante met un vêtement propre à son rang, il le porte comme le requiert son rang. Il tient des paroles conformes à de son rang ; et ses paroles il les rend vraies par ses vertus. Ainsi un homme important sera honteux de porter un vêtement, sans avoir le comportement qui convient ; honteux de sa conduite s’il n’a pas de paroles correctes ; honteux de ses paroles, si elles ne sont pas guidées par les vertus ; honteux de ses vertus, s’il ne donne pas l’exemple. » – Confucius

Dans son alimentation, comme pour tout le reste, une personne est encline à prendre une nourriture de type tamasique, rajasique, ou sattvique [voir Note 1] correspondant à son tempérament physique ; ce tempérament résulte de la nature des vies qui composent son corps. Sur le plan physique, nous reconnaissons la valeur ou la nocivité de certains aliments, en ne considérant que leurs effets sur la physiologie, et la santé du corps. Cependant dans leur quotidien, la plupart des personnes ne répondent qu’aux habitudes et aux caprices du palais, ses plaisirs et déplaisirs. La connaissance moderne attribue ses propres valeurs aux différents aliments. Elle reconnaît également l’utilité de l’hygiène dans la préparation et le service de la nourriture, mais sa connaissance des principes d’hygiène est très limitée. Les hommes et femmes d’aujourd’hui ignorent presque tout du magnétisme humain, ses propriétés, sa nature et ses fonctions. L’hygiéniste connaît la propreté physique, mais ne suspecte même pas l’existence du magnétisme, et la nécessité de la pureté magnétique. De la même façon, nous ne tenons pas compte de l’attitude intérieure pendant la préparation des aliments ; nous pensons à la nourriture uniquement comme quelque chose qui doit satisfaire le goût ou la faim. Lorsque nous essayons de pratiquer la doctrine ésotérique de notre philosophie, nous considérons et évaluons la nourriture différemment. La nourriture est vivante ; même une carcasse morte est vivante. La nourriture est composée de vie élémentales [voir Note 2]. Notre corps physique est appelé Annamaya Kosha, c'est-à-dire « l’enveloppe des aliments » ; la nourriture permet de développer et de transformer le corps. La détérioration ou l’amélioration de la santé et de la sensibilité du corps dépend dans une grande mesure de la nourriture. L’ordre, la propreté, l’attention au détail, sont nécessaires à toutes les étapes de la préparation et de la consommation des aliments. L’ordre implique philosophiquement parlant, de respecter les proportions géométriques et mathématiques, par contre celui dont le mental est négligeant et égoïste, ignore ces fondamentaux. La nourriture doit être considérée comme un don du Soi [voir Note 3] fait au corps, et par conséquent elle doit être prise de manière convenable, au bon endroit, et au bon moment. Le corps ressent-il de la reconnaissance pour un tel don ?

La connaissance moderne, par sa vision erronée de la nourriture, égare des masses de personnes. Cette erreur est admirablement décrite par Roy Walker dans son document d’information et de valeur, intitulé, Pain et Paix :

« La science moderne de la nutrition considère le corps humain comme une unité économique, une demeure qui doit être en ordre, sans tenir compte de son occupant intime ; cet habitant est une hypothèse qui renvoie formellement à un autre département de la science. Le nutritionniste pourvoira au besoin d’un corps « préfabriqué » ; l’âme, si elle existe, devra s’adapter à ce corps.

« Mais la véritable fonction des aliments est de pourvoir au bienêtre de l’homme entier ; de contribuer à l’idéal d’un mental sain dans un corps sain. La première règle simple de cette hygiène consiste à ne pas nourrir l’un au détriment de l’autre. De même que le mental et l’esprit sont « les freins et les contrepoids » subtils pour contrôler l’instinct physique sexuel dans le choix d’un partenaire approprié, de même devraient-ils éclairer l’appétit sur les besoins de nourriture du corps, afin que celle-ci, une fois transsubstantiée en notre propre chair, soit parfaitement appropriée à la personnalité. Il existe une « promiscuité diététique » qui est aussi nuisible à la bonne intégration des facultés humaines supérieures, que ne l’est la promiscuité sexuelle. L’énergie remarquable montrée par des hommes tels que Gandhi dans le passé, ou Shaw et Cripps aujourd’hui, n’est pas due à une grande consommation de protéines ou de vitamines (ils en consomment certainement moins qu’un consommateur moyen), mais au simple fait que chez eux, la pensée et le corps sont assis à la même table et nourris ensemble. Il n’est plus nécessaire de dissocier la pensée, de l’acte ; réprimer les images d’abattage d’animaux et la pensée de dégoût physique qui en résulte, et consommer de la viande et du sang. »

L’Abidhamma (livre VII) traite des quatre types de nourriture : (1) la nourriture matérielle ; (2) la nourriture pour les sens ; (3) la nourriture pour la volition mentale ; (4) la nourriture pour la conscience. Et Krishna dans la Bhagavad-Gîta déclare : « Je me joins à la respiration ascendante et descendante et je produis l’assimilation des quatre sortes d’aliments. » (XV.14)

Ceci est vrai aussi pour l’habillement. Une personne au mental attentif considère que le corps est une copie en miniature de tout l’univers. Comme la caractéristique de l’univers visible est la loi et l’ordre, il doit en être de même dans notre présentation extérieure ; c'est-à-dire que nos habits doivent être correctes, propres et appropriés. Sans quoi nous ne sommes pas à l’image du Divin.

Les prétendus yogis et fakirs ne prêtent aucune attention au bien-être et à l’éducation de leur corps, qu’ils peuvent même torturer ; de même, certains étudiants de la Théosophie négligent leurs vêtements. Les principes d’utilité, de bienséance, d’apparence etc. sont impliqués dans notre manière de nous vêtir, et comme le disait Confucius, « l’habit dévoile la nature de l’homme ». Le grand maître humaniste avait quelques pensées très sages sur ce sujet, que les étudiants théosophes feraient bien d’étudier et mettre en pratique.

Il y avait les habits pour les rites sacrés d’initiation aux Mystères « Mineures » [publics], dérivés de la Robe Shâna, portée dans les Mystères « Majeurs » [secrets]. La Robe Shâna est décrite dans la Voix du Silence comme « la robe d’initiation du Néophyte » [voir Note 4] ; de plus (dans ce même ouvrage) il est fait référence aux vêtements [ou corps subtils] ; les [trois] grands kayas [voir Note 5]. La franc-maçonnerie a ses habits symboliques correspondants aux nombreux grades — un vestige des anciennes institutions pour étudiants mystiques. L’étudiant Théosophe ne devrait-il pas réfléchir à tout cela ? Si le néophyte doit avoir un vêtement spécial pour son initiation, si des habits appropriés sont prescrits pour les Mystères « Mineurs » et « Majeurs », le travail public à la Loge Unie des Théosophes (L.U.T.) ne requiert-il pas quelque chose de semblable de la part de ceux qui y participent ? La dignité et la réalité intérieure des réunions de la L.U.T. ne devraient-elles pas être prises en compte par les membres qui assistent aux réunions ?

La texture d’un vêtement de coton est différente de celle d’un vêtement de laine ; mais qui prend en compte les propriétés magnétiques du coton, de la laine, ou de la soie ? Les gens admirent un costume bien taillé, et c’est bien qu’il en soit ainsi ; en saison froide, ils portent de la laine et en été, un coton léger ; mais qu’en est-il du froid ou de la chaleur psychique de celui qui porte un vêtement ? Sont-ils affectés par le magnétisme du coton, de la laine ou de la soie ? Pourquoi le rouge est-il considéré comme une couleur chaude ? Pourquoi le Bouddha avait-il choisi une robe jaune, et prescrivit-il à ses disciples le port d’une robe de cette couleur ? La teinte orange des habits des sannyasis [voir Note 6] a-t-elle une quelconque signification ? Ces questions sont importantes d’un certain point de vue, car très souvent les gens, y compris les étudiants théosophes limitent leur attention aux aspects extérieures, et perdent ainsi l’essentiel, oubliant l’adage plein de vérité de Ben Johnson — « Les singes sont des singes, quoi que revêtu de la couleur écarlate. » Combien sont vraies (et profondes) les paroles du Bouddha !

« Quel usage, ces tresses, cette peau de bouc, sot que tu es ?
« Au fond de toi il n’y a que passions,
« Et tu t’es fait une belle apparence ! » (Dhammapada, Verset 394 – voir Note 7)

Le principe que doivent adopter ceux qui professent la Théosophie, est succinctement décrit dans la lettre de W.Q. Judge à ses amis londoniens [lettre imprimée dans le deuxième volume des Lettres qui m’ont aidé [éd. Textes Théosophiques, pp.95-105 – texte disponible sur le site www.theosophie.fr ].

Rappelons au lecteur que les associations par paires : « la nourriture et l’habillement » et « l’exercice physique et la respiration » sont extérieures et objectives ; elles doivent suivre le développement subjectif accompli en relation avec les deux autres paires : « l’attention et le sommeil » et « l’idéation et l’imagination ». [Retour Sommaire]

II- L’Exercice physique et la Respiration

« La vie [prana, ou le souffle] est plus en vérité que l’espérance. Comme les rayons d’une roue sont engagés dans le moyeu, ainsi tous les êtres sont engagés dans la vie. La vie se soutient par la vie ; la vie donne la vie ; elle donne à la vie. Le père est la vie ; la mère est la vie ; le frère est la vie ; vie la sœur, vie le maître, vie le brahmane » Chandoya Upanishad, VII. 15 – 1. [Trad. Émile Servant – Éd. Belles Lettres – Paris]

L’un des constituants [intérieur] de l’homme est le corps astral [voir Note 8] : c’est la base du corps physique et le véhicule de prana, le souffle ou la vie. Dans l’Océan de théosophie, W.Q. Judge dit que Prana soutient toutes les formes vivantes. L’air est nécessaire au corps physique ; non seulement l’air, mais l’air pur ; non seulement l’air pur, mais aussi des poumons sains pour l’inhaler et l’exhaler, et une bonne santé pour ne pas polluer inutilement cet air. Il en est de même du corps astral, il doit être en bonne condition, afin de profiter de la force vitale ou pranique. De même que l’air circule dans le corps physique, le prana circule dans le corps astral. De même que l’air physique peut être pollué, de même le prana, en quittant le corps sous forme de magnétisme, peut polluer l’atmosphère ou au contraire la rendre plus propice à la santé. Tout ce qui pollue inutilement l’air, provient des matières en décomposition ou des tissus malades. Ce qui souille le prana, c’est la somme des mauvais sentiments et des mauvaises pensées ; principalement ceux qui auraient dû être chassés et qui par nos désirs [kama] se sont imprimés parfois consciemment en nous.

L’importance de l’exercice [physique] est reconnue par tous. Un corps sain a besoin d’exercices ; il est très probable qu’il se détériorait et tomberait malade s’il était privé d’exercices. Les systèmes sympathiques et cérébrospinaux du corps ont tous deux besoins d’exercices. La morbidité mentale, l’immobilisme psychique, et la léthargie corporelle, résultent souvent d’une négligence d’exercices. L’humour morbide sera plus important si on n’élimine pas [les toxines] du corps, par les exercices. La transpiration, l’élimination des toxines des tissus, et le rejet des déchets des intestins et des reins, sont tous affectés par l’exercice physique.

Depuis toujours, les occultistes ont parfaitement reconnu qu’un mental pur et sain avait besoin d’un corps pur et sain. Ainsi, au chapitre VI de la Bhagavad-Gîta, consacré au Dhyana Yoga ou la maîtrise du mental pour la concentration, nous trouvons l’enseignement selon lequel le dévot au mental ferme « doit dresser son siège dans un lieu pur, que ce siège soit solide, ni trop haut, ni trop bas… ; le corps, la tête et le cou fermes et droits, l’esprit résolu, le regard fixé sur la pointe du nez, sans regarder dans aucune direction, le cœur en paix et libéré de la peur… » (Versets 11 et 13). Notons que le cœur, le mental et le corps, sont là unis ensembles. Comment devons-nous comprendre cet enseignement de la Gîta ? W.Q. Judge dans les Notes sur la Gîta déclare :

« Fixer un point du mur, pendant une durée déterminée, ou rester pendant un autre laps de temps dans un état mental de vacuité parfaite, qui dégénère bientôt en sommeil, ce n'est pas cela la méditation. Toutes ces choses sont de simples formes qui, à la fin, ne produisent aucun bien durable. » [Voir Note 9]

La pensée profonde de W.Q. Judge est confirmée par les commentaires de Shankaracharya sur ce verset :

« Un corps droit peut être en mouvement, tout en pouvant être qualifié « d’immobile ». Il doit fixer son regard comme s’il était dirigé vers la pointe de son nez. — Ici, nous devons comprendre l’expression « comme s’il était » ; car le Maître veut dire, non pas l’acte qui consiste à « regarder la pointe de son nez, » mais le fait de fixer le regard à l’intérieur (en le retirant des objets extérieurs) ; et ceci, dépend bien sûr de la fermeté du mental. Si, d’un autre côté, l’acte véritable consistait à « fixer la pointe de son nez » alors le mental se fixerait uniquement à ce niveau, et non pas sur le Soi. Ainsi, le Yogi doit concentrer son mental sur le Soi comme il est enseigné dans le chapitre VI, 25 [de la Bhagavad-Gîtâ] « Ayant fixé son mental en repos sur le vrai Soi, il ne devrait penser à rien d’autre ». L’expression « [fixer son regard] comme s’il était » doit être comprise comme “ fixer le regard à l’intérieur ” ».

Essayons maintenant de comprendre ce qu’un maître du Yoga comme Patanjali a enseigné dans ses Aphorismes à propos des postures et des positions du corps qui impliquent un mental calme et maitrisé. La posture doit être « agréable et ferme » non seulement d’un point de vue physique, mais aussi du mental. Toutes les postures indiquées par les commentateurs ne sont pas forcément faciles pour le corps. Il y a beaucoup de confusion et d’incompréhension à propos des postures et du souffle (asana et pranayama). La science occulte fait une paire [de l’association] « exercice et respiration », et les postures de Patanjali sont un exemple d’exercices. Les commentaires de Vyasa et ceux de Vachaspati mentionnent quelques-unes de ces postures. Plus tard, d’autres enseignants et praticiens moins fiables n’ont pas compris quelle était l’intention initiale et ont créé plus que de la confusion ; les pratiques sont devenues un vrai danger pour la santé du corps et du mental. Ce qu’aujourd’hui, les Hindous ne comprennent pas pleinement, c’est que les postures et autres exercices de yoga doivent suivre [et non précéder] l’entrainement et les mouvements du mental. La compréhension des exercices physiques, incluant la respiration, est à double sens. Il est dit ceci par Charles Johnston, en s’adressant à l’aspirant Théosophe, sincère et sérieux :

« Nous abordons ici un point de l’enseignement qui a manifestement une double signification. La première est physique et concerne l’attitude corporelle et la régulation du souffle de l’étudiant. Ces points ont une influence directe sur la vie de l’âme, la vie de l’homme spirituel, car il est toujours et partout vrai que notre étude requiert un mental sain dans un corps sain. Il est précisé que pour l’étude et la méditation, la position du corps doit être ferme et sans tension, afin que les courants subtils de vie puissent poursuivre tranquillement leur course.

« Ceci s’applique aussi à l’équilibre que l’âme que doit atteindre, par une assise et une stabilité que rien ne peut ébranler et où la conscience repose sur la fondation stable de l’être spirituel. L’âme est alors comme une maison bâtie sur le rock, que les vagues et le vent ne peuvent ébranler. »

Maintenant il s’avère que les exercices de postures et de respiration, centrés uniquement dans et sur le corps physique, ont à la longue des effets désastreux. Ils transforment la discipline divine du Raja Yoga, en la discipline quasi-démoniaque et matérialiste de l’Hatha-Yoga. Le conseil de W.Q. Judge est, comme d’habitude, d’un bon sens sain et sacré :

« Pour éclairer le mental de l'étudiant, il faut remarquer que les « postures » exposées dans différents systèmes de « Yoga » ne sont absolument pas essentielles au succès de la pratique de la concentration et à l'obtention de ses fruits ultimes. De telles « postures » prescrites par des auteurs hindous sont basées sur une connaissance exacte des effets physiologiques qu'elles produisent. Mais, de nos jours, elles ne sont possibles que pour les hindous qui y sont accoutumés dès leur plus jeune âge. (Aphorisme de Patanjali – livre II, commentaire à l’aphorisme n°46 – Éd. T.T.).

Ces postures sont devenues dangereuses aussi pour les générations actuelles d’Hindous. L’engouement pour les exercices de yoga, du nom de swadeshi, est largement répandu ; ces exercices préconisés par les talimkhanas et les gymnastes se révèlent trop astreignants pour les Hindous d’aujourd’hui, dont les corps se détériorent rapidement.

Le docteur Alexis Carrel, dans son livre, L’homme cet Inconnu, a quelque chose d’important à dire à l’homme « civilisé » et « éduqué » :

« Il est bien connu qu’un ensemble de muscles se développe par des exercices appropriés. Si nous désirons fortifier non seulement les muscles, mais aussi tout le système responsable de leur nutrition et les organes qui permettent de soutenir un effort corporel prolongé, des exercices plus variés que les sports classiques sont indispensables. Ces exercices sont les mêmes que ceux qui étaient pratiqués quotidiennement dans une vie plus primitive. Les exercices d’athlétisme, enseignés dans les écoles et les universités, ne permettent pas d’acquérir une réelle endurance. Les efforts qui nécessitent l’aide des muscles, des vaisseaux, du cœur, des poumons, du cerveau, de la moelle épinière et du mental – autrement dit de l’organisme entier – sont nécessaires à la construction de l’individu. »

Dans un autre passage il fait le commentaire suivant :

« Le Golf pratiqué le samedi et le dimanche, ne compense pas l’absence d’activité du reste de la semaine. En abandonnant tout effort physique dans la vie quotidienne, nous perdons, sans en être conscients, le bénéfice qu’un exercice régulier aurait pu apporter pour le maintien du médium intérieur...

« En résumé, les exercices intermittents de l’homme moderne, tels que le tennis ou le golf, ne sont pas équivalents, à une activité physique continue, toujours nécessaire, comme le faisait nos ancêtres. Aujourd’hui, l’effort physique est pratiqué à des moments et des jours particuliers, et à l’état habituel, le système organique, les vaisseaux sanguins, les glandes sudoripares et endocriniennes sont au repos. »

Aussi judicieuses que peuvent être les suggestions du docteur Alexis Carrel, elles ne sauraient convenir pleinement à l’étudiant théosophe. L’Ésotériste doit pratiquer la discipline divine et maintenir un équilibre convenable entre le corps et l’âme-mental. Le corps est le véhicule du Soi incarné ; les désirs s’attachent au corps ; l’équilibre entre l’âme et le corps dépend grandement des effets des désirs sur le corps, et du corps sur les désirs. Les exercices physiques doivent cependant être pratiqués par le néophyte, en prenant en compte les désirs, les pensées et la volonté. « Ton âme ne peut être blessée que par les errements de ton corps. » La discipline divine est basée sur le principe du juste milieu ; ainsi, nous devons entraîner le corps avec douceur, sans violence, en étant attentif à l’activité du cerveau et du système cérébrospinal.

Chaque exercice du corps affecte le souffle, et par conséquent, la respiration qui est la seconde partie de la paire « exercice-respiration ». Un dommage bien plus grand est fait au corps par la pratique du pranayama que par les postures (asana). En parlant des trois exercices du souffle nasal appelés Puraka, Kumbhaka, et Rechaka, H.P. Blavatsky déclare qu’ils sont « très pernicieux pour la santé » [voir Note 10]. Elle fait aussi référence au véritable pranayama, le souffle du mental ou de la volonté qui régule et harmonise la respiration du corps. En métaphysique et sur le plan cosmique, l’Esprit Divin souffle, pendant qu’Il plane au-dessus des eaux de l’Espace, avant la manifestation d’un Univers ; c’est le souffle archétypal ou pranayama [qui se propage de] l’intérieur vers l’extérieur. L’étude du Grand Souffle, dans la Doctrine Secrète, indiquera ce qu’est le véritable pranayama, et il est conseillé au nouvel étudiant de toujours procéder de l’universel au particulier. Une simple et profonde respiration satisfait pleinement aux conditions mises en avant par Vyasa : « L’inspiration de l’air extérieur, et l’expiration, le rejet au-dehors de l’air absorbé, est la régulation du souffle (ou pranayama). »

Dans son véritable sens, pranayama, est l’inspiration, la rétention et l’expiration rythmique du souffle, à l’image des Pouvoirs Macrocosmiques qui insufflent leur souffle dans l’Univers, puis le ré-aspirent. La courte pause qui est faite dans toutes les actions, symbolise le moment ou la conscience prend ou relâche son contrôle : [le moment] Balance ou le point d’équilibre.

De même que l’exercice, l’hygiène et la nourriture sont nécessaires au corps, de même ces choses sont nécessaires au corps astral. La propreté du corps astral est obtenue en chassant les pensées mauvaises et égoïstes qu’il retient, par des bonnes pensées et des sentiments harmonieux. C’est pourquoi, il nous est recommandé de lire des livres « sacrés », particulièrement ceux qui ont le pouvoir d’attirer les forces positives de la nature. Toute aussi importante, est la revue quotidienne pour prendre conscience de ce qui est dans notre mental et notre cœur et que nos actions révèlent. Mais cette revue quotidienne sera finalement peu bénéfique, si elle ne s’achève pas par une vision prospective illuminée de pensées spirituelles, à l’instar de la revue qui marque la fin de la période dévachanique [voir Note 11].

Il y a une relation étroite entre l’exercice physique et la santé du corps astral avec ses sens et ses nerfs, que sont prana et kama. Comme nous le disons parfois, « je me suis promené pour l’éliminer, » en faisant allusion à une peine émotionnelle [kamique] ou à un dérangement physique ! Les exercices physiques stimulent le souffle, permettent de transférer plus d’air aux organes, et d’éliminer plus de toxines du corps. Il en est de même avec prana. Prana circule à travers le corps astral, et lorsqu’il est exhalé, il correspond à l’expulsion du souffle. Lorsque nous ne nourrissons pas de mauvais sentiments par la pensée, ils dépérissent et meurent. Et même s’ils ne sont pas détruits, au moins ils ne sont plus entretenus.

Les exercices physiques nous mettent en contact avec la sphère de l’air ; les sentiments et les pensées que nous entretenons pendant ces exercices sont un facteur important, car les sylphes (les élémentaux de l’air associés aux pensées) influencent très fortement notre tempérament, en bien ou en mal. Lorsque l’ozone ou l’oxygène est inhalé par les poumons physiques, que font nos « poumons-pensées » et nos « narines-sensations » ? L’air d’un quartier insalubre est vicié ; l’air au sommet d’une montagne est vivifiant ; un coup de vent violent peut nettoyer et une brise légère ré-énergiser. De la même façon les « poumons du mental », et les « narines des émotions » doivent être pris en compte dans les exercices du corps physique.

Ainsi même dans les choses de la vie quotidienne que sont la nourriture, l’habillement, l’exercice physique, la respiration, le penseur, l’homme véritable, devrait toujours songer à la grande Mère Nature. [Retour Sommaire]

III- Attention et Sommeil

« Le disciple devrait toujours rendre hommage à son Maître ; et libéré de l’inattention, il devrait sans cesse désirer l’instruction » — Sanatsujātīya
« Le jour, nous sommes ici, tous ensembles. La nuit, nous sommes loin. Chacun se trouve, par les rêves, dans d’autres mondes. » – Robert Herrick.

Nous pouvons considérer le sommeil comme un relâchement de l’attention. Nous disons, à un ami qui est inattentif à l’état de veille, « tu es endormi ! ». S’il est vrai qu’à l’état de veille, nous développons une haute capacité d’attention, nous oublions la vérité selon laquelle, les autres états de conscience, ne sont que des extensions de l’état de veille. Lorsque le corps dort, la conscience continue d’œuvrer dans l’état subjectif de rêve, et conserve toujours son pouvoir – son attention.

Il n’y a qu’une conscience, qu’une attention, quel que soit le plan ou l’objet sur lequel elle se focalise. Elle est une, colorée soit par les qualités supérieures de Buddhi-Manas, soit par les qualités inférieures de Kama-Manas. Ce que bien souvent nous ne parvenons pas à comprendre, c’est qu’il faut éviter de fixer notre attention là où nous ne le voulons pas ; et nous ne devrions jamais vouloir la fixer sur ce qui, à notre connaissance, va la dégrader. Si nous pouvons nous rappeler que l’attention soumise à Kama [les désirs] donne vie à des forces mauvaises, ceci nous sera bénéfique car nul d’entre nous à ce stade ne souhaite vraiment donner naissance à ce qui est mal.

L’attention est donc double. Nous nous souvenons de l’histoire de Samson dont les cheveux furent coupés pendant qu’il était endormi, le privant ainsi de sa force. Il y a une vérité cachée dans cette histoire. Personne ne devrait se permettre de perdre sa vigilance ; il en a besoin dans le but de surveiller quels genres de forces il attire, et auxquelles il donne vie et forme.

Le pouvoir d’attention de la conscience subjective est différent de celui de la conscience de veille. À l’état de veille, nous sommes conscients des objets, des choses et des êtres. Ceci influence notre conscience et, lorsque nous dormons, ces impressions deviennent les sujets de nos rêves – un pot de fleur qui était un objet dans la conscience de veille, devient une image ou un tableau subjectif ; de même, notre ami ne nous parle pas dans l’état subjectif de rêve ; nous voyons imprimée sur notre conscience l’image que nous avons de lui et nous entendons nos propres paroles comme si elles provenaient de lui. Cette image, ces mots, résultent de notre observation et de notre attention à l’état de veille. Si notre capacité d’observer est faible et imprécise, et notre concentration aléatoire et chaotique dans la vie objective de veille, l’état subjectif sera confus, mélangé, et irrégulier.

Tous deux, l’attention et le sommeil, affectent la composition des vies skandaïques, et des élémentaux tanhaïques. Notre attention doit être convenablement développée dans la vie de veille. En effet une observation bien mémorisée nous permet de rester vigilent, et fournit l’information qui nourrit notre pouvoir de penser et de raisonner. De même les impressions sur la conscience des perceptions et des réflexions de la vie de veille, restent actives dans l’état de rêve, et deviennent un facteur important dans notre élaboration de rêves chaotiques ou clairs.

L’important recueil des paroles du Buddha connues sous le nom de Dhammapada, contient un chapitre entier sur le thème de l’attention. Le premier verset de ce chapitre est suffisamment fort pour montrer l’importance accordée par le Maître à l’attention :

« La vigilance est la voie de l’Immortalité. Et la négligence celle de la mort. Qui est vigilent ne meurt pas. Qui est négligent est déjà comme mort. » [Verset 21, Dhammapadha — Trad. Le Dong ; éd. Du Seuil]

Le point de vue ésotérique sur le sujet de l’attention est admirablement mis en évidence par Robert Crosbie dans The Friendly Philosopher [p.135 – Ed. The Theosophy Company – USA] :

« L’univers entier n’existe que pour les besoins de l’Âme. L’Âme est l’individualisation de l’Être. Nous, qui sommes des êtres soi-conscients, nous devons rester suffisamment longtemps esclaves de la matière, pour donner aux entités inférieures séparées, l’impulsion nécessaire pour les amener à la soi-conscience. La majorité des personnes accomplissent cette tâche inconsciemment, en partie bien et en partie mal. Il est possible d’accomplir cette tâche consciemment, libre de tout attachement, et d’une manière juste et bonne. »

La contemplation est impossible sans la concentration, et cette dernière dépend du pouvoir d’attention. Accomplir toutes choses attentivement implique de la concentration. L’étudiant qui se concentre pendant sa courte période de méditation, sans l’être pendant toutes les autres actions quotidiennes, in fine ne pourra pas méditer véritablement ne serait-ce qu’un très court instant. Pour réussir ce que Robert Crosbie suggère – et c’est le devoir de l’Ésotériste en rapport avec ses vies, ses élémentaux skandhaïques et tanhaïques – c’est que chacun doit obligatoirement développer le pouvoir d’attention.

Dharana [voir Note 12], le sixième stade décrit par Patanjali, est souvent considéré comme l’attention qui permet la contemplation et qui culmine en Samadhi, la vision extatique, ou l’attention suprême qui est capable de voir l’univers dans un grain de sable – l’Unité composée d’unités, le multiple dans l’Un. Cette concentration supérieure s’appelle Chitti-Shakti, « le pouvoir de la conscience pure » (Johnston), « le pouvoir de la conscience établie dans sa propre nature » (Vyasa), « le pouvoir de la conscience libre de toute affliction » (Vachaspati). Le Dr. Bhaga van Dasji dans son Yoga-Sutra-Bhashya-Kosh, nous aide [à comprendre] par ces mots : « Ce qui est conscient de chaque chose et de toutes les choses, ce qui inclut tout le passé, le présent et l’avenir, ce qui est derrière, ici et devant, est tout englobé, rassemblé et uni en un Présent Éternel et un Ici Infini ». Cet aspect métaphysique et super-psychologique de l’attention amènera l’étudiant à percevoir combien ce principe est important, et comment il présente différentes expressions touchant la Vie Supérieure. L’attention joue ainsi un rôle essentiel dans la conduite de sa vie personnelle.

Le développement de l’attention dans la vie courante et au travail, se fait en parallèle avec la progression de l’âme humaine dans son ascension vers des mondes et des états spirituels supérieurs ; l’attention est concomitante avec chaque progrès fait sur le Sentier de l’Union ou Yoga.

Nous avons associé l’attention avec le sommeil car elle joue un rôle important dans les états subjectifs de rêves (swapna) et de sommeil sans rêve (sushupti) quand le corps est endormi [voir Note 13]. Les rêveries oisives dans la vie de veille proviennent de la léthargie mentale qui est l’inattention ; les rêves confus et chaotiques sont aussi le fruit de l’inattention. Nous ne pouvons pas développer l’attention [ou la concentration] dans les états subjectifs de conscience ; nous devons commencer par pratiquer la concentration pendant la vie de veille. La vigilance à l’état de veille et l’attention sont intimement liées. Être éveillé, c’est être attentif et vice versa. L’exactitude de nos perceptions [intérieures] pendant le sommeil dépend du développement de notre pouvoir d’attention dans notre conscience de veille. Les rêves qui ne sont que de simples fantaisies ou des images confuses et chaotiques, ainsi que les rêves d’avertissements, rétrospectifs ou allégoriques, sont directement liés au pouvoir d’attention exercé par notre conscience personnelle. Les rêves envoyés par les Adeptes, comme Leurs messages envoyés à notre conscience de veille, nous parviennent ou se perdent, en fonction du développement de cette même faculté.

Le Sommeil du corps implique une diminution de l’activité de la conscience de veille. Nos organes, nos sens et notre cerveau, spécialement les hémisphères cérébraux, deviennent passifs ou non actifs. Quand ils sont endormis notre conscience passe dans l’un des deux états subjectifs qui on été nommés ci-dessus – swapna, l’état de rêve, et sushupti, l’état de sommeil sans rêve. Chacun de ces états ayant plusieurs degrés et modes de conscience subjective.

La Voix du Silence [pages 21-22 ; éd. Textes Théosophiques] décrit, avec l’image des trois Salles, les aspects pratiques de l’attention, correspondant aux états objectifs et subjectifs. Dans l’état de veille nous avons des rêveries, utiles ou nuisibles ; par la méditation nous cultivons notre capacité d’attention au niveau de Dharana, Dhyana ou Samadhi. De bons exercices psychologiques, mentaux et moraux, pratiqués régulièrement pendant la vie de veille, nous préparent à des activités justes et utiles dans nos états subjectifs.

Nous ne pouvons donner ici qu’un résumé de ce qui est nécessaire pour répondre aux objectifs de cet article. L’état de veille ou jagrat est comparé à la Salle de Douleur et d’Ignorance [Ibid, p. 18 et 21]. La souffrance et le chagrin nous pousse à chercher, c’est-à-dire à interroger et questionner, et nous conduisent ainsi à la connaissance. L’état de rêve ou swapna est double dans sa subjectivité – un aspect est une extension de l’ignorance et de la douleur, et il est confus, cauchemardesque, chaotique ; l’autre, est comparé à la Salle d’Apprentissage où nous apprenons en passant des tests et des épreuves qui nous montrent comment un serpent se cache sous chaque fleur de l’existence terrestre. Ces tests et ces épreuves atteignent l’étudiant par le biais des élémentaux ou les esprits de la nature – les gnomes, les ondines, les sylphes et les salamandres – qui jouent un rôle important dans la formation de nos vies skandahïques et nos élémentaux tanhaïques.

Enfin, la Science de l’occultisme recommande que l’étudiant sincère développe sa capacité d’attention à l’état de veille, de façon à réduire au minimum, le premier aspect des rêves subjectifs [en swapna] qui retarde le moment particulier et propice à l’acquisition de la connaissance et de l’expérience. Quel est ce moment ultérieur, particulier et propice ? C’est Sushupti ou le sommeil sans rêve ; l’état subjectif dans lequel, notre conscience tournée vers l’intérieur plonge dans les Eaux de la Conscience Supérieure, où tout [ce qui est inférieur] est oublié, et où la conscience demeure dans son propre état de pureté.

Nous tirons un grand bénéfice à penser au caractère et à la nature de l’état de sushupti, quand nous sommes dans l’état de conscience objective de veille. Dans le sushupti de l’homme ordinaire, il n’y a pas de dualisme ; joie et bonheur sont sans mélange ce qui fait que cet état n’est pas connu, mais seulement ressenti. Mais pour l’étudiant sérieux qui étudie la Science de l’occultisme, il doit en être tout autrement. Pour lui, sushupti, ne devrait pas être conditionné au point de ne pas pouvoir faire dans cet état de distinction entre le soi et le non-soi. Il doit comprendre le sens profond de l’enseignement de la Voix du Silence à propos de sushupti, ou la Salle de Sagesse. Il est dit que, le véritable Maître ne doit pas être recherché dans les états [de conscience] de jagrat ou de swapna, mais en sushupti : « Cherche celui qui doit te donner naissance dans la Salle qui est au-delà, la Salle de Sagesse, où toutes les ombres sont inconnues et où la lumière de la vérité resplendit d’une gloire inaltérable » [Ibid., p. 22].

La note suivante en bas de page du livre est aussi importante ; c’est dans la Salle de Sagesse que peut être trouvé, « l’Initié, qui par la Connaissance qu’il donne à son disciple, le guide vers sa naissance spirituelle, ou seconde naissance. Pour cette raison, il est appelé Père, Guru, ou Maître ». [Ibid., p. 23].

Dans un article de Murdhna Joti, publié par W.Q. Judge, il est dit de sushupti que : « c’est l’état de sommeil sans rêve dans lequel la conscience la plus haute du mystique – formée de ses facultés intellectuelles et éthiques supérieures – cherche et saisit n’importe quelle connaissance dont il a besoin » [article « Clairvoyance », Cahier Théosophique n°14, p. 2].

Mais ceci ne devient possible, que lorsque l’étudiant approfondit sérieusement les deux sujets d’étude que sont, le Soi Supérieur, et le Maître–Guru–Initiateur. Pour obtenir une véritable connaissance de ces deux sujets, nous avons besoin, dans une certaine mesure, d’utiliser Buddhi. Une fois de plus, il est important de considérer ce qui est implicitement dit par H.P. Blavatsky dans le Glossaire Théosophique [au sujet du Corps causal] : « Buddhi, l’Âme Spirituelle, est… la cause directe de la condition de sushupti ». Elle recommande à l’étudiant d’activer Buddhi, qui est actuellement dans un état de passivité. Au fur et à mesure qu’il approfondit son étude sur la nature et le caractère de son propre Dieu Intérieur et Soi Supérieur, et sur les pouvoirs de son Mental Supérieur et de Buddhi, il rend [ces deux principes] actifs. Mais les préceptes tirés d’une telle étude doivent être confirmés par l’exemple [l’action altruiste pour les autres]. Les Maîtres sont des Êtres Buddhiques ; leur faculté d’intuition cognitive a été pleinement développée. Ce qui fait que pour Eux sushupti n’est plus un état subjectif ; il est devenu Turya — « un état de haute conscience spirituelle ». Ils vivent, aiment, et agissent à partir de cet état supérieur.

Lorsque l’étudiant, par l’étude et l’expérience, a acquis une certaine idée de ces sujets dans jagrat, il lui est possible chaque fois que son corps est endormi, de réduire son état de rêve [swapna], afin de rallonger et utiliser l’état de sushupti. C’est alors la qualité d’attention [supérieure], qui correspond à Dharana et à Dhyana, qui est développé par cette étude particulière [en sushupti].

Quand l’âme a gagné le degré d’éveil permettant à œil intérieur [le troisième œil ou l’œil spirituel] de voir le Guru, à l’organe de la parole de l’interroger et à l’oreille intérieure d’écouter sa réponse dans les Sons Divin, l’étudiant est alors prêt pour la vie de Chéla [disciple]. Sa probation n’est pas encore achevée ; les épreuves de tests de swapna doivent encore arriver. Par contre, il a obtenu la force et l’endurance psychique nécessaire pour les affronter et sortir victorieux. Cette condition de swapna est appelée la Salle d’Apprentissage Probatoire.

Les Aphorismes de Patanjali nous donnent une autre approche du sommeil et de l’attention. Le sommeil, est une des modifications (Vritti) du principe pensant (Chitta). Plusieurs conditions de sommeils y sont mentionnées. Les commentaires de Vyasa et de Vachaspati indiquent qu’à son réveil un homme dira : (I) « J’ai bien dormi ; mon mental est clair ; mon intelligence brille avec pureté » ; ou alors (II) « J’ai mal dormi, mon mental n’est pas reposé ; il vagabonde ; il n’est pas apte à travailler » ; ou encore (III) « J’ai dormi stupidement ; mes membres sont lourds ; mon mental est fatigué, pesant, paresseux – il est comme absent. » Quelle sont les causes de ces conditions au réveil ? Il est dit que tamas et sattva sont la cause de la première condition ; tamas et rajas la cause de la seconde ; et que tamas seul est la cause de la troisième condition.

Charles Johnston explique l’aphorisme sur la condition psychique pendant le sommeil, de la manière suivante :

« À l’état de veille, nous avons deux courants de perception : un courant extérieur par lequel les choses physiques sont vues, entendues et perçues, et un courant intérieur composé des images du mental et des pensées. Le courant extérieur cesse pendant le sommeil ; le courant intérieur se poursuit et quand les images du mental flottent devant le champ de la conscience, nous "rêvons".

« Même en l’absence de rêve, il y a toujours une certaine activité de conscience pendant le sommeil, de sorte qu’au réveil, nous pouvons dire : "J’ai bien dormi " ou "j’ai mal dormi" ».

 Ce sujet a été traité un peu longuement, en raison du lien pratique qu’il y a entre le sommeil et l’attention. C’est de la bonne compréhension de ce lien que dépend le véritable progrès de l’âme dans la vie du chéla.

Ainsi, la personnalité, composée des skandas est purifiée et élevée par l’étude attentive, la réflexion attentive sur le sujet étudié, et l’application attentive de ce sur quoi on a réfléchi. Le sommeil nous donne l’opportunité de développer et d’utiliser des formes supérieures d’attention, et il ne devrait pas être considéré comme une échappatoire à une vie durant laquelle l’attention a peiné.  [Retour Sommaire]

IV-  IDÉATION ET IMAGINATION

« Comme le mental humain, qui est un générateur inépuisable d’idées, le Mental Universel ou l’Espace possède aussi son idéation qui est projetée dans l’objectivité au moment déterminé ; mais l’espace lui-même n’en est pas affecté pour autant. » – Maître K.H.

« L'imagination est le pouvoir du mental humain de fabriquer des images. L'imagination de l'être humain ordinaire n'a pas acquis assez d'entraînement ni de force pour être beaucoup plus qu'une sorte de rêve, mais elle peut être exercée ; elle devient alors le Constructeur dans l'Atelier Humain. » – W.Q. Judge – L’Océan de Théosophie, p. 147.

Chaque être humain, du primitif au sage, possède les deux pouvoirs d’imagination et d’idéation. Chacun possède aussi, une nature double : la personnalité inférieure et l’Individualité Supérieure. Par conséquent, l’imagination et l’idéation sont aussi doubles, avec un aspect supérieur et un aspect inférieur. L’imagination et l’idéation supérieures agissent de l’intérieur vers l’extérieur, de l’Individualité vers la personnalité. L’imagination et l’idéation inférieures agissent de l’extérieur vers l’intérieur ; et non seulement elles ne peuvent atteindre le supérieur, mais elles chargent l’âme incarnée de skandas grossiers.

L’imagination de l’homme personnel est principalement fantaisiste et illusoire ; elle le freine dans ses efforts pour maîtriser, purifier et élever ses pensées et ses idéaux. Son idéation est sujette aux influences des sens, qui produisent des paroles et des actions impulsives, et des humeurs imprégnées de doute, de paresse et d’égoïsme.

L’imagination de l’Homme Individuel est « le pouvoir plastique ou créateur de l’âme » (Isis Unveiled, I, 396). On l’appelle « le pouvoir maître » [Note 14], qui apparaît comme « l’une des facultés les plus nobles dans l’homme » [Note 15]. C’est l’âme humaine, le Manas ou le Penseur, aidé par Buddhi, qui fait usage de l’imagination.

L’idéation personnelle et inférieure, résulte de l’activité créatrice des vies skandaïques et des élémentaux tanhaïques. C’est la faculté de fantaisie ou vikalpa, enracinée dans les désirs des sens ou vasanas. Laissée libre sans véritable contrôle et utilisée inconsciemment, la fantaisie devient automatique pour être finalement acceptée consciemment. Ces états et cette activité sont en correspondance avec la mémoire inférieure liée à la Lumière Astrale.

L’idéation individuelle supérieure résulte de l’activité créatrice de l’Ego Manasique, qui l’utilise pour influencer, impressionner et inspirer la personnalité.

C’est la véritable imagination ou sankalpa, et nous pouvons avoir un aperçu de son caractère dans l’ancienne expression Kalpana-Taraka-Shakti du véritable Raja-Yoga. Ce pouvoir crée des images par la Volonté, la Pensée, le Sentiment ou l’Aspiration. Ces images sont en correspondance avec la mémoire supérieure liée à la Lumière Astrale Divine ou Akasha, la Bibliothèque céleste contenant les Formes Vivantes de Pure Sagesse.

L’homme personnel a une mémoire et peut se rappeler ce qu’il a oublié, à l’aide de la mémoire inférieure de la Lumière Astrale qu’il utilise le plus souvent inconsciemment. L’Âme Humaine Individuelle, liée à l’Akasha céleste, a la faculté de réminiscence. Lorsque l’homme personnel se tourne de plus en plus vers son parent [spirituel], l’Individualité, et, en conquérant sa nature inférieure s’extirpe de kama, il atteint le niveau de l’Être Antahkaranique. Et quand il est prêt, il acquiert la connaissance de la nature et du caractère du pouvoir de l’imagination, dont il est fait référence plus haut.

C’est la base philosophique et métaphysique du sujet de cette étude.

L’Idéation et l’Imagination sont comme les deux ailes d’un oiseau. Elles lui permettent de descendre vers les niveaux inférieurs ou de monter vers les hauteurs célestes. Ces deux ailes sont la Sagesse et la Compassion pour l’Individualité, et la connaissance et les désirs terrestres pour l’homme personnel. La paire supérieure forme la Doctrine du Cœur et la paire inférieure développe le savoir de tête [l’intellect sans le cœur]. L’égotisme, l’orgueil et le besoin de posséder proviennent très souvent du savoir de tête, ou connaissance terrestre. C’est la cause de la « Grande Hérésie » [l’Illusion].  L’altruisme, l’humilité et la générosité proviennent de la Sagesse du Cœur, la Sagesse Divine de la Grande Fraternité de la Loge Unique et Unie des Adeptes.

L’homme se tient entre le divin et le démoniaque. Par l’imagination et l’idéation inférieure sa nature devient mauvaise, et s’il persiste dans cette direction, il dégénère en une intelligence démoniaque dont le destin tragique est décrit au chapitre XVI de la Bhagavad-Gîta. H.P.B. fait allusion à l’homme sans âme qui réside en Avichi. Par l’imagination et l’idéation supérieure la nature de l’homme devient divine. S’il persiste dans le développement de sa divinité, il devient comme un nouveau-né, il entre sur le Sentier, il apprend à se libérer des illusions de la nature inférieure et à marcher sur le Sentier des Paramitas du Renoncement et de la Compassion, et enfin il revêt la Robe de Gloire Suprême du Nirmanakaya [le vêtement de l’immortalité].

L’homme dont l’idéation est skandaïque (de pure ratiocination cérébrale) s’exprime par des sentiments égoïstes, des pensées discriminatoires, des paroles conventionnelles (diplomatiques ou méchantes) et des actes d’opposition et de compétition ayant pour but de prendre ce que d’autres possèdent. Les images de ses pensées sont aussi dures que le fer, de couleur trouble, de ton âpre, de caractère chaotique, et elles ont le pouvoir de l’entraver de plus en plus.

La Sagesse Théosophique est dans le monde pour inciter l’homme, à tourner son attention vers les plans intérieures du mental et du cœur, et pour le guider vers la connaissance de son Ego Intérieur et de son Soi Supérieur. Elle est là aussi pour lui permettre, de purifier sa propre nature skandaïque, de transformer sa personnalité, d’accéder à la seconde naissance et devenir comme un nouveau-né. Les réincarnations courantes dans différentes personnalités impliquent un nouveau sens et un nouveau but dans la vie. L’étudiant est invité à étudier la doctrine de la réincarnation telle qu’elle est exposée dans la Bhagavad-Gîta, aux chapitres II et IV.

La Philosophie ésotérique de la Théosophie est éminemment pratique. Il n’y a pas d’autre corpus de connaissance aussi pratique et complet. Développer notre pouvoir de penser par l’étude d’une véritable connaissance, épanouir notre faculté d’imagination par le bon exercice des tâches de la vie quotidienne, et mener une vie spirituelle alors qu’on est dans le monde de maya et du périssable – ce sont les possibilités qu’offre la Théosophie.

Les pensées et les sentiments vrais produisent, de l’intérieur vers l’extérieur, des paroles Vraies. Le centre dont dépend la pensée vraie est suggéré par l’expression profonde et concise suivante : « Ainsi ai-je entendu ». La pensée et les sentiments vrais, entretenus régulièrement et avec persévérance, nous amènent naturellement à rechercher les Écritures, les Textes Sacrés de la Théosophie. Il n’existe pas de sujet, de problème, d’événement, sur lequel la Théosophie ne puisse donner une véritable connaissance. De ce fait, l’étudiant doit rechercher la connaissance « Entendue » de la Théosophie, à chaque occasion et chaque heure de sa vie. L’expression « Ainsi ai-je entendu » est très importante. L’habitude de rechercher toujours ce que les autres ont entendu, lu, appris, pensé, est importante et nécessaire. Cela nous sauve d’embûches ; nous permet de comprendre ; nous apprend comment régler les conflits de devoirs et comment accomplir notre propre Dharma ; et cela nous conduit vers la grande idée libératrice d’accomplir des actions, des karmas, sans créer de liens de dépendance.

L’Imagination vraie nous permet de relier chaque action à son âme archétypale. Les tâches courantes, telles que le réveil et le sommeil, le manger et l’exercice, la toilette et l’habillement, la parole et l’écoute, etc., etc., ne sont pas que mondaines et mayaviques. Chacune est reliée à son âme archétypale respective : la manifestation et la non-manifestation [ex. la vie et la mort] ; l’apprentissage de l’âme et l’assimilation de l’âme : le bain sacré ou le baptême ; revêtir les habits de la vraie moralité et ultimement revêtir les Robes de Gloire [les habits d’Initiation] ; devenir des étudiants-instructeurs de façon à ce que nous puissions devenir de véritable shravakas [Note 16] ; et ainsi de suite. Accomplir des actes sacrés tout le long de la journée, nous fait grandir en sainteté et notre faculté d’imagination devient forte. À ce stade notre ennemi est la mémoire – le souvenir de la vie mondaine et l’oubli de la vie spirituelle.

La Psychologie ésotérique est complexe. Ce qui est esquissé plus haut en grandes lignes, possède des aspects ésotériques profonds. Il existe un point de l’enseignement très utile pour une application pratique et correcte dans l’article d’H.P.B. intitulé « L’action psychique et noétique ». Nous en citons un passage important :

« L'Ego « Supérieur » ne peut agir directement sur le corps, car sa conscience appartient à un niveau et à des plans d'idéation tout à fait différents ; mais le Soi « Inférieur » en est capable ; et son action et son attitude dépendent de son libre arbitre et du choix qu'il peut faire entre deux voies : graviter vers son père (« le Père qui est au Ciel ») ou vers « l'animal » qu'il habite, c'est-à-dire l'homme de chair » [Note 17].

Notre cerveau et notre cœur « sont les organes [qui] servent une puissance plus haute que la Personnalité » [Note 18].

Les paroles suivantes de Robert Crosbie exposent de manière simple ce qui est implicite dans les profondes citations précédentes d’H.P.B. :

« Notre cerveau est l’instrument matériel le plus subtil que nous utilisons. Comme tout ce dont nous nous servons, il est en évolution. C’est l’organe de la pensée sur ce plan de substance où nous agissons actuellement. Si nos pensées sont nobles et élevées, notre cerveau devient très sensible à ce genre d’utilisation » [Note 19].  [Retour Sommaire]


NOTES – Chapitres I & II

Note 1 : Dans la Bhagavad Gîtâ, Krishna fait allusion aux trois qualités, sattva, rajas et tamas. La première est de la nature de la vérité, pure et lumineuse ; la seconde participe de la vérité à un degré plus faible ; elle est de la nature de l'action et contient aussi la qualité du mal. La troisième, tamas, est entièrement mauvaise et sa particularité essentielle est l'indifférence, qui correspond aux ténèbres où toute action de qualité pure est impossible. Ces trois grandes divisions — ou guna, selon l'expression sanskrite — embrassent toutes les combinaisons de ce que nous appelons « qualités », qu'elles soient morales, mentales ou physiques. (Extrait des Notes sur le Bhagavad-Gîtâ, éd. Textes Théosophiques)

Note 2 : Les élémentaux (ou esprits des éléments) sont des créatures évoluées dans les quatre règnes, ou éléments : terre, air, feu et eau. Ils sont appelés par les kabbalistes gnomes (de la terre), sylphes (de l'air), salamandres (du feu) et ondines (de l'eau), en laissant de côté quelques espèces plus élevées et leurs régents. Ces élémentaux constituent des forces. (Extrait du Glossaire de La Clef de la Théosophie, éd. Textes Théosophiques)

Note 3 : Il y a deux soi dans l'homme : le supérieur et l'inférieur, l'impersonnel et le personnel. L'un est divin, l'autre semi-animal. Il y a lieu de faire une grande distinction entre les deux.

Note 4 : La robe Shâna [faite de fibres de la plante Shana] est à rattacher à Shânavâsin de Râjagriha, le troisième grand Arhat, ou « patriarche » (selon le nom donné par les orientalistes à la hiérarchie des trente-trois Arhat qui répandirent le bouddhisme). L'expression « revêtir la robe shâna » traduit métaphoriquement l'acquisition de la Sagesse qui permet de gagner le Nirvâna de destruction (de la personnalité). Littéralement, c'est la « robe d'initiation » que l'on remet au néophyte. (Extrait de note en page 49 de La Voix du Silence, éd. Textes Théosophiques)

Note 5 : Les trois corps ou formes du Bouddha sont appelés : Nirmânakàya, Sambhogakâya et Dharmakâya.

Le premier est la forme éthérée que l'on prendrait si, en quittant son corps physique, on apparaissait dans son corps astral — à condition de posséder en outre toute la connaissance d'un Adepte. Le Bodhisattva développe cette forme en lui-même à mesure qu'il avance sur le Sentier. Quand il a atteint le but et refusé son fruit, il reste sur terre comme un Adepte ; à sa mort, au lieu d'aller en Nirvâna, il demeure dans ce corps glorieux qu'il a lui-même tissé à son usage, comme une présence invisible à l'humanité non initiée, pour veiller sur elle et la protéger.

Le Sambhogakâya est le même corps de Bouddha, avec l'éclat supplémentaire que lui confèrent trois « perfections », dont l'une est l'effacement complet de toute préoccupation terrestre.

Le corps Dharmakâya est celui d'un Bouddha accompli : en fait, ce n'est pas un corps du tout mais un souffle idéal ; la Conscience absorbée dans la Conscience ou Âme Universelle, privée de tout attribut. Une fois au niveau de Dharmakâya, l'Adepte ou le Bouddha abandonne derrière lui toute relation possible avec cette terre, ou toute pensée la concernant. Ainsi, en langage mystique, il est dit qu'un Adepte qui a gagné le droit au Nirvâna « renonce au corps Dharmakâya » afin de pouvoir aider l'humanité ; il ne garde du Sambhogakâya que sa grande et complète Connaissance, et demeure dans son corps Nirmânakâya. L'École ésotérique enseigne que Gautama le Bouddha (avec plusieurs de ses Arhat) est un tel Nirmânakâya : au-dessus de lui, en raison de son renoncement sublime et de son grand sacrifice pour l'humanité, il n'existe aucun exemple connu. (Extrait de note en page 94 de La Voix du Silence ‒ Éd. Textes Théosophiques, Paris)

Note 6 : Sannyasi (ou Samnyasin) (sanskrit). Ascète hindou qui atteint la connaissance mystique la plus haute ; dont l'esprit est fixé exclusivement sur la vérité suprême, et qui a entièrement renoncé à tout ce qui est terrestre et mondain. (Glossaire Théosophique – Éd. Adyar)

Note 7 : Dhammapada, Traduction par Le Dong, Collection Sagesse, Editions du Seuil, Paris.

Note 8 : Corps astral : La Théosophie considère l’homme comme une entité septuple. Voici un aperçu rapide de ces sept aspects (ou principes) de l’homme (tableau « La nature septuple de l’homme » extrait de La Clef de la Théosophie, pages 107-8 ‒ Éd. Textes Théosophiques, Paris).

Note 9 : Notes sur la Bhagavad-Gîtâ, page 139 (éd. Textes Théosophiques).

Note 10 : Rechaka (sanskrit.). Une pratique du Hatha Yoga, pendant l'exécution du Prânâyâma ou régulation du souffle ; à savoir, celle d'ouvrir une narine et d'en faire sortir le souffle, en conservant l'autre fermée : une des trois opérations respectivement appelées Pûraka, Kumbhaka et Rechaka – opérations très pernicieuses pour la santé. (Glossaire Théosophique – Éd. Adyar)

Note 11 : Il est dit en Théosophie qu’avant la naissance l’Ego a une vision de la nouvelle incarnation qui l’attend : « De même qu'au moment de la mort l'homme passe en revue rétrospectivement la vie qu'il a menée, de même, au moment où il renaît sur terre, l'Ego qui se réveille de l'état du devachan [période de repos et d’assimilation entre deux incarnations sur terre] a une vision prospective de la vie qui l'attend et se rend compte de toutes les causes qui l'y ont conduit. Il en prend conscience et voit le futur, parce que c'est entre le devachan et la re-naissance que l'Ego regagne sa pleine conscience manasique, et redevient, pendant un court espace de temps, le dieu qu'il était avant de descendre pour la première fois dans la matière, conformément à la loi karmique, et s'incarner dans le premier homme de chair. Le « fil d'or » voit toutes ses « perles » et il n'en manque pas une. » (La Clef de la Théosophie – pages 177-8 – Éd. Textes Théosophiques). Dans l’Océan de Théosophie (page 123, éd. T.T.) il est écrit « Toute la période assignée par les forces de l'âme ayant pris fin en devachan, les fils magnétiques qui rattachent l'âme à la terre commencent à affirmer leur pouvoir. Le Soi se réveille de son rêve, il est rapidement emporté vers un corps nouveau puis, juste avant la naissance, il perçoit, l'espace d'un instant, toutes les causes qui l'ont conduit en devachan et qui le ramènent à une vie nouvelle ; comprenant que tout est juste, que tout est le résultat de sa propre vie passée, il ne murmure pas, mais se charge de nouveau de sa croix : une autre âme est revenue sur terre. » On retrouve une croyance similaire dans d’autres traditions spirituelles comme par exemple dans le judaïsme avec ce petit conte tiré du Talmud Babli, « Je connaissais le Midrash qui explique que l’enfant dans le ventre de sa mère, a une lumière sur la tête, et peut voir ainsi le début jusqu’à la fin du monde. Il détient tout le savoir, il sait ce qui se passe, ce qui s’est passé et ce qui se passera aux limites du monde. Mais à sa naissance, un ange lui pose un doigt sur la bouche et le nouveau-né oublie tout de ce savoir absolu. Il en garde l’empreinte creusée par le doigt de l’ange au-dessus de la lèvre » (Les Contes Hébreux, par Axelle Hutching, éd. Actes Sud, Paris).


NOTES – Chapitre III

Note 12 : Dharana, Dhyana, Samadhi : Citation extraite des Aphorismes du Yoga de Patanjali (p. 66 ; éd. Textes Théosophiques)

1. La fixation du mental sur un point, objet ou sujet, est l'Attention. Ceci est appelé Dharana.
2. La continuation de cette attention est la Contemplation. Ceci est appelé Dhyana.
3. Cette contemplation, quand elle est pratiquée seulement sur un sujet ou un objet des sens de nature matérielle, est la Méditation (*).

Ceci est appelé Samadhi.

(*) Une variante possible à la traduction de ce verset serait : « Une telle contemplation, lorsqu'elle s'exerce uniquement sur le contenu de l'objet, comme s'il était entièrement dépouillé de sa propre forme, est appelé la méditation. » (N. d. T.).

Note 13 : Jagrata, swapna, sushupti : pour l’étude des états de conscience pendant la vie de veille et le sommeil, il est conseillé de lire l’ouvrage Les rêves et l’éveil intérieur, collection d’écrits de H.P. Blavatsky et W.Q. Judge (éd. Textes Théosophiques).


NOTES – Chapitre IV

Note 14 : L’Océan de Théosophie, de W.Q. Judge, p. 50.

Note 15 : Article de W.Q. Judge « L’imagination et les phénomènes occultes » - Cahier Théosophique n°95.

Note 16 : Shravakas, (skt) : De la racine shru : entendre, écouter, prêter attention. Primitivement : un des « auditeurs » du Bouddha qui ont reçu directement sa doctrine. Plus généralement : un « écoutant », qui suit les leçons d'un instructeur (Glossaire de La Voix du Silence – Éd. Textes Théosophiques– Paris).

Note 17 : Raja-Yoga ou occultisme, p 97 – Éd. Textes Théosophiques.

Note 18 : Ibid. p. 97.

Note 19 : Les Vérités Éternelles – « Le langage de l’Âme » – Cahier Théosophique n°188, pp. 9-10.


 

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