La mort de l’âme

La mort de l’âme

25 Oct, 2024

« Deux âmes, hélas ! se partagent mon sein, et chacune d’elles veut se séparer de l’autre ; l’une ardente d’amour, s’attache au monde par le moyen des organes du corps ; un mouvement surnaturel entraîne l’autre loin des ténèbres vers les hautes demeures de nos aïeux ! » (1). Ainsi s’écriait Faust avant de livrer son âme au diable. Gœthe exprimait, dans ces mots, l’éternel drame de l’homme dans son ascension vers le bien. Toutes les anciennes philosophies et religions ont montré la lutte terrible que se livrent les deux âmes en nous : la divine et la terrestre, comme le disait Empédocle.

Tout homme porte en lui l’enfer et le ciel. Il s’avance dans la vie courbé sous le poids de ses passions exacerbées par un désir jamais inassouvi,  ou il relève la tête, les yeux emplis d’une lumière surnaturelle. Et comme dans les tragédies antiques deux chœurs chantent séparément la victoire ou la chute de l’une ou de l’autre âme, qui se disputent toutes deux la suprématie de régner sans partage sur leurs propres domaines. Dans cette lutte de l’Esprit contre la Matière, de Dieu contre Satan, de l’Ange contre la Bête, du Christ contre Judas, il n’est pas exagéré de dire que la nature humaine frisonne parfois d’épouvante, car, pour elle, c’est être ou ne pas être, c’est la course vers l’abîme où l’âme est emportée, dans une course échevelée, par les noirs coursiers des désirs, ou la lente montée vers les sommets où souffle à jamais le grand vent de l’Esprit. Harassé, le mental de l’homme chancelle devant ces deux extrêmes : l’abîme ou les cimes, la mort de l’âme ou sa rédemption.

Cet enseignement antique est loin de ce qui a cours dans les églises d’Occident où il est déclaré que l’âme peut être sauvée par sa foi au Christ, le « Rédempteur des âmes ». Et cependant, si nous ouvrons les Evangiles, nous verrons que les enseignements de Jésus n’ont jamais différé de ceux de Ses grands Prédécesseurs. Prenons quelques extraits du Nouveau Testament. Ils vont nous montrer cette doctrine ancienne de la mort de l’âme :

« L’œil est la lampe du corps. Si ton œil est en bon état, tout ton corps sera éclairé ; mais si ton œil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes ces ténèbres ! » (Matthieu, VI, 22-23).

« Laisse les morts ensevelir leurs morts. » (Matthieu, VIII, 22).

« Tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera point pardonné. Quiconque parlera contre le Fils de l’homme, il lui sera pardonné ; mais quiconque parlera contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir. » (Matthieu, XII, 31.32).

Maintenant, toute la parabole des noces (Matthieu, XXII) est le spectacle de ceux qui ne sont pas dignes d’entrer dans le royaume des cieux ; ceux qui n’ont pas revêtu l’habit de noces (à comparer avec les robes du sacrifice et du renoncement de l’enseignement bouddhiste). À celui qui n’a pas revêtu cet habit, la parabole dit :

« Liez-lui les pieds et les mains, et jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents… Car il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. » (Matthieu, XXII).

Parmi les apostrophes célèbres et violentes de Jésus contre les scribes et les pharisiens, nous trouvons celle-ci :

« Malheurs à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Parce que vous ressemblez à des sépulcres blanchis, et qui, au-dedans, sont pleins d’ossements de morts et de toute espèce d’impuretés. » (Matthieu, XXIII, 27-29).

La parabole des vierges sages et des vierges folles (Matthieu, XXV) a un monde de signification occulte. Il en est de même de celle des talents (Matthieu, XXV), où à la fin sont répétés les mots violents : « Et le serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents ».

Mais c’est peut-être dans l’Évangile selon Saint Jean que nous trouvons l’enseignement le plus direct de la mort de l’âme. Les théologiens ont travesti la signification des paroles sévères de Jésus, cela n’empêche pas que ce texte est clair et sans équivoque possible. Le voici :

« Je suis le vrai cep, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi et qui ne porte pas de fruit, il le retranchera (2), et tout sarment qui porte du fruit, il l’émonde afin qu’il porte encore plus de fruits…Demeurez en moi, et je demeurerai en vous. Comme le sarment ne peut de lui-même porter de fruit, s’il ne demeure attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez non plus, si vous ne demeurez en moi . »

« Je suis le cep, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruits, car sans moi vous ne pouvez rien faire. Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors, comme le sarment, et il sèche ; puis on ramasse les sarments, on les jette au feu et ils brûlent… » (Jean, XV, 2-7).

Saint Paul lui-même, reprenant la pensée du Prophète Esaïe, s’écrie, dans son Épître aux Éphésiens (V. 14) :

« Relève-toi d’entre les morts,
« Réveille-toi, toi qui dors,
« Et Christ t’illuminera. »

Enfin, dans l’Apocalypse, en termes apocalyptiques, bien entendus, et pourtant, très clairs, nous trouvons une autre confirmation de la mort de l’âme, de la seconde mort qui peut survenir pour tout être :

« Et un autre livre fut ouvert, celui qui est le livre de vie. Et les morts furent jugés selon leurs œuvres, d’après ce qui était écrit dans ce livre, et chacun fut jugé selon ses œuvres. Et la mort et le séjour des morts furent jetés dans l’étang de feu. C’est la seconde mort, l’étang de feu. Quiconque ne fut pas trouvé écrit dans le livre de vie fut jeté dans l’étang de feu. » (Apocalypse, XX, 13-15, les italiques sont de nous).

Ces textes, ainsi rassemblés, nous décrivent bien un enseignement qui remonte à la nuit des temps et que nous devons comprendre. Il ne s’agit plus ici d’une gymnastique intellectuelle, d’une spéculation sur un thème métaphysique, mais d’un enseignement fondamental donné par tous les Instructeurs spirituels de l’humanité et qui touche les bases mêmes de notre être et de notre destinée. Rejetons donc les faux dogmes des églises, si pratiques pour les prêtres qui peuvent ainsi ménager « des accommodements avec le ciel », en rejetant la Vérité. Nous aurons aussi à rejeter les doctrines de la Grâce, de l’Enfer et de la rémission des péchés par un Sauveur, doctrines iniques qui ont fait perdre à l’homme le sens de la responsabilité, alors que Jésus, Lui-même, déclarait sans ambages : « On vous mesurera avec la mesure dont vous aurez mesuré les autres » (Matthieu, VII, 2) et que l’initié Saint Paul ajoutait : « L’homme récoltera ce qu’il a semé ». C’était là l’enseignement logique qui se rattachait au grand courant de l’ésotérisme universel enseigné avant Jésus par les sages de l’Inde, les vénérés Rishis qui avaient découvert le mystère de l’Être par leurs propres efforts. Et il était donc naturel que le Galiléen suivît, encore une fois les traces de Ses Prédécesseurs.

Pour comprendre cette mystérieuse doctrine de la mort de l’âme, il nous faut connaître la constitution intime de notre être. Au début, nous avons montré la dualité qui existe dans l’homme. Il est nécessaire, maintenant, de pousser plus loin nos investigations.

Mme Blavatsky, dans son livre La Clef de la Théosophie, va éclairer notre sujet. Tout d’abord, elle reprend la parobole de la vigne dans le quatrième Évangile. Nous en citons, à nouveau, des extraits :

« Je suis le vrai cep, et mon Père est le vigneron. Tout sarment qui est en moi et qui ne porte pas de fruit, il le retranche… Je suis le cep, et vous êtes les sarments,… Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors, comme le sarment, et il sèche ; puis on ramasse les sarments, on les jette au feu, et ils brûlent. »

Ces mots « cep », « vigneron », « sarment » ont une signification profonde et correspondent, dit Mme Blavatsky, à certains principes de notre être. Le « Vigneron » dit-elle, est l’Esprit (Atma de la philosophie hindoue), le symbole du Principe Infini, de la Divinité en nous. Ce qui est de toute éternité. C’est le Père « qui est dans le secret », dont nous parle Jésus dans le Sermon sur la Montagne.

Le « Cep » de la Vigne, continue H.P. Blavatsky est l’Âme Spirituelle, le Christos (Bouddhi), l’intuition la plus haute que nous puissions concevoir.

Le « sarment » est l’Âme animale, la personnalité inférieure (Manas le mental inférieur et Kama, le principe des désirs), l’instrument transitoire que l’Âme Spirituelle (alliée au Principe de l’Intelligence Manas Supérieur) prend à chaque nouvelle incarnation sur la terre. C’est par l’intermédiaire de cette Âme Spirituellle que l’Âme animale acquiert des expériences. Et par Âme Spirituelle, nous signifions surtout ici le Manas Supérieur, l’Intelligence, l’Ego réel de l’homme.

Autrement dit, nous avons Atma-Bouddhi-Manas (le Père ou le « Vigneron », le « Christos ou le Cep », l’Intelligence supérieure et inférieure, cette dernière pouvant devenir le « sarment » desséché). À chaque incarnation le Manas Supérieur ou l’Individualité permanente, l’Ego réincarnant, projette une partie de lui-même qui devient le Manas inférieur (intelligence inférieure). Celui-ci s’allie au principe des passions et des désirs (Kama) et au corps physique. Cette partie inférieure de l’être constitue l’instrument au moyen duquel l’Individualité permanente, le Pèlerin sur le sentier de l’évolution, amasse des expériences.

Les relations qui existent entre l’Individualité permanente et la personnalité inférieure (Manas Supérieur et Manas inférieur) doivent être bien établies, car la mort de l’âme réside dans la rupture de ces relations. Quand le Manas Supérieur, ou l’Individualité permanente, s’incarne dans un corps, il veille constamment sur la projection de lui-même, le Manas inférieur, l’Âme animale, afin de voir comment elle s’acquitte de sa tâche. Exactement comme un patron qui envoie son ouvrier labourer un champ. Le premier donne des ordres que le second doit exécuter. Si ce dernier, Manas inférieur, l’Âme animale, n’accomplit pas le travail qui lui est échu, que peut faire le patron, le Manas supérieur, l’Individualité, si ce n’est abandonner son serviteur infidèle ? Le lien qui unit le Manas Supérieur au Manas inférieur, l’Individualité Permanente à la Personnalité inférieure – se rompt. C’est la mort de l’Âme animale qui commence. C’est le « sarment » qui se détache à jamais du « cep », qui va « dessécher » et « qu’on jettera au feu ». C’est la « seconde mort » de l’Apocalypse, non pas la mort de l’Âme Spirituelle, qui est de toute éternité, qui n’a ni naissance ni mort, mais la mort de l’Âme animale. « C’est après la mort », écrit H.P. Blavatsky, « qu’arrive le moment critique suprême pour ceux qui sont entièrement dépravés, qui sont dépourvus de spiritualité et dont la méchanceté est sans rédemption. Si l’effort final et suprême du SOI INTERIEUR, (Manas) pour unir une partie de la personnalité à lui-même et au rayon lumineux supérieur du divin Buddhi, est contrarié pendant la vie, s’il est permis à l’enveloppe du cerveau physique de devenir assez épaisse pour exclure entièrement ce rayon, alors l’Ego spirituel ou Manas, une fois affranchi du corps, demeure complètement séparé des restes éthérés de la personnalité ; et celle-ci, ou Kama-rupa, est entraînée à la suite de ses penchants terrestres dans l'Hadès, ce que nous appelons Kama-loka, et elle y demeure. Ce sont là « les sarments desséchés » mentionnés par Jésus et qu’on enlève au Cep. Leur anéantissement, cependant, n’est jamais instantané et demande parfois des siècles pour s’accomplir. » (3).

Des étudiants font parfois observer que cette mort des « sarments », de l’Âme animale, après tout, ne diffère pas de ce qui se passe après chaque mort physique, quand la partie de Manas inférieur qui s’est purifiée pendant la vie, entre dans le Dévachan, la Vie céleste, après s’être débarrassée, dans le Kama-loka, des éléments impurs de sa personnalité inférieure. Cela n’est pas exact. Il y a, au contraire, une très grande différence entre ce qui se passe au moment de toute mort physique normale (vieillesse ou maladie)  et ce qui a lieu dans l’autre cas tragique de la mort de l’Âme animale.)

Dans le premier cas, une portion de cette Âme animale s’est élevée, durant la vie, vers son Père « dans le secret », elle s’est purifiée et est digne d’entrer dans la béatitude céleste. Cette portion a donc gardé le lien intact entre elle et l’Âme Spirituelle. Quant aux éléments inférieurs qui n’ont pu s’élever durant la vie, l’Âme les retrouvera dans d’autres existences sous forme de tendances ou d’attributs (les skandhas de la philosophie hindoue).

Dans le second cas, rien, de l’Âme animale, ne s’est élevé. Le lien entre elle et l’Âme Spirituelle a été brisé. Nous voyons donc l’énorme différence qui existe entre les deux cas.

Mais voici encore d’autres explications données par Mme H.P .Blavatsky et que nous livrons à la méditation des vrais chercheurs :

« Lorsqu’un homme tombe dans l’amour du soi, et dans l’amour du monde et de ses plaisirs, laissant de côté l’amour de Dieu et du prochain, il tombe de la vie dans la mort… Physiquement, il existe ; spirituellement, il est mort… cette mort spirituelle est le résultat de la désobéissance aux lois de la vie spirituelle… Nous pourrions ainsi parcourir tous les siècles, examiner toutes les occupations, peser toutes les connaissances humaines, et rechercher toutes les formes de sociétés, et nous trouverions partout de ces êtres spirituellement mort. » (Isis Dévoilée, Vol. II, p. 37)

 « L’individualisation de l’homme après sa mort (pour les anciens philosophes) dépendait de l’esprit et de l’âme et du corps. Quoique le mot “personnalité”, dans le sens qu’on lui donne généralement, soit une absurdité, si on l’applique littéralement à notre essence immortelle, toutefois celle-ci est une entité distincte, immortelle et éternelle per se, et, comme dans le cas de criminels pour lesquels il n’y a pas de rédemption, lorsque le fil brillant qui unit l’esprit à l’âme, depuis le moment de la  naissance de l’enfant, est violemment tranché, et lorsque l’être désincarné est condamné à partager le sort des animaux inférieurs, à se dissoudre graduellement dans l’éther, et à voir sa personnalité annihilée, même dans ce cas-là, l’esprit reste encore un être distinct. Il devient un esprit planétaire. » (Ibid., Vol. II, pp. 33,34.)

« Après la mort des dépravés et des méchants, arrive le moment critique. Si durant sa vie l’homme intérieur néglige de faire un suprême effort désespéré pour s’unir à la vague lueur rayonnant de son père divin ; si ce rayon est de plus en plus arrêté par l’épaisse enveloppe de matière, l’âme, une fois dégagée du corps, suit ses attractions terrestres, et est magnétiquement entraînée et retenue par les épais brouillards de l’atmosphère matérielle. Elle tombe alors de plus en plus bas, jusqu’à ce qu’elle se trouve, lorsqu’elle reprend conscience, dans ce que les anciens nommaient le Hadès. L’anéantissement d’une telle âme n’est jamais instantané ; il peut durer des siècles peut-être, car la nature ne procède jamais par bonds et sauts, et l’âme astrale étant formée d’éléments, la loi d’évolution doit suivre son cours. » (Ibid., pp. 38, 39).

« Ni les prières des hommes, ni le sang d’un autre ne peuvent nous sauver de la destruction individuelle après la mort, à moins que nous ne nous unissions étroitement pendant notre vie terrestre, à notre propre esprit immortel, notre seul Dieu. » (Ibid., Vol. II, p. 35).

« Le présent cycle est, par excellence, un cycle de pareilles morts spirituelles. Nous coudoyons des hommes et des femmes dépourvus d’âme à chaque pas dans la vie. »  (Ibid., Vol. IV, p. 29)

Telle est la grande leçon que nous devons apprendre. Mais l’enseignement de la Théosophie nous dit que cette mort de l’âme animale est rare. Quand H.P. Blavatsky nous dit dans la dernière citation que nous coudoyons à chaque pas des  hommes et des femmes dépourvues d’âme, elle signifie des êtres qui n’ont pas encore, nécessairement, brisé le lien qui les rattache à leur Âme Spirituelle, mais qui sont sur cette voie de la mort de l’âme animale. Ils deviennent peu à peu insensibles à toute aspiration spirituelle. La mort spirituelle n’arrive que dans les cas de dépravation absolue, sans rédemption possible. Encore une fois, ce cas est rare. Mais le fait peut se produire, et cela est suffisant pour nous montrer cette vérité des deux âmes du docteur Faust, qui s’agitent en nous, l’une qui est l’étoile indestructible de lumière qui peut nous guider sur le sentier de l’évolution, l’autre qui nous entraîne dans les précipices de la mort spirituelle.

Krishna, dans le Discours XVI de la Gita, nous montre parfaitement les deux conditions dans lesquelles nous pouvons nous trouver, la condition démoniaque et la condition divine :

« Les hommes d’une nature infernale ne connaissent pas l’émanation et le retour… Agités par de nombreuses pensées, enveloppés dans les filets de l’erreur, occupés à satisfaire leurs désirs, égoïstes, violents, vaniteux et licencieux, animés de colère et médisant autrui, ils me détestent dans les autres et en eux-mêmes… Ils entrent dans la voie infernale… » « L’enfer a trois portes par où ils se perdent ; la volupté, la colère et l’avarice. »

Mais si Krishna nous indique l’état des hommes qui vont dans la voie infernale, il nous montre aussi les qualités nécessaires pour entrer dans la condition divine. Citons-les, assimilons-les afin qu’elles deviennent partie intégrante de notre nature intérieure :

« Le courage, la purification de l’âme, la persévérance dans l’Union mystique de la connaissance, la libéralité, la tempérance, la piété, la méditation, l’austérité, droiture,
« L’homme pacifique, la véracité, la douceur, le renoncement, le calme intérieur, la bienveillance, la pitié pour les êtres vivants, la paix du cœur, la mansuétude, la pudeur, la gravité,
« La force, la patience, la fermeté, la pureté, l’éloignement des offenses, la modestie, telle sont, ô Bhârata, les vertus de celui qui est né dans une condition divine. »

Dans cette guirlande de qualités, toutes, sans exception, doivent être acquises. Toutes sont absolument nécessaires. Nous ne devons en rejeter aucune. Mais remarquons celles qui ont pour noms : la bienveillance, la pitié pour les êtres vivants. Nous pouvons parfois posséder certaines vertus, comme la force, la pureté, le courage, la patience, mais si nous n’avons pas la charité, la bienveillance, la pitié, nous sommes, comme le disait Saint Paul : « Comme un airain qui résonne ou une cymbale qui retentit ». Dans les dures batailles de la vie, nous pouvons rencontrer de ces êtres qui vont, consciemment ou inconsciemment, vers leur mort spirituelle. Leur conscience n’est plus qu’un ciel noir zébré d’éclairs de passions et de haine. Dans leurs yeux, il n’y a plus de lumière, ou la petite flamme est prête à s’éteindre pour toujours. Le rire de la vie est déjà est mort. C’est la déchéance lamentable, horriblement triste qui commence. Quand nous rencontrons de tels êtres, ne disons pas : la femme ou l’alcool, l’opium, le jeu, l’avarice les ont tués. Que savons-nous de leur passé lointain ? Quelle est la douleur qui a pu les conduire vers les abîmes ? Nous ne le savons pas. Ne jugeons donc pas. Ne soyons pas durs et méprisants. Donnons-leur notre confiance. Faisons en sorte que notre immense charité, notre infinie pitié, ouvrent leur cœur et aussi leur confiance à eux. Ils ont tellement besoin de cette confiance ! Souvent nous nous fermons le cœur des autres, parce qu’ils n’ont pas confiance en nous, et surtout parce que nous n’avons pas su, par dureté ou tout autre sentiment, ouvrir leur cœur à la confiance. Souvenons-nous de ces mots puissants et puissent-ils nous aider à acquérir la charité infinie, la douce et infinie pitié :

« Ne condamne pas l’homme qui succombe ; tends-lui la main comme à un frère-pèlerin dont les pieds sont alourdis par la fange.
« Souviens-toi que le péché et l’opprobre du monde sont ton péché et ton opprobre, car tu en fais partie ; ton Karma est inextricablement lié au grand Karma…
« Souviens-toi donc que le vêtement souillé que tu crains de toucher, peut t’avoir appartenu hier, pourra être tien demain. Et si tu t’en détournes avec dégoût, il s’attachera d’autant plus étroitement à toi lorsqu’il sera jeté sur tes épaules.
« L’homme qui s’enorgueillit de sa droiture se prépare un lit de fange. » (4).

Mais un Maître de Sagesse a écrit également ces mots d’espoir :

« Aux yeux des “Maîtres” personne n’est jamais “absolument” condamné. Un joyau perdu peut être retrouvé jusque dans les profondeurs d’un étang vaseux ; de même le plus abandonné peut s’arracher à la fange du péché, mais à condition que le Joyau, précieux et par excellence, le germe resplendissant d’Atma (l’Esprit) soit développé. Chacun de nous doit accomplir cela pour lui-même ; chacun le peut s’il fait preuve de volonté et de persévérance.

« Les bonnes résolutions sont des images de bonnes actions, images peintes par le mental, les murmures secrets de Buddhi au Manas.
« Si nous les encourageons, elles ne s’évanouissent pas comme le mirage dans le désert de Shamo, mais deviendront de plus en plus fortes jusqu’au jour où la vie entière devient l’expression et la preuve extérieure du mobile divin intérieur. » (5).

Ces lignes du Maître et les quelques idées émises au cours de cette étude montreront, nous l’espérons du moins, que le chemin du salut de l’âme n’est pas aussi facile que nous le pensons généralement. Dans la réelle philosophie archaïque enseignée par les grands Maîtres de la Vie Spirituelle, il n’y a pas de train de luxe qui nous mène au salut, assis dans un bon fauteuil. Il n’y a pas de faveurs spéciales, de cierges ou d’encens, de dons d’argent, d’indulgences plénières, de prières qui peuvent, par un coup de baguette magique, nous conduire au but.

Comme le dit le Maître : « Chacun de nous doit accomplir cela pour lui-même ; chacun le peut s’il fait preuve de volonté et de persévérance. »

Et n’oublions jamais de développer la charité, l’immense pitié « pour les êtres vivants ». Car, « l’omission d’un acte de pitié devient une commission de péché mortel » (6).

Krishna Dasa.
Article publié dans la revue Théosophie, Volume XII, n°8.

Notes :

(1) Faust. Trad. G. DE Nerval.
(2) Les passages en italiques sont soulignés par l’auteur.
(3) La Clef de la Théosophie, p, 203.
(4) La Lumière sur le Sentier.
(5) Lettres des Maîtres.
(6) La Voix du Silence.


 

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