H.P. Blavatsky
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- Écrit par Horizons Théosophiques
- Catégorie : H.P. Blavatsky
- Publication : 1 novembre 2024
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De la constitution de l'Homme intérieur et de sa division
M. (= H.P. Blavatsky) — En effet, il est fort difficile, et cela peut paraître, comme vous le dites, « déroutant » de bien comprendre les divers aspects de I'EGO réel, appelés par nous « principes » , et de les distinguer correctement les uns des autres. Cela est d'autant plus difficile qu'il existe une grande différence dans le numérotage de ces principes selon les diverses écoles orientales, bien qu'au fond leur enseignement soit identique.
X. (Le questionneur) — Vous parlez des vedantins, n'est-ce pas ? Ne réduisent-ils pas à cinq vos sept « principes » ?
M. — Oui, mais bien que je ne m'aviserais pas de discuter ce point avec un érudit vedantin, je me permets de dire qu'à mon avis ils ont de bonnes raisons pour le faire. C'est uniquement à l'assemblage spirituel composé de divers aspects mentaux qu'ils donnent la désignation Homme, car, selon eux, le corps physique, qui n'est qu'une illusion, n'est pas digne d'être pris en considération. Et le Vedanta n'est pas la seule philosophie qui raisonne de cette manière. Lao-Tze, dans son Tao-te-King, ne fait mention que de cinq principes, parce que, comme les vedantins, il en exclut deux, à savoir : l'Esprit (Âtma) et le corps physique, qu'il se contente de nommer le « cadavre » . Ensuite, il y a l'École Târaka Râja Yoga qui aussi ne reconnaît que trois « principes » . En réalité cependant, leur sthûlopâdhi, ou corps physique, à l'état de veille consciente, leur sûkshmopâdhi, le même corps dans le svapna, ou état de rêve, et leur Kâranopâdhi, ou « corps causal » , ou ce qui passe d'une incarnation à une autre, sont tous doubles dans leurs aspects et, par-là, composent six principes. Ajoutez-y Âtma le principe divin impersonnel ou l'élément immortel dans l'Homme, qui ne se distingue pas de l'Esprit Universel, et vous aurez nos sept principes (1).
X. — Elle me paraît à peu près identique à celle des chrétiens mystiques : le corps, l'âme et l'esprit ?
M. — En effet. On pourrait très facilement faire du corps le véhicule du « double vital » ; de celui-ci le véhicule de la Vie, ou prâna, de kâmarûpa, ou âme (animale), le véhicule du mental supérieur et inférieur ; on composerait ainsi six principes, et l'esprit un et immortel en formerait le couronnement. En Occultisme, tout changement qualitatif de l'état de conscience donne à l'homme un aspect nouveau ; si celui-ci persiste et devient partie intégrante de I'EGO vivant et agissant, il faut lui donner un nom spécial (et on le lui donne en effet), pour permettre de distinguer l'homme qui est dans cet état particulier de l'homme tel qu'il est lorsqu'il se place dans un autre état.
X. — C'est justement cela qui est difficile à comprendre.
M. — Cela me paraît, au contraire, très facile dès qu'on est pénétré de cette idée principale que, soit sur ce plan de conscience, soit sur un autre, l'homme agit strictement d'après sa condition mentale et spirituelle. Mais, le matérialisme actuel est si grand que plus nous expliquons ces choses, moins on paraît capable de les comprendre. Divisez, si vous voulez, l'être terrestre appelé homme en trois aspects principaux ; et à moins que vous ne fassiez de lui un animal pur et simple, vous ne pourrez pas avoir moins de principes. Prenez son corps objectif ; ensuite le principe qui lui permet de sentir et qui est à peine plus élevé que l'instinct dans l'animal — c'est-à-dire l'âme vitale élémentaire ; et ce qui le met si incommensurablement au-dessus et au-delà de l'animal, autrement dit son âme raisonnante ou « esprit » ; eh bien ! si nous prenons ces trois groupes ou entités représentatives, et si nous les subdivisons selon l'enseignement occulte, qu'obtenons-nous ?
Tout d'abord, l'Esprit (au sens de l'Absolu et, par suite, du TOUT indivisible) ou Âtma. On ne doit point, en vérité, l'appeler un principe « humain » , puisqu'on ne peut, philosophiquement parlant, ni le localiser ni le limiter, car c'est tout simplement ce qui EST de toute Eternité, ce qui d'ailleurs ne peut être absent du plus petit point géométrique ou mathématique de l'univers de matière ou de substance. C'est tout au plus, en Métaphysique, le point qu'occupe dans l'espace, pendant la durée de chaque vie, la Monade humaine et son véhicule, l'homme. Or, ce point est aussi imaginaire que l'homme lui-même, et n'est en réalité qu'une illusion, une mâyâ. Mais, pour nous-mêmes comme pour tous les autres Ego personnels, nous sommes des êtres réels durant cette période d'illusion que nous appelons la vie, et nous devons nous prendre en considération — dans notre propre imagination du moins, si personne d'autre ne le fait. Pour aider l'intelligence humaine à pénétrer plus aisément ces idées en abordant l'étude de l'Occultisme et pour résoudre l'A B C du mystère qu'est l'homme, l'Occultisme appelle ce septième principe la synthèse des six et lui donne pour véhicule l'Âme Spirituelle (Buddhi). Or cette dernière recèle un mystère qui n'est jamais révélé à qui que ce soit, à l'exception des chélas [disciples] qui se sont liés irrévocablement par un serment ou, du moins, à ceux en qui l'on a une confiance absolue. Il est évident que la confusion serait moindre si on pouvait divulguer ce mystère ; mais, attendu qu'il concerne directement le pouvoir de projeter sciemment et à volonté son double, et que, de plus, ce pouvoir serait, comme « l'anneau de Gygès », aussi funeste à la société en général qu'à l'homme qui le posséderait, ce secret est soigneusement gardé. Seuls, les Adeptes qui ont été mis à l'épreuve et n'ont jamais failli, possèdent la clef du mystère complètement...
Mais revenons à nos « principes ». L'âme divine, ou Buddhi, est donc le véhicule de l'Esprit ; unis, ces deux principes n'en forment qu'un, impersonnel et sans aucun attribut (sur ce plan-ci, bien entendu), mais ils forment deux « principes » spirituels. En ce qui concerne l'Âme Humaine (Manas ou mens), tout le monde est d'accord à l'égard de la dualité, pour ne pas dire plus, de l'intelligence humaine : par exemple, un homme d'intelligence supérieure ne peut guère devenir mesquin ; et un abîme sépare l'homme intellectuel et spirituel de celui qui est obtus, lourd et matériel, presque animal. Mais pourquoi ne pas représenter l'homme comme ayant deux « principes » , ou plutôt deux aspects ? Chaque homme a en lui ces deux principes, mais bien rarement l'un des deux est entièrement atrophié ou paralysé, pour ainsi dire, sous tous les rapports, par la puissance et l'ascendant de l'autre aspect pendant la vie de l'homme. Ce sont donc là ce que nous appelons les deux principes ou aspects de Manas, l'un supérieur, l'autre inférieur ; le premier, le Manas supérieur ou l'Ego conscient et pensant, tend à s'élever vers l'Âme spirituelle (Buddhi), le dernier ou principe de l'instinct est attiré en bas vers kâma, siège des désirs animaux et des passions dans l'homme.
Nous avons ainsi quatre « principes » prouvés dont les trois derniers sont : 1° le « double » , que nous nous accordons à nommer l'Âme protéenne ou plastique, le véhicule du 2° le principe de vie ; et 3° le corps physique. Il va sans dire que nul physiologiste ou biologiste ne consentira à accepter ces principes et ne réussira à y trouver un sens quelconque. Et voilà peut-être pourquoi aucun d'eux ne comprend encore aujourd'hui ni les fonctions de la rate qui est le véhicule du double protéen, ni celles d'un certain organe qui est placé à droite et qui est le siège des susdits désirs. Voilà pourquoi ils ne savent rien non plus de la glande pinéale que l'on décrit comme une glande cornée contenant un peu de sable, tandis qu'elle est, en vérité, le siège même de la conscience supérieure et divine dans l'homme, de son intelligence omnisciente spirituelle qui embrasse tout. Cet appendice, qui semble inutile, est le pendule qui, une fois le mouvement de l'homme intérieur remonté, transpose la vision spirituelle de I'EGO jusqu'aux plans les plus élevés de perception où l'horizon qui s'ouvre devant lui devient presque infini...
X. — Mais les matérialistes scientifiques affirment que rien ne reste après la mort, que le corps humain se désagrège simplement en ses éléments constitutifs, et que ce qui s'appelle l'âme n'est qu'une soi-conscience ou conscience réfléchie temporaire, résultat tout à fait secondaire de l'action organique et qui se dissipe comme une vapeur. C'est un curieux état d'esprit que le leur, n'est-ce pas ?
M. — Je ne trouve pas. En disant que la soi-conscience cesse avec la destruction du corps, ils sont inconsciemment prophètes en ce qui les concerne ; car, dès lors qu'ils sont inébranlablement convaincus de ce qu'ils affirment, il n'y a plus pour eux de vie consciente possible outre-tombe.
X. — Mais pourquoi y aurait-il des exceptions, si c'est la règle que la soi-conscience humaine survive après la mort !
M. — II n'y a pas d'exceptions possibles aux principes fondamentaux du monde spirituel. Mais il y a des règles, pour ceux qui voient et des règles pour ceux qui préfèrent rester aveugles.
X.— Je comprends parfaitement. Vous voulez dire qu'il s'agit ici d'une aberration analogue à celle de l'aveugle qui nie l'existence du soleil parce qu'il ne le voit pas. Mais après la mort ses yeux spirituels le forceront sans doute à voir malgré lui ?
M. — Rien ne le forcera à voir ; et il ne verra rien non plus. Ayant opiniâtrement nié de son vivant la continuation de l'existence par-delà le tombeau, il sera incapable d'en avoir conscience après sa mort : ses facultés spirituelles s'étant atrophiées pendant la vie terrestre ne pourront pas se développer, il demeurera aveugle. En insistant sur le fait qu'il lui faudra voir, il est évident que vous parlez d'une chose et moi d'une autre. Vous parlez de l'esprit qui vient de l'Esprit, de la flamme émanée de la flamme — d'Âtma, en un mot — que vous confondez avec Manas, l'âme humaine... Vous ne me comprenez pas : je vais tâcher de me rendre plus clair. Au fond, votre question revient à demander si, pour un matérialiste à outrance, la perte complète de la soi-conscience et de la soi-perception est possible après la mort, n'est-ce pas ? Je réponds : elle est possible. Croyant fermement à la Doctrine Ésotérique qui enseigne que la période post mortem, l'intervalle entre deux vies ou deux naissances, n'est qu'un état transitoire, je dis que l'intervalle post mortem entre deux actes du drame illusoire qu'est la vie — qu'il dure une année ou un million d'années — peut correspondre exactement à l'état d'un homme évanoui, sans pour cela constituer une infraction à la loi fondamentale.
X. — Mais comment cela se pourrait-il ? Ne venez-vous pas de dire que les lois fondamentales de l'état après la mort n'admettent pas d'exception ?
M. —Et je le répète ; il n'y a aucune exception dans ce que j'avance. Mais la loi spirituelle de la continuité ne s'applique qu'à ce qui est vraiment réel, comme le savent ceux qui ont lu et compris la Mandukya Upanishad et le Vedânta Sara. Je dirai : il suffit de comprendre ce que nous entendons par Buddhi et par la dualité de Manas, pour se former une conception claire de la raison pour laquelle la survie soi-consciente après la mort peut faire défaut au matérialiste. Manas, étant dans son aspect inférieur le siège de l'intelligence terrestre, ne peut fournir d'autre conception de l'Univers que celle qui s'appuie sur les données propres à ce mental ; il ne peut pas fournir la vision spirituelle. Dans notre École Ésotérique, il est dit qu'il n'existe pas d'autre différence entre Buddhi et Manas ou entre Ishvara et Prajñâ (2) que celle qui existe entre une forêt et ses arbres, entre un lac et ses eaux, comme l'enseigne la Mandukya. Du fait qu'un arbre ou que cent arbres sont desséchés ou ont été déracinés, une forêt ne cesse pas pour cela d'être une forêt. La destruction ou la mort post mortem d'une personnalité, rayée de la longue suite de vies, ne causera pas le plus petit changement dans l'Ego divin Spirituel qui restera toujours le même EGO. Mais au lieu d'expérimenter le devachan, il se réincarnera immédiatement.
X. — Mais, si je comprends bien la similitude, l'Ego-Buddhi représente la forêt, et les personnalités mentales, les arbres. Or, si Buddhi est immortelle, comment se peut-il que ce qui lui est semblable, c'est-à-dire Manas-Taijasi (3) perde entièrement conscience jusqu'au jour de sa nouvelle incarnation ? Voilà ce qu'il m'est impossible de comprendre.
M. — Vous ne pouvez pas le comprendre, parce que vous persistez à confondre la représentation abstraite du tout avec les changements occasionnels de forme que subit ce tout et parce que vous confondez Manas-Taijasi, l'âme humaine éclairée par Buddhi, et la même animalisée. Il faut vous souvenir que, si l'on peut dire que Buddhi jouit d'une immortalité inconditionnée, on n'en saurait dire autant du Manas et encore moins de Taijasi qui n'en est qu'un attribut. Il ne peut exister de conscience post-mortem, ou de Manas-Taijasi, séparé de Buddhi l'Âme divine, parce que le premier (Manas) est, dans son aspect inférieur, un attribut qualificatif de la personnalité terrestre, et que le second (Taijasi) est identique au premier, puisqu'il n'est que ce même Manas reflétant la lumière de Buddhi. De même, Buddhi ne serait plus qu'un esprit impersonnel sans cet élément qu'il emprunte à l'âme humaine, qui le conditionne et en fait dans cet Univers illusoire quelque chose, pour ainsi dire, de séparé de l'âme universelle pendant toute la période du cycle d'incarnation. On doit plutôt dire que Buddhi-Manas ne peut ni mourir ni perdre dans l'Éternité sa soi-conscience composée, pas plus que le souvenir des incarnations précédentes dans lesquelles l'âme spirituelle et l'âme humaine avaient été étroitement liées l'une à l'autre. Mais il n'en va pas de même dans le cas d'un matérialiste, dont l'âme humaine non seulement ne reçoit rien de l'âme divine mais encore refuse d'en reconnaître l'existence. On ne saurait appliquer ce raisonnement aux attributs et aux qualifications de l'âme humaine, car cela reviendrait à dire que, du fait que votre âme divine est immortelle, le velouté de votre joue l'est aussi, tandis que ce velouté, comme Taijasi, n'est simplement qu'un phénomène transitoire.
X. — Dois-je entendre par là qu'il ne faut pas confondre dans la pensée le noumène avec le phénomène, la cause avec ses effets ?
M. — C'est cela même, je le répète : la splendeur radieuse de Taijasi elle-même, limitée strictement à Manas ou à l'âme humaine, n'est qu'une question de temps, puisque, en ce qui concerne la personnalité terrestre de l'homme, l'immortalité et la conscience après la mort deviennent simplement toutes les deux des attributs conditionnés, car elles dépendent entièrement des conditions et des croyances qu'a créées l'âme humaine elle-même durant la vie du corps. Le karma agit sans cesse : nous ne moissonnons en notre vie de l'au-delà que les fruits de ce que nous avons semé nous-mêmes en celle-ci.
X. — Mais si, après la destruction de mon corps, mon Ego est plongé dans un état d'inconscience complète, comment les péchés de ma vie passée peuvent-ils être punis ?
X. — Notre philosophie nous enseigne que la punition karmique n'atteint l'Ego que dans sa prochaine incarnation. Après la mort, il reçoit seulement la récompense due aux souffrances imméritées qu'il a subies pendant sa dernière incarnation (4). La punition, même dans le cas du matérialiste, consiste donc entièrement en l'absence de toute récompense et en la perte complète de la conscience de la félicité et du repos. Le karma est l'enfant de l'Ego terrestre, le fruit de ses actions, de l'arbre de la personnalité objective visible pour tous, aussi bien que le fruit de toutes les pensées et même de tous les motifs du « Moi » spirituel. Mais le karma est également une mère tendre qui guérit les blessures infligées par elle pendant la vie précédente, avant de recommencer à torturer l'Ego en lui en infligeant de nouvelles. Sans doute peut-on dire qu'il n'y a aucune souffrance mentale ou physique dans la vie d'un mortel qui ne soit le fruit direct et la conséquence d'un péché quelconque commis dans une existence précédente. Mais l'homme qui, dans sa vie actuelle, ne conserve aucun souvenir de ses fautes antérieures, l'homme qui sent qu'il ne mérite pas la punition qu'il subit et qui croit en conséquence souffrir de ce dont il n'est pas coupable a bien droit à la consolation la plus complète, au repos et à la félicité dans l'existence post mortem. Pour nos soi spirituels, la Mort vient toujours comme une libératrice et une amie.
Pour le matérialiste qui, malgré son matérialisme, ne fut pas un mauvais homme, l'intervalle entre les deux vies sera comme le sommeil ininterrompu et calme d'un enfant, soit entièrement dépourvu de songes, soit rempli de tableaux dont il n'aura pas de perception définie ; tandis que, pour l'homme qui croit, ce sera un songe aussi réel que la vie elle-même et rempli de visions et de félicité véritables. Quant à l'homme mauvais et cruel, matérialiste ou non, il renaîtra immédiatement et souffrira son enfer sur terre. Tomber en avîchi est un fait rare et exceptionnel.
X. — Autant que je me souvienne, les incarnations périodiques du Sutrâtma (5) sont comparées dans certaines Upanishad à la vie d'un mortel qui oscille périodiquement entre le sommeil et l'état de veille. Ceci ne me semble pas clair et voici pourquoi. Un autre jour commence, il est vrai, pour l'homme qui se réveille, mais cet homme, en tant que corps et âme, est le même que ce qu'il était la veille. Par contre, à chaque incarnation un changement complet s'opère, non seulement dans l'enveloppe extérieure, dans le sexe et dans la personnalité, mais encore dans les capacités mentales et psychiques. La comparaison ne me paraît pas tout à fait juste. L'homme qui se réveille se rappelle distinctement ce qu'il a fait hier, avant-hier, même ce qu'il a fait il y a des mois et des années. Mais aucun de nous n'a le moindre souvenir d'une vie précédente ni d'aucun fait ou événement s'y rapportant... Il se peut que j'oublie le matin ce que j'ai rêvé pendant la nuit ; cependant, je sais que j'ai dormi et j'ai la certitude d'avoir vécu pendant mon sommeil ; mais quel souvenir puis-je avoir de mon incarnation passée ? Comment concilier ces contradictions ?
M. — II existe des gens qui se rappellent, pendant la vie, leurs incarnations passées. Les Yogis appellent cette forme de mémoire samma-sambuddha, ou la connaissance de toute la série des incarnations précédentes.
X. — Mais nous, mortels ordinaires, qui n'avons pas atteint samma-sambuddha, comment pouvons-nous comprendre cette similitude ?
M. — En l'étudiant et en tâchant de mieux comprendre les caractéristiques des trois sortes de sommeil. Le sommeil est une loi à la fois générale et immuable pour l'homme aussi bien que pour la bête, mais il y a différents genres de sommeil et des genres encore plus différents de rêves et visions.
X. — Mais cela nous conduit à un autre sujet. Revenons au matérialiste qui, bien que ne niant pas les rêves — ce qu'il pourrait difficilement faire — nie pourtant l'immortalité en général et la survie de sa propre individualité en particulier.
M.— Et le matérialiste, sans le savoir, a raison. Car, pour celui qui n'a aucune perception intérieure ni aucune foi, il n'y a pas d'immortalité possible. Pour vivre d'une vie consciente au-delà de la mort, il faut y croire avant tout, pendant l'existence terrestre. Sur ces deux aphorismes de la Science Secrète s'érige toute la philosophie de la conscience post mortem et de l'immortalité de l'âme. L'Ego reçoit toujours selon ses mérites. Pour lui, après la dissolution du corps, commence soit une période de conscience pleinement éveillée, soit un état de songes chaotiques, soit un sommeil entièrement dépourvu de rêves que l'on ne saurait distinguer de l'annihilation ; tels sont les trois états de conscience. Si nos physiologistes voient la cause des songes et des visions dans la préparation inconsciente qui s'opère à leur égard pendant les heures de veille, pourquoi n'admet-on donc pas une cause semblable pour les songes post mortem ? Je le répète : la mort est un sommeil. Après la mort, se déroule devant les yeux spirituels de l'âme un programme que nous avons appris et que nous avons nous-mêmes le plus souvent rédigé sans nous en rendre compte : ce programme consiste en la réalisation des croyances correctes ou des illusions que nous avons nous-mêmes créées. Le méthodiste restera méthodiste, le musulman restera musulman, du moins pendant quelque temps, dans le paradis imaginaire que chacun a rêvé et créé pour soi. Tels sont les fruits que nous cueillerons à l'arbre de vie après la mort. Naturellement, notre foi ou manque de foi à l'égard du fait de l'immortalité consciente, n'influera en rien sur la réalité inconditionnée du fait une fois qu'il existe ; mais la foi ou le manque de foi en cette immortalité concernant des entités indépendantes et séparées ne manquera pas de donner à ce fait une nuance spéciale, lorsqu'il s'applique à chacune d'entre elles. Commencez-vous maintenant à comprendre ?
X. — Je pense que oui. Le matérialiste en se refusant à croire à tout ce qui ne tombe pas sous ses cinq sens ou ne peut être prouvé par un raisonnement scientifique, rejette toute manifestation spirituelle et n'accepte comme vie consciente que l'existence présente. Il lui sera donc fait selon sa foi. Ayant perdu son Ego personnel au moment de la mort, il sera plongé dans un sommeil sans rêve jusqu'à ce qu'il se réveille de nouveau. N'est-ce pas ?
M. — À peu près. Pénétrez-vous bien de l'enseignement pratique et universel à l'égard des deux genres d'existence consciente, la terrestre et la spirituelle. Or, il faut considérer cette dernière comme réelle par le fait même que c'est la région de la cause éternelle, immuable et immortelle de toute chose ; tandis que l'Ego qui se réincarne se pare de vêtements nouveaux qui sont entièrement différents de ceux de ses incarnations passées et sont destinés, à l'exception de son prototype spirituel, à subir des changements si radicaux qu'il n'en reste aucune trace.
X. — Mais comment la conscience de mon « ego » terrestre peut-elle périr, non seulement pour un temps comme la conscience du matérialiste, mais d'une manière si complète qu'il n'en reste aucune trace ?
M. — D'après l'enseignement, il faut qu'elle périsse ainsi et entièrement, à l'exception du principe qui, en se réunissant à la Monade, devient par là une essence purement spirituelle et indestructible, un avec celle-ci dans l'Éternité. Mais, dans le cas du matérialiste convaincu dont le « moi » personnel n'a jamais reflété Buddhi, comment cette dernière pourrait-elle emporter dans l'Éternité une seule parcelle de cette personnalité terrestre ? Votre « Moi » spirituel est immortel, mais de votre « moi » actuel il ne peut emporter dans l'Éternité que ce qui est devenu digne d'immortalité — l'arôme seul de la fleur que la mort a fauchée.
X. — Mais la fleur, le « moi » terrestre ?
M. — La fleur, comme toutes les fleurs passées et futures qui ont fleuri ou qui fleuriront sur la branche-mère — le Sutrâtma, toutes issues d'une même racine, Buddhi — retournera en poussière. Votre « Moi » réel, comme vous le savez vous-même, n'est pas le corps qui est maintenant assis devant moi : ce n'est pas non plus ce que j'appellerais Manas-Sutrâtma, mais Sutrâtma-Buddhi.
X. — Mais, cela ne m'explique pas du tout pourquoi vous appelez la vie d'outre-tombe immortelle, infinie et réelle, et la vie terrestre simple fantôme et illusion, puisque cette vie post mortem elle-même a ses limites, bien que ces limites soient beaucoup plus étendues que celles de la vie terrestre.
M. — Sans doute. L'Ego spirituel de l'homme se meut dans l'éternité comme un pendule qui oscille entre les heures de la naissance et de la mort. Mais si les heures qui marquent les périodes de vie terrestre et de vie spirituelle sont limitées dans leur durée, et si la série de ces étapes à travers l'Éternité entre le sommeil et la veille, entre l'illusion et la réalité, a un commencement et une fin, le « Pèlerin » spirituel n'en est pas moins éternel. Ainsi, à notre point de vue, ce qui constitue la seule réalité pendant la période de ce pèlerinage appelé le « cycle des renaissances » ce sont les heures de sa vie post mortem, où l'homme désincarné se trouve face à face avec la vérité, et non plus avec les mirages de ses existences terrestres et passagères. Malgré leurs limites, ces intervalles n'empêchent cependant pas l'Ego, qui se perfectionne toujours, de suivre, bien que graduellement et lentement, son chemin sans dévier, jusqu'à sa dernière transformation où, arrivé au but, l'Ego devient le TOUT divin. Ces intervalles et ces étapes, au lieu de l'entraver, aident l'Ego à atteindre le résultat final et, sans ces périodes limitées, l'Ego divin n'arriverait jamais au but ultime. Cet Ego est l'acteur et ses incarnations nombreuses et variées sont les rôles joués par ce dernier. Appelleriez-vous ces rôles ou leurs costumes l'individualité de l'acteur lui-même ? Pendant le cycle de nécessité, qui dure jusqu'au seuil même de paranirvâna, l'Ego, ainsi que l'acteur, est obligé de jouer bien des rôles qui lui déplaisent peut-être. De même que l'abeille recueille le miel de chaque fleur et laisse le reste en pâture aux vers de terre, notre individualité spirituelle — que nous l'appelions Sutrâtma ou Ego — cueille de chaque personnalité terrestre, dans laquelle karma la force à s'incarner, le nectar seul des qualités spirituelles et de la soi-conscience ; elle les réunit en un tout et sort de sa chrysalide comme un Dhyan-Chohan glorifié. Tant pis pour les personnalités terrestres dont elle n'a rien pu recueillir, elles ne survivront certainement pas consciemment à leur existence terrestre.
X. — II semble alors que pour la personnalité terrestre l'immortalité soit toujours conditionnelle. Mais alors l'immortalité en elle-même n'est-elle donc pas inconditionnelle ?
M. — Pas du tout. Mais l'immortalité ne peut pas toucher le non-existant. Pour tout ce qui existe en tant que SAT, ou qui aspire au SAT, l'immortalité et l'Éternité sont absolues. La Matière est le pôle opposé de l'Esprit et pourtant les deux ne sont qu'un. Et l'essence de tout — c'est-à-dire l'Esprit, la Force et la Matière ou les trois en un — est sans commencement ni fin. Mais la forme dont cette triple unité se revêt pendant ses incarnations, son aspect extérieur, n'est certainement que l'illusion de nos conceptions personnelles. Voilà pourquoi nous donnons l'appellation de réalité à la vie post mortem seulement, tandis que nous reléguons la vie terrestre, y compris sa personnalité terrestre, dans le domaine chimérique de l'illusion.
X. — Mais, pourquoi, dans ce cas, appelez-vous le sommeil réalité et l'état de veille illusion ?
M. — Ce n'est là qu'une comparaison qui a pour but de faciliter la compréhension du sujet et, au point de vue de nos conceptions terrestres, elle est très juste.
X. — Et pourtant, si la vie future est basée sur la justice et si elle est la récompense bien méritée de toutes nos souffrances ici-bas, je ne comprends pas pourquoi, en ce qui concerne les matérialistes, dont beaucoup sont des hommes véritablement honnêtes et charitables, il ne reste rien de leur personnalité que le rebut d'une fleur fanée !
M. — Je n'ai pas dit cela. S'il est un homme bon, aucun matérialiste, quelque incroyant qu'il soit, ne peut mourir pour toujours dans la plénitude de son individualité spirituelle. Ce que j'ai dit, c'est que la conscience du matérialiste endurci peut disparaître, soit entièrement soit partiellement, de sorte que rien de conscient de sa personnalité ne survit.
X. — Mais n'est-ce pas l'annihilation pour l'Ego ?
M. — Nullement. Pendant un long voyage en chemin de fer, on peut dormir d'un sommeil si profond que l'on passe plusieurs stations sans en avoir la moindre conscience ni le moindre souvenir, et pourtant se réveiller à une autre station plus loin, et continuer son voyage en passant par un nombre infini d'autres points d'arrêt, jusqu'à ce que le voyage se termine et qu'on arrive à destination. Je vous ai parlé de trois genres de sommeil : le sommeil sans rêves, le sommeil qui n'est qu'un chaos de rêves et le sommeil où les rêves deviennent des réalités pour le dormeur. Si vous croyez à ce dernier genre de sommeil, pourquoi ne croyez-vous pas au premier ? La vie de l'au-delà sera modelée sur ce que l'homme a cru et sur ce qu'il s'est représenté. Celui qui ne s'attend à aucune vie future trouvera, dans l'intervalle entre deux renaissances, un vide absolu qui équivaudra à l'annihilation. Le programme dont nous venons de parler se réalisera, programme créé par les matérialistes eux-mêmes. Mais il y a, comme vous le dites, différentes sortes de matérialistes. L'égoïste méchant, sans cœur, qui n'a jamais versé de larmes que sur lui-même et qui a ainsi ajouté à son incroyance l'indifférence la plus complète au monde entier perdra à jamais sa personnalité au seuil de la mort. Cette personnalité, n'ayant pour ainsi dire aucun lien de sympathie pour son entourage, n'aura donc rien qui l'attachera au Sutrâtma, et toute connexion entre les deux sera nécessairement rompue au moment du dernier soupir. Puisqu'il n'existe point de devachan pour un tel matérialiste, le Sutrâtma se réincarnera presque immédiatement. D'autre part, les matérialistes dont la seule erreur fut de ne pas croire à une vie future, dormiront profondément et ne perdront qu'une station. Le temps viendra où l'ex-matérialiste s'apercevra qu'il existe, lui aussi, dans l'Éternité, et il se repentira peut-être alors d'avoir perdu même une journée, une seule étape de la vie éternelle.
X. — Ne serait-il pas plus juste de dire que la mort n'est qu'une naissance à une vie nouvelle ou bien un nouveau retour à l'éternité ?
M. — Si vous voulez. Mais il faut vous souvenir que les naissances diffèrent entre elles, qu'il naît des « mort-nés » ; qui sont des insuccès de la nature. En outre, les idées; adoptées en Occident au sujet de la vie matérielle sont telles qu'elles n'admettent point qu'on applique les termes ; « vivant » et « être » à l'état purement subjectif de l'existence post mortem. À l'exception de quelques philosophes que très peu de gens lisent, et qui d'ailleurs eux-mêmes n'ont pas une conception assez claire pour présenter d'une manière bien distincte les sujets qu'ils traitent, les notions des Occidentaux relativement à la vie et à la mort sont devenues si étroites qu'elles ont, d'un côté, conduit au matérialisme le plus grossier et, de l'autre, à la conception plus matérielle encore de la vie future qui trouve son expression dans le « Summer Land » des spirites, où les âmes des hommes mangent, boivent, se marient et vivent dans un paradis tout aussi sensuel et encore moins philosophique que celui de Mahomet. Les conceptions ordinaires du chrétien sans éducation ne sont guère meilleures non plus ; elles sont même plus matérielles. Le Ciel chrétien, avec ses anges privés de corps, ses trompettes de cuivre, ses harpes d'or, aussi bien que l'enfer avec ses flammes matérielles, ressemble à la scène féerique d'une pantomime de Noël. C'est à cause de ces conceptions étroites que vous éprouvez tant de difficultés à comprendre. C'est précisément parce que la vie de l'âme désincarnée — bien qu'elle ait tous les attributs vivants de la réalité, comme certains genres de rêve — est entièrement privée des formes grossièrement objectives de la vie terrestre que les philosophes orientaux l'ont comparée aux visions du sommeil.
H.P. Blavatsky
Notes :
(1) Voir, pour une explication plus claire, The Secret Doctrine Vol. l, 157.
(2) Ishvara est la conscience collective de la déité manifestée, Brahma — c'est-à-dire la conscience collective de l'Armée de Dhyan Chohan — et Prajñâ est leur sagesse individuelle.
(3) Taijasi signifie le radieux, par suite de l'union de Manas avec Buddhi — l'âme humaine illuminée par le rayonnement de l'âme divine. On peut donc décrire Manas-Taijasi comme le mental radieux, la raison humaine éclairée par la lumière de l'esprit : Buddhi-Manas est donc la représentation du divin, plus l'intellect humain et la soi-conscience.
(4) Certains théosophes ont trouvé à redire à cette phrase, mais les mots sont du Maître et la signification attachée au terme « imméritées » est celle donnée ci-dessus. Dans la brochure T. P. S. N° 6 se trouvait une phrase, critiquée plus tard dans la revue Lucifer, que l'on avait employée pour exprimer la même idée. Elle péchait par la forme, il est vrai, et méritait la critique qu'elle souleva ; mais l'idée essentielle en était que les hommes souffrent souvent des effets d'actions faites par d'autres, effets qui n'appartiennent pas strictement à leur propre karma; et pour ces souffrances-là ils méritent naturellement une compensation. S'il est exact de dire que rien de ce qui nous arrive ne peut être autre que karma — soit l'effet direct ou indirect d'une cause — ce serait une grande erreur de penser que les maux ou les bienfaits qui nous sont impartis sont dus uniquement à notre propre karma personnel. (Voir la suite du texte.)
(5) Notre principe immortel qui se réincarne en conjonction avec les souvenirs manasiques des vies précédentes, est appelé Sutrâtma., ce qui signifie littéralement l'Âme-Fil. Il s'appelle ainsi parce que la longue série de vies humaines est enfilée sur cette Âme-Fil comme autant de perles enfilées sur un fil unique. Manas doit devenir Taijasi, le radieux, avant de pouvoir s'attacher au Sutrâtma comme une perle sur son fil et avoir de la sorte une perception complète et absolue de lui-même dans l'Éternité. Comme je l'ai dit précédemment, une association trop intime de l'âme humaine avec le mental terrestre peut seule causer la perte totale de ce rayonnement.
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Certains collaborateurs distingués de la littérature Théosophique ont dernièrement décrit les qualités nécessaires pour devenir un homme parfait, c'est-à-dire, un Adepte. Ils disaient qu’entre autres choses un tel être devait absolument posséder l’Amour – et non seulement l’Amour abstrait mais l’amour pour un ou plusieurs objets.
Que voulaient-ils dire en parlant de l’ « amour pour un objet », et se peut-il que l’amour puisse jamais exister sans un objet ? Ce sentiment qui ne s’adresse qu’à l’Éternel et l’Infini, et n’emprunte rien aux illusions terrestres, peut-il s’appeler amour ? Cet amour sans objet peut-il être l’amour, ou en d’autres termes : l’amour des formes, ou pour un objet, est-il le véritable amour ? Si un homme aimait toute chose d’une façon égale dans l’univers, sans accorder sa préférence à aucune, un tel amour ne serait-il pas pratiquement sans objet ? Ne reviendrait-il pas à ne rien aimer du tout, puisque dans un tel cas, l’individualité d’un objet donné quelconque serait perdue de vue ?
Un amour dirigé de façon égale vers toutes choses, un amour universel, est au-delà de la conception du mental mortel, et pourtant cette sorte d’amour qui n’accorde aucune faveur à une chose déterminée semble être l’amour éternel que recommandent tous les livres sacrés de l’Orient et de l’Occident ; car aussitôt que nous commençons à aimer une chose ou un être plus qu’un autre, non seulement nous détournons du reste une somme d’amour à laquelle la masse a le droit de prétendre, mais nous nous attachons aussi à l’objet de notre amour, une conséquence contre laquelle on nous met sérieusement en garde dans divers passages de ces livres.
La Bhagavad-Gîtâ enseigne que nous ne devons aimer ni haïr aucun objet des sens, ni nous attacher à aucun d’entre eux, mais qu’il nous faut renoncer aux fruits de tous nos projets, et fixer nos pensées uniquement sur LUI, l’Éternel, qui n’est pas une chose, ni un objet de connaissance pour nous, mais dont la présence peut être expérimentée subjectivement par nous et en nous-mêmes. Elle dit : « Est estimé entre tous celui qui garde une âme égale, parmi ses amis et compagnons ou au milieu d'ennemis, d'êtres hautains et indifférents, au milieu de ceux qui aiment ou qui haïssent ou dans ses relations avec des pécheurs ou des justes. » (BG, chap. VI, 9). Et plus loin elle dit encore : « Celui qui me voit en toutes choses et voit toutes choses en moi ne se détache pas de moi et je ne l'abandonne point. Et quiconque, croyant à l'unité spirituelle, m'honore, moi qui suis en toutes choses, demeure avec moi quelle que soit la condition dans laquelle il se trouve. Celui, ô Arjuna, qui en raison de la similitude trouvée en lui-même ne voit qu'une seule essence en toutes choses, bonnes ou mauvaises, celui-là est considéré comme le fidèle consacré par excellence. » (BG, chap. VI, 30-2).
Presque à chaque page de la Bhagavad-Gîtâ, on nous recommande de diriger uniquement notre amour vers ce qui est éternel dans chaque forme, et de considérer cette forme elle-même comme une chose d’importance secondaire :
« On dit qu'un homme est confirmé dans la connaissance spirituelle lorsqu'il abandonne chaque désir qui entre dans son cœur, lorsqu'il est heureux par lui-même et satisfait dans le Soi par le Soi. Son esprit n'est pas troublé dans l'adversité; il est heureux et satisfait dans la prospérité, et les soucis, la peur et la colère lui sont étrangers » (BG, chap. II, 55-56). « Le cœur attaché au renoncement et à la pratique de l'action, tu parviendras à moi. Je suis le même pour toutes les créatures ; je ne connais ni haine, ni préférence ; mais ceux qui me servent avec amour demeurent en moi et moi en eux. » (BG, chap. IX, 28-29)
« Les sages illuminés considèrent avec égalité d'âme un Brâhmane éclairé et impersonnel, une vache, un éléphant, un chien et jusqu'à un paria qui mange la chair de chien ». « L'homme qui connaît l'Esprit Suprême, qui n'est pas abusé et qui s'attache à Lui, ne se réjouit pas des choses agréables et ne se lamente point en affrontant celles qui sont désagréables. Celui dont le cœur est détaché des objets des sens trouve le bonheur en lui-même et, uni à l'Esprit Suprême par la consécration, il jouit d'une béatitude impérissable. » « L'homme qui est heureux en lui-même et illuminé intérieurement est un fidèle consacré ; participant de la nature de l'Esprit Suprême, il y est absorbé » (BG, chap. V, 18, 20-21, 24).
Le grand Hermès Trismégiste enseigne la même doctrine identique car il dit : « Lève-toi et embrasse-moi de tout ton être et je t’enseignerai tout ce que tu désires savoir ».
La Bible nous dit aussi que « Dieu est Amour » (I Jean, IV, 8) et Jésus précise « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout ton esprit (intelligence » (Matthieu, XXII, 37). [La Bible] tout en enseignant que nous ne devons rien aimer d’autre que Dieu qui est Tout en Tout (Épître aux Éphésiens, I, 22-23), affirme que ce Dieu est omniprésent, éternel et incompréhensible pour l’intelligence finie des mortels (Première Épître à Timothée, VI, 16). Elle enseigne que cet amour est la plus importante des possessions, sans laquelle toutes les autres sont inutiles (Première Épître aux Corinthien, XIII, 1-2) et pourtant ce Dieu que nous devons aimer n’est pas un « objet » (Jean, I, 5) mais est partout. Il est en nous et nous en Lui (Épître aux Romains, XII, 5). Nous devons abandonner tout objet des sens et ne suivre que Lui (Luc, V, 10-11), quoique nous n’ayons aucun moyen intellectuel de Le connaître ou de Le percevoir, le grand Inconnu, pour l’amour duquel, nous devons renoncer à notre foyer, à nos frères, sœurs, père, mère, femme, enfants et terres. (Marc, X, 29).
Que peut signifier tout ceci, sinon que l’amour lui-même est l’objet légitime de l’amour ? C’est un pouvoir divin, éternel et infini, une lumière qui se reflète dans chaque objet tout en ne cherchant pas l’objet, mais simplement sa propre réflexion en lui. C’est un feu indestructible, et plus il est ardent, plus vive sera la lumière, plus claire paraîtra sa propre image. L’amour ne tombe amoureux que de lui-même, il est libre de toute autre attraction. Un amour qui s’attache aux objets des sens cesse d’être libre, cesse d’être de l’amour et n’est plus qu’un simple désir. L’amour pur et éternel ne demande rien, mais donne généreusement à tous ceux qui veulent prendre. L’amour terrestre est attiré vers les personnes et les choses, mais l’amour spirituel Divin ne recherche que ce qui est divin en tout, et ceci ne peut être rien d’autre que l’amour, car l’amour est le pouvoir suprême en tout. Il maintient les mondes dans l’espace, il revêt la terre de couleurs brillantes et chaudes, il guide les instincts des animaux et lie l’un à l’autre les cœurs des êtres humains.
En agissant sur les plans inférieurs d’existence, il enlace d’un tendre un baiser les choses terrestres, mais l’amour sur le plan spirituel est libre. L’amour spirituel est une déesse qui continuellement se sacrifie à elle-même, et qui n’accepte pas d’autre sacrifice que son propre soi, se donnant elle-même en retour, pour tout ce qu’elle reçoit.
Par conséquent, la Bhagavad-Gîtâ dit : « Nourrissez-en les Dieux, afin que les Dieux à leur tour vous nourrissent; et, vous nourrissant ainsi mutuellement, vous obtiendrez la plus haute félicité. » (Chap. III, 11) ;
et la Bible précise : « À celui qui a beaucoup, il sera donné, mais à celui qui a peu, le peu qu’il a lui sera pris ». (Luc, XIX, 26).
L’amour est un pouvoir universel, et par suite immortel, il ne peut jamais mourir. Nous ne pouvons pas croire que même la plus petite parcelle d’amour ait jamais péri, seuls les instruments par lesquels il se manifeste, changent de forme ; d’autre part, il ne doit jamais naître, car il existe de toute éternité, les corps seuls dans lesquels il brille, naissent, meurent et renaissent. Un amour qui ne se manifeste pas est inexistant pour nous, car naître à l’existence signifie se manifester. Comment alors pourrions-nous imaginer un être doué d’un amour qui ne se manifesterait jamais ; comment pourrions-nous concevoir une lumière qui ne luirait jamais, et un feu qui ne donnerait aucune chaleur ?
Mais « comme le soleil luit sur la terre des justes et des injustes, comme la pluie descend sur les champs des pernicieux aussi bien que sur ceux des bons », de même aussi l’amour divin, se manifestant dans un homme parfait, se répand également sur chacun, sans faveur ni partialité. Partout où existe un être humain bon et parfait, l’amour divin se manifeste et le degré de perfection d’un homme dépend de son degré de capacité de servir l’instrument à la manifestation de l’amour divin. Plus il est parfait, plus son amour descendra sur tous et pénétrera ceux qui subiront sa divine influence. Demander à Dieu des faveurs revient à Le concevoir comme un être imparfait dont l’amour n’est pas libre, mais sujet à être guidé et acheté par les mortels. S’attendre à des faveurs de la part d’un Mahatma, c’est le concevoir comme un homme imparfait.
Il est vrai que la « prière », c'est-à-dire l’élévation et l’aspiration de l’âme « en esprit et en vérité » (Jean, XIV, 14-18), est utile, non parce qu’elle persuade la lumière de se rapprocher de nous, mais parce qu’elle nous aide à nous ouvrir les yeux et à découvrir la lumière qui était déjà présente. Que ceux qui désirent entrer en contact avec les Adeptes, pénètrent dans leur sphère en suivant leurs doctrines ; qu’ils cherchent l’amour, mais non un objet digne d’amour, et, lorsqu’ils auront trouvé le premier, ils découvriront une surabondance d’objets dans toute l’étendue de l’univers illimité ; ils le trouveront dans tout ce qui existe, car l’amour est le fondement de toute existence, et sans amour, rien ne peut continuer d’exister.
L’amour – l’amour divin – est la source de la vie, de la lumière, du bonheur. C’est le principe créateur dans le Macrocosme et dans le Microcosme de l’Homme. C’est Vénus, la mère de tous les dieux, parce que d’elle seule naissent la Volonté et l’Imagination, et tous les autres pouvoirs grâce auxquels fut évolué l’univers. C’est le germe de divinité qui existe dans le cœur de l’homme, et qui peut s’épanouir en un soleil répandant la vie, illuminant le mental et projetant ses rayons au centre de l’univers ; car il est issu de ce centre, et dans ce centre il finira par retourner. C’est un messager divin qui apporte la Lumière du Ciel sur Terre, puis retourne au Ciel chargé de dons sacrificatoires.
Tous lui rendent un culte, certains l’adorent sous une forme, d’autres sous une autre, mais beaucoup ne perçoivent que la forme et ne voient pas l’esprit divin. Néanmoins, l’esprit seul est réel ; la forme est une illusion. L’amour peut exister sans forme, mais aucune forme ne peut exister sans amour. Il est l’Esprit pur, mais si la lumière est réfléchie dans la matière, elle crée le désir, et le désir produit les formes. Ainsi, le monde visible des choses périssables est créé, mais au-dessus de cette nature visible, il en existe une autre, invisible et éternelle :
« Il existe cependant ce qui n'est jamais détruit lors de la dissolution de toutes choses ; cela est indivisible, indestructible et d'une nature différente de celle du visible. Ce qu'on désigne comme le non-manifesté et l'inépuisable est appelé le but suprême ; ceux qui l'ont atteint ne reviennent jamais : c'est ma demeure suprême. » (Bhagavad-Gîtâ, chap. VIII, 20-1).
C’est le séjour suprême de l’Amour sans objet, non manifesté et impérissable, car là il n’existe aucun objet. Là, l’amour est uni à l’amour, jouissant du bonheur suprême et éternel en lui-même et de cette paix qu’aucun mental mortel, captif de l’illusion de la forme, ne peut concevoir. Non existant pour nous, et existant pourtant dans ce suprême Être-té où toutes choses résident, par lequel l’univers a été manifesté et qu’on peut atteindre par une dévotion exclusive.
H.P. Blavatsky
Cet article fut publié pour la première fois par H.P. Blavatsky dans le Lucifer de janvier 1888, sous le titre "Love With An Object" et la signature d’Emanuel. Publié en français dans la Revue Théosophie, VI, n°1, de septembre 1930.
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Les bouleversements terrestres : « Aussi lorsque nous parlons, comme dans notre, second volume, d’hommes qui habitaient ce globe il y a 18.000.000 d’années, nous ne songeons ni aux hommes de notre race actuelle ni aux lois atmosphériques et aux conditions thermales de notre époque. La terre et l’humanité, tout comme le soleil, la lune et les planètes, traversent, durant leurs périodes d’existence, des phases de croissance, de changement, de développement et d’évolution graduelle ; ces globes naissent, deviennent des enfants, des adolescents, des vieillards et finalement meurent. Pourquoi l’humanité ne serait-elle pas soumise à cette loi universelle ? Uriel disait à Énoch : “Regarde, je t’ai montré toutes choses, ô Énoch… Tu vois le Soleil, la Lune et ceux qui dirigent les étoiles du ciel et qui provoquent toutes leurs opérations, leurs saisons et leurs retours. À l’époque des pécheurs, les années seront raccourcies… tout ce qui se fera sur la terre sera bouleversé… la Lune changera ses lois » (Livre d’Enoch, ch. 129-130).
« Les mots « époque des pécheurs » voulaient dire l’époque où la matière battrait son plein sur la terre et où l’homme aurait atteint son maximum de développement physique, tant en stature qu’en animalité. Ceci se produisit à l’époque des Atlantéens, vers le milieu de la durée de leur Race, la quatrième, qui fut noyée comme l’avait prédit Uriel. Depuis lors, la taille humaine a été en décroissant, ainsi que sa force et la durée des années, comme nous le démontrerons dans le volume suivant. Pourtant, comme nous avons atteint le milieu de la durée de notre sous-race de la cinquième Race-Mère – époque du maximum de matérialité pour chacune – les propensions animales, bien que plus raffinées, n’en sont pas moins développées, et cela se remarque surtout dans les pays civilisés. » - H.P. Blavatsky, The Secret Doctrine, I, 609-610.
Sur l’âge de l’humanité : « L'affirmation que l'homme physique fut, à l'origine, un colossal géant pré-tertiaire, et qu'il existait, il y a 18.000.000 d'années, doit sembler déraisonnable aux admirateurs et aux fidèles de l'enseignement moderne. Tout le posse comitatus [« sélection naturelle »] des Biologistes se détournera de la conception de cette Troisième Race de Titans de l'Ère Secondaire, de ces êtres bien faits pour lutter, avec succès, contre les monstres gigantesques de l'air, de la mer et de la terre ; quant à leurs ancêtres, les prototypes éthérés de l'Atlantéen, ils n'avaient guère à craindre ce qui ne pouvait leur faire de mal. L'Anthropologue moderne peut bien se moquer de nos Titans, comme il se moque de l'Adam Biblique et comme le Théologien se moque de l'ancêtre pithécoïde de l'anthropologue. Les Occultistes et leurs critiques sévères peuvent éprouver l'impression d'avoir aujourd'hui réglé leurs comptes mutuels d'une manière assez satisfaisante. En tout cas, les Sciences Occultes prétendent moins et donnent plus que l'Anthropologie Darwiniste ou la Théologie Biblique.
« La chronologie Ésotérique ne devrait, du reste, effrayer personne, attendu qu'en ce qui concerne les chiffres, les plus grandes autorités actuelles sont aussi changeantes et aussi incertaines que les vagues de la Méditerranée. En ce qui a seulement trait à la durée des périodes géologiques, les savants de la Société Royale perdent désespérément pied et sautent d'un million à cinq cents millions d'années avec la plus grande facilité, ainsi que nous le constaterons plus d'une fois pendant cette comparaison. » - H.P. Blavatsky, La Doctrine Secrète, éd. Adyar, III, p. 12 (The Secret Doctrine, II, 9).
La chronologie des anciens : « La chronologie et les computations des Initiés Brahmanes sont basées sur les archives zodiacales de l'Inde et sur les œuvres de l'Astronome et Magicien mentionné plus haut Asouramaya. Les archives zodiacales Atlantes ne peuvent se tromper, puisqu'elles ont été compilées sous la direction de ceux qui furent les premiers à enseigner, entre autres choses, l'Astronomie à l'humanité. » - H.P. Blavatsky, La Doctrine Secrète, éd. Adyar, III, p. 63 (The Secret Doctrine, II, 49).
La race des géants : « Strictement parlant, ce n'est qu'à dater de l'époque des races Atlantéennes géantes, brunes ou jaunes, que nous devons faire mention de l'homme, puisque ce ne fut que la Quatrième Race qui constitua la première espèce complètement humaine, quoique bien plus grande que nous ne sommes maintenant. Tout ce qui est dit des Atlantéens dans Man : Fragments of a Forgotten History (par deux Chélas), est tout à fait correct. C'est surtout cette Race qui devint "noire par le péché", qui jeta le discrédit sur les divins noms des Asouras, des Râkshasas et des Daityas et qui les transmit à la postérité comme des noms d'adversaires. En effet, comme nous l'avons dit, les Souras, Dieux ou Dévas, s'étant incarnés dans les hommes sages de l'Atlantide, les noms d'Asouras et de Râkshasas furent donnés aux Atlantéens ordinaires. Les incessants conflits de ces derniers avec les résidus de la Troisième Race et les "Fils de la Volonté et du Yoga", eurent pour conséquence que leurs noms donnèrent naissance aux allégories postérieures, qui en font mention dans les Pourânas. "Asoura était le nom générique de tous les Atlantéens qui étaient les ennemis des héros spirituels des Aryens (les Dieux)." (Man, p. 77.) » - H.P. Blavatsky, La Doctrine Secrète, éd. Adyar, III, pp. 283/4 (The Secret Doctrine, II, 227).
Sur la fin de l’Atlantide : « Nous lisons dans le Critias : "On doit avant tout se souvenir que 9.000 ans se sont écoulés depuis la guerre des nations qui vivaient au-delà des colonnes d'Hercule et de celles qui peuplaient les territoires situés de ce côté-ci". Platon dit la même chose dans le Timée. Comme la Doctrine Secrète déclare que la plupart des derniers insulaires atlantes périrent il y a 830.000 à 700.000 ans et que les Aryens avaient 200.000 ans d'existence lorsque la première "Ile", ou Continent, fut submergée, il ne semble guère possible de concilier entre eux ces différents chiffres, mais c'est pourtant possible. Platon, en sa qualité d'Initié, devait employer le langage voilé en usage dans le Sanctuaire, et les Mages de Chaldée et de Perse, aux révélations exotériques desquels nous sommes redevables de la conservation des légendes persanes et de leur transmission à la postérité, étaient soumis à la même obligation. Ainsi nous constatons que les Hébreux appelaient "sept jours" une semaine et parlaient d'une "semaine d'années" lorsque chacun de ses jours représentait 360 années solaires et que la "semaine" entière représentait, en fait, 2.520 ans. Ils avaient une semaine sabbatique, une année sabbatique, etc., et leur Sabbat durait indifféremment 24 heures ou 24.000 ans, dans les calculs secrets de leurs Sods. Nous autres, à l'époque actuelle, nous employons le mot "siècle" pour désigner une période. Ceux qui vivaient à l'époque de Platon, tout au moins les auteurs initiés, n'entendaient pas désigner par le mot millenium une période de 1.000 ans, mais bien de 100.000 ans ; quant aux Hindous, plus indépendants que tous, ils n'ont jamais caché leur chronologie. Aussi, au lieu de 9.000 ans, les Initiés liraient 900.000 ans, période durant laquelle – c'est-à-dire depuis la première apparition de la Race Aryenne, au moment où les parties Pliocènes de l'ancienne grande Atlantide commencèrent à s'affaisser et où d'autres continents commencèrent à émerger, jusqu'à la disparition finale de la petite île d'Atlantide de Platon – les races Aryennes ne cessèrent jamais de lutter contre les descendants des premières races géantes. Cette guerre dura presque jusqu'à la fin de la période qui précéda le Kali Youga et ce fut le Mahâbhârata, ou Grande Guerre, si célèbre dans l'histoire des Indes. Un pareil enchevêtrement d'événements et d'époques et la réduction de centaines de milliers à des milliers d'années, ne change rien au nombre des années qui se sont écoulées, suivant la déclaration faite à Solon par les prêtres égyptiens, depuis la destruction de la dernière partie de l'Atlantide. Les 9.000 ans représentent le chiffre correct. Ce dernier événement n'avait jamais été tenu secret et s'était simplement effacé de la mémoire des Grecs. Les Égyptiens avaient conservé leurs archives complètes, en raison même de leur isolement ; entourés par la mer et par le désert, les autres nations ne les avaient entravés en rien, jusqu'à quelques milliers d'années avant notre ère. » - H.P. Blavatsky, La Doctrine Secrète, éd. Adyar, III, pp. 493/4 (The Secret Doctrine, II, 384/5).
Il n’y a pas de race supérieure ou inférieure : « Si demain le continent européen venait à disparaître, si d'autres territoires venaient à émerger à sa place et si les tribus africaines venaient à se séparer et à se répandre sur la surface de la Terre, ce seraient elles qui, dans environ cent mille ans, formeraient la masse des nations civilisées, et ce seraient les descendants de nos nations hautement cultivées ayant pu survivre dans une île quelconque sans posséder les moyens de traverser les nouvelles mers, qui retomberaient dans un état de sauvagerie relative. Ainsi la raison que l'on met en avant pour diviser l'humanité en races supérieures et en races inférieures, tombe d'elle-même et devient un sophisme. » - H.P. Blavatsky, La Doctrine Secrète, éd. Adyar, III, p. 530 (The Secret Doctrine, II, 425).
La glande pinéale, l’éveil spirituel et la moralité
« La vue intérieure ne peut désormais s'acquérir que par l'entraînement et l'initiation. » - H.P. Blavatsky, The Secret Doctrine, II, 294.
« L'Occultisme pratique fondé sur la philosophie ésotérique reconnaît le lien direct et intime qui existe entre la glande pinéale et les organes génitaux. Ils sont les deux arcs des pôles créatifs, et quand l'un est positif et actif, l’autre est dans un état négatif et une condition passive proportionnels. Quand le pôle Nord de la glande pinéale est actif, il crée des “enfants” faits d'idées et de pensées ; quand le pôle Sud de l'organe générateur est actif, il crée des enfants de chair.
« La glande pinéale est le cœur de l'esprit, le siège de l'Amour exempt de toute luxure, le siège de la Compassion sans trace de passion. Dans l'individu ordinaire la glande pinéale et les organes génitaux sont actifs tour à tour, par conséquent il est un mélange de luxure et d’amour, de passion et de compassion, de mal et de bien. Notre capacité de perception morale et nos facultés mentales créatrices sont altérées et déformé lorsque la glande pinéale est asservie aux organes génitaux. Le mariage comme institution spirituelle et comme institution de la responsabilité familiale offre les moyens nécessaires pour un juste ajustement des deux pôles créatifs. L’occultisme insiste sur le l’aspect sacré du mariage et l’éthique de vie qui l’accompagne. L'occultisme aussi reconnaît l’existence de niveaux supérieurs dans lesquels le Yogi observe un célibat strict afin de développer harmonieusement les pouvoirs psycho-spirituels, et permettre à l'âme humaine des adeptes parfaits atteindre la divinité, grâce la possession du pouvoir du Kriya Shakti, de créer par la Volonté et le Yoga.
« Comme l’a dit plusieurs fois H.P. Blavatsky, ce n'est pas l'usage mais le mauvais usage de la fonction créatrice du corps qui a produit les nombreux malheurs de l'humanité moderne. L'une des tâches du Mouvement Théosophique qu'elle a inauguré est d'amener l'humanité à comprendre la nécessité d’une vie sexuelle vraie et pure. À l'heure actuelle, les hommes et les femmes paient par la maladie et la souffrance le fait « d’avoir abusé de la puissance créatrice, profané le don divin et gaspillé l’essence de la vie sans but autre que la gratification personnelle bestiale ». L'étudiant théosophique est invité à lire l’article « Vivre la vie supérieure » (v. ULT Pamphlet, N°34, « Living the Higher Life ».
La glande pinéale est le siège même de la conscience supérieure et divine : La glande pinéale que l'on décrit comme une glande cornée contenant un peu de sable, tandis qu'elle est, en vérité, le siège même de la conscience supérieure et divine dans l'homme, de son intelligence omnisciente spirituelle qui embrasse tout. Cet appendice, qui semble inutile, est le pendule qui, une fois le mouvement de l'homme intérieur remonté, transpose la vision spirituelle de I'EGO jusqu'aux plans les plus élevés de perception où l'horizon qui s'ouvre devant lui devient presque infini... » - H.P. Blavatsky, article « Dialogue sur les mystères de l’au-delà » (Raja-Yoga ou Occultisme, pp. 252/3).
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Qu’avait donc en vue l’auteur du Prométhée Délivré lorsqu’il parlait du retour des jours d’or, et du renouvellement du grand âge du monde ? Son intuition poétique avait-elle transporté sa « vision du Dix-neuvième Siècle dans le « Cent dix-neuvième », ou bien cette vision lui avait-elle révélé en un tableau fastueux, les choses à venir qui sont celles du passé ?
Fichte nous assure que c’est « un phénomène fréquent, surtout dans les âges passés » que « ce que nous deviendrons est représenté par une partie de ce que nous avons déjà été, et ce que nous devons acquérir est représenté de même par quelque chose que nous avons perdu autrefois ». Et il ajoute « ce que Rousseau place derrière nous, sous le nom de l’état de Nature, et que les anciens poètes appelaient l’Âge d’Or, gît en réalité devant nous ».
C’est aussi l’idée de Tennyson, quand il dit :
« Les anciens écrivains font reculer l’âge heureux dans le passé ;
« Les plus fous le place dans l’avenir ;
« Tous deux ne sont que des rêveurs… »
Heureux l’optimisme dans le cœur duquel le rossignol de l’espoir peut encore chanter en dépit de toute l’iniquité et du froid égoïsme de l’âge présent ! Notre siècle est un âge arrogant, aussi orgueilleux qu’hypocrite, aussi cruel que dissimulé. […]
Mais si la loi est équitable, elle doit s’appliquer impartialement à tous. Devons-nous comprendre qu’elle défend « d’offenser et de peiner » les sentiments de n’importe qui, ou simplement ceux des Chrétiens ? Si la première alternative est exacte, elle doit comprendre les Théosophes, les Spirites, les nombreux millions de païens qu’un sort miséricordieux a inclus parmi les sujets de Sa majesté, et même les Libres Penseurs et les Matérialistes dont certains sont très susceptibles. L’autre alternative : celle de limiter la « loi » au Dieu des Chrétiens seuls, ne peut être envisagée ; nous ne soupçonnons d’ailleurs pas la loi d’une telle partialité. Car « blasphème » est un mot qui ne s’applique pas uniquement à Dieu et Déesses. Ce terme de « blasphème », comportant le même sens criminel, existait chez les Grecs, les Romains et les anciens Égyptiens, des siècles avant notre ère. « Tu n’outrageras pas les dieux » (au pluriel) ressort du verset 28 du chapitre xxii de l’Exode, lorsque « Dieu » parle sur le Mont Sinaï. […]
Mais de nos jours, le monde ne juge que sur les apparences. Les motifs ne sont pas pris en considération, et la tendance matérialiste porte les hommes à condamner a priori tout ce qui heurte le sens superficiel de la propriété et les idées enracinées. Les Nations, les hommes, les idées, sont jugés d’après nos préjugés et les émanations mauvaises de la civilisation moderne tuent toute bonté et vérité. Ainsi que l’a observé St Georges, les races sauvages disparaissent rapidement « tuées par le simple contact de l’homme civilisé ». Sans aucun doute, ce doit être une consolation pour les Hindous et même les Zoulous, de penser que tous leurs frères survivants, mourront savants, sinon Chrétiens, grâce aux efforts des missionnaires. Un Théosophe, un colonial né en Afrique, nous racontait l’autre jour qu’un Zoulou s’était présenté à lui comme « boy ». Ce Cafre était un gradué de collège, un savant en Latin, en Grec, en Hébreux et en Anglais, mais incapable, en dépit de toutes ses connaissances, de cuire un dîner, ou de nettoyer des bottes. Aussi fut-il obligé de le renvoyer – probablement pour mourir de faim. Tout ceci gonfle les Européens d’orgueil. Mais comme le dit encore l’auteur que nous venons de citer « ils oublient que l’Afrique devient rapidement Musulmane et que l’Islam semblable à un bloc de granit qui, par sa cohésion puissante, défie la force des vagues et des vents, est réfractaire aux idées européennes, celles-ci ne l’ayant jamais jusqu’à présent sérieusement influencé. Il se peut que l’Europe s’éveille un jour Musulmane ». Mais lorsque les « races inférieures » auront toutes disparu, qui, ou qu’est-ce qui les remplacera dans le cycle destiné à refléter le nôtre ?
Certains, n’ayant fait qu’effleurer l’histoire ancienne et moderne, rabaissent et méprisent tout ce qui fut accompli dans le passé. Nous nous souvenons avoir lu un article parlant des prêtres païens qui « bâtirent des tours orgueilleuses », au lieu « d’émanciper les sauvages dégénérés ». Les Mages de Babylone étaient comparés aux « pauvres Patagons » et aux autres missions chrétiennes, les premiers ne venant qu’en second lieu dans la comparaison. À ceci l’on peut répondre que si les anciens bâtissaient des « tours orgueilleuses », les modernes le font aussi, témoin la folie parisienne actuelle de la Tour Eiffel. On ne peut dire combien ces anciennes tours coûtèrent de vies humaines, mais la Tour Eiffel a, en un an de temps, causé la mort de plus de cent hommes. Entre celle-ci et la Tour de Babylone, la palme de la supériorité appartient de droit à cette dernière, la ziggurat ou la Tour planétaire du Temple de Nébo à Borsippa [proche de Babylone]. De la « tour orgueilleuse » construite en guise d’attraction pour les enfants de la folie, il y a de la marge pour des opinions variées, à moins qu’on n’aille jusqu’à prétendre que la folie moderne est supérieure à l’ancienne sagesse. De plus, c’est à l’astrologie chaldéenne que l‘astro-gnose moderne doit ses progrès, et ce sont les calculs astronomiques des Mages qui sont devenus la base de notre mathématique astronomique moderne, et qui ont guidé les chercheurs dans leurs découvertes. […]
L’orgueil est le plus grand ennemi de lui-même. Se refusant à entendre louer quelqu’un en sa présence, il déchire à belles dents tout rival, mais ne sort pas toujours victorieux de la lutte. « Je suis l’UNIQUE, l’élue de Dieu », dit la nation orgueilleuse. « Je suis l’invincible et la plus puissante ; tremblez tous à mon approche ». Mais voyez, un jour vient où elle gît dans la poussière, déchirée et sanglante. « Je suis l’UNIQUE », croasse la corneille revêtue des plumes du paon. « Je suis l’UNIQUE, le peintre, l’artiste, l’écrivain, etc., par excellence… Quiconque reçoit ma lumière est choisi par les nations ; celui dont je me détourne est condamné au mépris et à l’oubli. »
Vanité et vaine glorification ! La vérité, énoncée dans l’Évangile est tout aussi vraie dans la loi de Karma – celui qui sera le premier, sera le dernier – plus tard. Certains écrivains verront leurs idées survivre plusieurs générations, bien qu’elles déplaisent à la majorité fanatique ; d’autres, au contraire, brillants et originaux, seront rejetés dans les cycles futurs. De plus comme l’habit ne fait pas le moine, de même l’apparence excellente d’une chose n’est pas une garantie de la beauté morale de son auteur, soit en art ou en littérature. La plupart des poètes, philosophes et écrivains les plus éminents furent, historiquement, des hommes immoraux. Les principes moraux de Rousseau n’empêchèrent pas sa nature d’être loin de la perfection. Edgar Poe, dit-on écrivit ses meilleurs poèmes dans un état voisin du delirium tremens. Georges Sand, en dépit de son intuition psychologique merveilleuse, du haut caractère moral de ses héroïnes et de ses idées élevées, n’aurait jamais pu prétendre au prix de vertu Monthyon. Le talent, et surtout le génie, ne proviennent pas de l’actuelle, et nul ne devrait s’en enorgueillir personnellement ; ils sont le fruit d’une existence antérieure, et leurs illusions sont dangereuses. « Maya », disent les Orientaux, « tend ses voiles les plus épais et les plus décevants sur les coins et les objets les plus beaux de la nature ». Les serpents les plus beaux sont les plus venimeux. L’arbre Upas, dont les émanations mortelles tuent tout être vivant qui l’approche, est le Roi de la Beauté des forêts africaines.
Devons-nous nous attendre à la même chose dans le « cycle prochain » ? Serons-nous condamnés aux mêmes maux que ceux qui nous accablent actuellement ? […]
Tel est notre siècle qui se prépare bruyamment mais heureusement à faire son saut final dans l’éternité. De tous les siècles passés, c’est le plus ironiquement cruel, le plus méchant, immoral, prétentieux et impur. […]
Le sentimentalisme et la vanité – l’un une maladie nerveuse, l’autre ce sentiment qui vous pousse à nager avec le courant de peur de passer pour des gens qui retardent ou des infidèles – sont des armes puissantes dans les mains de nos pieux « agneaux » modernes et de nos « boucs » érudits. Karma seul sait le nombre de ceux qui vont grossir les rangs de l’un ou de l’autre groupe, par émotivité ou par vanité…
Ceux qui ne se laissent pas troubler par l’émotivité hystérique ou par une sainte peur des foules et des conventions ; ceux dont la voix de la conscience – « la petite voix tranquille » qui étouffe le grondement puissant des Chutes du Niagara, lorsqu’elle se fait entendre, ne leur permet pas qu’ils soient traîtres à eux-mêmes – ceux-là restent à l’écart. Pour eux, il n’y a plus d’espoir dans cet âge décadent, et ils n’ont plus qu’à renoncer à toute espérance. Ils sont nés en dehors de leur siècle. Tel est le terrible spectacle qu’offre notre cycle sur le point de se terminer, à ceux dont les yeux ont été débarrassé des préjugés, des idées préconçues et de la partialité, et qui voient la vérité derrière les apparences décevantes de notre « civilisation » occidentale. Mais que réserve notre nouveau cycle à l’humanité ? Ne serait-il qu’une continuation du cycle présent, en plus sombre et en plus terrible ? Ou un jour nouveau poindra-t-il pour l’humanité, un jour de pure clarté, de vérité, de charité, de vrai bonheur pour tous ? La réponse dépend en grande partie de rares Théosophes qui, fidèles à leurs idées dans la bonne et la mauvaise fortune, continuent à lutter pour la Vérité contre les pouvoirs des Ténèbres.
Un journal infidèle contient quelques paroles optimistes, la dernière prophétie de Victor Hugo qui serait sensé avoir dit :
« Durant quatre cents ans, la race humaine n’a pas fait un pas en avant sans en laisser des vestiges apparents derrière elle. Nous entrons maintenant dans l’ère des grands siècles. Le seizième siècle sera connu comme l’âge des peintres, le dix-septième sera appelé l’âge des écrivains, le dix-huitième l’âge des philosophes, le dix-neuvième l’âge des apôtres et des prophètes. Le dix-neuvième siècle devra posséder les talents de peintre du seizième, d’écrivain du dix-septième, de philosophie du dix-huitième, et il devra avoir comme Louis Blanc, l’amour saint et inné de l’humanité qui caractérise un apôtre, et ouvre un aperçu prophétique sur l’avenir. Au vingtième siècle la guerre sera anéantie, l’échafaud, l’animosité, la royauté et les dogmes seront tués, mais l’homme vivra. Pour tous il n’y aura plus qu’un pays, et ce pays sera la terre entière, pour tous il n’y aura plus qu’un espoir, et cet espoir sera le ciel.
Gloire alors à ce noble vingtième siècle à qui appartiendront nos enfants, et dont nos enfants hériteront ! »
Si la Théosophie triomphe dans la lutte, si sa philosophie universelle touche profondément le mental et le cœur des hommes, si ses doctrines de Réincarnation et de Karma, ou, en d’autres mots, d’Espoir et de Responsabilité trouvent un écho dans la vie des générations nouvelles, alors vraiment poindra un jour de joie et de bonheur pour tous ceux qui souffrent actuellement et sont des parias de la société. Car la vraie Théosophie est l’Altruisme, et nous ne pourrions le répéter assez souvent : elle est l’amour fraternel, l’aide mutuelle, le dévouement inébranlable à la Vérité. Si l’humanité peut comprendre que c’est uniquement en cela que réside le vrai bonheur, et non pas dans la richesse, les possessions ou toute autre satisfaction, alors les nuages sombres se disperseront, et une humanité nouvelle naîtra sur terre. Et c’est alors en vérité que l’ÂGE D’OR règnera ici-bas.
Mais si la Théosophie échoue, l’orage éclatera, et nos orgueilleuses civilisations et lumières occidentales sombreront dans une nuée d’horreur comme jamais encore l’Histoire n’en a enregistré de pareille.
H.P. Blavatsky
Cet article fut publié par Mme Blavatsky dans la revue anglaise Lucifer de mai 1889. Publié en français dans le revue Théosophie, II, n°6, février 1927.
- Détails
- Écrit par Horizons Théosophiques
- Catégorie : H.P. Blavatsky
- Publication : 1 mars 2024
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Introduction
Au pays du rêve et du somnambulisme
Les rêves ne sont-ils que de vaines visions ?
Introduction
Nous publions l’article sur les rêves auquel il est fait allusion dans la lettre suivante, ainsi que les notes explicatives désirées, afin d’instruire nos lecteurs :
À l’Éditeur du Theosophist (i)
L’extrait ci-joint d’un article qui parut dans un récent numéro du « Chamber’s Journal ». J’espère que vous le publierez et voudrez bien nous donner des explications complètes sur les sujets suivants : 1° Les rêves sont-ils toujours réels ? Dans l’affirmative, qu’est-ce qui les produit ? S’ils ne sont pas réels, ne peuvent-ils pas avoir en eux-mêmes une signification profonde ? 2° Dites-nous quelque chose au sujet de notre état d’existence prénatale et de la transmigration de l’âme. 3° Donnez-nous tout ce qui vaut la peine d’être connu concernant la psychologie telle que le suggère cet article. Très fraternellement, votre serviteur obéissant,
Jehangir Cureset JI Tarachand M.S.T. Bombay, 10 novembre 1881.
Réponse de la directrice
Pour exprimer plus exactement la requête de notre correspondant, il voudrait que le Theosophist résumât dans les limites d’une colonne ou deux, les faits englobés dans tout l’ensemble de tous les mystères subliminaires, en donnant des « explications complètes ». Ceci comprendrait :
1° La philosophie complète des rêves, déduite de leurs aspects physiologique, biologique, psychologique et occulte.
2° Les Jatakas bouddhistes (renaissances et migrations de notre Seigneur Sakya-Muni) avec un essai philosophique sur les transmigrations des 387.000 Bouddhas qui « tournèrent la roue de la foi » pendant les révélations successives au monde des 125.000 autres Bouddhas, les Saints qui peuvent « dominer et démêler les fils mille fois noués de la chaîne morale de causalité », présentant un traité sur les Nidhanas, la chaîne des douze causes avec une liste complète de leurs deux millions de résultats, ainsi que de nombreuses annexes dues à certains Arahats « qui ont atteint le fleuve qui se déverse en Nirvana ».
3° Les rêveries combinées des psychologues célères du monde entier, depuis l’Hermès égyptien et son Livre des Morts ; la définition de l’âme de Platon dans le Timée ; et ainsi de suite jusqu’aux Conversations Nocturnes de Salon avec une âme Désincarnée du Rév. Adramelech Romeo Tiberius Tougskin de Cincinnati.
Telle est la modeste tâche qu’on nous propose. Supposons que nous donnions d’abord l’article qui provoqua une soif si intense d’instruction philosophique, et puis essayons de faire ce que nous pouvons. C’est un cas curieux – si ce n’est pas une fiction littéraire : [Retour Sommaire]
Au pays du rêve et du somnambulisme
À l’Éditeur du Theosophist
« L’auteur de cet article a un beau-frère qui a remarqué que certains de ses rêves avaient un caractère remarquable et significatif ; et son expérience prouve qu’il existe un rapport étrange et inexplicable entre de tels rêves et l’état de somnambulisme. Avant de décrire en détail quelques exemples de somnambulisme tels que lui et sa fille les manifestent, je raconterai un de ses rêves qui s’est répété quatre fois dans ses points frappants et saillant, à des périodes incertaines, au cours de ces dernières trente années. Dans sa jeunesse active, il fut un agriculteur pratique, mais il vit maintenant retiré. Toute sa vie, il fut maigre, actif, joyeux, très sociable, et pas du tout ce qu’on pourrait appeler un dévoreur de livres. Voici quel fut son rêve : il se trouvait seul en face d’un bâtiment en maçonnerie solide, regardant distraitement vers le nord, quand, à son étonnement, les pierres du milieu, au niveau des yeux, se soulevèrent graduellement et glissèrent l’une sur l’autre, jusqu’à ce qu’une ouverture suffisante se soit produite pour livrer passage à un homme. Tout à coup, un petit homme, habillé de noir, avec une grosse tête chauve, parut dans l’ouverture, y paraissant fixé du fait que ses pieds et ses jambes étaient enfouis dans la maçonnerie. L’expression de son visage était douce et intelligente. Ils se regardèrent pendant ce qui parut un long moment, sans qu’aucun d’eux n’essayât de parler et pendant ce temps, l’étonnement de mon frère ne fit que croître. Enfin, comme l’exprima celui qui avait fait le rêve : « Le petit homme en noir, à la tête chauve et à la mine sereine », dit : « Ne me reconnaissez-vous pas ? Je suis l’homme que vous avez assassiné dans un état pré-natal d’existence ; et je vous attends jusqu’à ce que vous veniez, et cela sans dormir. Il n’y a aucune trace de votre mauvaise action dans votre état d’existence humaine, aussi ne devez-vous pas vous chagriner dans votre vie mortelle – enfermez-moi de nouveau dans les ténèbres. »
Le rêveur commença, pensa-t-il, à remettre les pierres dans leur position originelle, faisant remarquer au petit homme, comme il l’exprima lui-même : « Tout cela est l’effet de votre imagination car il n’y a pas d’état pré-natal d’existence. » Le petit homme qui paraissait diminuer de plus en plus dit : « Recouvrez-moi et partez. » Sur ce, le rêveur s’éveilla.
Les années passèrent, et le rêve était oublié dans l’acceptation ordinaire du terme, quand, sans aucun retour de pensée vers ce sujet, il rêva qu’il se tenait en plein soleil, en face d’un vieux mur de jardin appartenant à une grande maison de campagne inoccupée, quand les pierres devant lui se mirent à glisser doucement et bientôt laissèrent voir le même personnage mystérieux, avec toutes ses caractéristiques, et celui-ci répéta les mêmes paroles que lors de la première occasion, bien qu’un certain nombre d’années se fussent écoulées depuis ce moment. Le même rêve semblable s’est encore reproduit deux fois à des périodes irrégulières, mais il n’y avait aucun changement dans l’aspect du visage du petit homme en noir. » [Retour Sommaire]
Réponse de la directrice
Notes de l’éditeur. – Nous ne sentons pas qualifié pour nous prononcer sur les mérites ou démérites de ce rêve particulier. Son interprétation peut être laissée aux Daniels de la Psychologie qui, comme W.A. Hammonde M.D. de New-York, expliquent que les rêves et le somnambulisme sont dus à un état exalté de la moelle épinière. Il se peut que ce rêve ait été un simple rêve sans signification, dû au hasard, amené par une corrélation de pensées qui occupent machinalement le mental durant le sommeil.
« Cette obscur crépuscule du mental
Quand le rayon de la Raison, à moitié caché
Derrière les nuages des sens, dore obscurément
Chaque forme indécise que crée la fantaisie »,
– alors que nos opérations mentales se font indépendamment de notre volition consciente.
Nos sens physiques sont les agents grâce auxquels l’esprit astral ou le « quelque chose conscient » en nous, est conduit, par contact avec le monde extérieur, à une connaissance d’existence réelle ; tandis que les sens spirituels de l’homme astral sont les moyens, les fils télégraphiques par lesquels il communique avec ses principes supérieurs et en obtient les facultés de perception claire et de vision dans les royaumes du monde invisible[i].
Le philosophe bouddhiste prétend que, par la pratique des dhyanas on peut atteindre « à l’état illuminé du mental qui se manifeste par une reconnaissance immédiate de la vérité sacrée, de telle sorte qu’en ouvrant les Écritures Sacrées (ou n’importe quel livre ?) leur véritable signification jaillit immédiatement dans le cœur. » (Beal’s Catena, etc., p. 255). Si la première fois cependant, le rêve mentionné ci-dessus n’avait pas de sens, les trois fois suivantes il peut s’être reproduit par le réveil soudain de cette partie du cerveau à laquelle il était dû, car dans le rêve ou le somnambulisme le cerveau n’est endormi qu’en partie et il est mis en activité par l’intermédiaire des sens externes, pour une cause spéciale : un mot prononcé, une pensée ou une image s’attardant à l’état latent dans l’une des cellules de la mémoire et réveillée par un bruit soudain, la chute d’une pierre suggérant instantanément à l’imagination à demi consciente du dormeur, des murs en maçonnerie et ainsi de suite. Quand on est tout à coup troublé dans son sommeil, sans toutefois être complètement réveillé, on ne commence ni ne termine son rêve au moment où ce simple bruit vous a partiellement éveillé, mais souvent on expérimente dans son rêve une longue suite d’événements concentrés dans le bref espace de temps que dure le bruit et qu’il faut attribuer uniquement à ce bruit. Généralement, les rêves sont induits des associations d’idées qui les ont précédés à l’état de veille. Certains produisent une telle impression que la moindre idée dans la direction d’un sujet quelconque associé à un rêve particulier, peut en amener le retour des années plus tard. Tartini, le fameux violoniste italien, composa sa « Sonate du Diable » sous l’inspiration d’un rêve. Pendant son sommeil, il crut que le Diable lui apparaissait et lui proposait un défi de virtuosité sur son propre violon, qu’il apportait avec lui des régions infernales, défi que Tartini accepta. Quand il se réveilla, la mélodie de la « Sonate du Diable » était imprimée si intensément en son esprit, qu’il la nota sur le champ ; mais en arrivant au final, tout souvenir de la suite disparut, et il mit de côté le morceau de musique inachevé. Deux ans plus tard, il rêva la même chose et essaya dans son rêve de se rappeler le final à son réveil. Le rêve se répéta à cause d’un musicien de rue, aveugle, qui jouait de son instrument sous la fenêtre de l’artiste. Coleridge composa de la même façon son poème « Kublai Khan » dans un rêve, et, en s’éveillant, il le trouva gravé si intensément en son mental qu’il écrivit les vers fameux qui sont encore conservés. Le rêve eut pour cause le fait que le poète était tombé endormi sur sa chaise en lisant dans le « Pèlerinage » de Purcha, les paroles suivantes : « Ici, le Khan Kublai ordonna qu’on bâtit un palais…entouré d’un mur. » [Retour Sommaire]
La croyance populaire qui prétend que parmi le grand nombre de rêves privés de sens, il y en a qui prédisent fréquemment des événements à venir, est partagée par beaucoup de personnes versées en la matière, mais nullement par la science. Pourtant, il existe des exemples sans nombre de rêves authentiques qui se vérifient par les événements futurs et qui, par suite, peuvent être appelés prophétiques. Les classiques grecs et latins fourmillent de récits de rêves remarquables, dont certains sont devenus historiques. La foi dans la nature spirituelle du rêve était tout aussi largement répandue parmi les philosophes païens que chez les pères chrétiens de l’Eglise, et la croyance aux présages et aux interprétations de rêves (oniromancie) ne se limite pas aux nations païennes de l’Asie, puisque la Bible en est pleine. Voici ce que dit Eliphas Lévi, le grand Cabaliste moderne, au sujet de ces divinations, visions et rêves prophétiques ([ii]) :
« Le somnambulisme, les prémonitions et la seconde vue ne témoignent que d’une disposition, soit accidentelle ou habituelle, à rêver éveillé ou pendant un sommeil volontaire, provoqué par soi-même et pourtant analogues de la Lumière Astrale…Tout l’attirail et les instruments de divination ne sont que de simples moyens de communications (magnétiques) entre le divin et celui qui le consulte ; ils servent à fixer et à concentrer deux volontés (dirigées dans la même direction ) sur le même signe ou objet ; les étranges et compliquées figures mouvantes aidant à rassembler les réflexions du fluide astral. Ainsi, l’un est capable de voir par moment dans les marcs de café ou dans les nuages, dans le blanc d’un œuf, etc., des formes fantastiques n’existant que dans le monde translucide (ou dans l’imagination du voyant). La vision clairvoyante dans l’eau est produite par la fatigue du nerf optique ébloui, qui finit par céder sa fonction à celle du milieu translucide et fait surgir une illusion cérébrale qui semble faire des images réelles de simples réflexions de la lumière astrale. Ainsi, les personnes les mieux douées pour ce genre de divination sont celles de tempérament nerveux, dont la vue est faible et l’imagination vive, les enfants y étant adaptés mieux que tout autre. Mais que nul n’interprète mal la nature de la fonction que nous attribuons à l’imagination dans l’art de la divination. Nous voyons sans aucun doute à travers notre imagination, et c’est là l’aspect naturel du miracle ; mais nous voyons des choses réelles et vraies, et c’est en cela que gît la merveille du phénomène naturel. Nous faisons appel, pour confirmer ce que nous disons, au témoignage de tous les adeptes… ».
Et maintenant, nous donnons une seconde lettre qui nous relate un rêve vérifié par des événements indéniables. [Retour Sommaire]
Les rêves ne sont-ils que de vaines visions ?
À l’éditeur du Theosophist
Il y a quelques mois, un certain Babu Jugut Chunder Chatterjee, Sous-Député Collecteur de Morshedabad au Bengale, fut désigné pro tem pour une mission à Kandi, une sous division du District de Morshedabad. Il avait laissé sa femme et ses enfants à Berhampore, le Chef-lieu du District et résidait à Kandi avec Babu Soorji Coomar Baskh (Sous-député Collecteur de la sous-division) à la résidence de ce Monsieur.
Ayant reçu l’ordre de faire quelques travaux à un endroit, à environ dix milles de Kandi, dans l’intérieur des terres, Babu Jugut Chunder prit ses dispositions en conséquence pour partir le jour suivant. Pendant cette nuit, il rêva à sa femme atteinte du choléra à Berhampore et souffrant intensément. Ceci troubla son esprit. Il raconta son rêve à Babu Soorji Coomar, le lendemain matin, et tous deux considérant le sujet comme un rêve privé de sens, poursuivirent leurs occupations respectives sans y accorder une autre pensée.
Après le déjeuner, Babu Jugut Chunder se retira pour prendre un court repos avant de se mettre en route. Dans son sommeil, il fit le même rêve. Il vit sa femme souffrant de la terrible maladie, fut témoin de la même scène et s’éveilla en sursaut. Il commença à s'inquiéter, et se levant, il relata à nouveau son second rêve à Babu Soorji qui ne sut que dire. Il fut alors décidé que, puisque Babu Jugut Chunder devait rejoindre le poste qui lui était assigné, son ami, Babu Soorji Coomar lui enverrait sans retard toute lettre ou nouvelle qu’il pourrait recevoir à son adresse de Berhampore, et après avoir pris des dispositions spéciales dans ce but, Babut Jugut Chunder partit.
A peine parti de quelques heures, arriva un messager de Berhampore avec une lettre pour Babu Jugut. Son ami se rappelant l’état d’esprit dans lequel il avait quitté Kandi et craignant de mauvaises nouvelles, ouvrit la lettre et y trouva la confirmation du rêve qui s’était répété deux fois. La femme de Babu Jugut avait été atteinte du choléra à Berhampore, la nuit même où son mari l’avait rêvé, et elle en souffrait encore. Ayant reçu la nouvelle qui lui avait été transmise par un messager spécial, Babu Jugut retourna sur le champ à Berhampore, où grâce à des soins immédiats, la patiente fut bientôt guérie.
Ceci me fut conté à la maison de Babu Lal Cori Mukerjee, à Berhampore, en sa présence par Babu Jugut Chunder et Soorji Coomar eux-mêmes en visite amicale, et l’histoire du rêve fut ainsi confirmée par le témoignage d’une personne qui l’avait entendue raconter à un moment où aucun des deux ne savait qu’il se réaliserait.
L’incident ci-dessus peut, je crois, être considéré comme un bel exemple de la présence dans l’homme d’une âme astrale toujours en éveil, à côté d’un mental indépendant de son propre cerveau physique. Je vous serais toutefois très obligé de bien vouloir nous donner une explication du phénomène. Babu Lal Cori Mukerjee est un abonné au Theosophist et ceci sera certainement lu par lui. S’il se souvient des dates, ou voit un détail omis ou erroné, l’auteur lui sera très obligé de fournir tout détail complémentaire, ou de corriger si nécessaire, toute erreur que je puis avoir commise après avoir pris avis des intéressés. Pour autant que je me souvienne, le fait se produit cette année en 1881.
Navin K. Sarman Banerjee M.S.T. [Retour Sommaire]
Réponse de la directrice
Note de l’éditeur : « Les rêves sont des intermèdes que crée la fantaisie », nous dit Dryden ; pour nous montrer peut-être que même un poète soumet parfois sa muse au préjugé.
L’exemple ci-dessus n’en est qu’un, pris dans ce qu’on peut considérer comme des cas exceptionnels de la vie de rêve, la généralité des rêves n’étant en réalité que « des intermèdes que crée la fantaisie ». La politique de la science matérialiste et prosaïque consiste à ignorer avec dédain de telles conceptions, sous prétexte, peut-être, que l’exception confirme la règle, ou croyons-nous plutôt, pour éviter la tâche embarrassante d’expliquer de telles conceptions. En vérité si un seul exemple se refuse obstinément à entrer dans la classification des « coïncidences étranges – tant en vogue chez les sceptiques – alors les rêves prophétiques ou vérifiés exigent un remaniement complet de la physiologie. Comme pour la phrénologie, la reconnaissance et l’acceptation par la science des rêves prophétiques (et de ce fait, la reconnaissance des prétentions de la Théosophie et du Spiritisme) détermineraient, nous l’admettons, « Une nouvelle science éducative, sociale, politique et théologique. Par conséquent, la Science ne reconnaîtra jamais ni les rêves, ni le spiritisme, ni l’occultisme.
La nature humaine est un abîme que la physiologie et la science humaine en général ont moins sondé que certains qui n’ont jamais entendu prononcer le mot de physiologie. Jamais les hauts senseurs de la Société Royale ne sont plus perplexes que lorsqu’on les met en présence de ce mystère insoluble – la nature intérieure de l’homme. La clef qui l’ouvre est la double nature de l’homme. C’est cette clef qu’ils se refusent d’employer, conscients qu’une fois la porte de leur adytum ouverte, ils seront forcés d’abandonner une à une leurs chères théories et leurs conclusions finales – que plus d’une fois on montra n’être rien d’autre que des imaginations fausses, comme tout ce qui s’édifiait sur elles et partant de prémisses fausses ou incomplètes. Devons-nous nous contenter des demi-explications de la physiologie au sujet des rêves qui se sont vérifiés ? Dire que l’homme est un être double, que dans l’homme – pour employer les mots de Saint Paul – « Il y a un corps naturel et un corps spirituel », et que par conséquent il doit nécessairement posséder une série double de sens, est synonyme, dans l’opinion du sceptique éduqué, d’une erreur impardonnable et des moins scientifiques. Pourtant, il faut le formuler, malgré la science.
L’homme est indéniablement doué d’une double série de sens : les sens naturels ou physiques, qui peuvent être laissés à la physiologie pour qu’elle les étudie, et les sens sur-naturels ou spirituels appartenant entièrement au domaine de la science psychologique. Le mot latin « sub », entendons-nous, est employé ici dans un sens diamétralement opposé de celui qu’on lui donne en chimie par exemple. Dans notre cas, ce n’est pas une préposition, mais un préfixe comme dans la « sous-tonique » ou la « sous-basse » en musique. En vérité, comme il est prouvé que le son global de la nature est une seule note définie, une note tonique vibrant à travers toute l’éternité ; ayant une existence indéniable per se et possédant une hauteur appréciable uniquement « pour l’oreille fine et aiguisée ([iii]) », ainsi l’harmonie ou désharmonie définie de la nature extérieure de l’homme, dépend entièrement, comme le voit l’observateur, du caractère de la note tonique frappée par l’homme intérieur pour l’homme extérieur. C’est l’Ego ou Soi spirituel qui sert de base fondamentale et détermine le ton de toute la vie de l’homme – le plus capricieux, incertain et variable de tous les instruments, et qui, plus que tout autre, a besoin d’être constamment accordé ; c’est sa voix seule qui, comme la basse d’un orgue, souligne la mélodie de toute sa vie, que ses tons soient doux ou aigres, harmonieux ou discordants, legato ou pizzicato. [Retour Sommaire]
C’est pourquoi nous disons que l’homme, en surplus du cerveau physique, en a un autre spirituel. Si le premier dépend entièrement de son propre développement et de sa structure physique, pour son degré de réceptivité, d’autre part, il est entièrement subordonné au second, puisque c’est l’Ego spirituel seul, selon qu’il tend plutôt vers ses deux principes supérieurs ([iv]) ou vers son enveloppe physique, qui peut imprimer plus ou moins vivement sur le cerveau externe, la perception des choses purement spirituelles ou immatérielles. C’est donc de l’acuité des sensations mentales de l’Ego intérieur du degré de spiritualité de ses facultés que dépend le transfert de l’impression des scènes que son cerveau semi-spirituel perçoit, des mots qu’il entend et de ce qu’il sent, au cerveau physique endormi de l’homme externe. Plus est forte la spiritualité des facultés de celui-ci, plus il est aisé pour l’Ego d’éveiller les hémisphères cérébraux endormis, de mettre en action le ganglion sensoriel et le cerveau, et d’imprimer sur le premier toujours complètement inactif et au repos pendant le sommeil profond de l’homme, l’image dynamique du sujet transmis de la sorte. Chez un homme sensuel et peu spirituel, dont le mode de vie et les tendances et passions animales ont entièrement séparé le cinquième principe de l’Ego astral animal de son « Âme spirituelle » supérieure ; comme aussi chez celui dont le dur travail physique épuise tellement le corps matériel qu’il le rend momentanément insensible à la voix et aux contacts de son âme astrale, - pendant le sommeil – le cerveau de ces deux hommes reste dans un état d’anémie complète ou d’entière inactivité. De telles personnes auront rarement, sinon jamais, des rêves et moins que tout autre, des « visions qui se réaliseront ». Chez le premier, quand approche le moment du réveil et que son sommeil devient plus léger, les changements mentaux commencent à se produire et constituent des rêves dans lesquels l’intelligence ne joue aucun rôle, son cerveau à demi éveillé lui suggérant des images qui ne sont que de vagues et grotesques reproductions de ses folles habitudes de vie, tandis que chez le second – à moins d’être fortement préoccupé par quelque pensée exceptionnelle – son instinct d’habitudes actives toujours présent ne lui permettra pas de rester dans cet état de demi-sommeil, pendant lequel la conscience commençant à revenir, nous avons des rêves d’espèces variées, mais cet instinct l’éveillera immédiatement, et sans aucune transition, à la pleine conscience de veille. D’autres part, plus un homme est spirituel, plus son imagination est active et plus grande est la probabilité pour lui de recevoir en vision les impressions correctes que lui transmet son Ego qui voit tout et est toujours en éveil. Les sens spirituels de ce dernier n’étant pas entravés par l’intervention des sens physiques sont en rapports intimes directs avec son principe spirituel supérieur ; et celui-ci bien qu’étant per se un fragment presqu’inconscient de l’Absolu complètement inconscient parce que totalement immatériel ([v]) – tout en ayant en lui-même des capacités inhérentes d’omniscience, d’omniprésence et d’omnipotence qu’il perd aussitôt que l’essence pure entre en contact avec la matière pure et sublimée, et pour nous impondérable – transmet ces attributs dans une certaine mesure à l’Ego astral tout aussi pur. C’est pourquoi des personnes hautement spirituelles auront des visions et des rêves pendant le sommeil et même pendant leurs heures de veille : ce sont les sensitifs, les voyants nés appelés maintenant du terme vague de « médiums spirituels » car on ne fait aucune distinction entre un voyant subjectif, un sujet neurologique, et même un adepte – c'est-à-dire un être s’étant rendu indépendant de ses idiosyncrasies physiologiques, et ayant entièrement soumis l’homme externe à l’homme intérieur. Ceux moins bien doués spirituellement, auront aussi de tels rêves, mais à de plus rares intervalles, l’acuité de ces rêves dépendant de l’intensité de leur sentiment par rapport à l’objet perçu.
Si nous avions étudié plus sérieusement le cas de Babu Jagut Chunder, nous aurions appris que pour une ou plusieurs raisons, soit lui ou sa femme, était intensément attaché à l’autre, ou que la question de sa vie ou de sa mort était de la plus grande importance pour l’un ou pour tous deux. « Une âme envoie un message à une autre âme » est un vieux dicton. De là les prémonitions, les rêves et les visions. En tous cas, et dans ce rêve du moins, il n’y avait pas d’esprits « désincarnés » à l’œuvre, l’avertissement étant dû uniquement à l’un ou à l’autre ou aux deux Egos vivants et incarnés.
Ainsi, dans cette question de rêves vérifiés, comme dans tant d’autres, la Science se trouve en face d’un problème non résolu, dont la nature insoluble provient de son propre entêtement matérialiste et de sa politique routinière qu’elle a chéri de tout temps. Car, ou bien l’homme est un être double, avec un Ego intérieur ([vi]) et cet Ego est « l’homme réel » distinct et indépendant de l’homme extérieur dans la mesure où le corps matériel prédomine ou est faible, un Ego dont la portée des sens s’étend bien au-delà de la limité concédée aux sens physiques de l’homme, un Ego qui survit à la mort de son enveloppe extérieure, du moins pendant un temps, alors même qu’un mode de vie pernicieux l’a fait échouer dans la réalisation d’une union parfaite avec son soi spirituel supérieur, c’est-à-dire dans la fusion de son individualité en lui (la personnalité disparaissant toujours graduellement) ; ou bien alors, le témoignage de millions d’hommes embrassant plusieurs milliers d’années, la preuve fournie en notre siècle par des centaines d’hommes des plus instruits, souvent par les plus grandes lumières de la science, toute cette évidence disons-nous, compte pour rien. A l’exception d’une poignée d’autorités scientifiques entourées d’une foule ardente de sceptiques et de faux savants, qui n’ayant jamais rien vu, prétendent par suite, avoir le droit de nier tout – le monde est accusé d’être un gigantesque asile d’aliénés. Il possède toutefois un département spécial qui est réservé à ceux qui, ayant prouvé qu’ils étaient sains d’esprit, doivent nécessairement être considérés comme des IMPOSTEURS et des MENTEURS…
Le phénomène des rêves a-t-il donc été étudié si complètement par la science matérialiste, qu’elle n’a plus rien à apprendre, puisqu’elle parle du sujet d’un ton aussi impératif ? Pas le moins du monde. Les phénomènes de la sensation et de la volition de l’intellect et de l’instinct se manifestent tous évidemment par le canal des centres nerveux dont le plus important est le cerveau. Quant à la substance spéciale par laquelle ces actions se produisent – une substance dont les deux formes sont la forme vésiculaire et la fibreuse – celle-ci n’est considérée que comme étant simplement le conducteur des impressions envoyées à la matière vésiculaire.
Pourtant, tandis que cette action physiologique se différencie ou se divise, d’après la Science en trois espèces – l’action motrice, la sensitive, et celle de relation – l’agent mystérieux de l’intellect reste aussi mystérieux et déroutant pour les grandes physiologistes, qu’il l’était du temps d’Hippocrate. La suggestion scientifique qu’il pourrait y avoir une quatrième activité associée aux opérations de la pensée n’a pas contribué à résoudre le problème ; elle n’a pas réussi à répandre, ne fût-ce que le moindre rayon de lumière sur le mystère insondable. Et nos hommes de Science n’arriveront jamais à le sonder, tant qu’ils n’accepteront pas l’hypothèse de l’homme double.
H.P. Blavatsky
Cet article fut publié par H.P. Blavatsky directrice de la revue The Theosophist de janvier. 1882.
Publié en français dans la revue Théosophie, X, n°12 – Août 1935. [Retour Sommaire]
Notes
([i]) Voir également la note de l’Éditeur sur la lettre qui fait suite à celle-ci « Les rêves ne sont-ils que de vaines visions ? »
([ii]) Rituel de la Haute Magie. Vol. I p. 356-7.
([iii]) Ce ton est, prétendent les spécialistes, le fa moyen du piano. Ed. Theosophist.
([iv]) Le sixième principe ou âme spirituelle et le septième, son principe purement spirituel l’« Esprit » ou Parabraham – l’émanation de l’Absolu inconscient (Voir « Fragment of Occult Truth, » numéro d’octobre de Theosophist 1881).
([v]) Cet enseignement sera démenti de toute façon par les Théistes tandis que les spirites soulèveront contre lui des objections variées. Il est évident qu’on ne peut s’attendre à ce que nous donnions dans les limites étroites d’un court article, une explication complète de cette doctrine hautement abstruse et ésotérique. Dire que la CONSCIENCE ABSOLUE est Inconsciente de sa conscience et que par suite pour l’intellect limité de l’homme, elle doit être l’INCONSCIENCE ABSOLUE semble équivaloir à parler d’un triangle carré. Nous espérons développer la proposition plus complètement dans l’un des prochains numéros de « Fragments de Vérité Occulte » dont nous sommes autorisés à publier une série. Nous prouverons peut-être alors, à la satisfaction de ceux qui n’ont aucun préjugé, que l’Absolu ou l’Inconditionné et (surtout) ce qui est sans relation, n’est qu’une abstraction fantaisiste, une fiction, à moins que nous ne l’envisagions du point de vue et à la lumière du panthéiste instruit. Pour cela, nous devrons considérer l’Absolu simplement comme l’agrégat des intelligences, la totalité de toutes les existences, incapable de se manifester sinon par l’interrelation de ses parties, car Il est absolument inconnaissable et non-existant en dehors de ses phénomènes, et dépend entièrement de ses Forces sans cesse transformées qui dépendent à leur tour de la Grande Loi Une. – Ed. Theosophist
([vi]) Il ne s’agit pas de décider pour l’instant si cet Ego ou Âme est unique comme l’affirment les Spirites, ou multiple, c'est-à-dire composé de sept principes, comme l’enseigne l’ésotérisme oriental. Prouvons d’abord par notre expérience conjuguée, qu’il y a dans l’homme quelque chose au-delà de la Force et de la Matière de Buchner. Ed. Theosophist.