Maître Eckhart – un grand mystique (Jnana yogi) de l’Occident
Cet article est traduit de la revue Théosophique de juillet 1933
« L’Âme a un désir furieux de soi-connaissance, son visage est enflammé par la passion, rouge de colère de se voir refuser ce qui est resté caché en Dieu, parce qu’elle n’est pas tout ce que Dieu est par nature, parce qu’elle n’a pas tout ce que Dieu a par nature. »
Ce passage assez étonnant des écrits de Maître Eckhart, qui comme les anciens voyants de l’Inde, plaça définitivement la connaissance au-dessus de l’amour, révèle l’intensité de sa recherche spirituelle. C’est une erreur de supposer qu’un mystique (Jnãna Yogui) est un métaphysicien aride ou un froid théologien intellectuel. Au contraire, les feux de Dieu portés au blanc brûlent en lui, parce qu’il se trouve aux derniers stades d’assimilation de l’Esprit. Eckhart lui-même emploie dans l’un de ses sermons l’image du combustible consumé par le feu, pour décrire les progrès de la vie spirituelle.
« Il est dans l’intention de Dieu de se donner entièrement à nous. Comme le feu, pour consumer le bois qu’il trouve différent de lui, doit le pénétrer. C’est une question de temps. D’abord il le tiédit, puis l’échauffe, ensuite il fume et crépite par suite de sa dissemblance, et plus le bois s’échauffe, plus il devient paisible et tranquille, et plus il se met à ressembler au feu, plus il devient silencieux, jusqu’à ce qu’enfin il se transforme tout à fait en feu. »
La ferveur de la dévotion, le tumulte de l’âme en présence de son Seigneur, la danse extatique, et le sentiment des « liens cruels de l’Amour », doivent dont être plutôt considérés comme des signes d’un manque de maturité spirituelle. Quand l’âme a traversé le cercle complet, elle entre dans la paix qui dépasse la compréhension. Ses vertus sont toujours là, ses oraisons sont toujours là, mais toutes sont subordonnées à l’ineffable paix de l’Etre pur. Bénis sont ceux, en vérité, qui ont faim et soif de pureté. Mais Maître Eckhart dit que ceux qui ont faim et soif de la Présence de Dieu sont encore plus bénis ; et que ceux qui le sont le plus sont ceux qui, ayant atteint l’éternel « Maintenant », n’ont plus ni faim ni soif de quoi que ce soit. Nous avons ainsi les trois stades bien connus du progrès du mystique – appelez-les purification, illumination et union.
La plupart des sermons, des paroles et des écrits de Maître Eckhart ont trait, comme nos propres Upanishads, au stade final du voyage spirituel. La béatitude de l’Ame, sa relation avec la Déité, les relations mutuelles des trois Personnes de la Trinité chrétienne, et la nature de la Divinité Suprême, telles sont les questions auxquelles il revient maintes et maintes fois, parfois s’expliquant, parfois se contredisant, tantôt coulant ses expériences brûlantes dans les moules de l’orthodoxie, tantôt se permettant une audace et une hardiesse de spéculation qui amenèrent sa condamnation par Rome, après sa mort. Mais il a en même temps, presque à chaque page, des remarques lumineuses et caractéristiques sur la vie morale et dévotionnelle, qui semblent être étrangement d’accord avec les enseignements des mystiques de l’Inde. Ceci n’est pas dû au simple fait qu’Eckhart met la vie contemplative au-dessus de la vie active, car plus d’un mystique chrétien a fait de même, accordant au psalmiste une spiritualité plus grande qu’au croisé. Sa pensée s’apparente particulièrement à la pensée hindoue par la grande valeur qu’il accorde au détachement dans son échelle des vertus, par son insistance pour que l’âme se détourne de toutes les créatures avant de tenter de chercher Dieu, par son admission du caractère transitoire de toute réalisation éthique, et surtout par sa conception de la Divinité comme une Essence purement passive, dont rien ne peut être dit, et à qui l’âme émancipée doit finalement s’identifier.
Selon Eckhart, le détachement envers toutes les créatures est la plus haute vertu par laquelle un homme puisse se lier le plus étroitement à Dieu, et devenir le plus profondément semblable à son Modèle. Il place le détachement au-dessus de l’amour, au-dessus de l’humilité, et au-dessus de la compassion ou de la bonté, et conclut en disant : « En résumé, quand je réfléchis à toutes les vertus, je n’en trouve pas une autre aussi complètement exempte de faute, aussi susceptible d’unir à Dieu que le détachement. » Ailleurs il dit : « Je voudrais que vous sachiez qu’être vide de toute créature, c’est être empli de Dieu. » En même temps, il enseigne qu’« abandonner toutes choses dans l’aspect mortel, c’est les retrouver en Dieu où elles sont en réalité. » Ceci est, soit dit en passant, une réponse suffisante à ceux qui, comme Walter Pater, décrivent le renoncement du mystique à ce monde aux couleurs brillantes et aux belles formes, dans sa recherche de l’Absolu, comme une folle tentative de se lancer « dans un vide infini sans forme et sans nom, d’un gris tout à fait uniforme. »
À maintes reprises, Maître Eckhart conseille à l’aspirant religieux de vider son mental de toute image d’êtres humains et de cultiver ce qu’il appelle « la pauvreté spirituelle ». Avec cet amour de la division et de la subdivision qui est si spécial à l’esprit médiéval, il parle de cinq espèces de pauvreté : - la pauvreté diabolique, la pauvreté dorée, la pauvreté volontaire, la pauvreté spirituelle et la pauvreté divine. La première se rapporte à tous ceux qui n’ont pas toutes les richesses qu’ils aimeraient avoir, et dont l’absence constitue leur enfer. La seconde se rapporte à tous ceux qui passent au milieu de leurs richesses sans en être affectés. La troisième s’applique à ceux qui renoncent de bonne grâce à toutes leurs richesses. La quatrième se rapporte à ceux qui se sont détachés de toutes bonnes œuvres comme aussi de leurs biens ou richesses. Et la cinquième s’applique à ceux « dont le renoncement est à la fois extérieur et intérieur et dont le mental est nu et libre de toute forme passagère. »
Il est à noter qu’en parlant de la quatrième espèce de pauvreté, qu’il appelle la pauvreté spirituelle, Maître Eckhart se rapproche étroitement des enseignements de la Bhagavad-Gîta.
Dieu ne cherche pas ce qui Lui appartient. Il est parfaitement libre dans tous Ses actes, qu’Il accomplit par pur amour. Ainsi fait l’homme qui est un avec Dieu : il est parfaitement libre dans tous ses actes ; il les accomplit par amour et sans raison, simplement pour glorifier Dieu.
Nous pouvons comparer ceci aux versets suivants de la Bhagavad-Gîtâ :
« Il n’y a rien dans les trois mondes, ô Arjuna, que je doive réaliser, ni rien à gagner que je n’aie déjà gagné. Pourtant, je suis constamment en action » (ch. III, 22).
« Les œuvres ne me souillent pas ; pas plus que je n’aspire à leurs fruits. Celui qui me connaît ainsi, n’est pas lié par ses œuvres. Les hommes d’autrefois qui cherchaient la délivrance le savaient, et accomplissaient leur tâche. Par suite, accomplis ton travail comme l’accomplissaient les anciens au temps passé » (ch. IV, 14, 15 et 16).
C’est-à-dire que toutes les actions devraient être accomplies dans un esprit d’adoration et d’effacement du soi. Quand on les accomplit de la sorte, l’auteur de ces actes atteint la liberté spirituelle, il réalise ce que Eckhart appelle la pauvreté spirituelle, car il agit et pourtant n’agit pas. C’est Dieu qui agit en lui et par lui.
« Ils sont libres de toutes bonnes actions, le Verbe éternel fait tout leur travail, tandis qu’ils sont oisifs et en dehors de toute activité. » – Eckhart.
« Par conséquent, lève-toi et gagne le renom ; subjugue tes ennemis et jouis d’un royaume prospère. Par Moi, ils sont déjà abattus. Ne sois plus qu’un simple instrument, ô Arjuna. » – Bhagavad-Gîta.
Comme tous les mystiques (Jnana-Yoguis) de l’Inde, Maître Eckhart souligne le caractère secondaire de toute réalisation purement éthique dans la vie spirituelle. Il définit la vertu comme une étape entre le vice et la perfection, et dit que le fruit de la vertu ne s’obtiendra jamais tant que l’âme ne sera pas transportée au-dessus des vertus. Selon lui, la perfection de la vertu réside dans la libération de toutes les vertus.
Tout ce qu’un esprit peut atteindre dans ce corps, c’est d’être dans un état supérieur à la nécessité des vertus, où la bonté totale lui vient naturellement, de sorte que non seulement il possède des vertus, mais que la vertu est une de ses parties intégrantes ; il est vertueux non par nécessité, mais par sa bonne nature innée. Arrivée à ce point, l’âme a traversé et dépassé la nécessité des vertus ; celles-ci lui sont maintenant intrinsèques.
A l’âme qui se perfectionne ainsi dans les vertus, surtout dans la suprême vertu du détachement absolu, vient la Grâce de Dieu. Maître Eckhart, employant naturellement les termes du symbolisme chrétien, aime à l’appeler la naissance du Fils dans l’âme.
« Quand l’âme est libérée du temps et des lieux, le Père envoie son Fils dans l’Âme. »
« Pourquoi prions-nous, jeûnons-nous, ou accomplissons-nous notre travail ? Je dis que c’est afin que Dieu puisse naître dans notre âme. Pourquoi les Ecritures furent-elles écrites ? Et pourquoi Dieu créa-t-il le monde et la nature angélique ? Simplement afin que Dieu puisse naître dans l’âme. »
Parfois Eckhart exprime directement, sans l’aide du symbolisme chrétien, le fait central de la vie spirituelle dont témoignent les âmes religieuses de tous les âges et de tous les pays, comme dans le passage suivant :
« Il ne vient pas comme quelque chose, ni pour obtenir quelque chose pour Lui-même, mais Il vient en commandant. Celui qui était caché Se révèle. Il vient comme la lumière qui gît cachée dans le cœur et le mental des êtres et qui prend maintenant forme dans l’intellect et la volonté, et dans le plus profond de l’âme ».
Ceci nous rappelle les paroles de la Gita :
« Par compassion pour eux, j’habite dans leur cœur et dissipe l’obscurité née de l’ignorance, grâce à la lampe brillante de la sagesse. »
Les écritures hindoues nous enseignent que, bien que l’âme soit divine, elle est sujette aux limitations par suite de son ignorance (avidya). Celles-ci l’empêchent de réaliser son identité. L’âme n’a pas besoin d’acquérir de nouvelles qualités pour obtenir son salut. Elle doit uniquement se débarrasser des ses défauts. Car le salut, qui signifie la vie éternelle en Dieu, n’est pas quelque chose qu’on édifie, mais simplement qu’on réalise. « Ce n’est pas par la création que l’Incréé peut-être gagné », dit l’Upanishad. Et combien Maître Eckhart est étonnamment près des sages hindous lorsqu’il dit :
« Bien que nous soyons les fils de Dieu, nous ne le réalisons pas encore… D’innombrables choses dans nos âmes dissimulent la connaissance et la cachent à nos yeux. »
Selon lui, l’âme a deux faces. Sa face supérieure regarde l’éternité, et là elle ne connaît rien du temps ni du corps. Mais sa face inférieure est tournée vers le bas et agit dans le monde des sens, de l’espace et du temps. La première est évidemment la partie la plus noble de l’âme. Eckhart l’appelle de noms variés : le tabernacle de l’âme, la lumière spirituelle, et le plus souvent, l’étincelle divine. Et c’est là que Dieu fait naître Son Fils Unique, imprimant sur l’âme Sa propre image. Plus cette naissance divine a lieu des fois dans l’âme, plus étroite devient l’union avec Dieu, plus abondant le flux de Grâce divine.
Mais vivre dans la Grâce, « vivre comme des fils dans Son Fils, et être le Fils lui-même », n’est pas l’état le plus élevé. Comme les anciens mystiques hindous, Eckhart va courageusement de l’avant, où le conduit son expérience. Un des Upanishads dit : « Or, si un homme adore une autre déité, pensant que la déité et lui font deux, il ne sait pas. » (Brihad, I. IV, 10.) Eckhart ne s’arrête pas à l’état de Grâce. Car la Grâce est, après tout, comme il dit, de la nature de la créature. Tant que l’âme est dans la Grâce, il sent qu’elle est encore limitée. Tôt ou tard, elle doit s’élever dans la Grâce et finalement la dépasser avant de pouvoir voire Dieu. Bien plus, pour atteindre le centre de la Divinité, pour être un avec l’Essence Divine, l’âme doit être débarrassée non seulement de toute activité de la créature divine, mais aussi de « Dieu » Lui-même.
« Il semble étrange que l’âme doive perdre son Dieu, pourtant j’affirme que, dans un sens, il est plus nécessaire pour la perfection de l’âme qu’elle perde Dieu que les créatures. Tout doit s’en aller. L’âme doit subsister dans le néant absolu. C’est la pleine intention de Dieu que l’âme perde son Dieu, car, aussi longtemps que l’âme possède Dieu, a conscience de Dieu, connaît Dieu, elle est séparée de Dieu. »
Quand Eckhart se trouve sur le plus haut plan de la pensée et de l’expérience où il est très à l’aise, il énonce diverses affirmations concernant la Divinité, Dieu, le Logos et l’âme qui nous sont parfaitement familières dans ce pays, mais qui sont comme autant de bombes lancées dans l’édifice du Théisme chrétien orthodoxe, ou, pour dire vrai, dans tout Théisme qui veut absolument garder des compartiments étanches. Tout d’abord, comme nous l’avons déjà dit, il place la gnose au-dessus de l’amour dans le stade final de la vie spirituelle, d’une façon propre à déplaire au Chrétien moyen. Par connaissance, évidemment, il n’entend pas la connaissance empirique qui s’obtient par les sens, la compréhension et la raison, mais la divine connaissance qui s’obtient en allumant l’Etincelle divine dans l’âme : c’est ce que nous entendons réellement par le mot sanscrit Jnana, c'est-à-dire la vie en Dieu, comme aussi la connaissance de Dieu.
« La compréhension est la clé de voûte de l’âme. La notion superficielle veut que l’amour passe en premier lieu. Mais les arguments les plus raisonnables affirment expressément (ce qui est la vérité) que l’essence de la vie éternelle réside plutôt dans la connaissance que dans l’amour. »
Il s’appuie sur les paroles du Christ : « La vie éternelle consiste à Te connaître, Toi, le seul vrai Dieu », et il raisonne ainsi :
« Nos meilleures autorités déclarent que la connaissance est plus noble que l’amour. L’Amour et la volonté considèrent que Dieu est bon. Si Dieu n’était pas bon, la volonté ne voudrait pas de Lui ; si Dieu n’était pas aimable, l’amour se raillerait de Lui. Mais la compréhension n’agirait pas ainsi. La connaissance ne se confine pas à ce qui est bon, aimable, sage et souverain. En donnant des noms à Dieu, l’âme ne fait que Le déguiser, et que créer une image de Dieu. Ceci n’est pas non plus le fait de la connaissance. Alors même que Dieu ne serait ni bon, ni sage, la compréhension Le saisirait encore ; elle dépouille tout, et ne s’arrête ni à la sagesse, ni à la bonté, ni à la majesté, ni au pouvoir. Elle perce jusqu’à l’être nu, et conçoit Dieu dénudé, avant qu’Il ne soit revêtu par la pensée de sagesse et de bonté. »
La distinction qu’Eckhart fait entre la Divinité sans qualité et passive et le Dieu d’amour actif, bienfaisant et puissant qui génère éternellement Son Fils dans l’univers et dans l’âme de l’homme, est intimement parallèle à la distinction tracée dans le Vedanta entre Nirguana Brahman et Saguna Brahman ou Ishavara, comme on le verra d’après les extraits suivants :
« La bonté, la sagesse et tout autre attribut que nous donnons à Dieu, sont des impuretés pour l’essence abstraite de Dieu. »
« Dieu et la Divinité sont aussi différents que la terre et le ciel…Dieu agit, la Divinité n’agit pas, ici il n’y a rien à faire ; en elle, il n’y a nulle activité. Elle n’a jamais envisagé aucune activité. »
« Dans la Déité abstraite, il n’y a aucune activité : l’âme n’est parfaitement bienheureuse que lorsqu’elle est plongée dans la Déité solitaire, où nul acte, nulle forme n’existe, et quand, immergée dans le vide, elle se perd ; en tant que soi, elle périt, et n’a plus rien à voir avec le monde des choses, pas plus que lorsqu’elle n’était pas. »
Enfin, nous arrivons à la question controversée de l’état de l’âme émancipée. C’est précisément ici que l’enseignement d’Eckhart est le moins acceptable pour le Chrétien orthodoxe, car il va jusqu’à affirmer l’absolue identité de l’âme avec Dieu. Il dit :
« Or, il n’y a rien d’étranger, ni de séparé entre Dieu et l’âme, par conséquent elle ne ressemble pas à Dieu ; elle Lui est identique et tout à fait pareille à Lui. »
« Tu perdras ta qualité de toi et te dissoudras dans Sa qualité de Lui ; ton soi sera son Moi, un Moi si complètement un, qu’en Lui tu connaîtras éternellement Son être-té ; libéré de tout devenir : Son néant sans nom. »
Ceci nous rappelle le passage bien connu des Upanishads :
« Comme les rivières qui coulent disparaissent dans la mer et y perdent leur nom et leur forme, ainsi celui qui connaît, libéré du nom et de la forme, va à l’Etre Divin plus grand que le Grand. Celui qui connaît ce suprême Brahman, devient Brahman. »
L’enseignement de ce grand mystique (Jnãna-Yogui) de l’Occident, sur des questions de ce genre, est particulièrement appréciable pour les étudiants du Vedanta aux Indes, parce que ce qu’il énonce est plus ou moins dérivé de sa propre expérience spirituelle ; et est opposé aux doctrines faisant autorité dans son Eglise ; par conséquent, c’est en quelque sorte un témoignage indépendant des grandes vérités enseignées par les anciens voyants hindous. Malheureusement, ces vérités, qui sont le fruit des intuitions spirituelles exceptionnelles de notre race, sont trop souvent enseignées dans notre pays comme des doctrines rigides, et répétées, par tout novice en théologie, d’une manière tellement superficielle et inconsidérée que tout homme vraiment religieux en frémit de crainte et de dégoût. Dieu est une perfection ineffable ; nos divisions humaines de la pensée, de la volonté et du sentiment ne peuvent qu’échouer en voulant décrire l’unité essentielle de Son Etre ; la personnalité n’est que le symbole le plus haut que nous puissions employer pour définir les phases variées de Sa nature, telles qu’elles nous apparaissent ; dans l’expérience la plus élevée de la communion de l’âme avec Lui, les barrières qui l’entourent habituellement tombent d’elles-mêmes, et en disparaissant, elles brisent toute solution de continuité avec la Conscience Infinie, en qui il n’y a ni loin, ni proches, ni ceci, ni cela, ni alors, ni maintenant – de tels enseignements, et d’autres similaires ne sont pas de simples articles de croyance ou des suppositions dues à la foi, mais des affirmations de faits basés sur l’expérience réelle. Ils restent, naturellement, de simples formules intellectuelles qui ne donnent aucun soutien spirituel, aussi longtemps qu’ils ne sont pas convertis à nouveau en faits par l’expérience individuelle. Comme notre force physique ne dépend pas des réserves de nourriture que nous avons à notre disposition, mais de la quantité que nous pouvons réellement digérer et assimiler, notre force spirituelle ne dépend pas de l’expérience des Rishis, consignée dans nos Ecritures, mais du fragment de cette expérience que nous pouvons réellement faire nôtre.
D.S. Sarma.
(Le professeur D.S. Sarma, traducteur de la Bhagavad-Gîtâ (Édition des Étudiants) et de L’Évangile de l’Amour (Nârada Sutras) et auteur d’Un Manuel de l’hindouisme. Nous publions ici une excellente étude comparative de la pensée occidentale et de la pensée orientale. – Les Éditeurs de The Aryan Path.)