Magicon, ou le système secret  d’une société de philosophes inconnus (1784)

Magicon, ou le système secret d’une société de philosophes inconnus (1784)

22 Fév, 2024

Magicon, ou le système secret d’une société de philosophes inconnus (1784)

Sommaire

INTRODUCTION  
I — LA DIVINITÉ  
– II — L'UNIVERS (I. La chaîne vivante des Êtres qui forment l'Univers et leurs interrelations (les êtres pensants et les êtres non-pensants) ; II. Constitution de ces Êtres)  
– III — LA CONSTITUTION DE L'UNIVERS  (Nombre, Mesure et Poids, les éléments primordiaux, le Principe réel)
– IV — L’HOMME  
– V — LA RELIGION  (la vraie religion naturelle, unité et vérité, acquisition de la sagesse, élévation spirituelle, messagers divins, mythes et symboles, lois et destinée)
– VI — LA SCIENCE (I - La science des nombres ; II - Quelques remarques sur la signification des nombres ; III - Les Mathématiques occultes, ou l'application des nombres de base au monde spirituel et physique)  
– VII — LANGAGE ET ÉCRITURE (I - Nature et origine du langage ; II - La langue originelle ; III - Les langues arbitraires ; IV - Écriture divine et naturelle)   
– VIII — EXPLICATIONS DE QUELQUES UNES DES PRINCIPALES ALLÉGORIES (1. L'armure impénétrable ; 2. L'épée de feu ; 3. La forêt aux sept arbres ; 4. Les dix feuilles du livre de vie ; 6. Le temple de l'esprit détruit et à reconstruire ; 7. Le grand nom des Hébreux) 
– NOTES

Introduction

Tel est le titre d’un livre ancien, imprimé en langue allemande en 1784 après J.-C. et publié dans la ville de Leipzig par celui qui se faisait appeler « Un inconnu de la lumière quadrilatérale ». Le livre contient de nombreuses idées surprenantes et extraordinaires qui, même si elles ne semblent pas nouvelles au théosophe moderne, sont néanmoins intéressantes pour les amateurs des traditions occultes. Bien que ledit livre ait été imprimé il y a tout juste cent ans, il parle de manière sans équivoque du « Quatrième Cycle » (l'actuel Cycle de l'Évolution Septénaire dont parle le Bouddhisme Ésotérique) ; il mentionne la clairvoyance, prédit la psychométrie et donne une explication satisfaisante de la signification occulte des nombres.

Les éditeurs inconnus de cet ouvrage étaient évidemment un certain nombre de théosophes à Paris qui devaient être des initiés. Le public les appelait des « Martinistes », et les ignorants les considéraient comme membres d’une secte mystérieuse communiquant avec les esprits, et censée détenir de puissants secrets.

Il était dit qu'il s'agissait de personnes de silhouette imposante, se distinguant par une éducation supérieure, et qui ne désiraient ni gloire, ni pouvoir, ni richesse, mais que la vérité.

Ils étaient bons, bien élevés et vertueux, ne cherchant que le chemin de la perfection. Pour l'information de nos théosophes orientaux qui ne connaissent peut-être rien de Martinez Pasqualis, le fondateur de la secte théosophique des Martinistes, nous joignons en annexe une courte notice biographique sur lui et son disciple, Louis Claude, marquis de Saint-Martin.

Martinez naquit vers 1700 au Portugal, d'une mère musulmane et d'un père portugais. Maîtrisant la Kabbale et les sciences secrètes, il voyagea loin et en maints pays. Après avoir été initié en Orient, il vint à Paris en 1768, où il fonda rapidement plusieurs loges maçonniques, dites martinistes, puis finit sa vie à Saint-Domingue où il mourut en 1779. Dès son origine le Martinisme fût un groupement de mystiques, qui non seulement « croyaient » aux Esprits tant infra, intra que supra-mondains, mais qui les évoquaient en mêlant régulièrement des rites nécromantiques à leur quête d’apparitions du Règne Élémentaire. Plus tard, quand de Saint-Martin devint son disciple et successeur, cet éminent métaphysicien français réforma les « loges » et leur donna un caractère bien plus philosophique. Ce dernier, connu sous le nom de « philosophe inconnu », naquit à Amboise le 18 janvier 1733 et mourut à Aulnay, près de Paris, en 1803. Déçu par le caractère nécromantique du martinisme, il y insuffla une grande partie de l'esprit swedenborgien, puis épris de Jacob Boehm, il élabora un système parfait de maçonnerie mystique. Il fût l'auteur de plusieurs ouvrages remarquables : Des erreurs et de la vérité, (ou les hommes rappelés aux principes universels de la science) (publié en 1775), dirigés contre le négativisme sceptique des encyclopédistes ; L’Homme de désir (1790), puis Ecce Homo et Le Nouvel Homme, etc., etc. Il est, peut-être erroné, d’attribuer sa complète conversion uniquement à Swedenborg ou à Boehm. Son esprit fut tout d'abord fortement influencé par les écrits d'un autre théosophe, plus ancien et encore plus remarquable, dont les ouvrages sont aujourd'hui très peu répandus et dont le nom est à peine connu. John George Gichtel [un Initié Rosicrucien, un homme d’une immense pureté, nous est-il précisé en Théosophie] – né à Ratisbonne (1638) – était néanmoins un théosophe très célèbre, un rosicrucien et l’éditeur des ouvrages de J. Boehm. Fils de parents très riches et influents, il fut honni des prêtres, qui ne lui pardonneront jamais ses révélations sur la conduite immorale de vie du clergé Allemand. Comme il refusait de se rétracter, le clergé le persécuta et le poussa finalement à l'exil, l’obligeant à s'enfuir en Hollande, où il mourut en 1720 à Amsterdam dans une grande misère. De Saint Martin donne des récits enthousiastes de Gichtel. Comme Boehm, disait-il, il était un théosophe né, marié, de sa naissance à sa mort à Sophia, l'épouse éternelle (la Sagesse). [De Jacob Boehm] il étudia assidûment l’ouvrage Des Trois Principes de l’Essence divine et la doctrine des Sept Formes de la Nature, et après en avoir compris la signification, il trouva la vraie pierre philosophale. Dans une lettre de Saint-Martin au baron Kirchberger, dans laquelle il relate cette histoire, nous comprenons que les pouvoirs occultes et psychologiques de Gichtel étaient d'un ordre bien supérieur à ceux de Swedenborg, les transcendant dans presque tous leurs aspects. Ainsi, « Sur le témoignage de ses disciples, lorsqu’en 1672, Louis XIV assiégea Amsterdam, Gichtel par le pouvoir de sa volonté exerça une influence telle qu’elle causa la levée du siège. Plus tard ont trouva cités dans les journaux les noms des régiments et des escadrons qu’il avait eu en vision. Les princes d'Allemagne et même les souverains le consultaient ; des dames de toutes classes, vieilles ou jeunes, riches ou pauvres, furent amoureuses de lui, cherchèrent à le connaître et à désirer sa main, mais il les éconduit toutes ». De Saint-Martin relate sur lui une anecdote très frappante. Une veuve extrêmement fortunée lui proposa de l'épouser, mais il ne lui offrit aucun espoir et se retira dans la solitude, pouvant rester isolé dans sa chambre pendant plus d'un mois. Un jour, alors qu'il se promenait aux alentours de sa pauvre demeure, il vit une main semblant surgir du ciel qui joignait la sienne à celle de la veuve évincée dont la forme apparaissait à ses côtés, et une voix lui disant : « Tu dois la prendre ». Au lieu d'accepter ceci comme un signe de la volonté divine, Gichtel perçut instantanément « que c'était seulement l'esprit de la veuve qui, par la ferveur de ses prières, avait pénétré le ciel extérieur (Kama-loka) et atteint l'esprit astral. » À cela de Saint-Martin ajoute : « Dès cet instant, il se donna tout entier à Sophia, qui n’accepte pas un cœur divisé ; il comprit qu’il était appelé à un sacerdoce du plus haut degré. » Le mariage de Gichtel avec la Sophia céleste (la Divine Sagesse) est conté par Saint-Martin dans les termes allégoriques suivants : « Sophia, sa chère Divine Sophia, qu'il aimait tant et qu'il n'avait jamais vu, vint le jour de Noël 1673, lui faire sa première visite : lui, dans le troisième principe (« linga sharira »), vit cette vierge céleste et brillante, (fut initié) … et le mariage fut consommé dans une félicité ineffable. Elle lui promit, en paroles claires, complète fidélité conjugale – qu'elle ne le quitterait jamais... Elle lui donna l'espoir d'une progéniture spirituelle, etc. » – une prose qui risque fort de faire croire à ceux qui ne connaissent rien de Sophia que Gichtel fût réellement marié à elle, mais le sens est clair pour tout occultiste, surtout quand on apprend plus loin que « Sophia a fait comprendre à son mari que s'il désirait jouir de ses faveurs sans interruption, il devait s'abstenir de toute jouissance et désir terrestres, » ce que Gichtel fit scrupuleusement. « Au début de son union avec Sophia, il pensait pouvoir se reposer là… mais elle lui montra qu’il ne pouvait en être ainsi, et qu'il devait se battre pour ses frères et sœurs (l'humanité) ; que, tant qu'il serait sous l’emprise de l’enveloppe terrestre, il devait se consacrer à délivrer ceux qui n'avaient pas encore reçu leur héritage et le repos intérieur. » (Correspondance de Saint-Martin, pp. 99 et 170)[i]. Ce qui suit est une tentative [Retour Sommaire]

I — LA DIVINITÉ

Tout ce que nos Théosophes enseignent concernant la source d’où émane tout être est basé sur la conception de l’unité divine du « Trois » sacré. L'être le plus élevé, considéré comme une unité, est la source éternelle et permanente de tous les principes pensants et immatériels, la racine de tous les nombres universels, la cause première et unique, le centre à partir duquel toute la vie et les pouvoirs de tous les êtres émanent sans cesse et vers lesquels ils retournent.

La Trinité n’est pas l’un en Trois, mais le Trois en Un ; contenant en elle-même l'Action et la Réaction, le Christ ; qui représente le principe divin de Sagesse et de substance pure, s’écoulant de Dieu vers l'homme et qui est appelé dans les saintes écritures l'Esprit de Dieu, ou le Saint-Esprit.

La somme infinie de pouvoirs et qualités divines est basée sur un nombre, dont l'homme ne saurait être un fragment ; leurs expressions composent le livre de la nature visible et invisible. Deux de ces qualités indispensables sont la Bonté et la Liberté. La bonté dans l’homme ne peut être la cause de l'existence du Mal, et par la liberté il est à lui-même sa propre Loi ; et en conséquence sa propre liberté diffère entièrement de celle des autres créatures.

Le divin ne produit pas une création à partir de rien ; mais produit une Émanation ou un Rayonnement indivisible et continue hors de lui-même. Chacune de ces émanations est indestructible, car la Divinité n’émane que des principes et pas des composés. Tous les principes émanent de la même source, directement ou indirectement.

Les émanations directes sont les pensées, et les indirectes, les non-pensées.

Toute l'activité de la Divinité consiste à révéler ses attributs, qui sont infinis, comme des nombres ou des pouvoirs. À ceux qui sont indépendants du temps, elle se dévoile, s’ils s’unissent à elle ; ceux qui dépendent du temps, bien qu'émanés d’elle, sont hors d’elle. [Retour Sommaire]

II — L'UNIVERS

L'ensemble du système de nos Théosophes est basé sur une division triple ; le Divin, l'Intellect et le Sensible. Ils parlent de trois carrés d'égale signification. Le carré divin, siège de la divinité, le carré de l’intellect, englobant les divers ordres d'esprits, et le carré du sensible, incluant tout ce qui appartient au monde visible.[ii]  

I. La chaîne vivante des Êtres qui forment l'Univers et leurs interrelations.

De la source de toute vie jusqu’au plus petit germe de matière il existe une progression ininterrompue, un rayonnement de lumière primitive, une chaîne de pouvoirs qui découlent de l'unité, la racine fondamentale de tous les nombres.

Les êtres sont généralement divisés en êtres pensants et non-pensants. Les premiers sont soit uniquement doué d’intellect, c'est-à-dire de purs esprits, soit ayant aussi d’une nature animale, c'est-à-dire sont conscients de vivre et d’agir ; ou bien ils peuvent être seulement mus par les principes de sensualité.

1) Les ÊTRES PENSANTS sont la première et la deuxième possibilité qui achèvent le processus créateur universel et ils possèdent une affinité en commun ; parce que la pensée ne peut être commune qu'à une seule classe d'êtres, et que tout le domaine de l'Intellect est composé, comme un arc-en-ciel de prophéties autour du trône de Dieu, d'innombrables radiations et réflexions de la lumière divine.

Ils sont divisés en trois classes : 

A. Les Êtres Divins, avec lesquels l'homme était uni dans sa condition primitive. Leur activité ne cesse jamais, car ils sont au-dessus des lois du temps.

B. Les Esprits purs dépourvus d’une enveloppe grossièrement matérielle – qui étaient autrefois, les serviteurs de l’homme, et sont maintenant ses supérieurs et bienfaiteurs. Ils animent l'homme de leurs influences pures, et souffrent d’être suspendus, et soumis aux lois du temps. Ils constituent la deuxième classe d'êtres et le but le plus élevé pour l'homme terrestre est de devenir comme l’un d’eux (les Dhyan Chohans ?). Il leur est difficile d’approcher l'homme, mais l'homme peut les retrouver à chaque étape de sa progression ascendante.

C. Les Êtres mixtes. Outre l'homme, qui est le dernier maillon de la chaîne des êtres doués d’intellect, il existe encore d'autres classes êtres, qui ont une nature mixte, intellectuelle et sensible, et qui, plus que d’être de purs esprits, sont capables d’approcher l'homme qui s’est avili (les Élémentaires ?). L'auteur ne juge pas opportun d'en parler en détail.

2). LES ÊTRES NON-PENSANTS, dont la vie et l'activité se limitent au sensible. Ils n'ont pas d'intellect et toutes leurs actions tendent uniquement à l'acquisition du confort et bien-être physique : animaux, plantes et minéraux. [Retour Sommaire]

II. Constitution de ces Êtres.

Tous les corps sont une expression des trois éléments primordiaux que sont la terre, l'eau et le feu (dans leur sens occulte).

Chaque être a un principe distinct par lequel il existe et agit. Tous les principes sont intrinsèquement indestructibles et simples, et après avoir accompli leur destinée, ils retournent à la source d'où ils proviennent ; mais les formes, qui ne sont que des représentations sensibles de l'action de ces principes, cessent d'exister quand le principe qui leur a permis d’être a cessé d'agir. Il ne reste aucune matière originelle.

Chaque principe est générateur de sa forme corporelle, et comme chacun a son caractère particulier ; un individu ou une espèce ne peut changer de nature, mais doit conserver le nombre originel qui détermine son caractère.

Il existe des principes généraux et particuliers de la matière, car même la plus petite particule de matière contient un principe qui est une unité homogène et indivisible. Les principes généraux ne diffèrent des principes particuliers que par leur quantité et leur durée d'action. L’action de chacun est unique.

Chaque être a le caractère du principe particulier qui imprègne sa forme et son action, et de plus chaque être possède un nombre inhérent à lui-même ; tous les êtres, ceux qui pensent aussi bien que ceux qui ne sont qu'actifs, sont en relation et en corrélation avec les lois des nombres. Tous leurs principes ne sont que des pouvoirs supérieurs ou inférieurs de l’unité toute-créatrice infinie, et leur position naturelle ainsi que le moment de leur action dépendent de leur proximité ou de leur éloignement respectif. [Retour Sommaire]

III — LA CONSTITUTION DE L'UNIVERS

La vie et l'existence de tous les êtres dépendent d'un influx continu provenant de l'infini, et l'Univers est basé sur sept formes ou centres moteurs primitifs invisibles, parmi lesquels se répartissent les divers pouvoirs divins. Ce sont les sept couleurs de la lumière primitive, appelées aussi les sept étoiles qui entourent le trône de la Divinité, qui, au rétablissement de l'unité divine, se réunissent pour produire une lumière dont la puissance sera sept fois plus forte. Dans le domaine du spirituel, tout est bon et pur, dans le domaine du sensoriel c’est le mal qui gouverne. Tout mal est causé par un principe mauvais, mais ce principe n’est ni infini ni éternel. Il était originellement bon et émanait du bien infini. En tentant de créer une unité qui lui soit propre, il est devenu sombre, car il s'est privé de l'influence nécessaire de la lumière divine et par un usage perverti de sa volonté il est devenu la cause de la sensualité qui limite son influence. Par ce principe et son action antagoniste continue (de contraction), le monde de l’intellect se purifie et le grand travail de régénération s'accomplit. Ainsi son pouvoir n’affecte jamais les piliers de la création, et toute son action se limite à combattre les purs agents de la lumière divine dans l'orbite du sensuel, à l’image d’une brume épaisse qui restreint la diffusion des rayons du soleil mais ne peut l’empêcher de projeter de ses rayons.

L'extension de la suprématie de l'infini et la concentration dans l'unité sont l'objet et le but de toute action divine, spirituelle et physique. La Divinité manifeste sa perfection aux êtres individuels pour les libérer de la mort, en leur insufflant la vie, et tous les individus manifestent leur attachement à l'unité d’une même manière, en libérant leurs propres pouvoirs pour le bien de ceux qui sont extérieurs à eux-mêmes, et aider ainsi à la réalisation de la grande œuvre de régénération.

Tout dans la nature a un certain Nombre, une certaine Mesure et un certain Poids. Le nombre nomme l'activité, la mesure la détermine et le poids lui donne l'impulsion pour la réalisation. C'est par eux que sont formés les signes immuables et les caractéristiques distinctives des existences individuelles et de leurs organes appropriés. Le domaine de l'intellect possède non seulement les types originaux de tout ce qui est sensible, mais il contient aussi (et en lui seulement) la vérité pure, sans mélange et immuable, telle qu’elle peut être comprise par la raison humaine. Comme le visible et l’invisible sont intimement liés, la vérité et l’erreur sur le plan de l’intellect se combinent nécessairement avec la vérité et l’erreur du domaine objectif.

Il n’y a pas de véritable procréation dans le domaine de l’intellect, pas de pères ni de mères, comme on peut le trouver dans le domaine sensible, et c’est pour cette raison qu’un parent physique ne peut pas être le père du germe d’intellect de ses enfants. Dans le domaine intellectuel, le Haut contrôle et attire toujours le Bas, de sorte que chacun reçoit chaque jour directement de la fontaine primitive de vérité le retour de chacune de ses bonnes pensées et aspirations ; mais dans le domaine du physique, une loi opposée s’applique. La terre, comme Saturne dans la mythologie antique, se nourrit de ses propres enfants.

Il n’existe pas d’autre monde sensible que le visible. Le monde visible, le domaine du mal, est né de la sensibilisation de l'univers invisible par l'action fécondatrice de certains principes. Ce monde invisible, caché dans le monde visible, pourrait être découvert par l'homme s'il était capable d’en enlever le voile et de l'examiner. Le phénomène de sensualité n'est pas basé sur une certaine substance basique, mais sur certains éléments primordiaux, qui sont immédiatement liés aux pouvoirs supérieurs de création, ou à un feu invisible et originel, duquel sont nés les trois éléments visibles que sont le Feu, l'Eau et la Terre, mais qui ne peuvent dériver d'une essence matérielle unique ni y retourner ; parce que les qualités qui les distinguent les uns des autres sont fondamentalement différentes. Le feu appartient spécialement au règne animal, l'eau au règne végétal et la terre au règne minéral. Il ne peut y avoir que trois éléments. S’il y en avait quatre, le monde visible ne pourrait pas périr ; parce que son caractère périssable repose sur l’aspect triple du sensible. L'air n'appartient pas aux éléments matériels, mais il est un organe plus fort et plus puissant d’action du feu originel, et sa fonction est de transmettre au corps les forces vitales. Les corps résultent de l’union et de la combinaison de ces trois éléments. La complète « corporification » requiert cependant certains facteurs pour être sensible, et être capable de faire le lien entre les principes et l'action ; ces facteurs sont appelés par les alchimistes : Mercure, Soufre et Sel. Ils sont en proportion exacte avec les trois éléments et sont les véhicules de leurs principes. C’est la prépondérance d’un élément ou d’un autre dans le processus de corporisation qui détermine si le corps ainsi formé appartient à un règne ou un autre.

Par conséquent trois principes sont nécessaires au processus de création ou de reproduction dans le domaine du sensible.

1. L'activité conjointe de deux principes, dont l'un agit de l'intérieur vers l'extérieur et l'autre de l'extérieur vers l'intérieur. Ces impulsions d’action et de réaction doivent se rencontrer pour que quelque chose puisse naître, et elles sont à l’origine d’une loi nécessaire et universelle à toute la création ; car dans le domaine de l'Intellect comme dans celui du Sensible, on retrouve partout ce même principe d’antiphonie.

2. C’est l'action d'une cause à la fois active et pensante qui régit la double action ci-dessus. C'est pour notre raison l’unique « Principe réel », et les lois du sensible découlent de son action. Hors de la considération de ces lois, il est impossible d’avoir une conception claire de la nature. Ce principe d’Intelligence ne fournit pas les germes à l’origine des corps, mais il les vivifie ; il ne donne pas à l'homme les pouvoirs physiques ou d’intellect, mais il les régit et les illumine ; et chaque fois que ce principe se retire, la dissolution commence. Cette cause active et intelligente peut être connue et assimilée par tous ceux qui sont suffisamment pur pour la percevoir.

Tous les changements dans l'univers visible sont déterminés par les actions et les contre-actions de ses quatre points cardinaux, et les oppositions entre les principes élémentaires sont dirigés par la cause active et intelligente qui est son centre et sa circonférence. [Retour Sommaire]

IV — L’HOMME

Une révolution prodigieuse dans le domaine de l'esprit a fait que la source de tout être émane instantanément de lui-même, et cette émanation divine fût l'homme primordial. En vertu de son origine divine, il est non seulement l'être le plus élevé et le plus ancien, une expression du pouvoir et du nombre divin, mais, bien qu'il possédât tous les privilèges d'un esprit, il fût de plus entouré d'une enveloppe indestructible qui le protégeait des pouvoirs destructeurs des éléments. Dans cet état glorifié, où il éprouva le bonheur le plus exalté, il fut capable de régner dans le royaume de l'Invisible, comme dans celui du Visible, de révéler la puissance du Très-Haut et en restaurant l'Unité de rétablir l'ordre, la paix et le bonheur. Habitant au centre du carré, il pouvait voir tout son royaume, dans les quatre orientations et comprendre à la fois le passé, le présent et le futur. Il possédait le pouvoir sur la vie et la mort de ses inférieurs, car il leur insufflait la vie par sa présence, et son retrait provoquait leur mort[iii]. Mais il devint infidèle. Au lieu de gouverner le Sensuel, il confondit les quatre points cardinaux de Lumière et de Vérité, et se priva ainsi de Lumière. Au lieu d’observer la totalité de son royaume, il ne fut attiré que par une partie de celui-ci. Il s'est ainsi engagé dans le sensuel, c'est-à-dire qu'il est passé du 4 au 9 et est tombé dans l’obscurité.[iv] Ce qui était autrefois pour lui l’unité, lui apparaissait maintenant comme multiple et subdivisé ; le sensuel prit la place de l'intellectuel, et l'intellectuel celui du sensuel. Son crime consista à passer du supra-sensuel au sensuel. Le sensuel n'était pas fait pour lui, et il lui était interdit d’y goûter, mais il le convoitait, et en goûtant à la fausse jouissance, il perdit la vraie. Il tomba de l’esprit dans la matière, et maintenant l’homme doit par ses efforts retrouver sa position première. Non seulement il a perdu sa place originelle au paradis (le carré intellectuel) ; mais il a aussi perdu son pouvoir, la parole vivante ; il s'est séparé en mâle et femelle. Il perdit également l’enveloppe d’invulnérabilité de son état primordial et prit un corps animal (« vêtements de peau »), ce qui le rendit sensible aux impressions du sensuel et l'exposait aux dangers des éléments. Cependant ce corps mortel, siège et cause de ses souffrances, devint en même temps un manteau protecteur contre des dangers encore plus grands, auxquels il serait exposé sans une telle protection. Les organes de ce corps matériel sont en proportion exacte avec ses facultés intellectuelles, dont les traits reposent sur un certain nombre et la couleur naturelle sur un certain ordre dans la disposition des éléments. Ce corps est une représentation complète des matériaux dont le monde est composé. C'est un microcosme et il a les mêmes proportions et fonctions que le macrocosme et, comme la terre, il doit combattre toutes les forces hostiles. C'est l'expression d'un principe spirituel, mais non pensant, appelé l’âme animale, qui fait le lien entre l'âme intellectuelle et le corps physique.

La condition actuelle de l’homme est plus difficile qu’il n’en était avant sa chute. Il a plus de dangers à affronter et moins de pouvoirs à sa disposition pour résister. Il est toujours engagé dans la bataille des sens contre l'intellect. Il désire se spiritualiser, mais son corps l'attire vers les sens par mille attraits et l'entraîne encore plus profondément dans la fange de la matière, et son principe d’intellection ne peut plus respirer la pure essence de la vie, privé des influences bienfaisantes d’une réaction supérieure. Mais cependant le domaine des sens lui est bénéfique et constitue un garde-fou et un point de départ pour son retour. Sa capacité de se retourner va dépendre de son aptitude à dompter tout ce qui obscurcit sa véritable nature intérieure et à retirer tout ce qui l'empêche de revenir à sa source originelle. Il ne peut accomplir cela d'aucune autre manière qu'en remontant par la même voie que celle par laquelle il est descendu. Il doit repasser du 9 au 4, du sensuel à l'intellectuel, de l'obscurité à la lumière. Il doit traverser les brumes qui cachent le soleil de sa vue, jusqu'à ce qu'il arrive à un point où ses rayons l'atteignent sans réfraction. C'est la grande œuvre de Rédemption, par laquelle l'homme, d'abord et avant tout, vivifie et renforce la puissance de son germe d’intellect, et par stimulation et expansion renouvelées de sa part et une volonté bien orientée, devient sensible aux droits de l'esprit. Par l'exercice du courage et avec la foi, le temps de l'épreuve peut être réduit de manière considérable ; mais aucune expiation indirecte n’est possible, et plus l’homme a chuté bas, plus il devra remonter. [Retour Sommaire]

Cependant, même dans sa faiblesse, l’homme n’est pas entièrement dépendant, dans ses tentatives pour s'élever, des seules ressources de ses facultés inhérentes de courage et de volonté. Il y a beaucoup d’hommes, grands et bons, pour le stimuler par leurs exemples, s'il veut bien les prendre comme ses guides ; mais en plus d’eux, il y a toujours eu parmi nous d’authentiques acteurs célestes présents sur terre qui ont le plus grand souci de notre bien-être. Un rapport direct avec ces hommes n'est pas impossible, si l’homme se purifie suffisamment pour être approché par eux ; eux-mêmes bien que très avancés et purs, sont encore humains.[v] Par une discipline appropriée d'entraînement mental et spirituel, nous pouvons percevoir ou entrer en contact avec ces êtres. Moins notre attention s’attache aux choses sensuelles, plus notre vision spirituelle se développe ; et plus l’homme extérieur meurt, plus l’homme intérieur vit. Tout cela, cependant, serait insuffisant pour la rédemption de l'homme, s’il n’y avait l'activité constante du principe spirituel universel, par laquelle tous ses pouvoirs sont sans cesse développés et vivifiés, et par laquelle l'homme est amené à la reconnaissance de toutes choses, et en particulier à la connaissance de lui-même.

Il ne manque donc pas de remèdes sûrs et puissants par lesquels l'homme peut s'élever des ténèbres à la lumière ; mais s’il est trop insouciant et négligeant pour employer ces moyens, il se retrouvera dans une condition bien pire ; surtout s'il nie l'existence ou la nécessité de tels pouvoirs. Il sera alors dans un état dont il ne pourra être racheté que par une purification extrêmement dure et continue. Il devra passer du 9 au 56. La loi par laquelle l'homme passe du 4 au 9 est terrible, mais elle n'est rien en comparaison de la loi qui régit le 56, une loi effrayante, par laquelle ceux qui sont exposés à son action ne peuvent arriver au 64 sans devoir affronter toute la rigueur de cette loi. L'homme qui n'accomplit pas son devoir au moment imparti devra recommencer, mais il partira d'un point beaucoup plus bas et devra œuvrer pendant une période beaucoup plus longue ; et s’il tarde trop la période de souffrance sera plus terrible et même presque infinie. Les malheureux qui appartiennent à cette classe sont comme les satellites de « Saturne », qui tournent continuellement autour de son anneau, sans pouvoir y pénétrer. Ils ne peuvent pas pénétrer dans la sphère du Bien et voir la lumière qu’ils ne peuvent approcher, et ils devront souffrir jusqu'à ce que toutes leurs impuretés soient brûlées et détruites par leur propre lumière intérieure.[vi]

Mais par l’usage correct de ses facultés, l’homme est certain d’atteindre son but, et ses doutes disparaissent à mesure qu’il s’élève. Il n'a pas besoin de craindre la mort, car la mort n’est terrible que pour ceux qui se sont entièrement laissés prendre par le sensuel ; et s'il s'élève par sa volonté à un degré suffisant de pureté, pour ne faire plus qu'un avec la Divinité, il sera alors capable, même dans cette vie, de spiritualiser sa propre nature au point, de pouvoir contempler tout le champ de l'intellect, et il se retrouvera beaucoup plus près de Dieu qu'il ne l’avait cru possible. Il percevra les entités divines, et n’aura plus besoin de lire de livres pour s'instruire[vii], et il aura tellement progressé sur le chemin de la perfection que la mort n’aura qu’à lui retirer le voile matériel grossier pour lui dévoiler toute la beauté du temple de son mental : car alors il ne vivra et n’agira qu’au sein de la sphère de l'Infini. [Retour Sommaire]

Si nous considérons l'homme dans ses relations sociales, nous constatons que l'origine de l'état social ne consiste ni dans le rassemblement contraint des hommes par des individus puissants, ni dans une confluence arbitraire ou sans discernement d'entités vers une unité commune au moyen d'un contrat social. L'homme primordial est né pour régner, non sur ses égaux mais sur les êtres inférieurs. Il ne pouvait appartenir à aucun corps politique d'hommes, un corps qui ne peut exister sans les liens des sens et les privations de l’intellect. Mais à mesure qu'il devenait de plus en plus sensible, sa condition fût d’être pris dans une chaîne ininterrompue de besoins, de dépendances et de nécessités ; et l'organisation sociale devint nécessaire pour subvenir à ces besoins, libérer à nouveau sa nature intellectuelle et recouvrer ses droits. La formation de la société ne fût donc pas un acte arbitraire mais une nécessité ; sa finalité est l'éducation et son but final est la liberté et la restauration des droits des individus qui la composent. La légitimité de la domination d’un homme sur un autre dépend de leurs degrés respectifs de dépravation ou de noblesse réelle. Un grand nombre d’individus membres de la société s'enfoncent dans la boue des éléments matériels, et il est donc naturel et nécessaire qu'ils soient aidés à se relever par ceux qui sont moins dépravées ; et c'est seulement ainsi qu'une autorité peut être légitime, tandis que dans tout autre cas, elle doit nécessairement incarner le plus haut degré d'injustice. Plus un individu progresse sur le chemin de sa propre perfection et purification individuelle, plus il acquiert un pouvoir sur les autres, basé sur la justice ; de même, plus il s'approche de la lumière, plus son influence s’étend sur ceux qui en sont privés.

Un enfant ne peut pas être son propre père, enseignant et pourvoyeur, et l'homme collectif a besoin de certains guides, dotés de vertus supérieures. Le gouvernement devrait donc considérer que son premier devoir est d’éduquer l’intellect de l’homme, d’abolir les maux et de pourvoir à la satisfaction des vrais besoins de l’homme. La religion et la politique ont un objectif identique et chaque roi devrait donc également être un Melchisédech ou un grand prêtre. L’humanité, en tentant de séparer ce qu’elle considère le « profane » du spirituel, a perdu le véritable esprit, et les rois et les prêtres, en perdant le véritable esprit de la religion et en devenant sectaires, ont perdu leur pouvoir. La vraie religion et la vraie liberté sont inséparables. L'homme primordial possédait le pouvoir de punir ses inférieurs et même de les priver de la vie s’il les privait de sa présence vivifiante ; mais l’homme dans sa condition actuelle a perdu ce pouvoir, et personne n’a le droit de punir ou de tuer une autre personne. Le pouvoir de punir des rois et des juges n'est donc que symbolique, et ils ne possèdent de tels droits qu'en tant que représentants d'une autorité supérieure à celle de l'homme individuel ; ils ne doivent donc exercer de tels pouvoirs que dans le respect de la plus haute conception de la justice. Les peines doivent être proportionnelles à la gravité des crimes, et il est injuste de ne punir que les crimes commis contre l'homme physique, les crimes dit politiques ou temporels, et de laisser libres les criminels qui tentent d'empoisonner, de blesser ou de détruire la partie intellectuelle ou spirituelle de l'homme. La cause de cette injustice est que ceux à qui l'autorité est confiée sont eux-mêmes imparfaits, voire criminels, et susceptibles d'abuser de leur autorité. L'humanité ne pourra espérer atteindre l'âge d'or avant que ses dirigeants ne soient des hommes meilleurs, dont le cœur est rempli d'amour pour l'humanité, et dont l'esprit est illuminé par l'intelligence divine de l'esprit universel. [Retour Sommaire]

V — LA RELIGION

L'animal ne s'élève jamais au-dessus de la sphère des désirs de ses sens ; mais l'homme trouve le seul vrai bonheur et contentement que dans la contemplation de ce qui est au-dessus de cette sphère. Il ressent la nécessité intérieure de satisfaire ses désirs pour le Divin, et de propager cette satisfaction via la religion. L’homme s’élève vers Dieu par ses aspirations religieuses, et la nature de l’homme s’élève en égale proportion à l’élévation, élargissement et purification de ses idéaux religieux. Une investigation sur le lien existant entre l’homme et la religion conduit à adopter les points suivants :

1. La religion est naturelle et nécessaire à l’homme, et un examen de l’histoire tant ancienne que moderne prouvera la véracité de cette affirmation.

2. La religion est aussi vieille que l’humanité. Les principes des systèmes religieux ne peuvent être le fruit d’une invention ou d’une présomption arbitraire ; leur germe originel doit nécessairement être divin. Ce germe a résisté à toutes les révolutions de la nature, et seul sa forme a changé au grès des diverses nécessités ou capacités des peuples et de l'état de leur civilisation ; et la vraie religion est plus qu’un simple code moral.

3. La vraie religion ne peut être qu’une, et il ne peut y avoir qu’une seule vraie religion, car il n’y a qu’un seul principe de perfection. L'unité, la loi de la religion authentique, exige la parfaite harmonie entre l'homme sensuel et l'homme intellectuel.

La lumière divine qui illumine l’homme est une et la même en chaque homme, et les différences entre les divers systèmes religieux ont leur cause dans comment les différents aspects de cette lumière sont perçus par les différents peuples.

La vérité est une, mais les formes sous lesquelles elle apparaît diffèrent. Chaque homme, peu importe où il vit ou ce qu’il croit, peut être un temple où réside l’esprit divin. La sagesse est accessible à tous, et l’acquisition de la sagesse par tous rétablit l’unité.

4. L'homme s'élève jusqu'à la lumière divine d’amour et de sagesse par ses idées religieuses et devient ainsi de plus en plus réceptif aux influences bienfaisantes. L'homme, comme tout dans la nature, est soumis aux lois de la nature et, il partage, dans une certaine mesure, de la nature de l’influence des lois auxquelles il s’associe. Il y a eu de tout temps des hommes qui se sont élevés au-dessus des autres au point de s’unir à la source divine ; nous pouvons les considérer comme nos guides et nos enseignants. Les révélations et les traditions que nous avons reçues de tels hommes sont inscrites dans l’histoire et les religions de toutes les nations, et dans chacune d’elles on peut retrouver une certaine similitude et unité. Nous pouvons donc considérer ces hommes comme des agents du divin.

5. L’homme peut accéder à la Divinité grâce à ces agents divins, ou, en d'autres termes, le rayon divin en traversant ces entités ou agents se teinte d’une couleur appropriée à chacun, sinon il serait à jamais incompréhensible par l'homme. Certains anges et prophètes ont pu être des humains, mais ils sont tous des représentations ou des symboles de forces ou de perfections que possédait à l'origine l'homme primordial.

6. Ces agents divins ont établi une communication de pensée reliant le plus haut au plus bas. Ainsi, un mode d'instruction devint possible, par lequel ceux qui ne possédaient pas suffisamment de pouvoir pour s'élever pouvaient y parvenir grâce à leur guide, à travers lequel ils pouvaient recevoir des informations sur l’essence des choses et l'histoire de l'humanité.[viii]

7. Les agents ou messagers divins ont choisi de tous temps certains hommes, auxquels ils communiquaient leurs connaissances, et par l'intermédiaire de ces hommes une lumière de couleur variée fût répandue sur les différentes parties du globe ; en partie par l’enseignement oral, et en partie à travers une tradition basée sur les symboles, les arts ou les coutumes. Au fil du temps, ces traditions se sont perverties au point d’être devenues souvent presque méconnaissables et donner lieu à d'innombrables dérives sectaires.

8. La science et l'histoire de l'humanité se confond avec l'origine et le but de la mythologie et du symbolisme. Il y a beaucoup de fantaisistes dans ces systèmes, mais on peut trouver une identité dans ceux des nations les plus anciennes.

Beaucoup de ces mythologies reposent sur des superstitions, et dans d'autres le sens originel véritable s’est perdu ; mais il reste suffisamment d’éléments de vérité pour démontrer que les plus anciens habitants de notre globe concevaient la destinée de l'homme d’une manière plus élevée qu’un simple passage à travers divers processus chimiques et physiques. Tous ces mythes concernent l'origine de l'homme, les lois de son existence et de sa destinée, et ils nous donnent une vision historique plus ou moins exacte de l'univers visible et invisible.

9. Les célèbres mystères anciens, avec leurs doctrines et leurs initiations, tiraient leur origine de ces anciennes traditions, transmises dès l'Antiquité par les sages et leurs disciples. La perpétuation de ces mystères était nécessaire, et le secret dont ils étaient entourés répondait au désir de les préserver de la profanation et de les garder dans leur intacte pureté originelle.

10. L'un des témoignages de l'Antiquité le plus ancien et le plus fiable est celui des Hébreux.[ix] La Cabale donne une conception très claire de la cosmogonie, et le sens ésotérique de leur symbolisme est extrêmement beau. Malheureusement, son sens ésotérique est actuellement très peu compris, même par les Hébreux eux-mêmes ou par leurs rabbins, et il a été surtout perverti et obscurci par des traductions imparfaites du texte original. [Retour Sommaire]

VI — LA SCIENCE

L’éloignement de l'homme de la vraie source de lumière, fait qu’il lui est plus difficile d'accéder à la vraie connaissance, car pour obtenir cette connaissance, il doit être guidé par la lumière de la vérité.

Néanmoins, un certain degré de connaissance exacte est certainement accessible à l'homme, car chaque être est soumis à la loi sûre et immuable.

La possibilité de cette réalisation trouve son fondement non seulement dans le germe de l’intellect[x] de l'homme, qui est immuable dans sa nature intrinsèque comme l’est le principe dont il est issu, mais aussi par le fait que l'homme, avec sa double nature, est à l’image d’un miroir concentrant toutes les lois du monde des sens et de l’intellect. La connaissance de l’homme est donc le fondement de toutes les connaissances ; celui qui comprend parfaitement l'homme, comprend les lois de l'Intellect et des Sens et pourra tout expliquer. Toutefois dans l'étude de l'homme, il faut se garder de confondre le Sensuel avec l’Intellectuel, et d'attribuer à l'un ce qui appartient à l'autre.

Il n’y a en fait qu’une seule science qui comprend l’Intellectuel et le Sensoriel ; et les deux domaines doivent être étudiés conjointement. La séparation arbitraire des deux aspects de cette science unique a donné naissance et développement à d’innombrables conclusions contradictoires et à des systèmes et dogmes erronés. Chaque fois que l’homme désire accéder à la vérité avec intelligence s’il n’utilise pas les moyens que lui offre la nature, il tombe invariablement dans l’erreur ; et il n'est pas moins dangereux de tenter d'étudier le sensible sans la lumière de l'intellect. Si nous désirons utiliser correctement notre raison, nous devons « diviniser » notre propre cœur et lui permettre ainsi d’approcher la source de toute lumière, qui est hors de portée du raisonnement humain.

La fausse étude du sensible donne naissance au matérialisme et l’étude intellectuelle faussée conduit à la superstition ; mais la vraie science doit se baser surtout sur les principes, plus que sur l’aspect phénoménal des choses. Les deux extrêmes sont dangereux ; car dans un cas nous rampons comme un ver sur un chemin sans voir où il mène ; dans l'autre cas, nous errons si haut que nous nous perdons dans les nuages. La vraie connaissance ne peut être obtenue qu’avec un juste discernement et en prenant en compte les lois du Sensuel, de l'Intellect et du Divin, par lesquelles seul l'homme peut se libérer et retourner à la source universelle de Lumière et de Vérité. [Retour Sommaire]

I - La science des nombres

Le système entier de l'univers repose sur certains principes primordiaux et fondamentaux, desquels résultent la substance, la forme et la possibilité d’action de tout ce qui existe. Ces principes de base sont appelés les nombres de la nature. Celui qui les comprend, comprend les lois qui expliquent comment la nature existe, quelles sont les proportions qui composent ses parties constitutives, de quelle manière son activité se régule, quel lien relie toutes les causes entre elles et quelle mécanique anime le Cosmos.

Ces nombres ne sont pas des symboles arithmétiques, mais de vrais principes ; ils sont à la base de toute science exacte et de toute compréhension par l’intellect.

Le sujet que nous considérons est d'une étendue infinie qui ne peut être comprise que par l'Esprit infini, qui intègre en lui la chaîne complète des causes, proportions et effets, et le langage humain est trop imparfait pour l'exprimer pleinement. Tout effet résulte d’une énergie, et cette énergie est l’expression d’un pouvoir. La puissance développée correspond au nombre essentiel, et la quantité d'énergie au nombre potentiel. Le Principe et la Forme sont deux pôles unis par le lien du Nombre. Par nos sens, nous recevons certaines impressions du sensible présent dans le mouvement des choses, et par notre raison, si nous sommes capables de les appréhender, nous pouvons nous faire une idée de quels sont leurs positions et racines invisibles. Tout dans le monde de l'Intellect comme dans celui du Sensible est qualifié par un nombre, une mesure et un poids, qui ne peuvent être compris que par notre raison ou notre intuition.

Les nombres de l'univers sont infinis, mais leur mouvement est simple et direct, car tout repose sur les premiers nombres : 1 à 10. Ces nombres sont contenus dans quatre nombres de base (1 + 2 + 3 + 4 = 10) ce qui montre le caractère sacré du carré, symbole de la divinité en l'homme. [Retour Sommaire]

II - Quelques remarques sur la signification des nombres.

I. Le nombre 1 représente : 1) L'unité absolue, l'essence et le centre universel de tout Être. 2) Les centres ou principes de toutes les unités individuelles, qui ne sont ni absolus ni conditionnés ; mais ne sont que des radiations directes ou indirectes de l'unité absolue.

II. Le deux signifie : 1) L'unité absolue en condition de mouvement ou de progression, comme une radiation ou une réflexion du 1. 2) La Lumière, ou un rayon qui émane. 3) L'origine de toutes choses, la projection du Divin dans l'Intellect. 4) La double loi d'action et de réaction, le masculin et féminin, le positif et négatif, etc.

III. Le trois est le nombre des résultats. 1) Sans le Trois, il ne peut y avoir de résultat, tant sur le plan de l’intellect que sur le plan physique. Du 1, dérive la possibilité d'existence réelle, du 2, l'énergie et la réaction, et ensemble ils produisent le 3, le résultat ou la forme. 2) La constitution des corps, formés (a) des principes des trois éléments : Terre, Eau et Feu ; (b) des trois actions : Action, Réaction et Cause. 3) Le principe universel immatériel, mais non pensant (la Volonté ?). Le nombre d'êtres non-pensants, mais immatériels (les élémentaux ?) est représenté par 3 x 3 = 9.

IV. Le 4 est le nombre de la perfection. 1) C'est le symbole du carré divin, l'univers pensant. 2) Le symbole du carré du temps. 3) La représentation de l'homme intellectuel dans sa condition primordiale ; et 4) le symbole de l'univers : Nord, Sud, Est et Ouest.

V. Le nombre 5 peut être considéré soit comme 1 + 4, soit comme 2 + 3, soit comme 4 + 1, et dans chaque cas son aspect diffère en conséquence. Le cinq est nécessaire pour produire l’harmonie d’un accord parfait ; mais sous un autre aspect, il est terrifiant et représente le principe du mal en lutte contre le bien. C'est le symbole de l'idolâtrie, de la superstition et de la peur, qui ne peuvent être modérés qu’en s’unissant au 6. C'est le nombre de la souffrance et de la mort, et celui qui s’attache à ce chiffre devient la victime du terrible pouvoir du 65.

VI. Le 6 n'est pas un nombre parfait, mais il permet de bons résultats dans le sensible. Par le 6, comme symbole du 2 x 3, la nature visible vient à l’existence. C'est le symbole du temporel et de la vie changeante.

VII. Le 7 provient du 3 + 4 ; 4 + 3 ; ou 6 + 1. Il représente les sept principes dans leurs différentes combinaisons, les sept planètes et beaucoup d'autres choses. Comme le 16 (4 x 4) et le 9 (3 x 3), le 49 (7 X 7) est aussi d'une grande importance.

VIII. Le 8 (2 x 4) est le nombre du double carré du temps et de l'éternité ; de l'Intellect et du Sensuel et de leur connexion et antiphonie réciproques.

IX. Le 9 (3 x 3) est le nombre du Sensible, de la Sensualité et de la Dégradation ; de tout ce qui est circulaire et matériel. 4 + 9 est le nombre complet de la nature. Les relations entre le 1—3—6—9 et le 1—4—8—16 sont très importantes.

X. Le 10 est l'aboutissement de tout ce qui existe. En lui se combinent toutes les relations binaires, ternaires et quaternaires, et c'est le résultat du 1 + 2 + 3 + 4. [Retour Sommaire]

III - Les Mathématiques occultes, ou l'application des nombres de base au monde spirituel et physique.[xi]

La vraie mathématique est la base de toutes les sciences exactes. Les mathématiques courantes n’en sont que l’ombre, et ne sont infaillibles que quand elles se limitent aux concepts matériels. Toutes les formes et images du monde des sens sont le résultat de principes simples, et l'origine des mathématiques se trouve dans quelque chose qui dépend des lois du Sensible, de la Matière et de la Forme ; mais qui dans le fond n'est pas matériel mais intellectuel. Un homme peut être un très bon mathématicien sur le plan courant, mais être pourtant incapable de résoudre le problème intellectuel ou physique relatif à la cause de sa genèse. Les véritables axiomes mathématiques sont du domaine de l’intellect, et c'est seulement par eux que l'on peut expliquer la constance de toutes les productions du sensuel. Dans une géométrie authentique, nous avons besoin d’une échelle qui puisse s’appliquer à tous les aspects de ses dimensions ; mais une telle échelle n’a aucune élasticité en elle-même. Cette élasticité ne pouvant pas être trouvée dans la Géométrie courante, il faudra la rechercher dans le principe intellectuel d'extension ; et par conséquent il sera impossible à la géométrie courante de résoudre des problèmes tels que, par exemple, celui de la quadrature du cercle.

Si l'on souhaite mesurer une courbe, il faut avant tout se faire une idée correcte d'une ligne droite et d'une ligne courbe. Tenter d'expliquer une ligne courbe comme étant formée d’une succession de lignes droites infiniment petites est inadmissible et irrationnel, et en opposition avec les véritables lois de la nature ; car outre les preuves morales d'unité et de perfection infinies, il y a d'autres raisons pour lesquelles deux opposés tels qu'une ligne droite et une ligne courbe ne peuvent jamais s’unir et pourquoi une telle tentative ne devrait jamais être faite. Tout dans la nature a un nombre qualifiant ses différenciations, et c'est aussi le cas de ces deux lignes. L'émanation dans l'infinitude est l'objet de l'une et le détraquement dans la progression infinie le but de l'autre. Les deux s’opposent ; leurs nombres et actions doivent être différents ; leurs nombres sont dans le rapport du 4 au 9 et dans tous leurs degrés et puissances, cette proportion demeure inchangée. Cette loi explique la différence générique et individuelle entre les natures intellectuelles et sensibles, qui, bien que différentes entre elles, dérivent néanmoins de la même source, possèdent le même nombre originel et sont régies par la même loi.

L'échelle arbitraire utilisée dans la géométrie courante est extrêmement utile pour les besoins de la vie courante, car elle relève des proportions de la matière ; mais si nous essayons d'appliquer cette échelle pour investiguer les vérités essentielles, nous risquons d'être induits en erreur, dont la moindre est de s’aventurer au-delà de son champ d’application, alors que les nombres 4 et 9, en tant que représentation des lignes droites et courbes, restent inchangés dans leurs proportions, et constituent donc l'échelle appropriée à ces vérités.

Il serait inapproprié d'appliquer les mathématiques occultes et la géométrie à la mesure des perceptions sensorielles et des combinaisons ordinaires de matière, et les mathématiques courantes ne peuvent pas non plus être appliquées aux choses spirituelles. La matière n'existe que par et dans le mouvement, mais la matière n'est pas la source du mouvement. [Retour Sommaire]

Cette source doit nécessairement exister dans un principe immatériel, et les phénomènes d'extension et de sensorialité ne sont que des résultats provoqués par l'action de ce principe. Si les principes de la matière dépendent d’une action ou d’une réaction supérieure, à plus forte raison en est-il de l’évolution de ces principes.

Bien que dans le domaine du sensible il n'y ait pas de mouvement sans extension, le sensible en lui-même suggère un mouvement sans extension ; c'est-à-dire une attraction des corps vers un centre commun. Le Sensoriel est toujours guidé par l'Intellect, et il s'ensuit que c’est en ce dernier que doit se trouver la cause du mouvement. Deux mouvements, en sens inverse l’un de l’autre, sont guidés par le nombre 4, qui est le nombre à la base de tout mouvement. Il n’existe donc pas de progression arithmétique dans le domaine de la nature vivante, et la progression géométrique du carré est la seule valable, car elle est le principe de vie et d’action des êtres vivants.

Le nombre de l'extension et aussi de la ligne courbe est le 9, car partout dans la nature, où l'on trouve de l'extension, on trouve aussi des lignes courbes et là les deux sont alors équivalentes. En dernière analyse, toute forme tend vers la forme de l’ovale ou de la sphère. Le nombre des lignes droites appartient aux causes et aux principes ; celui des courbes aux produits et résultats.

Les nombres 4 et 9, la ligne droite et la ligne courbe, représentent donc les deux principales lois de la nature, qu’il ne faut jamais confondre. Depuis qu'il a perdu sa perfection, l'homme a vainement essayé de les unir et a tenté sans succès de résoudre la quadrature du cercle ; or ne peut comprendre une quatrième dimension de l'espace, ou des problèmes qui ne peuvent être saisis que par l’intellect, car leur démonstration n’implique pas le plan physique.

Il faut faire une distinction entre le cercle naturel et le cercle artificiel. Pour le premier la circonférence ne résulte pas d’une série de points reliés entre eux, mais résulte d’une expansion d’une énergie à partir d’un centre.

Le carré ne doit pas être considéré comme résultat d’un développement géométrique, mais comme le symbole du principe créatif universel. Ce principe ne se révèle qu’à travers un triangle formé des trois principes immatériels à l’origine des formes et des corps, et ce triangle en combinaison avec l'unité du premier principe forme la base de tous les phénomènes possibles dans le domaine du Sensible. L'action du principe est cependant une ligne droite.

Les quatre côtés du carré représentent allégoriquement :

L’un premier, la base et la racine des autres, est le symbole de l’unique cause première, dont le nombre est l'unité absolue.

Le second, émane du premier, comme premier rayon ; c’est l'Adam Kadmon ou l’homme primordial, qui par sa double qualité est symbolisé par deux nombres ; il est aussi appelé le « Fils de Dieu ».

Le troisième complète la trinité de toutes les formes existantes dans l'univers visible et invisible ; et le quatrième représente les essences de toutes les catégories et genres, ayant des pouvoirs intellectuels ou étant limités au champ du sensuel, et finalement dans l’homme le quatre est en relation intime avec sa nature mystérieuse. [Retour Sommaire]

VII — LANGAGE ET ÉCRITURE

L'homme PRIMORDIAL possédait l'avantage supérieur de pouvoir connaître directement la nature, les qualités, les pouvoirs et les mouvements des choses. Son lien avec le monde de l'esprit et le monde de la matière était si intime qu'il pouvait lire et comprendre les pensées les plus secrètes de ceux qui lui étaient supérieurs comme de ceux qui lui étaient inférieurs ; et l’homme, même dans son état dégradé actuel, possède encore ce pouvoir, mais à un degré extrêmement atténué. Ce pouvoir ou langage primordial est connu sous le nom du pouvoir d’intuition.

Le devoir de l’homme est de s’efforcer de retrouver ce langage primordial, en cultivant ses facultés d’intuition et en utilisant ce petit rayon de lumière qui, dans son état d’obscurité présent n’apparaît que comme son étoile polaire au lieu d’être son soleil. Il doit le faire en s’attachant constamment aux symboles primordiaux et aux vrais caractères des choses et en les saisissant avec les pouvoirs de son esprit. Cela signifie méditer sur la nature des choses, pénétrer mentalement en leurs centres et comprendre leur véritable signification.[xii] C'était le véritable objet de l'ancienne écriture hiéroglyphique et picturale des écoles de science secrète. Plus les authentiques symboles se sont éloignés des formes réelles de la nature, plus il est difficile d’exprimer la vérité. Mais il y a toujours eu des hommes capables de lire et d’écrire les signes symboliques originaux, et jusqu’à nos jours ces hommes[xiii] conservent et protègent les véritables hiéroglyphes. [Retour Sommaire]

I - Nature et origine du langage.

Les actions de l’homme sont ses écrits. En mettant ses pensées en action, il les exprime et les consigne dans le livre de vie.

La source du langage est dans l’homme ; mais sa condition de naissance ne peut être expliquée simplement par l’organisation, la tradition ou l’instruction ; le langage originel de l’esprit est aussi vieux que les pouvoirs intellectuels de l’homme et sa source remonte très loin dans la nuit des temps, quand l’homme était encore dans sa pureté originelle. L'homme ne peut pas utiliser ses facultés intellectuelles sans l'influence ou le stimulus d'une réaction supérieure ; s'il avait été laissé à lui-même, il n'aurait pas eu l’opportunité de parler. Si par « langage » nous entendons simplement l’expression et la révélation de nos propres pouvoirs, alors nous devons constater que tout dans la nature a son langage[xiv]; car non seulement les pouvoirs de chacun sont intimement liés aux moyens qui leur en permettent l’expression ; mais les deux n’existent qu’en exacte proportion de mesure et de condition ; mais pour éviter toutes erreurs ou confusions, il convient d’appeler « langage » l’expression des pouvoirs intellectuels et moraux, et sous cet aspect il ne peut appartenir qu’aux êtres dotés d’un intellect. [Retour Sommaire]

II - La langue originelle.[xv]

Il n'existe qu'un seul véritable langage humain, dont les symboles sont naturels et intelligibles par tous ; c’est soit la faculté de communication intérieure directe de pensée, soit l’expression extérieure par et pour les sens. Ce langage intérieur est le parent du langage extérieur ; il a sa source dans le rayonnement du suprême, qui est l'unité en laquelle tous les hommes ne font qu'un. Il s'ensuit que si cette irradiation originelle du rayon suprême était restée intacte dans tous les hommes, tous se comprendraient tant par le langage intérieur et qu’extérieur, puisque ce dernier n'est que l'expression du premier via les sens. Tel est bien le cas. Cette langue originelle, autrefois parlée de tous, mais aujourd'hui perdue par presque tous, est encore possédée par quelques hommes, dont le haut degré de pureté les rend à même de comprendre. Cette langue est, pour ainsi dire, le souffle de l'esprit, alors que les langues communes sont limitées par les lettres.

Cette langue est constituée indéniablement de symboles non ambigus, qui ne sont pas des créations arbitraires, mais sont inhérents à la nature des choses et l’expression de la vérité, et elle peut être transmise par le son ou des signes. Celui qui comprend cette langue peut non seulement traduire le Divin, mais peut aussi unir tous les espaces et observer le plus lointain passé. La connaissance de cette langue primitive expliquerait à la fois le processus d'évolution des langues secondaires et le lien intime qui existe entre le développement des diverses langues et le progrès de l'évolution des diverses nations. Ce sera la langue utilisée dans un avenir certain mais très lointain. L'homme dans sa condition actuelle entend la voix qui parle dans cette langue, mais ne la comprend pas ; il voit les symboles sacrés, mais ne les comprend pas ; son oreille est habituée aux paroles humaines ; il cherche dans les livres écrits par des humains, mais reste aveugle aux hiéroglyphes du divin. La clé de cette langue est contenue dans le logos divin, le Christ (ou le septième principe des Occultistes).

Chaque mot dans cette langue est le caractère de la chose elle-même, un signe et un symbole que les hommes cultivent sans le savoir ; le centre de chaque être, est l’expression d’un symbole indélébile, et celui qui s’unit à ce centre possède la parole et le signe. Ces symboles sont les caractéristiques essentielles qui distinguent les hommes en tant que tels des autres êtres existants. Un artiste comprend un autre artiste en contemplant les fruits de son art, sans avoir à lui parler, ni à le rencontrer personnellement. Le véritable esprit transcende les distances de temps et d'espace et est libéré de la contingence de relations fortuites.

Il existe une lumière universelle qui concentre la lumière de tous les êtres, et cette lumière est l'organe vivant de ce langage universel, le symbole et le son universels, dont les types et les harmonies sont offerts par la nature elle-même. Les hommes aspirent depuis longtemps à un langage universel. Une telle langue universelle ne peut être établie arbitrairement car, s’il en était le cas, elle serait plus difficile à apprendre que toute autre. Le vrai langage doit exprimer l’harmonie de notre âme avec la nature des choses, et tant qu’il y a disharmonie, il n’y a pas de langage harmonieux universel possible.

Il existe de nombreux signes pouvant dévoiler cette langue, et de nombreuses traces qui nous y conduisent. Pour l'étudier, nous n'avons pas besoin de quitter la nature visible, nous n’avons qu’à en chercher la source.

Il y a une triple parole de Dieu : physique, intellectuelle et divine. La première est le langage de la nature, la deuxième celle des agents divins et la troisième est la langue du logos ou du Christ. Ces signes sont d'ailleurs contenus dans la nature humaine, leurs produits et leurs imitations, et ils sont particulièrement visibles dans les créations d’un Génie, dans l’expression de pensées supérieures en poésie, musique ou dans l'art, et peuvent donc être considérés comme véhiculant le dialecte des héros et des dieux. [Retour Sommaire]

III - Les langues arbitraires.

Tant que la lumière qui illuminait l'homme primordial était dans sa pureté et sa perfection originelles, son langage intérieur pouvait s’exprimer par des symboles correspondants, de manière claire et indubitable ; mais à mesure que la raison humaine s’est laissée prendre par les activités matérielles, une variété infinie de langages inférieurs, ambigus, incertains et peu fiables ont vu le jour. Tous ont cependant des points de similitude qui prouvent leur origine commune ; mais ce n'est pas notre objet d'étudier ce sujet pour le moment. [Retour Sommaire]

IV - Écriture divine et naturelle.

La sagesse suprême utilise certains symboles invariables pour exprimer certaines idées et chaque pensée divine est représentée par un signe allégorique précis. En outre, il existe un autre langage originel déterminé, constitué des caractères collectifs de la nature qui, comme un livre ouvert, sont sous nos yeux. La première langue concerne les choses divines et son alphabet comprend allégoriquement quatre lettres, qui sont les quatre nombres primitifs (1 + 2 + 3 + 4 = 10.) La seconde se rapporte aux fruits de l’intellect et des sens et elle a 22 lettres.[xvi] Chaque être est un symbole caractéristique et une image extérieure vivante de son intérieur, et l'univers est la collection de ces symboles, représentant la nature, les qualités, proportions, compositions, et aspects dynamiques et passifs des choses. Chaque corps est le symbole d'un pouvoir invisible et correspondant, et l'homme, selon son origine, est l'expression la plus noble de Dieu et une copie parfaite de sa divinité invisible. L'homme est la plus belle lettre des alphabets sur terre, et celui qui peut lire et comprendre cette lettre n'a plus rien à apprendre ; car il aura obtenu la sagesse des siècles et sera devenu lui-même un Dieu. [Retour Sommaire]

VIII — EXPLICATIONS DE QUELQUES UNES DES PRINCIPALES ALLÉGORIES

1. L'armure impénétrable. — On entend par là le corps éthéré de l'homme, qui entourait son principe spirituel, avant que son immersion dans la matière n’obligeât qu’il soit protégé par un corps physique. Ce corps primitif était et est toujours indestructible, immortel et non soumis aux influences hostiles des éléments. Il n’est pas dit si ce corps correspond à la forme actuelle de l’homme ; mais certains philosophes le considèrent dans sa perfection comme une sphère rayonnante (la sphère étant la forme la plus parfaite) dont la circonférence n’a pas de limite.

2. L'épée de feu fait référence à sa puissance spirituelle, exprimée par la parole vivante[xvii] ou par la force irrésistible de sa Volonté, quand celle-ci est mise en œuvre.

3. La forêt aux sept arbres symbolise les sept émanations ou évolutions primordiales du « logos » divin, sous l'influence duquel tout vit et existe.

4. Les dix feuilles du livre de vie représentent l'univers, ou l'abondance et la complétude de toute chose. On les appelle les dix feuilles à cause de la signification occulte de ce mot. L’homme primordial pouvait voir et comprendre les dix feuilles à la fois, mais nous, nous devons étudier péniblement chaque feuille l’une après l’autre.

5. Le carré intellectuel symbolise la totalité de tous les êtres pensants et leurs pouvoirs. En lui, tout est esprit, vie et pouvoir. C'est le trône, de celui qu'on appelle l'alpha et l'oméga, le plus élevé que les êtres pensants puissentgagner, un temple d'activité et de repos, de pure lumière et de béatitude. On l'appelle aussi le paradis et ses quatre fleuves (ou Nirvana).

6. Le temple de l'esprit détruit et à reconstruire signifie la nature humaine dans sa pureté originelle et le grand travail de reconstruction ou de régénération de celle-ci. Les colonnes de ce temple sont représentées par les sages de toutes les nations, ceux qui sont illuminés par la vraie lumière ; et l’autel aux lampes inextinguibles fait référence au pouvoir toujours présent dans l’homme lui permettant d’exercer son droit divin de dévotion, de méditation, d’actions de charité et de sacrifice de soi.

7. Le grand nom des Hébreux se réfère au Logos ou Christ, c’est la première émanation de la divinité, et les saints noms représentent les sept puissances divines, qui sont les sources de toute la vie qui irrigue les êtres, et sont les moyens ultimes pour approcher le nom indicible, source suprême de tout ce qui vient à l’existence. [Retour Sommaire]

Un Bouddhiste américain

[Nom de plume de Franz Hartmann – https://theosophy.wiki/en/Franz_Hartmann]

Compilé et traduit de l'allemand, par Franz Hartmann.
Publié dans The Theosophist, Vol. 5, avril à juillet 1884, pp. 162, 193, 216 et 233.


Notes

[i] [Nous ne savons pas de quel ouvrage et de quelle édition de Saint-Martin l’auteur du présent article s’est inspiré. Les deux ouvrages suivants publié en français, et disponibles en PDF sur Internet, sont utiles et en lien avec l’article :

1/ Correspondance inédite de L.C. de Saint-Martin (dit le philosophe inconnu et Kirchberger, Baron de Liebistorf), publié par L. Schauer et Alp. Chuquet, Paris 1862.

2/ Réflexions sur les idées de L.C. de Saint-Martin, le Théosophe, suivi d’une correspondance inédite entre Saint-Martin et Kircher, par L. Moreau, Paris 1850, pp. 263 à 317.

3/ Beaucoup d’informations sur L.C. de Saint-Martin sont disponibles sur le site https://www.philosophe-inconnu.com dont la page intéressante : « La vie miraculeuse de Johan Georg Gichtel », par J.W. Uberfeld son disciple]

[ii] S'ils avaient parlé de deux triangles et d'un carré comme étant un, ils auraient été plus près de la véritable classification occulte et—de la Vérité. — Éd.

[iii] Cette mort est la mort spirituelle. Lorsque la communication est rompue entre un être humain et son divin Atma immortel, son « logos », le résultat est la mort spirituelle de l'homme. — T.S. Éd.

[iv] Le chiffre 4 représente le carré sacré, qui est le symbole du logos manifesté ; le 4 devient 9 quand le logos ou la monade spirituelle s'attache aux 5 principes [inférieurs - NDT] restants dans l'homme. C'est la descente de l'esprit dans la matière qui est ténèbres. — T.S. Éd.

[v] De tels hommes sont les véritables instigateurs de la Société Théosophique actuelle. — Trad.

[vi] Le nombre 56 (7 x 8) est celui de la huitième sphère. 5 (la moitié de 10) est le nombre de l'idolâtrie et 6 est la sphère de Lumière. Les deux nombres combinés sont le symbole de l’exclusion du mal du cercle du bien (64), composé de la Lumière (6) et de ses habitants exaltés (4).

[vii] Cela risque d’être mal compris. Il lui faudra peut-être lire un bon nombre de livres avant d'arriver au point où il n'en aura plus besoin. – Trad.

[viii] Ces agents sont les Dhyan Chohans. Le premier instructeur qui enseigna les principes de l'ancienne Religion-Sagesse sur cette planète, nous dit la doctrine occulte, fût un Dhyan Chohan. Un Dhyan Chohan réapparaîtra sur cette planète en tant qu'instructeur et gourou à la fin de la 7ème Race-Racine – T.S.

[ix] Au moment où ce livre fût écrit, la mythologie et les traditions des Hindous et des Égyptiens étaient peu connues. –Trad.

[x] Le germe est en fait le 6ème principe dans l'homme, dans lequel réside son individualité supérieure. – T. S.

[xi] Nous renvoyons l'étudiant aux notes en bas de la page 82 des Miscellanées théosophiques (écrits inédits d'Éliphas Lévi), qui insistent particulièrement sur le nombre sacré sept. — Éd.

[xii] Autrement dit, il doit apprendre à écrire avant de savoir lire.

[xiii] Les Mahatmas.

[xiv] Ce serait une étude intéressante d’investiguer la relation qui existe entre les facultés ou attributs des êtres, et les moyens par lesquels ils peuvent exprimer leurs sentiments.

[xv] Le mot « langage » doit ici être considéré comme véhiculant un sens plus élevé que celui qu'il a habituellement. « Langage » signifie dans ce cas un rayonnement de la lumière divine dans l'esprit humain et son reflet dans les domaines de l’intellect et du physique. L’homme en état de pureté étant une image et une expression extériorisée de la divinité, doit pouvoir refléter et reproduire la vérité divine dans sa pureté originelle ; et les expressions de l’homme devront alors reproduire parfaitement, ou être l’écho des impressions divines qu’il reçoit. Mais tant que l'homme est immergé dans la matière, il ne reçoit que des rayons divins réfractés et ne peut donc les reproduire que de manière imparfaite ou réfractée. L'acte de parler présuppose un acte de penser, et une méthode de penser s'avérera meilleure qu'une autre méthode, mais la meilleure de toutes est d’être un pur reflet de la lumière divine. Penser et parler étant étroitement liés l'un à l'autre et dépendant pour leur expression de certains symboles, il s'ensuit que l'existence d'un mode universel d'expression par des symboles est possible. Si nous sommes capables de pensées et de sentiments, qui ne peuvent pas s’exprimer par des symboles, il ne s'ensuit pas que de tels symboles n'existent pas, mais seulement que nous ne les connaissons pas.

De même que la lune reflète la lumière du soleil, de même l’esprit de l’homme reflète l’esprit suprême. L'âme humaine n'est pas un instrument de musique qui joue seul, mais on peut la comparer à une harpe qui résonne harmonieusement si elle est touchée par la main d'un maître ; on peut la comparer à une « tablette de smaragdine », sur laquelle les pensées du Suprême se gravent en lettres de lumière. Les voyants et prophètes de tous les temps ont entendu et compris ce langage divin ; mais ils ne pouvaient le reproduire qu'imparfaitement avec les langues imparfaites de leur époque. — H.

[xvi] Cela signifie allégoriquement 2 + 2, ou l'intellect et le sensoriel. Une nouvelle dégradation de l'homme produirait un alphabet de 88 lettres ; c'est-à-dire 8 + 8 qui signifie une sensualité multipliée par quatre, qui éloigne l'homme de quatre degrés de plus de la source de lumière.

À ces trois vraies langues s'opposent à trois fausses langues, dont la première contient le 2, la seconde le 5, et la troisième aurait le 10 (2 et 5 sont la division du 4 et 10, et c’est par la division que le mal et les ténèbres furent créés). Le troisième nombre se rapporte aussi bien au 5 qu'au 22. — H.

[xvii] Bulwer Lytton l’appelle le « Vril » dans son ouvrage La race à venir.


 

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