Questions et réponses au sujet des vœux et serments
Questions : Je comprends que pour pouvoir avancer loin sur le sentier il est nécessaire de prendre des vœux de secret, de fidélité, etc... Ces vœux sont-ils uniquement mentaux, ou doivent-ils être écrits ou prononcés devant un grand occultiste ? Si c’est le cas comment peut-on entrer en contact avec une telle personne, et comment peut-on savoir s’il est responsable, c’est-à-dire, compétent pour recevoir un tel vœux ou serment, et pour ensuite enseigner ?
Réponse : On doit toujours se souvenir, au sujet de la loi ou de la pratique occulte, que l’enseignement n’a un caractère d’autorité que s’il provient d’une personne initiée aux mystères et qui par conséquent a la connaissance. Les opinions de ceux qui sont hors du cercle des initiés sont toujours spéculatives. Cependant dans le cas présent quelques considérations évidentes serviront de réponses, sachant que certains points ont déjà été clairement énoncés dans l’article « Aux aspirants disciples » de la revue The Path, et qui ont été repris, pour l’information de tous, dans Les Lettres qui m’ont aidé. À partir de cela les explications suivantes peuvent être apportées :
1/ L’essence de toute évolution intérieure réside dans la domination graduelle de la nature inférieure par la supérieure. Cela implique beaucoup plus que le contrôle des passions sensuelles, de l’ambition égoïste, et des particularités de tempérament. C’est la substitution des idéaux et intérêts conventionnels qui nous ont jusqu’à présent animés par des idéaux et des intérêts de nature élevés, un déplacement progressif des buts temporels vers des buts éternels, un élargissement de la perception de la vérité dans tous ses aspects, physiques, moraux, spirituels, et une plus grande proximité avec tout ce qui concerne le bienêtre de l’humanité dans son ensemble. Cela signifie, aussi, une plus grande manifestation de la volonté sur nos opérations mentales, pour les contrôler, les guider, et les obliger à clarifier progressivement la faculté d’intuition, et pour assurer une croissance volontaire en conscience, but et actions. C’est, en résumé, un renversement par rapport aux pensées humaines courantes telles qu’on peut les voir en nous-mêmes ou chez les autres.
2/ Une telles transformation doit nécessairement être très lente. C’est comme un changement total dans le corps humain par l’élimination des atomes usés et la sécrétion de nouveaux. Mais dans le premier cas le processus n’est pas automatique, et requiert un effort délibéré, et, au lieu d’être en continuité avec les tendances naturelles, il est en opposition avec elles. On nous dit qu’on ne peut devenir un Adepte en une incarnation, il en faut au moins sept. La tâche de changer radicalement le caractère, et les innombrables obstacles et échecs qu’il faudra affronter, font qu’il faudra beaucoup de temps pour progresser de manière significative sur le sentier.
3/ La croissance intérieure est autant sous le règne de la loi et de l’ordre qu’une croissance dans le monde extérieur. Il n’est pas question d’esquiver des étapes, ou de fermer les yeux aux imperfections, ou d’avoir des préférences, ou de chercher des acquits prématurés. Les tests viennent naturellement et non de manière artificielle ; la force se manifeste spontanément par la capacité de plus grandes enjambées ; l’imperfection se révèle d’elle-même en nous ralentissant ou en nous arrêtant. La connaissance progresse au fur et à mesure que le mental est capable de l’assimiler ; la capacité permet d’acquérir, non comme une concession, mais comme un droit. Il en est de même avec ce que l’on appelle les « privilèges » qui, pour être exact, n’en sont pas, parce que Karma est tout autant inflexible quand il apporte, au moment opportun, ce qui est dû, que quand il retient ce qui ne l’est pas. Quand l’âme bourgeonnante bute sur une limite incapable de la contenir, cette limite se brise, le bourgeon s’ouvre, et plus de lumière et d’air le pénètre. Tout se déroule en séquences régulières, l’effet suit la cause de manière naturelle.
4/ Il en est ainsi, que la possibilité pour toute âme de recevoir quelque chose qui requiert le secret est déterminé par son aptitude à recevoir la chose en question, et non par sa disposition à promettre de garder le secret. Si elle est trop immature pour de tels sujets, ou si elle manque de confiance, ces sujets seraient prématurés ou la promesse ineffective. Une nature peu mature ou peu ferme ne peut avoir de prétention, et par conséquent ne peut pas recevoir quelque chose de confidentiel. Il en est de même avec la fidélité. Elle, aussi, présuppose d’avoir acquis un caractère animé de motifs élevés, et une ténacité prouvée par l’expérience, qui montrent la capacité à avoir des relations plus proches avec des autorités plus élevées ; si l’aptitude est là les relations s’en suivront. Le passeport pour un statut plus noble est, en bref, d’être apte à ce statut.
5/ Les vœux et les serments, s’ils sont authentiques, sont la reconnaissance formelle d’un état des choses qui existe déjà. Un homme et une femme prononcent le vœu de s’aimer l’un l’autre dans le service du mariage. Cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas aimé avant mais qu’ils continueront à le faire après la cérémonie ; ils s’aiment maintenant et les mots ne sont que l’enregistrement formel de ce fait. Il signifie, évidemment, aussi, qu’ils ont décidé de continuer à le faire, mais eux-mêmes ni personne d’autre ne sait quels changements peuvent leur survenir et quel sera l’aboutissement de leur amour. Mais comme l’amour n’est pas une question de volonté, ce serment n’est pas une garantie pour le futur. Il n’est rien de plus qu’une affirmation du présent et un engagement pour sa prolongation. Il y a une différence avec un vœu en occultisme. Là le candidat a, compte tenu de sa préparation, une bien plus grande connaissance de sa nature que le fiancé ne peut l’avoir de ses sentiments ; le contraste n’est pas qu’une question de volonté mais provient de conditions jugées et régulées par la loi ; et toute la question est supervisée par Ceux qui ont pleinement compris tous les faits et qui ont observé le plus profondément la nature du candidat. Ainsi il y a une assurance quant à son bon aboutissement. S’il n’était pas prêt pour le vœu, il n’aurait pas eu l’opportunité de le prononcer ; s’il est prêt, il sera probablement fidèle.
6/ Comme l’essence du vœu en occultisme est dans la préparation et la volonté du candidat, il importe peu que le vœu ou le serment soit prononcé au cours d’une cérémonie devant un supérieur ou pas. Dans l’article « Aux aspirants disciples » ceci n’est pas demandé, car il est dit que parfois les personnes sont acceptées comme disciple (ou Chélas) sans qu’elles le sachent. Ceci ne pourrait pas être si leur acceptation devait se faire au cours d’une cérémonie consciente. La même chose est sous entendue dans la remarque que les lois qui régissent une Loge se régissent elles-mêmes, et non par des officiels ou par des tribunaux. Cependant il se peut très bien que tous les cas ne soient pas semblables, et qu’en certaines circonstances le mode opératoire diffère. Le langage utilisé dans les lettres reçues par Damodar (bien qu’il fût lui-même à un degré bien plus avancé) montre le fait d’initiations distinctes, et des initiations impliquant des serments et un initiateur.
7/ Une personne qui n’est pas prête à prononcer des serments ne peut espérer trouver un supérieur pour les recevoir. Une personne qui est prête n’a pas à se soucier de cette recherche. « Quand le disciple est prêt, le Maître l’est aussi ». Il est bon de se rappeler que les membres actuels de la Loge comprennent le caractère de ceux qui s’approchent d’eux beaucoup mieux que les candidats eux-mêmes, et si des serments doivent être acceptés, ils les prennent en charge. Évidemment les demandes de ceux qui qui ne sont pas prêts ne sont pas prises en compte, et pour celui qui est prêt la démarche est inutile. La condition spirituelle de chaque aspirant est parfaitement connue de ceux qui ont la charge de responsabilités spirituelles, et quand ils voient que le moment est venu pour un contact direct et pour guider un candidat, ils ne failleront pas dans ce devoir comme en tout autre devoir. Il est donc sage de leur laisser prendre l’initiative.
8/ Celui qui entre en contact avec un véritable Maître n’aura jamais de doute quant à Sa compétence et Sa responsabilité. Nous rencontrons parfois des hommes dont les caractères évidents sont à leurs crédits. Des douzaines de certificats ne présenteront jamais l’assurance que montre ce qui vient de leurs lèvres, d’une expression de leurs yeux, du ton de leurs voix. La réalité est palpable. Dans une bien plus grande mesure ceci est vrai pour un Maître, et bien qu’il soit inutile de spéculer sur Son attitude et paroles, ou magnétisme, nous pouvons bien penser qu’ils sont tous concluants. Si nous devenons privilégié au point d’en rencontrer un, et qu’Il nous estime prêt, il n’y aura probablement ni incertitude ni besoin de lettre de crédit.
Tout ceci peut se résumer ainsi. Si un homme pense qu’il est prêt pour prononcer des vœux, il peut avant se tester en se posant les questions suivantes : dans quelles mesures a-t-il vécu conformément à ses idéaux (qui sont les vrais modèles auxquels son âme a prêté serment de manière informelle), et jusqu’à quel point a-il scrupuleusement préservé le secret ? S’il a failli par rapport aux standards connus, pourquoi désirerait-il en prononcer des plus élevés et qu’il n’a pas compris ; s’il est largement défaillant et négligeant, comment espérer pouvoir les garder ? Mais s’il est sans blâme et de confiance, les Maîtres en sont avertis beaucoup plus que lui-même, et karma rendra son dû au moment opportun. S’il montre un retard, c’est parce qu’il s’est surestimé et qu’il n’est pas vraiment prêt. Dans ce cas les vœux seraient prématurés et dangereux. Ainsi que celui qui n’est pas engagé par des vœux comprenne qu’il en est ainsi parce que c’est mieux. Quand il devra l’être, il le sera. En attendant il faut mieux être satisfait qu’impatient.
Traduction de l’article de la revue Theosophical Forum – N°61 – Juillet 1894