[Note d'information sur l'article (1)]

Il y a quelques années, une controverse très intéressante eut lieu entre divers savants bien connus. Certains d'entre 'eux soutenaient que la génération spontanée était un fait de la nature, tandis que d'autres prouvaient le contraire ; si bien que, pour autant que les 'expériences puissent prouver quelque chose, on découvrit que la biogénèse, ou la génération de la vie, provenait d'une vie existante précédemment et qu'une forme vivante n'était jamais produite de matière non vivante.

Dès le début, on affirma une chose erronée en disant que la chaleur de l'eau bouillante détruisait tout organisme vivant ; mais en prenant des récipients hermétiquement clos renfermant des bouillons de microbes, et en les soumettant à une chaleur plus grande encore, on démontra que des organismes vivants y apparaissaient même après l'application d'une telle chaleur. A l'aide d'expériences plus minutieuses encore, on prouva le fait suivant : des spores de bactéries et d'autres animalcules qui flottent généralement dans l'air peuvent, lorsqu'ils sont séchés, supporter une chaleur plus grande encore, et, lorsque les expériences se poursuivent dans une atmosphère absolument pure, aucune vie ne se manifeste et les infusions ne se corrompent jamais.

En ce qui concerne le fait de la biogénèse, nous devons toutefois remarquer l'avertissement d'Huxley, lorsqu'il dit « « qu'avec la chimie organique, la physique moléculaire et la physiologie encore dans leur enfance, et faisant chaque jour des bonds prodigieux, il serait présomptueux pour un homme d'affirmer que les conditions dans lesquelles la matière revêt les qualités appelées vivantes ne puissent pas un jour être artificiellement produites ». Et ailleurs encore « que, en tant qu'une question de probabilité sinon de preuve, si je pouvais me reporter au-delà de l'abîme des temps géologiques, à une période plus lointaine encore, où la terre passait par des états chimiques et physiques qu'elle ne retraversera plus jamais, je pourrais espérer être témoin de l'évolution du protoplasme vivant hors de la matière non vivante ».

Si nous remontons de la matière inorganique jusqu'à la forme qui se rapproche le plus des organismes vitaux, nous arrivons à ces substances complexes appelées « colloïdes », qui ressemblent à du blanc d'œuf et forment le dernier degré de l'échelle ascendante, allant de la matière inorganique à la vie organique.

Et si nous partons de la vie pour descendre en fin de compte au « protoplasme », appelé par Huxley « la base physique de la vie », nous trouvons une substance incolore de la consistance de la gelée, absolument homogène, sans partie ou structure. Le protoplasme est évidemment ce qui se rapproche le plus de la vie en fait de matière ; et si la vie a réellement jailli de combinaisons atomiques et moléculaires, ce fut sous cette forme.

Le protoplasme est dans sa substance un composé à base de carbone et d'azote, ne différant d'autres composés similaires de la famille albumineuse des colloïdes que par l'arrangement extrêmement complexe de ses atomes. Ses qualités particulières, y compris la vie, ne sont pas le résultat d'un nouvel atome spécial ajouté aux composés chimiques connus de la même famille, mais d'une façon spéciale dont se groupent et se meuvent ses éléments (2). La vie dans son essence se manifeste par les facultés de la nutrition, de la sensation, du mouvement et de la reproduction, et la moindre parcelle de protoplasme développe des organismes qui possèdent ces facultés. On s'est demandé si cette parcelle de protoplasme pouvait être fabriquée artificiellement par des procédés chimiques. La science a répondu négativement, car elle ne connaît encore aucun processus grâce auquel une combinaison de matière inorganique puisse être vivifiée.

La loi d'évolution a été prouvée d'une façon satisfaisante comme pénétrant tout l'Univers, mais il y a plusieurs chaînons manquants, et sans aucun doute les découvertes de la science moderne amèneront à la lumière, en temps voulu, de nombreux faits qui éclaireront ces points obscurs défiant actuellement toute recherche. Et ce qui est bien plus important que la question de l'origine des espèces, c'est le grand problème du développement de la vie hors de ce qui est considéré comme le règne minéral inanimé.

Toutes les découvertes de la science, si limitées soient-elles, donnent à réfléchir et nous permettent de comprendre combien nous sommes loin de croire sur la foi de l'observation et de l'expérience, et combien nos théories sont loin de la vérité.

La science a été incapable de prouver la « génération spontanée » par l'expérience, mais les plus grands savants se croient autorisés à croire que la génération spontanée a fait son apparition (3) à un certain moment. Jusqu'ici, la pensée scientifique est d'accord avec les enseignements ésotériques.

La philosophie occulte enseigne que le mouvement, la matière cosmique, la durée, l'espace se trouvent partout. Le mouvement est la vie impérissable et est conscient ou inconscient selon le cas. Il existe tout autant durant la période active de l'Univers que durant le Pralaya [période de repos entre deux cycles cosmiques ou deux univers] ou la dissolution, quand la vie inconsciente maintient encore la matière qu'elle anime en un mouvement incessant et perpétuel (4).

« La vie est toujours présente dans l'atome ou la ma­tière, organique ou inorganique ¾ une différence que les occultistes n'acceptent pas. Quand l'énergie vitale est active dans l'atome, l'atome est organique ; quand elle est endormie ou latente, l'atome est inorganique. Le Jiva ou principe de vie qui anime l'homme, la bête, la plante et même le minéral, est une forme d'énergie indestructible, puisque cette force est la vie une ou l'anima mundi, l'âme vivante universelle, et puisque les modes variés sous lesquels les choses objectives nous apparaissent dans la nature, en tant qu'agrégats atomiques tels que minéraux, plantes, animaux, etc., sont les différentes formes ou différents états par lesquels cette force se manifeste. Si elle restait inactive un seul instant, disons dans une pierre, les particules de celle-ci perdraient immédiatement leur propriété de cohésion, et se désagrégeraient instantanément, bien que la force subsisterait dans chacune des particules à l'état latent (5). Quand la force vitale se dissocie d'un groupe d'atomes, elle est immédiatement attirée vers un autre groupe ; mais, par-là, elle n'abandonne pas entièrement le premier groupe, mais ne fait que transférer sa vis viva, son pouvoir vivant ‒ ou l'énergie du mouvement ‒ à un autre groupe. Mais parce qu'elle se manifeste dans le groupe suivant sous forme de ce qu'on appelle l'énergie cinétique, il ne s'ensuit pas que le premier groupe en est complètement dépourvu, car elle s'y trouve encore à l'état d'énergie potentielle ou de vie latente ».

Le principe de vie dans l'homme est celui qui nous est le plus familier, et pourtant nous ignorons absolument ce qu'est sa nature. La matière sans la force, et la force sans la matière, sont inconcevables. Dans le règne minéral, l'énergie vitale universelle est une et non individualisée ; elle commence à Se différencier imperceptiblement dans le règne végétal, et, des animaux les plus bas aux plus élevés, jusqu'à l'homme, la différenciation s'accroît à chaque pas en une progression complexe.

Dès que le principe de vie a commencé à se différencier et s'est suffisamment individualisé, s'attache-t-il à des organismes de la même espèce, ou après la mort d'un organisme va-t-il vivifier un organisme d'une autre espèce ? Par exemple à la mort d'un homme, l'énergie cinétique qui le maintenait en vie jusqu'à un certain moment, va-t-elle s'attacher à un germe protoplasmique humain, ou va-t-elle vivifier une semence animale ou végétale ? (6)

A la mort d'un homme, l'énergie de mouvement qui vitalisait son organisme reste, dit-on, partiellement dans les particules du corps mort à l'état latent, tandis que la plus grande partie de cette force s'unit à un autre groupe d'atomes. Et l'on fait ici la distinction entre la vie latente qui subsiste dans les particules du corps mort, et le restant de l'énergie cinétique qui va ailleurs vivifier un autre groupe d'atomes. L'énergie qui passe à l'état de vie en sommeil (7) dans les particules du corps mort, n'est-elle pas une forme d'énergie inférieure à l'énergie cinétique qui le quitte ; et bien que durant la vie de l'homme elles semblent être mêlées, ne sont-elles pas deux formes distinctes d'énergie, unies seulement pour un moment ?

Un étudiant de l'occultisme écrit ce qui suit (8) :

« Jiva, ou le principe de vie, est de la matière suprasensible, imprégnant la structure physique entière de l'être vivant, et lorsqu'il est séparé d'une telle structure, on dit que la vie est éteinte. Un groupe particulier de conditions est requis pour qu'elle s'unisse à une structure animale, et lorsque ces conditions disparaissent, elle est attirée par d'autres corps présentant les conditions voulues. »

Tout atome contient en lui sa propre vie ou force, et les atomes variés qui constituent le corps physique emportent toujours avec eux leur propre vie, n'importe où ils se trouvent. Le principe de vie humain ou animal, qui vitalise tout l'être, paraît être une énergie de mouvement évoluée, différenciée et individualisée, qui semble passer d'un organisme à l'autre à chaque mort successive. Est-ce en réalité, comme on l'a cité plus haut, « de la matière subtile suprasensible », quelque chose (Note 1) de distinct des atomes formant le corps physique ?

S'il en est ainsi, ce principe de vie devient une sorte de monade ; il s'apparenterait alors à l'âme humaine supérieure qui transmigre de corps en corps.

Une autre question plus importante est la suivante : le principe de vie, ou Jiva, est-il différent de l'âme supérieure et spirituelle ? Certains philosophes hindous prétendent que ces deux principes ne sont pas distincts, mais une seule et même chose (Note 2).

Pour exprimer la question plus clairement, on pourrait demander si l'occultisme a connaissance de cas où les êtres humains ont pu vivre indépendamment de leur âme spirituelle ? (Note 3).

Une compréhension correcte de la nature des qualités et du mode d'action du principe appelé « Jiva » est très essentielle pour saisir les tout premiers principes de la Science Esotérique, et c'est afin d'obtenir de plus amples renseignements de ceux qui ont bien voulu promettre leur aide à la Rédaction du Lucifer au sujet des questions profondes de la science, qu'on a tenté humblement de formuler quelques questions ayant troublé presque tous les étudiants de la Théosophie.

Ahmedabad  ¾ N.D.K.

Note de la rédaction (H.P. Blavatsky)

(Note 1) : La Science Moderne, faisant remonter tous les phénomènes aux forces moléculaires du protoplasme original, ne croit pas à un Principe de vie, et dans sa négation matérialiste, se rit naturellement de l'idée. L'ancienne science, ou Occultisme, indifférent au rire de l'ignorance, l'affirme comme un fait. La VIE UNE est la Déité elle-même, immuable, omniprésente, éternelle. C'est la « matière subtile, suprasensible » sur notre plan inférieur, quelque nom que nous lui donnions ; que nous l'apparentions à la « Force Solaire » une théorie de B. W. Richardson membre de la Royal Society ¾ ou que nous la nommions de tel ou tel nom. L'érudit Dr. Richardson ¾ une autorité éminente ¾ va plus loin encore et parle du principe de vie comme « d'une forme de MATIÈRE » (!!). Voici ce que dit le grand homme de science : « Je parle d'un véritable agent matériel, raffiné, mais réel et substantiel ; un agent ayant des propriétés de poids et de volume ; un agent susceptible de combinaison chimique, et par suite de changement d'état et de condition ; un agent passif dans son action, toujours en mouvement, par des influences indépendantes de lui, obéissant à d'autres influences ; un agent ne possédant aucun pouvoir en propre, aucune vis ou energia naturae, mais jouant néanmoins un rôle des plus importants, sinon primordial, dans la production des phénomènes résultant de l'action de l'energia sur la matière visible » (page 379). Comme on le voit, le Docteur joue à colin-maillard avec l'occultisme, et décrit admirablement les « élémentaux passifs de vie », employés, disons par les grands sorciers, pour animer leur homunculi. Quoiqu'il en soit, le Savant décrit l'un des innombrables aspects de notre « principe de vie-matière subtil et supra-sensible ».

(Note 2) : Et les philosophes hindous ont raison. C'est ici que nous voyons le besoin réel des divisions de Prakriti [la matière], Jiva, etc., en principes, afin de nous permettre d'expliquer l'action de Jiva sur nos plans inférieurs sans le dégrader. Ainsi, tandis que le philosophe Vedantin se contente de quatre principes dans sa Cosmogonie universelle, nous, occultistes, avons besoin d'au moins sept principes pour faire comprendre la différence de la nature Protéenne du principe de vie, dès qu'il agit sur les cinq sphères inférieures ou plans.

Nos lecteurs, entichés de Science Moderne, en même temps que des doctrines occultes, doivent choisir entre les deux points de Vie de la nature du Principe de Vie qui sont les plus acceptés de nos jours ¾ et le troisième point de vue ¾ celui des doctrines occultes. On peut les décrire de cette façon :

1 ° - Le point de vue des « molécularistes » scientifiques qui affirment que la vie est le résultat du jeu des forces moléculaires ordinaires ;

2° - Celui qui considère les « organismes vivants » comme étant animés par un « principe de vie » indépendant et déclare que la matière « inorganique » en est dépourvue ;

3° - Le point de vue de l'Occultiste ou de l'Esotériste qui considère comme erronée et non-existante dans la nature la distinction entre la matière organique et inorganique. Car il affirme que la matière, dans toutes ses phases, n'étant qu'un véhicule permettant la manifestation de la VIE ¾ le souffle de Parabrahman ¾ dans son aspect physiquement panthéiste (comme le dirait le Dr. Richardson, supposons-nous), c’est un état supra­sensible de la matière, lui-même le véhicule de la VIE UNE, le « but » inconscient de Parabrahman.

(Note 3) : Voici exactement ce qu'il en est : un être humain peut « vivre » tout à fait séparé de son Ame Spirituelle, les 7e et 6e principes de la VIE UNE, ou « Atma-Bouddhi » [Esprit-Âme spirituelle], mais aucun être, humain ou animal, ne peut vivre séparé de son Ame physique, Nephesh ou le Souffle de Vie (dans la genèse). Ces « sept âmes » ou vies (ce que nous appelons Principes) sont admirablement décrites dans le Rituel Egyptien et les papyrus les plus anciens. Chabas a mis au jour de curieux papyrus, et Gerald Massey a rassemblé de précieux renseignements sur cette doctrine ; et bien que ses conclusions ne soient pas les nôtres, nous pourrons néanmoins, dans un prochain numéro, signaler les faits qu'il donne, et montrer ainsi comment la plus ancienne philosophie connue en Europe - l'Egyptienne confirme nos enseignements ésotériques.

Notes complémentaires de l’article

(1) Cet article signé « N.D.K » fut largement annoté par H. P. Blavatsky et publié par ses soins dans la revue Lucifer de mars 1888.

(2) Voir le nouveau livre de M. Samuel Laing : Un Zoroastrien moderne. Tout l'ouvrage est digne d'être étudié, car il est aussi intéressant que scientifique. Certains passages de cet article ont été pris dans cet excellent volume. (N.D.K).

Néanmoins, en dépit de son excellence, c'est un ouvrage très matérialiste. ¾ (Réd. Lucifer).

(3) La Science Ésotérique soutenant que rien dans la nature n'est inorganique, mais que tout atome est une « vie », n'est pas d'accord avec la « Science moderne » quant au sens attaché aux mots de « Génération Spontanée ». Nous en reparlerons plus loin. ¾ (Réd. Lucifer)

(4) La Science Esotérique n'admet pas l'existence de « matière » dans le Pralaya. À son état nouménal, dissoute dans le « Grand Souffle », ou à l'état « laya », elle ne peut exister que potentiellement. La philosophie Occulte enseigne que durant le Pralaya, « Rien n'est. Tout est le Souffle incessant, éternel ». (Réd. Lucifer)

(5) Five Years of Theosophy [l’ouvrage Cinq ans de Théosophie], page 434, édition originale ; p. 340, Nouvelle édition

(6) Pour autant que l'auteur le sache, l'Occultisme n'enseigne pas que le PRINCIPE DE VIE ¾ qui est per se immuable, éternel, et aussi indestructible que la cause sans cause, car c'est CELA sous un de ses aspects ¾ puisse jamais se différencier individuellement. L'expression dans Five Years of Theosophy doit induire en erreur si elle conduit à une telle conclusion. Chaque organisme ¾ qu'il s'agisse d'un homme, d'une bête, d'une plante, d'un insecte, d'un oiseau ou d'un minéral, en assimilant plus ou moins le principe de vie, le différencie en ses propres atomes spéciaux, et l'adapte à telle ou telle combinaison de particules qui détermine la différenciation. La monade, participant à, l'aspect, universel de la nature de Parabrahman, s'unit avec sa monas sur le plan de la différenciation pour constituer un individu. Cet être individuel, inséparable en son essence de Parabrahman, participe aussi au Principe de Vie dans son aspect parabrahmique ou universel. Par suite, à la mort d'un homme ou d'un animal, la manifestation de la vie, ou la preuve de l'existence de l'énergie cinétique, est transférée sur l'un de ces plans subjectifs d'existence qui, pour nous, ne sont pas habituellement objectifs. La quantité d'énergie cinétique à épuiser pendant la vie par un groupe particulier de cellules physio logiques est déterminée par Karma ¾ un autre aspect du Principe Universel ¾ par conséquent, lorsque cette somme d'énergie est épuisée, l'activité consciente de l'homme ou de l'animal ne se manifeste plus sur le plan de ces cellules, et les forces chimiques qu'elles représentent sont dissociées et laissées libres d'agir sur le plan physique de leur manifestation. Jiva ¾ dans son aspect universel ¾ a, comme Prakriti, sept formes différentes ou ce que nous avons décidé de nommer « principes ». Son activité commence sur le plan du Mental Universel (Mahat) et se termine sur le plus grossier des cinq plans Tanmatriques [de substance], ­le dernier qui est le nôtre. Ainsi, bien que nous puissions, répétant la philosophie Sankhya, parIer des sept prakritis (ou les « productions productrices »), ou, selon la phraséologie des Occultistes, des sept jivas ¾ il n'en reste pas moins que Prakriti et Jiva sont des abstractions indivisibles qu'on sépare par condes­cendance pour la faiblesse de notre intellect humain. Par suite, il importe en réalité très peu que nous comptions quatre, cinq ou sept principes. ¾ (Réd. Lucifer).

(7) Une énergie en sommeil n'est pas [dans ce contexte] une énergie.

(8) Five Years of Theosophy, page 512, édition originale, ou p. 325, nouvelle édition.

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