Un article de journal racontait dernièrement qu’une dame américaine très riche résidant à Londres, avait conçu l’étrange idée de posséder un manteau fait du chaud et souple duvet couvrant le corps des oiseaux de Paradis. Cinq cents bêtes, disait-on, seraient nécessaires pour réaliser cette fantaisie, et deux adroits tireurs avaient été envoyés à la Nouvelle-Guinée, poursuivait l’histoire, pour abattre les pauvres petites victimes dont le meurtre cruel devait satisfaire cette fantaisie barbare. Nous sommes heureux de signaler que cette histoire a été contredite du tout au tout apparemment par une autorité des plus sérieuses, dans le World. Mais en supposant même que la dame n’ait pas mérité le blâme que les auteurs de cette calomnie voudraient lui infliger, il est intéressant d’analyser ici le sentiment suscité par un tel article dans le monde où, si les manteaux d’oiseaux de Paradis y sont rares, on rencontre pas mal de femmes dont les toilettes luxueuses sont ornées, de façon ou d’autre, aux dépends du règne emplumé. Le principe implique dans le fait de garnir un chapeau du plumage d’un seul oiseau, massacré dans ce but, est le même que celui qui se manifestait, d’une façon plus ridicule, dans la confection d’un vêtement exigeant la mort de cinq cent de ces bestioles. Trop de gens riches, dans notre âge avide, oublient que le plus grand privilège de ceux qui possèdent la richesse, c’est de pouvoir adoucir la souffrance. Trop d’entre eux oublient aussi que leurs sympathies devraient s’étendre au-delà des limites de leur espèce ; c’est ainsi que nous avons le spectacle pénible dans nos pays civilisés, d’un « sport » humain associé à des poursuites qui vraiment, ne devraient plus offrir aucun plaisir à des hommes ayant dépassé la vie primitive des chasseurs et des pêcheurs. Mais comment est-il possible, demandons-nous, de descendre si bas du noble état humain à la recherche des plaisirs ignobles ? Il est mal de tuer une créature sensible par amour du plaisir sauvage de la chasse. Il est mal, peut-être plus mal même, de provoquer leur destruction pour en tirer un profit, il est mal de gaspiller de l’argent pour des fantaisies personnelles coûteuses, alors que tant d’êtres souffrent de privations dans notre monde. Mais le comble de la méchanceté est atteint par les femmes – elles qui devraient en vertu de leur sexe, aider à adoucir les cruautés de la vie – lorsqu’elles participent à toutes les mauvaises actions, et pèchent contre tous les devoirs humains en acquiesçant à une mode indigne.
H.P. Blavatsky
Cet article fut publié par H.P. Blavatsky dans le Lucifer de novembre 1887.