La Société Théosophique sa mission et son avenir
« Un homme est responsable de son ingratitude, mais c’est moi qui en suis responsable si je m’abstiens de donner. J’obligerai beaucoup de gens ingrats pour en découvrir un de reconnaissant. » Sénèque.
« …Le voile qui m’aveuglait est déchiré ! Je suis semblable à tous ces hommes qui implorent leurs dieux, et ne sont pas écoutés, ni exaucés ; cependant l’aide doit exister ! Pour eux, pour moi, pour tous, l’aide doit exister ! Mais peut-être, les dieux réclament-ils eux-mêmes de l’aide, étant trop faibles pour sauver l’homme qui les implore dans sa douleur ! Je ne laisserais pleurer nul être, si j’avais le pouvoir de le secourir… » (La Lumière d’Asie.)
La Société Théosophique (S.T.) n’a pas souvent la bonne fortune d’être traitée avec autant de courtoisie, voire même de sympathie, qu’elle l’a été par M. Emile Burnouf, le Sanscritiste bien connu, dans un article de la Revue des Deux Mondes (15 juillet 1888) intitulé : « Le Bouddhisme en Occident ».
Un tel article prouve que la Société a enfin la place qu’elle méritait dans la vie de la pensée du XIXe siècle. Il marque l’aube d’une nouvelle ère dans son histoire, et comme tel, mérite un examen des plus sérieux, de la part de tous ceux qui consacrent leur énergie à son œuvre. La position qu’occupe M. Burnouf dans le monde des érudits orientalistes, donne à ses opinions le droit d’être respectées, et le fait qu’il porte un nom des plus honorés, à juste titre, parmi les savants sanscritistes, porte à supposer qu’il n’est pas homme à exprimer des opinions hâtives et prématurées, mais que ses déductions seront basées sur une étude sérieuse et serrée.
Son article a un triple objet : l’étude des origines de trois religions ou associations dont les doctrines fondamentales, dit-il, sont identiques, de buts semblables, et qui dérivent toutes trois d’une source commune. Ce sont le Bouddhisme, le Christianisme et la Société Théosophique. Comme il l’écrit à la page 341 :
« Cette source qui est orientale, a été contestée jusqu’à présent, mais aujourd’hui, elle est pleinement démontrée grâce aux recherches scientifiques et notamment celle des savants anglais qui ont publié les textes originaux. Parmi ces sages chercheurs qu’il nous suffise de nommer Sayce, Pool, Beal, Rhys David, Spencer, Hardy, Bunsen…
Il y a longtemps en vérité, qu’ils avaient été frappés de la ressemblance, disons plutôt de l’identité, entre les éléments de la religion chrétienne et de celle de Bouddha…Au siècle passé, on expliqua ces analogies par une prétendue influence nestorienne, mais depuis lors la chronologie orientale ayant été fixée, on s’est aperçu que Bouddha était antérieur de plusieurs siècles à Nestorius et même à Jésus-Christ… Le problème était resté en suspens jusqu’à ces derniers temps, quand on découvrit les voies qu’avait suivi le Bouddhisme et qui aboutissaient en fin de compte à Jérusalem…Et maintenant nous voyons naître sous nos yeux une association nouvelle, créée pour répandre dans le monde, les dogmes bouddhistes. C’est de ce triple sujet que nous allons parler. »
C’est sur cette conception, erronée dans une certaine mesure, des buts et objets de la Société Théosophique qu’est basé l’article de M. Burnouf, comme aussi les remarques et commentaires qui lui font suite. Il donne une fausse note dès le début et continue sur ce ton. La S.T. ne fut pas créée pour répandre aucun dogme d’une église ritualiste et exotérique, qu’elle soit bouddhiste, brahmanique ou chrétienne. Cette idée est une erreur largement répandue, et la source où l’éminent Sanscritiste a puisé cette fausse conception, ne fait aucun doute. Mr. Burnouf a lu dans le Lotus, la revue de la Société Théosophique de Paris, une polémique par correspondance entre l’un des Éditeurs (1) du Lucifer et l’abbé Roca. Ce dernier persistant d’une façon fort peu sage, à allier la Théosophie au Papisme et à l’Eglise Catholique Romaine qui, de toutes les religions dogmatiques du monde, est celle que son correspondant déteste le plus, on mit dès lors en avant la philosophie et la morale de Gautama Bouddha, mais non celle de son Eglise ultérieure, soit du nord ou du sud. Le dit Éditeur est sans contredit un bouddhiste, c'est-à-dire un fidèle de l’école ésotérique de la grande « Lumière d’Asie », comme l’est aussi le président de la Société Théosophique, le colonel H.S. Olcott. Mais ceci n’attache pas l’ensemble de l’organisme Théosophique au Bouddhisme ecclésiastique. La Société fut fondée pour devenir la Fraternité de l’Humanité – un centre philosophique et religieux commun à tous – et non dans le but de propager simplement le Bouddhisme. Ses premiers pas eurent pour objet le but élevé que M. Burnouf impute au Bouddha Sakyamouni qui « ouvrit son église à tous les hommes sans distinctions d’origine, de caste, de nation, de race ou de sexe », (voir Art. I des Règles de la S.T.) ajoutant, « Ma loi est une loi de Pardon pour tous ». De la même façon, la Société Théosophique est ouverte à tous sans distinction « d’origine, de caste, de nation, de race ou de sexe » et ce qui est plus, de croyance…
Les paragraphes d’introduction de cet article montrent combien l’auteur a saisi justement et rendu en quelques lignes, à cette exception près, l’idée que toutes les religions ont une base commune, et jaillissent d’une seule et même source. Après avoir consacré quelques pages au Bouddhisme, la religion et l’association d’hommes fondée par le Prince de Kapilavastu, au Manichéisme, appelé à tort une « hérésie » dans ses relations avec le Bouddhisme et le Christianisme, il termine son article en étudiant la Société Théosophique. Il arrive à cette étude, en retraçant (a) la vie de Bouddha, trop bien connue du public anglais grâce au magnifique poème de Sir Edwin Arnold, pour nécessiter une récapitulation ; (b) en montrant, en quelques mots, que le Nirvana n’est pas l’annihilation (2), et (c) que les Grecs, les Romains et même les Brahmanes considèrent le prêtre comme un intermédiaire entre les hommes et Dieu, une idée qui implique la conception d’un Dieu personnel, répandant ses faveurs selon son bon plaisir, en un mot un souverain de l’univers.
Les quelques lignes se rapportant au Nirvana doivent être citées ici, avant de discuter ce dernier point. L’auteur dit :
« Je n’ai pas l’intention de discuter ici la nature du Nirvana. Je dirai seulement que l’idée d’annihilation est absolument étrangère à l’Inde, et que l’objet du Bouddha était la délivrance de l’humanité des misères de la vie terrestres et de se réincarnations successives ; enfin, qu’il passa sa longue existence à lutter contre Mara et ses Anges, qu’il appelle lui-même la Mort et l’armée de la Mort. Le mot Nirvana signifie, il est vrai, extinction, comme par exemple une lampe qu’on éteint ; mais il signifie aussi l’absence de vent. Je crois donc que le Nirvana n’est rien d’autre que ce requies ætrna, ce lux perpetua que les chrétiens eux aussi, souhaitent à leurs morts. »
Au sujet de la conception du rôle du prêtre, l’auteur montre que le Bouddhisme n’en fait pas mention. Bouddhi n’est pas un Dieu, mais un homme qui a atteint le suprême degré de sagesse et de vertu. « C’est pourquoi la métaphysique bouddhiste conçoit le Principe absolu de toute chose, que les autres religions appellent Dieu, d’une autre façon, et n’en fait pas un être séparé de l’univers. »
L’auteur fait aussi remarquer que l’égalité de tous les hommes est une des conceptions fondamentales du Bouddhisme. Il ajoute de plus, et il démontre que ce fut au Bouddhisme que les Juifs empruntèrent leur doctrine d’un Messie.
Il est prouvé que les Esséniens, les Thérapeutes et les Gnostiques sont le résultat de cette fusion de la pensée hindoue et sémitique, et on montre que, en comparant les vies de Jésus et de Bouddha, les deux biographies se divisent en deux parties : la légende idéale et les faits réels. La partie légendaire est identique dans les deux cas, comme on devait s’y attendre si on les envisage d’un point de vue Théosophique, puisque toutes deux sont basées sur le cycle Initiatique. Enfin, cette partie « légendaire » est mise en regard de points similaires dans d’autres religions, notamment de l’histoire védique de Visvakarman (3). Selon lui, ce ne fut qu’au concile de Nicée que le Christianisme se sépara officiellement du Bouddhisme ecclésiastique, et il considère la Doctrine Nicénienne comme un simple développement de la formule : « le Bouddha, la Loi, l’Église. » (Bouddha, Dharma, Sangha.)
Les Manichéens étaient à l’origine des Samans ou Sramanas, c'est-à-dire des ascètes bouddhistes dont St. Hippolyte signale la présence à Rome au troisième siècle. M. Burnouf explique leur dualisme comme se rapportant à la nature double de l’homme, le bien et le mal, le principe du mal étant le Mara de la légende bouddhiste. Il montre que les Manichéens avaient pris leurs doctrines plus directement du Bouddhisme que ne l’avaient fait les Chrétiens, c’est pourquoi une lutte à mort s’engagea entre eux lorsque l’Eglise chrétienne devint un organisme prétendant avoir seul la possession exclusive de la Vérité. Cette idée est en contradiction directe avec les conceptions fondamentales du Bouddhisme et par suite, ceux qui la professaient ne pouvaient être que des adversaires acharnés des Manichéens. Ce fut donc l’esprit d’exclusivisme Juif qui arma le bras séculier des états chrétiens contre les Manichéens.
Ayant ainsi retracé l’évolution de la pensée bouddhiste de l’Inde jusqu’en Palestine et en Europe, M. Burnouf montre que les Albigeois d’une part, et l’école Paulinienne d’autre part (dont l’influence se rattache au Protestantisme), sont les deux derniers vestiges de cette influence. Il poursuit ensuite :
« L’analyse nous montre dans la Société contemporaine, deux éléments essentiels : l’idée d’un Dieu Personnel répandue parmi les croyants, et l’absence presque complète de charité parmi les philosophes. L’élément juif a repris le dessus, et l’élément bouddhiste dans le christianisme est tombé dans l’oubli. Ainsi, l’un des plus intéressants, sinon le plus inattendu des phénomènes de notre époque, est la tentative de rénover et de créer dans le monde, une société reposant sur les mêmes fondements que le Bouddhisme. Bien qu’elle n’en soit qu’à ses débuts, son développement est si rapide que nos lecteurs seront heureux d’avoir leur attention attirée sur ce sujet. Cette Société est dans un certain sens une sorte de mission, et sa diffusion s’opère sans bruit et sans violence. Elle n’a pas même de nom bien défini, et ses membres se groupent sous des appellations orientales qu’ils donnent comme titres à leurs publications : Isis, Lotus, Sphinx, Lucifer. Le nom qui leur est commun, et qui prédomine parmi eux en ce moment, est celui de Société Théosophique. »
Après avoir donné un compte-rendu très exact de la fondation et de l’histoire de la Société, allant même jusqu’à citer le nombre de ses branches actives aux Indes, c’est à dire 135, il continue de la sorte :
« La Société est très jeune, mais elle a néanmoins son histoire. Elle n’a ni argent ni protection ; elle travaille uniquement à l’aide de ses ressources éventuelles. Elle ne renferme aucun élément mondain. Elle ne flatte aucun intérêt privé ou public. Elle s’est assignée un idéal moral d’une grande élévation et combat le vice et l’égoïsme. Elle vise à l’unification des religions qu’elle considère toutes comme identiques dans leur origine philosophique ; mais elle ne reconnaît la suprématie que de la vérité…Avec de tels principes, et à l’époque où nous vivons, la Société est certaine de rencontrer de grandes difficultés pour maintenir son existence. Cependant elle s’est développée avec une rapidité étonnante… »
Ayant résumé l’histoire du développement de la S.T. et de la croissance de son organisme, l’auteur se demande « Quel est l’esprit qui l’anime ? » Il répond à cette question en citant les trois buts de la Société, et en remarquant au sujet du second et du troisième : l’étude des littératures, des religions et des sciences des nations aryennes, et l’investigation des facultés psychiques latentes, etc.…que, bien que ceci puisse donner en apparence une teinte académique à la Société et l’éloigner des affaires de la vie réelle, il n’en est pas ainsi en vérité ; et il signale le passage suivant qui termine l’Éditorial de Luciferde Novembre 1887 :
« Celui qui ne pratique pas l’altruisme, celui qui n’est pas prêt à partager son dernier morceau de pain avec un être faible ou plus pauvre que lui ; celui qui néglige d’aider son semblable, à quelque race ou nation ou croyance qu’il appartienne, chaque fois et partout où il rencontre la souffrance ; celui qui fait la sourde oreille au cri de la misère humaine, celui qui laisse calomnier une personne innocente, que ce soit un frère théosophe ou non, sans prendre sa défense, comme il le ferait pour lui-même, n’est pas un théosophes ». (Lucifer, N° 3)
« Cette déclaration » poursuit M. Burnouf, « n’est pas chrétienne parce qu’elle ne s’appuie pas sur la croyance, parce qu’elle ne fait de prosélytisme pour aucune confession, et parce que, au fait, les Chrétiens ont généralement calomnié leurs adversaires, par exemple les Manichéens, les Protestants et les Juifs (4). Elle est encore moins musulmane ou brahmanique. Elle est purement bouddhiste, ou des ouvrages originaux inspirés des enseignements du Bouddha. Par conséquent, la Société a un caractère bouddhiste. Elle proteste contre cette affirmation, craignant de revêtir un caractère exclusif et sectaire. Elle a tort : le vrai Bouddhisme original n’est pas une secte ; c’est à peine une religion. C’est plutôt une réforme morale et intellectuelle qui n’exclut aucune croyance, mais n’en adopte aucune. Voilà ce qu’accomplit la Société Théosophique. »
Nous avons donné nos raisons de protester. Nous ne sommes liés à aucune foi. En affirmant que la S.T. est « bouddhiste », M. Burnouf a tout à fait raison cependant, à un point de vue. Elle a une teinte bouddhiste, tout simplement parce que cette religion, ou plutôt cette philosophie, se rapproche plus de la VÉRITÉ (La sagesse secrète) qu’aucune autre forme exotérique de croyance. De là l’étroite relation entre les deux. Mais d’autre part, la S.T. est parfaitement en droit de protester, lorsqu’on voudrait en faire un simple organisme de propagande bouddhiste, et cela pour les raisons que nous énonçons au début de cet article, et que notre critique lui-même signale. Car bien que nous approuvions complètement ce qu’il dit de la nature et du caractère véritable du Bouddhisme primitif, le Bouddhisme d’aujourd’hui n’en est pas moins une religion dogmatique, morcelée en nombreuses sectes hétérogènes. Nous suivons le Bouddha seul. Ainsi donc, dès qu’il devient nécessaire d’aller au-delà de la forme actuelle – et qui nierait cette nécessité en ce qui concerne le Bouddhisme ? – ne vaut-il pas infiniment mieux retourner à la source pure et vierge du Bouddhisme lui-même, plutôt que de s’arrêter à un stade intermédiaire ? Une telle demi-réforme fut tentée lorsque le Protestantisme se sépara de l’Eglise aînée ; les résultats en sont-ils été satisfaisants ?
Telle est la raison toute simple et naturelle pour laquelle la S.T. n’exalte pas l’idéal du Bouddhisme exotérique, ne se proclame pas adepte de l’Eglise du Seigneur Bouddha. La S.T. désire trop sincèrement rester dans cette « lumière » sous sa forme pure, pour se laisser absorber par son ombre dénaturée. Mr Burnouf l’a bien compris, car voici ce qu’il dit dans le passage suivant :
« Du point de vue doctrinal, le Bouddhisme n’a pas de mystères. Bouddha prêchait en paraboles, mais une parabole n’est qu’une comparaison développée et n’a rien de symbolique. Les Théosophes ont très bien compris que dans les religions, il y eut toujours deux enseignements : l’un très simple en apparence, plein d’images ou de fables qui sont avancées comme des réalités ; c’est l’enseignement public appelé exotérique. L’autre, l’ésotérique ou intérieur est réservé aux adeptes plus instruits et plus discrets, aux initié du second degré. Il existe enfin, une sorte de science, qui a dû être élaborée dans le secret des sanctuaires, une science appelée hermétisme, qui donne l’explication finale des symboles. Quand nous appliquons cette science aux diverses religions, nous voyons que leurs symbolismes en apparence diffèrent, reposent sur un ensemble identique d’idées, et peuvent être rattachés à une façon unique d’interpréter la nature. Le trait caractéristique du Bouddhisme est précisément l’absence de cet hermétisme, l’étroitesse de son symbolisme et le fait qu’il présente aux hommes, en un langage ordinaire, la vérité sans voile. C’est ce que la Société Théosophique répète… »
Et la Société ne pourrait suivre un meilleur exemple ; mais ce n’est pas tout. Il est vrai qu’il n’existe aucun mystère ni ésotérisme dans les deux principales Eglises bouddhistes : celle du Sud et celle du Nord. Les Bouddhistes peuvent se contenter de l’enseignement littéral de Siddhartha Bouddha, car il n’en existe de nos jours aucun autre plus élevé ou plus noble dans ses effets sur la morale des masses. Mais c’est ici que gît la grande erreur de tous les Orientalistes. Il existe une doctrine ésotérique, une philosophie qui ennoblit l’âme derrière l’organisme extérieur du Bouddhisme ecclésiastique. Cette dernière, pure, chaste, et immaculée comme des neiges vierges des sommets glacées de l’Himalaya est toutefois, aussi froide et désolée qu’eux, en ce qui concerne l’état post-mortem de l’homme. Ce système secret n’était enseigné qu’aux Arhats seuls, généralement dans la grotte de Saptaparna (le Sattapani de Mahavansa), connue de Ta-hiam, comme la grotte Chettu, près du Mont Baibhar (Webhara en Pali), à Rajagriha, l’ancienne capitale de Maghada, par le Seigneur Bouddha lui-même, durant les heures de Dhyana (ou de contemplation mystique). C’est de cette grotte, appelée du temps de Sakyamouni, Saraswati ou la « Grotte aux Bambous », que les Arhats, initiés à la Sagesse Secrète, transportèrent leur érudition et leur connaissance au-delà de la chaîne de l’Himalaya, où la Doctrine Secrète est encore enseignée de nos jours. Si les Hindous du Sud, envahissant l’île de Ceylan, n’avaient pas « entassé en piles aussi hautes que des cocotiers », les ollas des Bouddhistes, pour les brûler, comme des conquérants, chrétiens brûlèrent toutes les annales secrètes des Gnostiques et des initiés, les Orientalistes auraient la preuve qu’il existe une connaissance ésotérique bouddhiste, et il ne serait plus nécessaire de répéter ce fait bien connu.
Etant tombé dans l’erreur commune à tous les Orientalistes, M. Burnouf poursuit :
« Beaucoup diront : C’est là une entreprise chimérique, et elle n’a plus d’avenir devant elle que la Nouvelle Jérusalem de la Rue Thouin, et n’a plus de raison d’être que l’Armée du Salut. Il se peut qu’il en soit ainsi ; remarquons toutefois que ces deux groupements sont des Sociétés Bibliques, ayant conservé toute la pompe des églises décadentes. La Société Théosophique est tout l’opposé ; elle met fin au culte des personnalités, elle les néglige ou les relègue à l’arrière-plan, mettant en avant, la Science, comme nous la comprenons aujourd’hui, et la réforme morale dont notre monde a tant besoin. Quels sont donc actuellement les éléments sociaux qui peuvent être pour elle, ou contre elle ? Je vais les signaler en toute franchise. »
En résumé, M. Burnouf voit dans l’indifférence du public, le premier obstacle qui se dresse devant la Société. « Cette indifférence née du dégoût en face de l’incapacité des religions à améliorer la vie sociale et en face du spectacle incessant des rites et des cérémonies que le prêtre n’explique jamais. Les hommes de notre époque exigent des formules scientifiques exprimant des lois de la nature, physiques ou morales »…La Société doit affronter cette indifférence. M. Burnouf continue : « son nom aussi ajoute encore à ses difficultés, car le mot Théosophie n’a aucune signification pour le peuple, et n’a qu’un sens très vague pour les gens instruits ». « Il semble impliquer l’idée d’un dieu personnel » pense M. Burnouf, qui ajoute : « Et qui dit dieu personnel, dit création et miracle » et il conclut que « la Société ferait beaucoup mieux de devenir franchement Bouddhiste, ou de cesser d’exister. »
Nous ne pouvons guère admettre ce dernier avis de notre critique amical. Il a évidemment saisi le noble idéal du Bouddhisme primitif, et a vu, ce qui est exact, que son idéal est identique à celui de la S.T. Mais il n’a pas tiré de leçon de son histoire, ni compris que greffer une jeune et saine pousse sur une branche qui a perdu, si moins que toute autre, cependant une bonne partie de la vitalité intérieure, pouvait être fatal à la nouvelle plante. L’essence même de l’attitude prise par la S.T., c’est qu’elle affirme et maintient qu’il existe une vérité commune à toutes les religions, cette vérité qui reste vraie et pure sous la masse des passions et des besoins humains accumulée par les âges. Et quoique le mot « Théosophie » signifie Sagesse Divine, il n’implique rien qui ressemble à la croyance en un dieu personnel. Elle n’est pas « la sagesse de Dieu », mais la sagesse divine.
Les Théosophes de l’école néo-platonicienne d’Alexandrie, croyaient aux « dieux » et aux « démons », et en une DIVINITÉ ABSOLUE impersonnelle. Mais poursuivons notre citation :
« Nos habitudes contemporaines de vie » dit M. Burnouf, « ne sont pas sévères ; d’année en année, elles ont une tendance à devenir plus douces, mais aussi plus molles. La force morale des hommes d’aujourd’hui est très faible, les idées de bien et de mal ne sont peut-être pas obscurcies, mais la volonté d’agir droitement n’est pas assez forte. Ce que les hommes recherchent par-dessus tout, c’est le plaisir et cet état d’existence somnolente qu’ils appellent le confort. Essayez de prêcher le sacrifice des possessions et de soi-même aux hommes qui sont entrés sur ce sentier de l’égoïsme ! Vous n’en convertirez pas beaucoup ! Ne voyons-nous pas la doctrine de la « lutte pour la vie » appliquée dans tous les domaines de la vie humaine ? Cette formule est devenue pour nos contemporains, une sorte de révélation, dont ils suivent et exaltent aveuglement les pontifes. C’est en vain qu’on leur dira qu’il faut partager son dernier morceau de pain avec les affamés ; ils souriront et vous répondront par la formule « la lutte pour la vie ». Ils iront plus loin, et vous diront qu’en avançant une théorie opposée, vous luttez vous-même pour l’existence, et n’êtes pas désintéressés. Comment échapper à ce sophisme qui imprègne toute la génération actuelle ?...Cette doctrine est certainement le pire ennemi de la Théosophie, car c’est la formule la plus parfaite de l’égoïsme. Elle semble se baser sur une observation scientifique, et elle résume les tendances morales de nos jours…ceux qui l’acceptent et invoquent la justice, sont en contradiction avec eux-mêmes ; ceux qui la pratiquent et disent que Dieu est avec eux, blasphèment. Mais ceux qui s’en détournent et prêchent la charité sont considérés comme manquant d’intelligence, leur bonté d’âme les menant à la folie. Si la S.T. réussit à réfuter cette prétendue loi de la lutte pour la vie, et à en extirper l’idée du mental des hommes, elle aura accompli de nos jours, un miracle plus grand que ceux de Sakyamouni et de Jésus. »
Et ce miracle-là, la Société Théosophique l’accomplira, non en niant l’existence relative de la loi en question, mais en lui assignant la place qui lui revient dans l’ordre harmonieux de l’univers, en dévoilant sa vraie signification et sa nature véritable, et en montrant que cette pseudo loi est une loi imaginaire, du moins en ce qui concerne la famille humaine, et une fiction des plus dangereuse. « La Soi-conservation » en ce sens, est vraiment un lent, mais sûr suicide, car elle conduit à la politique de l’homicide mutuel ; les hommes qui condescendent à la pratiquer entre eux, tombent de plus en plus bas dans une involution rétrograde dans le règne animal. Voilà ce qu’est en vérité, la « lutte pour la vie », même sur le plan purement matériel de l’économie politique. Aussitôt que cette vérité axiomatique sera démontrée à tous, ce même instinct de « soi-conservation » dirigé dans sa voie véritable, les conduira vers l’altruisme, comme vers leur plus sûr moyen de salut.
C’est précisément parce que les fondateurs réels de la Société ont toujours eu conscience de la sage vérité contenue dans l’un des derniers paragraphes de l’excellent article de M. Burnouf, qu’ils ont lutté contre cette terrible doctrine dans leurs enseignements fondamentaux. La « lutte pour la vie » s’applique seulement au plan physique, jamais au plan moral de l’être. Aussi, lorsque l’auteur nous met en garde, en ces mots terriblement sincères :
« La charité universelle paraîtra hors saison ; les riches conserveront leurs biens et en accumuleront davantage ; les pauvres en seront proportionnellement appauvris jusqu’au jour où poussés par la faim, ils demanderont du pain non à la théosophie, mais à la révolution. La Théosophie sera emportée par la tourmente. »
La Société Théosophique répond : « Elle le serait sûrement, si nous suivions le conseil bien intentionné de M. Burnouf, mais qui n’a trait qu’au plan inférieur ». Ce n’est pas la politique de « soi-conservation », ni le bien-être d’une personnalité ou l’autre, dans sa forme physique limitée qui réalisera jamais le but désiré, et protègera la Société des conséquences du futur « ouragan » social, mais bien l’affaiblissement du sentiment de séparativité entre les individus qui composent son élément principal. Et un tel affaiblissement ne peut s’accomplir que par un processus d’illumination intérieure. Ce n’est pas la violence qui pourra jamais assurer le nécessaire et le confort à tous ; pas plus que le royaume de la paix et de l’amour, de l’entraide, de la charité et du « pain pour tous » ne peut-être conquis par une politique de raisonnement froid et diplomatique. C’est uniquement par une union étroite et fraternelle des SOIS intérieurs des hommes, par la solidarité de l’âme, par la croissance et le développement de ce sentiment qui nous fait souffrir en songeant à la souffrance d’autrui, que le règne de la justice et de l’égalité pour tous, sera inauguré. C’est là le premier des trois buts fondamentaux en vue desquels la Société Théosophique fut créée, et c’est pourquoi elle fut appelée la « Fraternité Universelle » entre les hommes sans distinction de race, de couleur, ou de croyance. Quand les hommes commenceront à comprendre que c’est précisément cet égoïsme personnel farouche – le principal mobile de la « lutte pour la vie » - qui est l’origine de la seule cause de la famine humaine, et que c’est cet autre égoïsme national vaniteux qui pousse les Etats et les riches à consacrer d’énormes capitaux improductifs à l’érection d’églises et de temples somptueux, et à soutenir des essaimes de bourdons sociaux appelés Cardinaux et Evêques – véritables parasites vivant au dépens de leur subordonnés et de leurs ouailles – c’est alors seulement qu’ils essayeront de remédier à ce mal universel, en adoptant un salutaire changement de politique. Et cette saine révolution ne peut être accomplie paisiblement que par la Société Théosophique et ses enseignements.
M. Burnouf ne semble pas l’avoir compris, car tout en donnant la note juste de la situation par ailleurs, il termine en disant :
« La Société trouvera des alliés, si elle sait comment s’y prendre pour s’assurer une place dans le monde civilisé de nos jours. Comme elle aura contre elle tous les cultes positifs, à l’exception peut-être de quelques dissidents et prêtres audacieux, le seul parti qui lui reste consiste à se mettre d’accord avec les hommes de science. Si son dogme de la charité est une doctrine complémentaire qu’elle apporte à la science, la société devra l’établir sur des données scientifiques, sous peine de rester dans le domaine de la sentimentalité. La formule si souvent répétée de la lutte pour la vie est vraie, mais pas universelle ; elle est vraie pour les plantes, moins vraie déjà pour les animaux, au fur et à mesure que nous gravissons les degrés de l’échelle, et que nous voyons la loi du sacrifice augmenter en importance ; dans l’homme ces deux lois s’équilibrent, et la loi du sacrifice qui est la loi de la charité, tend à affirmer sa suprématie, grâce au règne de la raison. C’est cette raison qui, dans nos sociétés, est l’origine du droit et de la justice et de la charité ; par elle, nous échappons à l’inévitable lutte pour la vie, à l’esclavage moral, à l’égoïsme et à la barbarie, en un mot, à ce que Sakyamouni appelle poétiquement : la puissance et l’armée de Mara ».
Et cependant, notre critique ne paraît pas satisfait de cet état de choses, et il nous donne encore le conseil suivant :
« Si la Société Théosophique », dit-il, « travaille dans cet ordre d’idées et sait en faire son point d’appui, elle sortira des limbes de la pensée chaotique et affirmera sa place dans le monde moderne, n’en restant pas moins fidèle à son origine et à ses principes hindous. Il se peut qu’elle trouve des alliés, car si les hommes sont las des cultes symboliques, incompris par leurs propres instructeurs, d’autres hommes de cœur, et ils sont nombreux, sont aussi las et épouvantés de l’égoïsme et de la corruption qui menacent d’engloutir notre civilisation et de la remplacer par une savante barbarie. Le pur Bouddhisme possède toute la largesse de vues requise d’une doctrine à la fois religieuse et scientifique. Et parce qu’elle est tolérante, elle ne peut exciter la jalousie d’aucune autre religion. Fondamentalement, elle n’est que la proclamation de la suprématie de la raison, et de son empire sur les instincts animaux, dont elle est le régulateur et le frein. Enfin, elle a résumé sa tendance en deux mots qui expriment admirablement la loi de l‘humanité : « science et vertu ».
Et cette formule, la société l’a développé en adoptant cet axiome plus admirable encore :
« Il pas de religion au-dessus de la vérité. »
Nous prendrons congé ici de notre érudit, et peut-être, trop aimable critique, pour adresser quelques mots aux Théosophes en général.
Notre Société a-t-elle, dans l’ensemble, mérité les paroles et les remarques élogieuses qui lui décerne M. Burnouf ? Combien de ses membres individuels, combien de ses branches ont mis en pratique les préceptes énoncés dans les nobles paroles d’un Maître de Sagesse que notre auteur a empruntées au N° 3 de la Revue Lucifer ? Celui qui ne pratique pas « telle et telle chose » n’est pas un Théosophe » dit la citation. Néanmoins, ceux qui n’ont jamais partagé leur superflu, encore moins leur dernier morceau de pain, avec les pauvres ; ceux qui persistent à faire une différence dans leur cœur entre un frère de couleur et un blanc, comme aussi ceux pour qui les remarques désobligeantes sur leurs voisins, les commérages peu charitables voire même les calomnies du prochain à propos d’un rien, sont comme une rosée céleste sur leurs lèvres – prétendent s’appeler et se considérer comme Théosophes !
Ce n’est certainement pas la faute de la minorité des vrais Théosophes qui essayent réellement de suivre le sentier, et qui font des efforts désespérés pour l’atteindre, si la majorité des membres ne fait pas de même. Ce n’est donc pas aux premiers que ceci s’adresse mais à ceux qui, par leur amour exagéré du Soi et par leur vanité, sèment au large, parmi les membres, la graine de la dissension, au lieu d’essayer de leur mieux de réaliser le programme originel ; à ceux dont l’orgueil personnel, le mécontentement, et l’amour du pouvoir qui dégénère souvent en ostentation, donnent un démenti au programme primitif et à la devise de la Société.
En vérité, les buts originaux de la PREMIÈRE SECTION de la Société Théosophique, sous les conseils et la direction de laquelle la seconde et la troisième sections réunies en une seule, furent fondées, ne seront jamais assez souvent rappelés à la mémoire de nos membres (5). L’Esprit de ces buts est clairement exprimé dans une lettre d’un des Maîtres, citée dans le « Monde Occulte », aux pages 71 et 73. Ainsi, ces Théosophes qui, au cours des temps et des événements se sont éloignés de ces buts originaux, et qui, au lieu de s’y conformer, ont suggéré une nouvelle politique d’administration, du plus profond de leur conscience intérieure, ne sont pas fidèles à leurs serments.
« Mais nous avons toujours travaillé selon les directives qui nous ont été tracées à l’origine » - affirment certains fièrement.
« Ce n’est pas exact » répondent ceux qui connaissent mieux les Fondateurs Réels de la S.T., derrière la scène, qu’ils ne les connaissent, et les connaîtront jamais s’ils persistent à travailler dans cet esprit d’illusion du Soi et de satisfaction d’eux-mêmes.
Que sont les directives tracées par les Maîtres ? Ecoutez les paroles authentiques écrites par l’un d’entre Eux en 1880, à l’auteur du « Monde Occulte » :
« Selon nous, ces motifs sincères et dignes d’une considération sérieuse si on les envisage d’un point de vue mondain, nous paraissent égoïstes, …Ils sont égoïstes, parce que, comme vous devez le savoir, le principal objet de la Société Théosophique n’est pas autant de satisfaire des aspirations individuelles que de servir nos semblables… Et à nos yeux, les aspirations les plus hautes en vue d’améliorer le bien-être de l’humanité, se teintent d’égoïsme, si dans l’esprit du philanthrope, il y a l’ombre d’un désir de bénéfice personnel, ou une tendance à un être injuste, et cela même si ceux-ci existent à son insu. Et cependant, toutes vos discussions ont visé à rabaisser l’idée d’une Fraternité universelle, à douter de son utilité, et à conseiller le remaniement de la Société Théosophique afin d’en faire un collège pour l’étude spéciale de l’occultisme… » (Le Monde Occulte », p. 72.)
Une autre lettre écrite aussi en 1880, est non seulement un reproche direct aux Théosophes qui négligent la grande idée de Fraternité mais aussi une réponse anticipative au principal argument de M. Emile Burnouf. En voici quelques extraits. Elle fut également adressée à ceux qui cherchaient à se débarrasser du « titre sentimental » et à ne faire de la Société qu’une arène pour « production magique de tasses, et la sonnerie de clochettes astrales » :
« …Etant donné le triomphe croissant et l’abus de la libre pensée et de la liberté (le règne universel de Satan, comme Eliphas Levi l’eût appelé) comment empêcher l’instinct combatif naturel à l’homme d’infliger des cruautés, des énormités incroyables, une tyrannie et une injustice inconnues jusqu’à ce jour, si ce n’est pas l’influence apaisante de la Fraternité, et par l’application pratique des doctrines ésotériques du Bouddha ?...Le Bouddhisme, même ésotérique, est la voie la plus sûre pour mener les hommes vers l’unique vérité ésotérique. Si nous considérons le monde de nos jours, - Chrétien, Musulman ou Païen, - nous voyons que partout la justice est foulée aux pieds, l’honneur et la pitié jetés au vent. En un mot, comment pourrons-nous influencer l’humanité, si ceux qui sont les plus désireux de nous servir personnellement, ne peuvent même pas interpréter correctement les buts principaux de la Société Théosophique ? Et comment remédierons-nous à ce fléau appelé « la lutte pour l’existence » qui est en réalité la mère la plus prolifique de la plupart de nos maux et de nos chagrins, comme aussi de tous les crimes ? Pourquoi cette lutte est-elle devenue le système quasi universel de ce monde ? Parce que, répondons-nous, aucune religion, à l’exception de Bouddhisme, n’a jamais enseigné le mépris pratique de cette vie terrestre ; toutes, au contraire, à cette exception près, ont inculqué la plus grande crainte de la mort, par leur enfer et leur damnation. C’est pourquoi nous voyons cette lutte pour la vie se livrer avec le plus d’âpreté, dans les pays chrétiens et surtout en Europe et en Amérique. Elle est moins intense dans les contrées païennes et presque inconnue parmi les populations bouddhistes…Enseigner au peuple que la vie sur terre même la plus heureuse, n’est qu’un fardeau et une illusion, que seul notre Karma, la cause productrice des effets, est notre juge et notre sauveur dans les vies futures – et la grande lutte pour la vie perdra bientôt de son intensité… le monde en général, et le Christianisme spécialement, soumis pendant deux mille ans au régime d’un Dieu personnel, comme aussi à un système politique et social basé sur cette idée, ont prouvé qu’ils avaient fait fausse route. Il se peut les Théosophes se disent : « Nous n’avons rien à voir en tout cela ; les classes et les races inférieures (celles de l’Inde par exemple, dans la conception des Anglais) ne nous intéressent pas et doivent se tirer d’affaire comme elles le peuvent », mais que deviendront alors nos belles professions de charité, de philanthropie, de réforme, etc. ? Ne sont-elles qu’une dérision ? Et si tel est le cas, notre sentier est-il vrai ?...Nous consacrerons-nous à enseigner à quelques Européens, enrichis aux dépens du pays, et dont beaucoup sont comblés de dons par la fortune aveugle, l’explication logique des sonnettes astrales, de la production de la tasse, du téléphone spirituel et de la formation du corps astral, et laisserons-nous les innombrables millions d’ignorants, de pauvres et d’opprimés, se tirer d’embarras de leur mieux, ici-bas et dans l’au-delà ? Jamais ! Périsse plutôt la Société…, que de lui permettre de devenir une simple académie de magie ou un collège d’Occultisme ! Que nous, les disciples fidèles de cet esprit incarné de renoncement absolu, de philanthrope, de divine bonté, comme aussi des plus hautes vertus accessibles en ce monde de souffrance, que nous, disciples de l’homme parmi les hommes, Gautama Bouddha, nous permettions jamais à la Société Théosophique de représenter l’incarnation de l’égoïsme, le refuge de quelques élus qui n’accordent aucune pensée à la masse, voilà, mes frères, une étrange idée ! …Et ce n’est nous, les humbles disciples des Lamas parfaits, qui devrions permettre à la Société Théosophique d’abandonner son titre le plus noble de Fraternité Humaine, pour devenir une simple école de Psychologie ? Non, non, frères, voilà trop longtemps déjà que vous nourrissiez cette erreur. Sachons-nous comprendre. Que celui qui ne se sent pas capable d’apprécier suffisamment l’idée grandiose pour y consacrer tous ses efforts n’entreprenne pas une tâche trop lourde pour lui…Pour être vraies, la religion et la philosophie doivent apporter une solution à tous les problèmes. La meilleure preuve qu’aucune des religions ni des philosophies – celles des races civilisées moins qu’aucune autre – n’a jamais possédé la VÉRITÉ nous est offerte par l’état déplorable moral de l’humanité. Les explications logiques et correctes au sujet des problèmes qui surgissent des grands principes dualistes : justice et injustice, bien et mal, liberté et despotisme, souffrance et plaisir, égoïsme et altruisme, leur sont aussi impossibles à donner de nos jours qu’il y a 1880 ans. Elles sont aussi loin de la solution que jamais. Cependant, la solution rationnelle de ces problèmes doit exister quelque part, et si nos doctrines se montrent capables de l’apporter, le monde sera le premier à reconnaître en elles, la vraie philosophie, la vraie religion, la vraie lumière qui offre la vérité et rien que la VÉRITÉ… »
Et cette VÉRITÉ n’est pas le Bouddhisme, mais le BOUDDHISME ésotérique. « Que celui a des oreilles pour entendre, écoute… »
H.P. Blavatsky
Cet article fut écrit et publié pour la première fois par Madame Blavatsky dans le Lucifer, d’août 1888.
Notes
(1) Mme Blavatsky. (N.D.T.). [retour texte]
(2) Le fait que le Nirvana ne veut pas dire annihilation, fut affirmé à diverses reprises dans Isis Dévoilée, où son auteur discute sa signification étymologique, telle que l’ont donné Max Muller et d’autres, et montra que « l’extinction de la lampe » n’implique pas même l’idée que Nirvana est « l’extinction de la conscience ». (Voyez, Vol. I p. 290, et Vol. II p. 117, 286, 320, 566, etc…) [retour texte]
(3) Cette similitude entre le Logoi des diverses religions, et en particulier la similitude qui existe entre les légendes se rapportant à Bouddha et à Jésus-Christ, a été démontrée il y a des années, dans Isis Dévoilée, et la légende de Visvakarman l’a été plus récemment dans le Lotus et d’autres publications théosophiques. Toute l’histoire est analysée en détail dans la « Doctrine Secrète », dans quelques chapitres qui furent écris il y a plus de deux ans. [retour texte]
(4) Et l’auteur oublie d’ajouter « les Théosophes ». Aucune Société n’a jamais été plus férocément calomniée et persécutée – par l’odium théologiqum, les Eglises chrétiennes en étant réduites à ne faire usage comme seule arme que de leur langue, - que l’Association Théosophique et ses Fondateurs. (Ed. Lucifer.) [retour texte]
(5) Voir les règles dans le 1er Volume du The Theosophist pages 179 et 180. [retour texte]