La science de la Vie

La science de la Vie

24 Oct, 2021

Qu’est que la Vie ? Des centaines d’esprits philosophiques, de docteurs érudits se sont posé la question mais sans pouvoir la résoudre. Le voile jeté sur le Cosmos primordial au sujet des mystérieux débuts de la vie, n’a jamais été soulevé à la satisfaction de la science sincère et honnête. Plus les hommes au savoir officiel essaient de pénétrer dans ses plis obscurs, plus intense se fait l’obscurité, et moins ils voient clair, car ils sont comme le chercheur de trésors qui traversa les océans pour découvrir ce qui était enfoui dans son propre jardin.

Quelle est donc cette Science ? Est-ce la biologie ou l’étude de la vie sous son aspect général ? Non. Est-ce la physiologie, ou la science des fonctions organiques ? Pas davantage, car la première ne résout nullement cette énigme du Sphinx, et la seconde est la science de la mort bien plus que celle de la vie. La physiologie est basée sur l’étude des différentes fonctions organiques et des organes nécessaires à la manifestation de la vie, mais ce que la science appelle matière vivante est, en vérité, de la matière morte. Chaque molécule des organes vivants contient en elle-même le germe de la mort, et commence à mourir dès qu’elle est née, afin que son successeur puisse vivre, pour mourir à son tour. Un organe, une partie naturelle de tout être vivant, n’est que le moyen d’extériorisation d’une fonction spéciale de la vie, et il n’est qu’une combinaison de molécules. L’organe vital qui est le tout, se revêt du masque de la vie, et cache la continuelle dégénérescence et mort de ses parties. Ainsi, ni la biologie ni la physiologie ne sont la science, ni même des branches de la Science de la Vie, mais sont seulement des sciences traitant des apparences de la vie. Tandis que la vraie philosophie, semblable à Œdipe devant le Sphinx de la vie, ose à peine exprimer le paradoxe contenu dans la réponse à la question proposée ; la science matérialiste est toujours arrogante, ne doute pas un instant de sa sagesse, s’illusionne elle-même comme elle en illusionne beaucoup d’autres, dans l’idée qu’elle a résolu le problème angoissant de l’existence. Mais, en vérité, s’en est-elle jamais approchée ? Ce n’est certainement pas en essayant de se tromper et de décevoir les imprudents par l’affirmation que la vie n’est que le résultat d’une complexité moléculaire, qu’elle ne pourra jamais espérer répandre la vérité. La force vitale serait-elle en réalité qu’un « fantôme », comme le dit Du Bois Reymond ? Son reproche c’est de considérer que la « vie » est comme quelque chose d’indépendant, c’est l’asylum ignorantiae de ceux qui cherchent refuge dans des abstractions, quand toute explication directe est impossible ; mais ce reproche s’applique avec bien plus de force et de justice à ces matérialistes qui voudraient rendre les hommes aveugles à la réalité des faits, en leur substituant des mots ronflants ou des insultes. La division en cinq des fonctions de la vie et en les désignant prétentieusement par, archébiose, biocrose, biodiarersis, biocaenosis et bioparodis (1) n’a jamais aidé un Huxley ou un Haeckel à approfondir le mystère de l’origine de la plus humble fourmi – et encore moins de l’homme ? Certainement pas. Car la vie, et tout ce qui lui appartient, appartient en propre au domaine de la métaphysique et de la psychologie, et la science physique n’a rien à y voir. « Ce qui fut est ce qui sera ; et il est bien connu que ce qui fut a déjà été nommé, c’est l’HOMME » – telle est la réponse à l’énigme du Sphinx. Mais le terme « homme » ici, ne se rapporte pas à l’homme physique – pas dans son sens ésotérique du moins. Les scalpels et les microscopes peuvent résoudre le mystère des parties matérielles de l’enveloppe de l’homme ; ils ne pourront jamais donner un aperçu de son âme, ni le moindre aperçu des horizons les plus vastes de l’être.

Ce sont les penseurs seuls qui, suivant l’injonction de Delphes, ont reconnu la vie dans leurs sois intérieurs, et qui, l’ayant étudiée parfaitement en eux-mêmes, avant d’essayer de retrouver et d’analyser sa réflexion dans leurs enveloppes extérieures, sont récompensés de leurs efforts dans une certaine mesure.

Semblables aux philosophes du feu du Moyen-âge, ils ont négligé les apparences de la lumière et du feu dans le monde des effets, et centré toute leur attention sur les agents cachés producteurs des causes. De là, les rattachant à la cause abstraite une, ils ont essayé de sonder le MYSTÈRE, chacun aussi loin que le lui permettaient ses capacités intellectuelles. Ils ont de la sorte pu affirmer que : 1° le mécanisme en apparence vivant, appelé l’homme physique, n’est que le combustible, les matériaux dont se nourrit la vie, afin de se manifester ; et 2° par suite, l’homme intérieur reçoit en gage et récompense, la possibilité d’accumuler des expériences nouvelles au cours des illusions terrestres appelées vies.

Un de ces philosophes est sans contredit, le grand écrivain et réformateur russe, le comte Léon N. Tolstoï. On verra combien ses vues se rapprochent des enseignements ésotériques et philosophiques de la Théosophie supérieure, en passant en revue quelques fragments d’une conférence qu’il donna à Moscou devant la Société locale de Psychologie.

Discutant du problème de la vie, le comte demande à ses auditeurs d’admettre l’argument d’une impossibilité. Voici ce que dit le conférencier :

« Admettons un instant que tout ce que la science moderne aspire à connaître de la vie, lui est familier ; que la réponse au problème est aussi claire que le jour ; qu’il est évident que le processus par lequel la matière organique est issue de l’inorganique, résulte d’un simple mouvement d’adaptation, comme celui qui a transformé les forces naturelles en sentiments, en volonté et en pensée, et enfin que cette connaissance n’est pas l’apanage des étudiants des villes, mais qu’elle est aussi partagée par tout écolier de village.

« Savoir que ces pensées et ces sentiments proviennent de mouvements : c’est bien, mais qu’en faire ? Puis-je, oui ou non, reproduire et guider ces mouvements, en vue d’exciter dans mon cerveau telles ou telles pensées ? Comment je peux générer en moi telles pensées ou tels sentiments, ou comment d’autres pourraient le faire en eux-mêmes est une question sans réponse et non posée.

« Or c’est précisément le point unique et fondamental dans la question centrale sur ce qu’est la vie.

« La science en observant que quelques manifestations qui accompagnent la vie, prend à tort (2) la partie pour le tout, elle désigne ces manifestations comme étant le tout intégral de la vie…

« La question inséparable de l’idée de la vie, n’est pas d’où vient la vie, mais comment vivre cette vie ; et c’est uniquement en commençant par cette question, que l’on peut espérer s’approcher d’une solution au sujet du problème de l’existence.

« La réponse à l’interrogation de « Comment devons-nous vivre ? » paraît si évidente à l’homme qu’il estime inutile de la rechercher.

« … On doit vivre de son mieux – c’est tout ! Ça paraît à première vue très simple et bien connu de tous, mais c’est loin d’être aussi simple et aussi facile qu’on se l’imagine…

« L’idée de la vie apparaît d’abord à l’homme comme une chose très simple, évidente en elle-même. Il lui semble en premier lieu que la vie est en lui-même, dans son corps. Toutefois, aussitôt qu’on se met à rechercher cette vie dans une partie déterminée du corps, on rencontre des difficultés. La vie n’est pas dans les cheveux ni dans les ongles ; pas plus qu’elle ne réside dans le pied ou dans le bras, puisqu’on peut tous deux les amputer ; elle n’est pas non plus dans le sang, ni dans le cœur ni dans le cerveau. Elle est partout et nulle part ! On en revient à ceci : la vie ne peut se découvrir dans aucune partie précise. Ensuite, l’homme commence à rechercher la vie dans le Temps ; et cela aussi, paraît, de prime abord, très aisé… Pourtant là encore, dès qu’il se met en recherche, il s’aperçoit que la chose est plus compliquée qu’il ne l’avait pensé. Cela fait cinquante-huit ans que je vis, si je me base sur mon acte de baptême. Mais je sais que dans ces cinquante-huit ans, j’en ai dormi plus de vingt ; est-ce que j’ai vécu ou pas pendant ces années ? Les mois de ma gestation, et ceux que j’ai passé dans les bras de ma nourrice, appelez-vous cela vivre ? Et puis, au cours des trente-huit ans qui restent, je sais que la moitié du temps, j’étais inattentif quand j’agissais ; de sorte que je ne pourrais dire si je vivais ou pas pendant ces périodes. Peut-être ai-je vécu un peut et végété un peu. Une fois encore, on voit que dans le temps, comme dans le corps, la vie est partout et nulle part. Maintenant, la question qui reste c’est, d’où vient cette vie dont j’ignore l’origine ? Je veux le savoir… Mais là aussi, ce qui semblait si aisé au début paraît maintenant impossible. Certainement, j’ai dû chercher ailleurs que ma vie. Ainsi, quand nous devons rechercher les manifestations de la vie – si ça s’impose à nous – ce ne sera ni dans l’espace, ni dans le temps, ni en tant que cause et effet, mais comme une réalité que je dois reconnaitre en moi qui est indépendante de l’Espace, du temps et de la causalité.

« Ce qu’il nous reste à faire c’est d’étudier le soi. Mais comment connaître la vie en moi ?

« Pour commencer je sais, que je vis ; et que je vis en ne désirant pour moi que le bon, et cela depuis mes premiers souvenirs jusqu’à ce jour, et du matin au soir. Tout ce qui vit en dehors de moi n’a d’importance à mes yeux que pour autant qu’il collabore à la création de ce qui me donne du bien-être. L’Univers n’a d’importance pour moi que parce qu’il me donne du plaisir.

« En même temps, quelque chose m’interpelle autre que la connaissance de ma propre existence. Une autre idée est étroitement liée à la vie que je ressens : c’est que je suis entouré d’un monde de créatures vivantes, possédant comme moi, ce même désir instinctif de se préoccuper que leur vie ; vivant avec des buts personnels qui me sont étrangers, ignorant ou se souciant peu de connaître mes prétentions à une vie exclusive, et prêtes à me détruire immédiatement si besoin pour réussir dans leurs projets. Mais ce n’est pas tout. Si j’envisage la perte de créatures qui me sont en tout point semblables, je sais qu’une telle destruction rapide et inévitable menacera mon moi ; ce MOI précieux en qui seul est la vie.

« C’est comme s’il y avait deux « Moi » dans l’homme ; comme s’ils ne pouvaient jamais vivre en paix ; comme s’ils luttaient éternellement et essayaient sans cesse de s’expulser mutuellement.

« Un des « moi » dit : « Moi seul, je vis comme on doit vivre, tout le restant ne fait que sembler vivre. Par suite, la raison d’être de l’Univers c’est que je sois heureux ».

« L’autre répond : « L’univers n’est pas du tout pour toi, il n’existe que pour ses propres buts et desseins, et il se soucie fort peu de savoir si tu es heureux ou malheureux. »

« La vie devient une chose terrible après cela !

« L’un dit : « Je veux que tous mes besoins et mes désirs soient satisfaits, et c’est pourquoi j’ai besoin de l’univers. »

« L’autre « Moi » répond : « Toute vie animale ne vit que pour l’assouvissement de ses besoins et de ses désirs, et ils ne sont satisfait qu’au dépens et au détriment d’autres animaux ; de là, la lutte constante entre les espèces animales. Tu es un animal, c’est pourquoi tu dois lutter. Mais en dépit de tes succès dans cette lutte, le restant des créatures qui elles aussi luttent devront tôt ou tard t’écraser. »

« C’est pire ; la vie devient de plus en plus menaçante...

« Mais le plus terrible qui englobe tout ce qui précède, c’est quand :

« L’un dit : « Je veux vivre, vivre toujours. » Et l’autre « Moi » lui répond : « Tu mourras certainement, peut-être dans quelques minutes ; comme mourront également tous ceux que tu aimes, car vous perdez tous de votre vie à chaque instant, et vous-vous approchez de plus en plus de la souffrance de la mort que vous haïssez et craignez par-dessus tout. »

« Ceci est le pire de tout…

« Il est impossible de changer cette situation… On peut se restreindre de bouger, de dormir, de manger, et même de respirer, mais on ne peut éviter de penser. Je pense, et cette pensée, ma pensée, empoisonne chaque minute de ma vie en tant que personnalité.

« Dès que l’homme commence à mener une vie consciente, cette conscience lui répète sans cesse la même chose : « Il t’est désormais impossible de continuer à vivre, voir et ressentir comme par le passé, et il en est de même des animaux et des nombreux hommes qui ont vécue de la même façon, et qui fait ce que vous êtes maintenant. Si vous poursuivez à le faire – par buts personnels – vous ne pourrez pas éviter d’avoir à affronter la réaction de tout le monde des créatures qui vivent comme vous ; et alors, ces créatures vous détruiront inévitablement » …

« Il sera impossible de changer cet état de choses, sauf à faire ce qu’ont toujours fait ceux qui commencent à vivre, qui est de transférer dehors de soi-même, les buts de sa vie, et s’efforcer d’atteindre ces buts… Mais aussi loin qu’il puisse placer ces buts en dehors de sa personnalité, lorsque son mental s’éclairera, il n’en sera plus satisfait.

« Bismarck, après avoir unifié l’Allemagne et en gouvernant maintenant l’Europe, doit se rendre compte – si sa raison a jeté quelques lumières sur les résultats de son œuvre – comme peut le faire sa cuisinière après avoir préparé un dîner dévoré en une heure de temps – de la même contradiction sans solution entre d’une part la vanité et de la bêtise de tout ce qu’il a fait, et d’autre part l’éternité et la sagesse de ce qui existe à jamais. S’ils y pensent, chacun verra aussi clairement que l’autre, premièrement, que si le dîner du Prince Bismarck a été possible c’est grâce à la police, et que la puissance de l’Allemagne n’est due qu’à son armée ; et cela durera tant que ces deux institutions pourront en assurer la bonne garde, car il y a des affamés qui souhaitent manger le dîner, et des nations qui veulent devenir aussi puissantes que l’Allemagne. Deuxièmement, que ni le dîner du Prince Bismarck, ni la puissance de l’Empire allemand, ne concordent avec les buts et desseins de la vie universelle, mais qu’ils sont au contraire en flagrante contradiction avec elle. Troisièmement, que la personne qui prépara le dîner, comme la puissance de l’Allemagne, mourront toutes deux bientôt ; ce qui amènera la fin du dîner et de l’Allemagne. Seul survivra l’Univers, qui n’accordera jamais une pensée ni au dîner ni à l’Allemagne, et bien moins encore à ceux qui les ont créées.

« Au fur et à mesure que l’homme développe sa puissance intellectuelle, il en arrive à penser que tout ce qui arrive d’heureux à sa personnalité est un dû et non le résultat de ses efforts. Or la personnalité n’est que l’état primitif où a débuté la vie, et elle a une limite ultime de vie…

« Où donc alors commence la [véritable] vie, et où finit-elle, me demandera-t-on ? Où finit la nuit et où commence le jour ? Où se termine sur la plage le domaine de la mer, et où commence celui de la terre ? Il y a le jour et la nuit, la terre et la mer, la vie et la non-vie.

« Notre vie, depuis que nous en sommes devenus conscients, est comme le mouvement d’un pendule oscillant entre deux limites.

« Une de ces limites est un désintéressement complet pour la vie de l’Univers infini, avec une énergie dirigée uniquement vers la satisfaction des désirs personnels.

« L’autre limite est un complet renoncement de la personnalité, un intérêt puissant pour la vie de l’Univers infini, et une parfaite harmonie avec elle. C’est le transfert de tous nos désirs et de notre volonté du domaine de notre personnalité, à celui de cet Univers infini et de toutes les créatures qui nous sont extérieures (3).

« Plus on est près de la première limite, moins on goûte à la vie et au bonheur ; plus on se rapproche de la seconde, plus on connaît la vie et la béatitude. Ainsi donc, l’homme oscille toujours d’un pôle à l’autre, c'est-à-dire qu’il vit. CE MOUVEMENT EST LA VIE ELLE-MÊME.

« Et quand je parle de la vie, sachez que l’idée que je m’en fais est indissolublement unie à celle de la vie consciente. Je ne connais pas d’autre vie que l’existence consciente, et personne ne peut en connaître d’autre.

« Nous appelons vie, la vie des animaux, la vie organique. Ceci n’est pas du tout la vie, ce n’est qu’un état particulier ou une condition spéciale de la vie se manifestant à nos yeux.

« Mais qu’est-ce que cette conscience ou ce mental qui est hors de toute personnalité et qui projette l’énergie de l’homme hors de lui, et la transforme en cet état que nous concevons comme l’état bienheureux de l’amour ? Qu’est-ce que le mental conscient ? Tout ce que nous souhaitons définir, nous devons le faire à l’aide de notre mental conscient. Par suite, par quoi définirons-nous le mental ?

« Si nous devons tout définir à l’aide de notre mental, il s’ensuit que le mental conscient ne peut être défini. Cependant nous le connaissons tous, et c’est indéniablement la même et seule chose qu’il nous soit donné de connaître…

« La loi du mental est la même loi que la loi de la vie, de tout ce qui est organique, animal ou végétal, avec cette différence que nous voyons l’action de cette loi intelligente dans la vie d’une plante. Mais la loi du mental conscient, à laquelle nous sommes assujettis, comme l’arbre l’est à sa propre loi, nous ne la voyons pas, mais nous l’accomplissons…

« Nous avons décidé que la vie est ce qui est en dehors de notre vie. C’est là que gît la source de l’erreur. Au lieu d’être conscients de la vie en nous-même, d’une façon absolue et exclusive – puisque nous ne pouvons rien connaître d’autre – afin de l’étudier, nous observons ce qui est privé du plus important facteur et faculté de notre vie, c'est-à-dire la conscience intelligente. En agissant ainsi, nous sommes comme celui qui tente d’étudier un objet à travers l’ombre ou la réflexion qu’il projette.

« Si nous savons que les particules substantielles sont soumises durant leurs transformations à l’activité du corps, nous ne le savons pas parce que nous avons observé ou étudié ce fait, mais simplement parce que nous possédons un certain organisme, étroitement lié à nous et familier, à savoir cet organisme animal ; il nous est bien connu pour être la base matérielle de notre vie, Il est  de notre devoir d’apprendre à gouverner, et le soumettre à la loi de la raison… Dès que l’homme perd sa foi dans la vie, aussitôt qu’il transfère cette vie dans la non-vie, il se sent misérable, et voit la mort… L’homme qui conçoit la vie telle qu’il la découvre dans sa conscience, ne connaît ni la souffrance, ni la mort, car tout le bien qu’il peut trouver dans la vie, réside dans l’assujettissement de sa nature animale à la loi de la raison, ce qui non seulement est en son pouvoir, mais s’impose invariablement à lui. Nous ne connaissons que la mort des particules de l’être animal. Nous connaissons la mort des animaux et de l’homme, en tant qu’entités animales, mais nous ne savons rien de la mort du mental conscient, et ne pouvons rien en connaître, simplement parce que le mental conscient est la Vie elle-même. Et la Vie ne peut jamais être la Mort…

« L’animal vit une existence sereine, ne voyant ni ne connaissant la mort, et il meurt sans en avoir pris conscience. Pourquoi l’homme a-t-il reçu le don de la voir et de la connaître, et pourquoi la mort lui paraît-elle si terrible et qu’elle torture littéralement son âme au point souvent de l’obliger perdre la vie par peur de la mort ? Comment peut-il en être ainsi ? C’est parce que l’homme qui a voit la Mort, est un homme malade, un être qui a violé la loi de la vie, et ne vit plus une existence consciente. Il est devenu un animal, un animal qui a violé la loi de la vie.

« La vie de l’homme est une aspiration à la béatitude, et il lui est accordé selon ses aspirations. La lumière allumée dans l’âme de l’homme est béatitude et vie. Cette lumière ne peut jamais devenir obscurité, car il n’existe – et n’existe vraiment pour l’homme – que cette seule lumière brûlant dans son âme.

Nous avons traduit ce fragment assez long de la superbe conférence du comte Tolstoï ; parce qu’il résonne comme un écho des plus beaux enseignements de la morale universelle de la vraie Théosophie. Sa définition de la vie dans son aspect abstrait, et de la vie que tout théosophe sincère devrait suivre, chacun selon et dans la mesure de ses capacités naturelles – est résumé, l’Alpha et l’Oméga de la vie pratique psychique, sinon spirituelle. Certaines phrases de la conférence paraîtront, aux yeux du théosophe moyen, trop vagues, et peut-être incomplètes. Cependant il ne pourra pas en trouver une, à laquelle l’occultisme pratique le plus exigeant, puisse faire l’objection. On pourrait appeler cette conférence un traité sur l’Alchimie de l’Âme. Car cette lumière « solitaire » dans l’homme, brûle à jamais, et ne peut jamais devenir obscurité dans sa nature intrinsèque, bien que l’« animal » en dehors de nous puisse rester aveugle à cette lumière. Cette « Lumière » au sujet de laquelle les Néo-platoniciens de l’école d’Alexandrie, et après eux les Rose-Croix et surtout les Alchimistes, ont écrit des volumes, reste encore à nos jours, dans sa vraie signification un mystère profond pour la plupart des hommes.

Il est vrai, que le comte Tolstoï n’est ni d’Alexandrie ni Théosophe moderne ; encore moins un Rose-Croix ou un Alchimiste. Mais, ce que ceux-ci ont caché sous la phraséologie complexe des philosophes du Feu, confondant à dessein les transmutations cosmiques avec l’Alchimie Spirituelle, le grand penseur russe l’a transféré du royaume de la métaphysique dans le champ de la vie pratique. Ce que Schelling définirait comme la réalisation de l’identité entre le sujet et l’objet dans l’Ego intérieur de l’homme, ce qui unit et fusionne celui-ci à l’Ame universelle – ceci n’étant que l’identité du sujet et de l’objet sur un plan supérieur, ou la Divinité inconnue – tout cela le comte Tolstoï l’a fusionné, sans quitter le plan terrestre. Il est l’un de ces rares élus qui débutent par l’intuition, et finissent par une quasi omniscience. C’est la transmutation des métaux vils – la masse animale – en or et en argent, ou la pierre philosophale, le développement et la manifestation du Soi supérieur de l’homme, que le comte a réalisés. L’alcahest de l’Alchimiste inférieur est le All-geist, l’Esprit Divin universel de l’Initié supérieur ; car l’alchimie était, et est, comme très peu le savent, autant une philosophie spirituelle qu’une science physique. Celui qui ne sait rien de l’une ne connaîtra jamais grand-chose de l’autre. Aristote le dit clairement à son élève Alexandre : « Ce n’est pas une pierre » dit-il, parlant de la pierre philosophale. « Elle est en tout homme et en tous lieux, et à tous moments, et elle est appelée l’aboutissement de tous les philosophies », comme le Védânta est la fin de toutes les philosophies.

Pour clore cet article sur la Science de la Vie, nous dirons quelques mots au sujet de l’énigme éternelle posée par le Sphinx aux mortels. Échouer à résoudre l’énigme qu’il posait, c’était se condamner à une mort certaine, car le sphinx de la vie dévorait ceux manquaient d’intuition, ou voulaient vivre uniquement pour satisfaire la partie animale de leur être. Celui qui vit pour le Soi, et que pour le Soi, mourra sûrement, comme le dit dans la conférence, le « Moi » supérieur à l’« animal » inférieur. L’énigme possède sept clefs, et le comte résout le mystère à l’aide d’une des plus élevées. Car, ainsi que l’auteur de la « Philosophie Hermétique » l’exprime très bien : « Le mystère réel, à la fois le plus familier et le plus étranger à l’homme, le mystère auquel il doit être initié, ou périr en tant qu’athée, c’est lui-même. S’abreuver de l’élixir de vie, avant d’avoir découvert la pierre philosophale, c’est absorber un breuvage mortel, alors que ce même breuvage confère à l’épopte (4), l’immortalité véritable. Lui seul peut connaître la vérité telle qu’elle est réellement – c’est l’Aletheia (5) le souffle de Dieu, ou la Vie, le mental conscient dans l’homme. »

C’est là « l’Alcahest qui dissout toute chose » et le comte Tolstoï en a parfaitement compris l’énigme.

H.P. Blavatsky

Cet article fut publié pour la première fois par H.P. Blavatsky dans le Lucifer de novembre 1887.

Notes

(1) Archébiose, biocrose, biodiarersis, biocaenosis et bioparodis signifiant respectivement : l’origine de la vie, fusion de la vie, division de la vie, renouvellement de la vie et transmission de la vie.

(2) « Prenant à tort » est un terme erroné. Les hommes de science savent trop bien que ce qu’ils enseignent concernant la vie est une fiction matérialiste que contredisent à chaque pas la logique et les faits. Au sujet de cette question particulière la science s’abuse elle-même, et elle est le jouet de manies personnelles et d’une politique bien définie visant à tuer dans l’humanité toute aspiration et pensée spirituelles. » « Prenant à tort par prétentieusement » serait plus correct. » ‒ H.P. Blavatsky.

(3) C‘est ce que les appellent « “vivre la vie” dans une coquille de noix » – H.P. Blavatsky.

(4) L’initié.

(5) La Vérité.

↑ Remonter la page