LETTRE N°39 – LA BHAGAVAD-GÎTÂ OU CHANT CÉLESTE, LA PHILOSOPHIE DE LA VIE
Janvier – Février 2018
La prochaine Lettre paraîtra début mars 2018. Elle aura pour thème : Le symbolisme des nombres : le chiffre 7 de l'être et de la vie.
Vidéo : « L’ésotérisme de la Bhagavad Gîtâ » Voir la vidéo sur YouTube.
Audio :« La Bhagavad-Gîtâ un Évangile pour l'homme moderne ».
Audio : « Le Message actuel de la Bhagavad-Gîtâ à l'Occident ».
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PENSÉE DU MOMENT
« Est cher à mon cœur celui de mes fidèles qui est sans inimitié, bienveillant envers toutes les créatures, miséricordieux, exempt d’orgueil et d’égoïsme, le même dans la souffrance et dans la joie, patient dans l’injustice, satisfait, d’un zèle constant, maître de soi, ferme dans ses résolutions et dont le cœur et la pensée sont fixés exclusivement sur moi. » Chp. XII, versets 13-14, Bhagavad-Gîtâ de W.Q. Judge.
CŒUR DE LA THÉOSOPHIE
La philosophie de la vie
Le symbole
Ce dialogue entre Krishna, le Pôle spirituel de l’être et Arjuna, l’Homme décidé à entreprendre la tâche de développer sa nature supérieure se déroule sur un champ de bataille. La guerre se rapporte non seulement à la guerre poursuivie par l’humanité dans son ensemble, mais aussi à la lutte qui devient inévitable aussitôt qu’une unité de la famille humaine prend la résolution de se laisser guider par sa nature supérieure. Ainsi, l’expérience décrite dans le poème sera donc inévitablement vécue par quiconque suivra le même chemin. Arjuna est lancé dans une guerre légitime, celle de reconquérir le royaume de l’immortalité ; sa réussite dépendra de la manière dont il prêtera l’oreille à Krishna, le Logos, qui brille intérieurement.
Le poème peut être interprété de plusieurs façons : soit comme se rapportant à l’individu, à la cosmogénèse, à l’évolution du monde astral ou aux Hiérarchies dans la Nature, soit encore à la nature morale.
Le narrateur Sanjaya représente le rapporteur intelligent et éclairé qui comprend ce qui se passe sur les plans spirituels et psychiques et retransmet à l’humanité l’enseignement. Il est le témoin de l’existence des Sages.
Le message philosophique
Cet ouvrage tend à inculquer deux choses à l’individu : d’abord l’oubli de soi, puis l’action. De l’étude de ce poème et de son application à la vie, naîtra la conviction qu’il y a un seul Esprit, que nous ne pouvons pas vivre pour nous seuls, mais devons réaliser qu’il n’y a pas de séparativité et qu’on ne peut se soustraire au karma (destinée) collectif de l’humanité, et que nous devons penser et agir conformément à cette croyance.
Nous reprenons une remarque intéressante de William Quan Judge 1890 à la fin de son introduction de la Bhagavad-Gîtâ : Aux théosophes sincères et à tous ceux qui aiment réellement leurs semblables et aspirent à apprendre et à enseigner la science de la consécration que cette édition de la Bhagavad-Gîtâ est offerte.
Le déroulement du dialogue entre Krishna et Arjuna
Pour simplifier, le dialogue qui tient en 18 chapitres peut être décrit en trois phases : a) le découragement et sa sortie vers une démarche de méditation courageuse et indépendante ; b) la découverte des archétypes vivants dans la nature qui devient l’allié de l’homme dès lors que celui-ci la reconnaît et s’y soumet ; c) la chaîne vivante des Maîtres et de disciples, les Sages qui ont exploré la Cosmogénèse et intégré cette connaissance, consacrent leur vies à accompagner l’humanité dans son évolution spirituelle ou la réalisation du SOI. (ATMA)
A- Le découragement est une étape nécessaire pour déclencher un questionnement ardent sur le but de la vie. Par un discours plein de bon sens, Krishna sort Arjuna du désespoir en lui montrant que la nature agit inlassablement comme une chaîne de sacrifice car elle est peu reconnue, que trop d’émotions inhibent le mental et paralysent le discernement. L’homme doit agir en cherchant comment accomplir son devoir pour le bien du plus grand nombre, en renonçant aux fruits des actions et en se tournant vers son Soi Supérieur par l’exercice, le détachement, la concentration la méditation. Dans ce pèlerinage de l’âme, chaque homme est né avec le destin divin (Chp. XVI, verset 5). « Celui qui en raison de la similitude trouvée en lui-même ne voit qu’une seule essence en toutes choses, bonnes ou mauvaises, celui-là est considéré le fidèle consacré par excellence. » Chp. VI, verset 12.
B- A mesure que naît le discernement spirituel, l’homme découvre que la Nature est un livre ouvert, y découvre les archétypes qui vont l’inspirer et le soutenir dans la quête du divin. Le Yogi est un véritable allié de cette Nature pendant la vie et la mort : il a acquis l’immortalité c.à.d. cette continuité de conscience. Il s’unit avec sa partie divine et éternelle. Il est uni avec l’Univers qui est partie intégrante de lui-même de par la structure-même de l’Univers. » J’ai établi cet univers entier avec une seule fraction de moi-même et je reste inchangé. » Chp. X, verset 42.
C- Avec le pouvoir du discernement spirituel qui s’éveille, le disciple apprend à comprendre l’émanation de l’univers, le symbolisme de l’arbre Ashvattha dont la racine est au ciel et les branches dans le monde, avec une diversité de branches et de feuilles en apparence séparées. Il observe la diversité de caractères dans l’humanité, il apprend que Karma (la loi d’action - de réaction) est dynamique et opère sur tous les plans de conscience pour rétablir l’harmonie, que les hommes soient « bons » ou mauvais ». Il comprend le travail incessant des Maîtres et disciples comme agents de ce Karma, pour contribuer à l’évolution spirituelle, à la transformation progressive des hommes par des efforts auto-induits et auto-disciplinés. Il accepte de rejoindre cette Fraternité. « Libéré du doute, ferme, j’agirai selon ton commandement. » Chp. XVIII, verset 73.
LA CHRONIQUE (PASSÉ, PRÉSENT, FURUR)
Contexte historique et le Yoga Royal
Antiquité et contexte historique
La Bhagavad-Gîtâ est un épisode du Mahâbhârata écrit dit-on par Vyâsa. Certains lui attribuent une antiquité de 5000 ans, correspondant à un cycle nouveau de Kali Yuga, l’âge de fer.
En Inde, cette épopée correspond à celle de l’Iliade des Grecs. Le thème est une certaine guerre entre deux branches de la même tribu descendant de Kuru, pour la souveraineté de Hastinâpura (près de Delhi). La branche ainée porte le nom des Kuru (Duryodhona et ses frères au total au nombre de cent) et la branche cadette le nom patronymique Pandu (5 princes).
La description de cette guerre entre les Kurus et les Pândava prend près de vingt mille slokas. (Extraits de J.Cockburn Thomson suite préface p VIII de la Bhagavad-Gîtâ).
A l’époque où se déroule l’action du Mahâbhârata, cette tribu vivait sur un territoire compris entre les rivières Jumna et Sursuti, et leur domain particulier était appelé Kurukshetra….
Les cinq princes étaient les fils d’épouses humaines, mystiquement engendrés par différentes divinités.
Yuddhishthira était le fils de Dharma, Bhîma était le fils de Vayu, Arjuna était le fils de Indra. Les jumeaux Nakula et Sahadeva étaient les fils des jumeaux Ashvin – les médecins des Dieux
Le roi Dhritarâshtra était aveugle mais bien qu’il fût rendu de la sorte incapable de gouverner, il conserva le trône laissant à son fils Duryodhana le soin de diriger réellement les affaires de l’État. Duryodhana finit par persuader son père de bannir ses cousins, les princes Pândava. Après de longs pèlerinages et des misères, ces princes rassemblèrent leurs amis autour d’eux, formèrent une grande armée avec l’aide de nombreux rois voisins, et se préparèrent à attaquer leur injuste oppresseur qui avait également rassemblé ses forces. D’où la remarque de Krishna à Arjuna que ce combat était légitime.
Point de vue théosophique
Dhritarâshtra symbolise le corps humain acquis par la monade immortelle (l’âme) afin qu’elle puisse accomplir son voyage évolutif…Ce roi est aveugle parce que le corps sans facultés intérieures n’est que matière inanimée donc « privé de la capacité de gouverner ».
La rencontre des armées a lieu dans la plaine des Kurus (Kurukshetra). Ce champ de bataille est la scène du poème de la Bhagavad-Gîtâ.
Les Kuru représentent les tendances à la matérialité et la partie inférieure de notre nature développé. Les Pandava les tendances spirituelles.
Arjuna se tient dans le même char que le Dieu Krishna qu’il a choisi comme conducteur. Ce dernier est mû de compassion pour les persécutions souffertes par Arjuna, était devenu son ami intime et accepta le rôle de conducteur de char dont le symbole est puissant. Les chevaux sont les désirs et passions, Krishna (le Logos, le mental supérieur) maîtrise ces chevaux et les dirigent selon sa volonté et Arjuna le mental incarné et l’âme humaine se tourne vers son ami pour agir en conformité des règles spirituelles.
Au moment où s’amorce le dialogue une volée de flèches de part et d’autre donne le signal du combat. Quand Arjuna s’en aperçoit, il prie Krishna de conduire le char dans l’espace séparant les deux armées afin d’observer les lignes ennemies. C’est alors qu’il est frappé d’horreur à l’idée de commettre un fratricide en abattant ses proches. S’ensuit une prise de conscience de la situation et de l’ampleur de la tâche à accomplir avec les conséquences morales et psychologiques : un découragement, une véritable nécessité dans la grande démarche du yoga, l’union spirituelle.
Les étapes de la Bhagavad-Gîtâ sont résumés dans l'annexe ci-jointe chapitre par chapitre (18 au total) : « La Bhagavad-Gîtâ ou chant céleste - Sélections choisies ».
Le déploiement du Yoga Royal
Chapitre 1 : Le découragement d’Arjuna : le yoga du découragement est une nécessité, déclenchée dans la quête spirituelle. En effet, la perte des repères habituels dans le monde et la société, accompagnée d’un sentiment d’isolement entrainent un sentiment de découragement, voire de désespoir. Cette prise de conscience a lieu au point d’équilibre entre les deux armées. Mais ce n’est qu’un passage comme nous le verrons jusqu’aux nouveaux repères sûrs et permanent que le disciple retrouve au fond de lui.
Chapitre 2 : Krishna expose les principes fondamentaux : qu’il faut rechercher l’égalité d’âme qui se place au-dessus des sentiments et émotions et des paires d’opposés bien-mal ; que nul effort n’est perdu ; que la consécration mentale consiste en la connaissance, le détachement et le juste accomplissement ou la perfection dans l’action. Le Sage décrit à la fin du chapitre est un homme qui a réalisé la sérénité, la volonté, la paix et le bonheur.
Chapitre 3 : Krishna valorise le juste accomplissement de l’action, comme une nécessité dans la vie. A l’image de la nature, notamment du soleil, Krishna préconise la loi de sacrifice, le devoir au sens du « dharma » non-égoïste.
Chapitre 4 : A mesure que l’homme s’engage dans l’action, la nécessité d’intégrer une connaissance spirituelle s’impose pour développer le discernement spirituel. La puissance de cette connaissance agit comme un feu purificateur, qui est l’Esprit Suprême. L’homme doit chercher cette sagesse au moyen de questions et d’humilité ; les sages aident le disciple sincère qui voit ainsi toutes choses en lui-même et ensuite en Krishna (le Logos).
Chapitre 5 : Cette pratique mène au renoncement des fruits de l’action, un désintéressement par rapport aux résultats. Il dédie ses œuvres à l’Esprit Suprême, en écartant tout intérêt égoïste dans le résultat et n’est plus atteint par le « péché ». « L’assimilation à l’Esprit Suprême est des deux côtes de la mort » : une transmutation spirituelle s’opère progressivement.
Chapitre 6 : La pratique du yoga comprend la méditation - l’union avec le Soi Suprême. Cet exercice purifie, éclaire, soutient l’homme et abolit toute souffrance. Il voit une seule essence en tout et l’unité de toutes choses grâce à l’Âme Suprême qui devient sont soutien. La loi intelligente de Karma (justice et harmonie) engrange les efforts dans l’exercice de méditation et ramène l’individu à retrouver le sentier spirituel dans une autre vie.
Chapitre 7 : L’éveil intérieur permet de comprendre le dynamisme du principe divin dans la nature et son sacrifice incessant, bien qu’invisible. Rien n’est inanimé. L’homme consacré l’honore avec dévotion.
Chapitre 8 : Le moment de la mort est crucial pour le yogi : s’il médite ainsi avec un mental inébranlable, sur l’Omniscient, le Souverain Suprême, en s’identifiant à la consécration, il atteint à ce « Divin Esprit Suprême ».
Chapitre 9 : Par la pratique de ce yoga, l’homme pénètre dans les coulisses mystérieuses de la nature, y découvre une science royale (raja yoga), clairement compréhensible, conforme à la loi sacrée et facile à mettre en pratique.
Chapitre 10 : Les perfections divines ou les grands archétypes font l’objet de ce chapitre. Celui qui veut les voir doit être de nature irréprochable, pur, courageux, non-violent, honnête, juste et charitable. Mais quand il aura vu les archétypes avec ses yeux spirituels, Krishna lui dit « qu’as-tu à faire, de tant de connaissance ? J’ai établi cet univers entier avec une seule fraction de moi-même et je reste inchangé ». En effet le pouvoir du Logos est incommensurable.
Chapitre 11 : La vision divine est induite grâce au pouvoir de Krishna qui montre ainsi à son disciple, Arjuna, la dynamique et la magnificence de l’Univers.
Chapitre 12 : Ces expériences rendent la relation Maître-disciple plus intime et sacrée. En Arjuna, s’éveille une reconnaissance du rôle de la Fraternité des Sages : ils consacrent leur vie au service spirituel du genre humain, lui rappellent ces vérités afin que celui-ci découvre le divin intérieur et accompagnent le disciple, qui s’engage, dans l’exercice pratique de l’émancipation de l’âme. Le pacte est scellé avec le disciple qui cherche cette ambroisie sacrée, la religion de l’immortalité.
Chapitre 13 : S’ensuit la distinction entre le champ d’action – l’impermanent- et l’acteur - le permanent, l’âme, et le grand Seigneur le spectateur, le conseiller, le soutien, le bénéficiaire et l’âme suprême le Logos. Cette vision perçue par l’homme de méditation s’applique à l’humanité et l’Univers, le Cosmos. Alors toute action s’impose au disciple dans le sens de l’Unité, du bien-être : « de même qu’un seul soleil illumine le monde entier, ainsi l’Esprit Unique illumine chaque corps. » Verset 33
Chapitre 14 : L’incarnation dans un corps produit 3 tendances : la qualité sattva correspond à l’attachement au bonheur, au plaisir et à la lumière ; la qualité de rajas à l’activité incessante et agitée ; enfin tamas à l’inattention, l’indolence qui obscurcit la faculté de jugement. L’homme sage perçoit ces qualités comme des agents et comprend ce qui est supérieur. Il est libéré de la renaissance, de la mort et « s’abreuve de la fontaine de l’immortalité ». Il prend du recul par rapport au monde et ses valeurs matérielles, n’entreprend que les actions nécessaires, avec une dévotion pour l’immuable et l’Incorruptible.
Chapitre 15 : Ce chapitre est consacré à l’arbre sacré éternel Ashvatta : les racines au ciel, les branches vers le bas, et les feuilles qui nous attachent ici-bas. Krishna invite l’homme à abattre cet arbre avec la hache puissante du non-attachement et à se mettre en quête du lieu de l’éveil spirituel, l’Esprit Suprême. Cette démarche peut se faire où qu’il soit et quelle que soit sa condition.
Chapitre 16 : Ce regard objectif de l’humanité décrit les deux pôles : les hommes qui laissent briller la nature divine, l’autre catégorie aux préoccupations démoniaques. Les sages sont lucides et consacrent inlassablement leurs efforts à soutenir l’humanité grâce à la loi dynamique de Karma, qui permet à chaque homme de changer sa nature démoniaque et à progresser spirituellement.
Chapitre 17 : Dans la suite de ce qui précède, Krishna souligne l’importance de la foi dans la transformation intérieure de l’homme. Selon sa vision, l’homme l’utilise dans la poursuite de son objectif. Dans son essence, la foi est une énergie de l’âme, dont la noblesse doit être restituée dans tous nos actes de la vie (sous les termes sacrifices, aumônes, austérités). L’attitude intérieure qualifie cette foi : aussi le sage aspire à l’immortalité, dans le désintéressement, agit avec générosité et altruisme quand c’est nécessaire.
Chapitre 18 : Dans la récapitulation, Krishna confie la doctrine de l’immortalité, le pouvoir magique dans le cœur (spirituel) de chaque être que chacun peut découvrir en pratiquant le yoga royal. Que chacun prenne refuge dans ce tabernacle pour être délivré de l’illusion et réaliser sa divinité. Et le narrateur, Sanjaya, conclut « tous ceux qui étudient ces paroles de sagesse trouveront avec certitude, la fortune, la victoire, l’opulence et l’action sage. » (Verset 78).
ARTICLES ET DOCUMENTS
Il est proposé à la lecture (pour en savoir plus) :
- Note : « La Bhagavad-Gîtâ ou chant céleste - Sélection de versets ».
- La Bhagavad-Gîtâ, W.Q. Judge. Télécharger l'ouvrge en PDF
- Notes sur la Bhagavad-Gîtâ, de W.Q. Judge et R. Crosbie. Télécharger l'ouvrge en PDF
- The Doctrine of the Bhagavad-Gita, by Bhavani Shankar (ed. Concord Grove Press).
MÉDIATHÈQUE
Il est proposé :
Vidéo : « L’ésotérisme universel de la Bhagavad Gîtâ ».
Audio : « La Bhagavad-Gîtâ un Évangile pour l'homme moderne ».
Audio : « Le message actuel de la Bhagavad-Gîtâ à l'Occident ».