Instinct et Intuition

Instinct et Intuition

05 Juil, 2019

L'instinct est une perception directe de ce qui est convenable, dans un domaine donné. L'intuition est la connaissance directe de la vérité en toute chose. La raison est en quelque sorte l'équilibre entre instinct et intuition. Les animaux ont un sûr instinct en ce qui concerne leur nourriture, ou ce qui est dangereux pour eux, car leur instinct résulte de l'expérience ; mais ils ne raisonnent pas en exerçant leur instinct, ils le ressentent. Nous appliquons la raison à la fois à nos instincts (car nous en avons) et à nos intuitions et, généralement, nous nous mettons en mauvaise posture, en raisonnant sur des prémisses de réflexion erronées. Nous utilisons la raison comme un instrument mais, si nous partons sur de fausses bases, nous aboutissons forcément à de fausses conclusions, aussi irréprochable que puisse être notre raisonnement. En bonne logique, nous ne pouvons parvenir à des conclusions correctes qu'en partant de prémisses éternelles : il n'y a pas d'autre moyen de pouvoir jamais déterminer le vrai dans nos façons de voir les choses.

Pour essayer de comprendre l'instinct et l'intuition, il nous faut donc nous assurer de leur véritable fondement. Leur existence doit certainement renfermer une signification et une cause profondes. En observant le règne animal, et en voyant ses actions qui s'y déploient pour assurer le bien-être des diverses espèces animales, nous attribuons toutes ces actions à l'instinct sans nous rendre compte le moins du monde que cet instinct a dû être produit par quelque chose. Il n'a pu apparaître de lui-même. Il doit s'agir d'une « production », comme toutes choses, dans cet univers ou dans un autre, sont des productions. L'ancienne Religion-­Sagesse affirme qu'à la racine de tout être, quel que soit son niveau, sa forme et son espèce, il n'y a qu'une seule réalité ­l'Esprit et l'Esprit seul. De lui proviennent toutes les productions ; de lui toutes les évolutions se sont déployées. L'Esprit est identique en tous ; ce qui est acquis diffère selon le degré d'avancement de l'individu ou de l'être, car les évolutions procèdent sur des lignes individuelles. Tous les êtres sont de même nature, mais comme leur pensée, leur idéal et leurs actions diffèrent, nous pouvons trouver, dans le grand univers qui est le nôtre, de nombreuses formes d'intelligences, évoluées à partir de la grande Racine de toute évolution, l'Esprit présent en chaque être.

Tous les êtres inférieurs à l'homme sont le produit d'évolutions ayant chacune leur niveau propre. Même dans le règne minéral, on trouve la forme, qu'il s'agisse d'un cristal ou d'un atome ; il y a là quelque chose de spirituel qui dispose d'une nature psychique, et qui s'exprime en fonction de sa propre nature acquise. Les cristaux ont leurs propres sympathies et antipathies, leurs propres attractions et répulsions. Ces dernières sont-elles mécaniques ? Pas le moins du monde. On a ici un instinct inhérent - faculté infaillible qui n'est autre que cette étincelle du divin couvant dans toute particule de matière inorganique. Si le règne minéral n'avait pas d'intelligence psychique, l'homme ne pourrait jamais l'utiliser. Il en va de même pour les règnes végétal et animal qui, dans une certaine mesure, ajoutent chacun quelque chose à la simple intelligence psychique du règne minéral. Puis nous voyons qu'à son stade l'homme possède la faculté de transcender ses conditions d'existence, de prendre ses distances par rapport à elles et de les considérer en se posant comme une entité soi-consciente distincte d'elles et d'une nature entièrement différente. Ce qui n'est qu'une étincelle de divinité dans les règnes inférieurs devient flamme chez les êtres supérieurs.

Il y a sept stades distincts qu'empruntent toutes les formes pour se manifester, en allant de la matière nébulaire jusqu'à nos formations concrètes actuelles. L'existence conditionnée est produite par diverses formes de vies dans chaque état de matière - par divers types d'intelligences acquises - mais l'homme a eu un grand rôle dans la détermination des processus, des niveaux de descente à entreprendre, et ce fut en fonction de sa connaissance, et des processus qu'il avait instaurés, que se développèrent les états ou conditions des règnes qui lui sont inférieurs. En effet, l'Homme était un être soi-conscient dès le commencement de cette terre. Il se trouve à mi-chemin entre l'esprit et ce que nous appelons la matière ; il est la plaque tournante de l'évolution qui dépend de lui pour l'avenir. Il possède à la fois l'instinct et l'intuition. Chaque cellule de notre corps est instinctivement mue par nous. Que nous en soyons conscients ou non, c'est cet instinct qui les fait évoluer. Les vies dans notre corps ont subi un entraînement, incarnation après incarnation, jusqu'à ce que leur activité devienne automatique et réflexe. Les cellules des divers organes ont leurs impulsions propres. Elles extraient de la nourriture tout ce dont elles ont besoin pour former le sang, les os, les divers tissus et le cerveau, lequel, lui aussi, est constitué de la nourriture que nous absorbons, et subit de continuelles transformations, comme toute autre partie du corps, qui est en constante dissociation. L'Homme Véritable n'est pas son corps, ni son cerveau, et c'est de Lui que relève l'intuition.

L'un et l'autre, l'instinct et l'intuition, ont été acquis uniquement par l'observation et l'expérience. Tout instinct des animaux est, dans chaque espèce particulière, un gain obtenu au fil de la croissance de son intelligence et de l'évolution de ses formes corporelles. De même, l'intuition de l'homme porte en elle toute la connaissance inhérente à sa vraie nature. L'homme a vécu d'autres existences avant celle-­ci, et cela de nombreuses fois - et même sur une planète que nous avons habitée avant l'apparition de cette terre, ou, pour mieux dire, avant que nous ayons fait nos débuts avec cette terre. Ces très nombreuses expériences, acquises au cours de vies innombrables, sont encore présentes en nous. Nous ne les avons jamais perdues. Elles résident toujours dans notre être le plus intime, et y sont potentiellement actives - dans cette nature réelle qui est nôtre et à laquelle nous accédons toutes les vingt-quatre heures, quand le corps est endormi et que nous avons dépassé le stade du rêve. Là se trouve l'intuition, le produit intégral de toutes nos expériences passées. Parfois, quelque chose en surgit en nous faisant soupçonner ce que peut être notre nature véritable. La voix de notre conscience exprime le point de vue de cette vraie nature sur l'action que nous projetons. Certaines personnes, en entendant cette « voix du silence », pensent que c'est Dieu qui leur parle, ou qu'un être extérieur à elles fait pression sur elles. Mais en fait, elle vient de leur propre nature intérieure : elle résulte de l'accumulation de toute la Sagesse passée, et en exprime quelque chose. C'est ainsi « la voix » de leur nature spirituelle qui s'est fait entendre.

Le canal par lequel peut passer l'intuition est à même d'être dégagé par chacun de nous, sans restriction. De quelle manière ? En désirant perpétuer la personnalité ? Aucunement, ni dans ce monde, ni dans aucun autre. Il doit y avoir reconnaissance de ce qu'est, en réalité, notre personnalité. Elle n'est pas le corps, mais les idées adoptées. Les idées font d'un corps un véhicule adapté à elles ; elles contrôlent son action. Notre personnalité est constituée par nos pensées, nos préférences et aversions, nos attirances et répulsions, nos petites exigences, qui viennent renforcer en nous la notion que tout existe pour nous. Cela ne constitue pas l 'Homme Réel. La personnalité ne peut être conservée sans changement ; quelles que soient nos conceptions actuelles, elles diffèrent de celles que nous avons eues dans le passé ; et cependant, nous avons agi autrefois (comme nous le faisons aujourd'hui) d'après les idées que nous avions alors. Dans l'avenir, nous aurons encore d'autres conceptions, et agirons en fonction d'elles. C'est notre façon de penser qui limite nos actes. Il convient donc de nous rendre compte que nous sommes de véritables êtres spirituels à l'intérieur, et que c'est seulement l'élément extérieur ­notre personnalité - qui a besoin d'être purifié. Cette purification ne peut avoir lieu qu'en agissant pour et comme le Soi Un. Alors, nous exprimerons clairement notre nature intérieure dans ce monde de choses matérielles ; alors, nous saurons ce que certains ne font que soupçonner, car l'intuition [spirituelle] est la perception directe de la vérité.

Le Message de la Théosophie nous a été donné afin que nous puissions accéder à cette partie de notre nature qui connaît, qui enregistre et qui sait. Ce n'est pas une tâche impossible car nous ne sommes pas de pauvres misérables pécheurs, et certains y sont même déjà parvenus. Ils ont parcouru ce chemin et l'ont éprouvé par eux-mêmes, car c'est la seule vraie voie pour quiconque. Ils ont absolument vérifié que cette connaissance intérieure, ou intuition, peut être retrouvée. Ils savent que nos idées, nos pensées, nos modes de réflexion, notre connaissance limitée de notre nature, sont des obstacles pour nous ; ils savent que ni le corps, ni aucun environnement ne peut être nuisible, mais qu'au contraire toute circonstance offre une opportunité - et que plus importants sont les obstacles, plus défavorables les circonstances, plus grande aussi est cette opportunité. Si nous pouvions simplement être assez sages, si nous pouvions ouvrir les yeux suffisamment pour voir, nous serions en mesure d'apprendre quelque chose des divers instincts qu'on observe dans les règnes qui nous sont inférieurs. Tous ces êtres avancent par l'instinct sur ce long, très long chemin conduisant au niveau que nous occupons actuellement. Si nous faisons preuve de sagesse, nous progresserons aussi, par l'intuition [spirituelle], sur l'ancien petit Sentier qui franchit de grandes distances, et qu'ont parcouru tous les Prédécesseurs, de tous les temps. Tous les Êtres qui ont fait leur apparition dans le monde comme nos Frères Aînés dans les civilisations passées - toutes les Incarnations divines - ont atteint le stade vers lequel nous nous acheminons aujourd'hui, consciemment ou non.

Nous intuition n’est pas endormie, comme nous le supposons. Elle rayonne en nous en permanence. Si seulement nous nous débarrassions des fausses conceptions qui nous aveuglent aujourd’hui, ceux d’entre nous qui opèrent de ce côté du sombre voile pourraient l’écarter et laisser transparaître cette lumière.

Robert Crosbie

Traduit du Friendly Philosopher, pp. 263-267 (Ed. Theosophy Company – USA) - © Textes Théosophiques, Cahier Théosophique n°183.

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