Du meurtre des animaux

Du meurtre des animaux

12 Oct, 2018

Cet article fut publié pour la première fois par W.Q. Judge dans le Path de mars 1892, sous le titre “About Killing Animals”. Traduit dans la revue Théosophie, Volume 5, N°6.


Un correspondant demande : « Voudriez-vous avoir l’obligeance de m’expliquer pourquoi, si vous trouvez mal de tuer un insecte nuisible, il est juste d’abattre de plus gros animaux pour se nourrir ? »

Je ne me souviens pas d’avoir dit qu’il était mal de tuer un insecte nuisible ; aussi on ne peut donc pas tirer de conclusion d’après cela concernant le fait de se nourrir de chair animale.

Les questions de bien et de mal sont plus ou moins confuses sur ce sujet. Si l’on dit qu’il est moralement mal de tuer un insecte, il s’ensuit qu’il est mal de vivre, puisque dans l’air que nous respirons et l’eau que nous buvons, il y a des millions d’animaux plus compliqués comme structure que certains insectes. Bien qu’on les appelle infusoires et animalcules, ce sont néanmoins des êtres vivants et mobiles. Nous les aspirons, et à l’instant même, ils sont détruits jusqu’au dernier. Cesserons-nous de vivre pour cela ? Toute la vie est un combat, une destruction et un compromis, tant que nous restons sur le plan matériel. En tant qu’êtres humains, nous devons continuer à vivre, tandis que dans notre sentier de destruction des millions d’êtres sont mis à mort continuellement. Même en vivant et en gagnant notre vie, chacun d’entre nous empêche quelqu’un d’autre de faire de même, qui, si nous étions morts pourrait prendre notre place. Mais si nous abandonnions le combat – en fussions-nous capables – les buts de l’évolution ne pourraient être atteints. Nous devons donc rester et endurer ce que Karma nous réserve du fait des morts nécessaires que nous occasionnons.

La vraie attitude me paraît donc être la suivante : admettre que dans certaines circonstances, à certains stades d’évolution, nous ne pouvons-nous empêcher de faire un certain tort aux autres. Ainsi, pendant que nous vivons, nous devons manger, certains de la viande et d’autres des légumes. Aucun des deux n’a entièrement raison, ni complètement tort. Cela devient une faute lorsque délibérément, sans besoin réel, nous détruisons des vies d’animaux ou d’insectes. Ainsi, l’homme qui est né dans une famille où, depuis des générations on mange de la viande, et qui lui-même se nourrit de la chair d’animaux abattus, est moins coupable que la femme qui, bien que végétarienne, porte sur son chapeau des plumes d’oiseaux massacrés, car il n’était pas nécessaire à son existence de se couvrir de ces ornements. De même l’épicurien qui flatte son palais par de nombreux plats de viande inutiles à son alimentation, se trouve dans un cas identique à celui de la femme qui porte des plumes d’oiseaux. Et si nous considérons les souliers, les harnais, les brides, les portefeuilles et autres objets de cuir, fait de la peau d’animaux abattus, dirons-nous qu’il faille les supprimer ? Ceux qui s’en servent ont-ils tort ? Chacun doit répondre pour lui. Ou encore, si nous vivons près du pôle Nord, nous serions obligés de nous nourrir de viande et de graisse d’ours et de loups. L’homme comme tous les êtres matériels, vit au dépends d’autres êtres. Notre mort même est provoquée par la défaite d’une classe de microbes qui sont dévorés par d’autres, et qui, à leur tour, changent de camp, et finissent par s’entre-dévorer.

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