Réincarnation et sexe

Réincarnation et sexe

09 Juil, 2019

Question. — Trouve-t-on quelque indication dans les écrits de Madame Blavatsky ou dans ceux d'une autre personne supposée connaître la question, à savoir si l'Ego s'incarne alternativement dans les deux sexes ou bien toujours dans le même ?

Réponse. — Je ne me souviens pas avoir lu dans quelque écrit de H.P.B. quoi que ce soit à ce sujet. On ne pourra pas trouver davantage de déclaration relative à l'incarnation de l'Ego alternativement dans un corps d'homme ou de femme, autant que je m'en souvienne, dans les notes écrites sur divers sujets par les Adeptes qui envoyèrent H.P.B. dans le monde. On peut y trouver l'enseignement qu'à notre époque, dans notre évolution, les égos, maintenant dans des corps humains, ont passé par toutes sortes d'expériences et dans les deux sexes, mais on n'est pas fondé à en déduire, qu'en ce qui concerne le sexe, l'incarnation soit régulièrement alternée, pas plus qu'on est en droit d'en réfuter l'idée. Cet enseignement n'a tout simplement rien à voir avec ce problème.

Il semble que la question soit intéressante pour de nombreuses personnes, mais je dois avouer que je n'y attache absolument aucun intérêt. Ma prochaine naissance sera-t-elle dans un corps de femme ? Cela me laisse indifférent. Il s'est avéré qu'un égo a bien réussi dans le corps appelé H. P. Blavatsky ; et, qu'à l'opposé, un autre égo a réussi dans un corps d'homme appelé Sankarachariah, On dit, qu'en Inde, une certaine femme Maji est aussi un grand Yogi. Ainsi, comme je suis parfaitement impartial, on pourra en conclure que mes remarques ne sont colorées d'aucun parti-pris pour l'un ou l'autre sexe, alors que pour certains il est évident et souvent susceptible d'obscurcir la compréhension.

À vrai dire, je n'adhère pas à la thèse de l'alternance. Dès la première impression elle paraît trop toute faite. De plus, elle semble violer les conclusions naturelles à tirer de la vie humaine et du caractère humain, notre seul guide en la matière, du fait qu'elle suggère un directeur personnel en arrière-plan. Si nous admettons un Dieu anthropomorphe qui a établi une loi afin que tout ego ait tantôt une forme mâle, tantôt une forme femelle dans laquelle vivre, sans tenir compte des lois d'inclination, d'attraction et de répulsion, on pourrait à la rigueur soutenir l'idée que l'alternance régulière de sexe constitue la règle. Mais l'univers est gouverné par la loi et non par un caprice. Examinons donc pour l'instant un point ou deux.

Le Karma de vies passées détermine où, comment et quand nous naîtrons. Mais, dans le sujet de notre débat, une des ramifications de la loi de Karma qui aura davantage de rapport avec notre sujet est celle de l'inclination. En d'autres termes, l'inclination établie dans une vie antérieure déterminera l'inclination vers une naissance suivante dans une famille particulière. Et il nous faut aussi considérer la question de caractère essentiellement masculin ou féminin et non simplement en tant qu'apparence ou fonction. Si nous découvrons ce qu'est la particularité essentiellement distinctive du caractère féminin comme opposée par comparaison au caractère masculin, alors pourrons-nous sans doute arriver à une conclusion vraisemblable, bien que, comme je l'ai déjà dit, ce soit sans intérêt et inutile de toute manière.

Maintenant, dans les limites de ma compréhension, le caractère féminin per se est concret, c'est-à-dire, que son inclination en pensée, en parole et en action, vise au concret ; tandis que le caractère masculin me semble per se l'opposé. Les Kabalistes et les anciens de tous les pays ne peuvent faire autorité pour mes lecteurs mais ils soutiennent ce point de vue. Et l'existence d'exceptions dans les deux sexes ne contredit pas cette opinion mais va plutôt dans le même sens, puisque nous disons aussi bien d'une femme qu'elle a un caractère d'homme, que d'un homme qu'il a un caractère de femme. La différence ne fut pas inventée par des hommes tyranniques mais semble réellement exister racialement. En effet, où que vous alliez ou quel que soit le degré de civilisation ou de barbarie moderne ou ancienne des exemples que vous citez, ils montrent toujours les mêmes dilïérences et des caractéristiques identiques.

Soit que vous admettiez ou repoussiez la description spécifique d'état concret ou d'état abstrait, il n'en reste pas moins vrai que le caractère essentiel de la femme, quelle que soit sa marque distinctive, est totalement différent du caractère essentiellement masculin.

Supposant que l'Ego (A) ait évolué le caractère féminin avec un mal infini et pendant de nombreuses vies, est-il vraisemblable que cette inclination puisse s'épuiser tout d'un coup ? Ou, si elle a été fixée par une vie, est-il vraisemblable qu'elle s'épuise à la mort et qu'elle permette l'incarnation suivante dans le sexe opposé ? Je ne le crois pas. Il pourrait arriver que l'Ego puisse avoir été homme dans une vie antérieure et s'incarner ensuite comme femme, mais cela signifierait qu'il avait généré une inclination vers le caractère essentiel féminin, à mon avis, un état concret de pensée, dans le tréfonds de sa nature, ou bien encore pour une autre des nombreuses raisons possibles. Il n'est pas sage d'établir de telles règles de fer, inflexibles. La nature n'œuvre pas ainsi. Elle est toujours prête à briser quelque règle que, dans notre folie, nous pensions être de durée éternelle. Voici ma conclusion : l'Ego continuera en tant que femme ou homme, exactement aussi longtemps que sa nature la plus profonde est de la même trempe, du même moule et de la même inclination que le sexe particulier dans lequel il s'incarne en général. Selon mon modeste jugement, la théorie d'alternance régulière est totalement sans fondement. Mais après tout, aucun de nous ne peut décider de la question. Les Apôtres chrétiens ont décrété qu'une incarnation comme femme est plus bas dans l'échelle des valeurs qu'une incarnation comme homme lorsqu'ils dirent que les femmes sont sauvées uniquement par le mariage, mais même certains théosophes chrétiens peuvent, en ceci, ne pas admettre ce que disent les Apôtres.

W. Q. Judge.

Article paru dans The Theosophical Forum, juin 1892. © Textes Théosophiques, Cahier Théosophique n°96.

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