L'Étudiant— Vous avez parlé de mantrams qui nous permettent de contrôler les élémentaux gardiens des trésors cachés. Qu'est-ce qu'un mantram ?

Le Sage — Un mantram est un ensemble de mots qui, prononcés en paroles, provoquent certaines vibrations non seulement - dans l'air mais aussi dans l'éther plus subtil et produisent de cette façon certains effets.

L'Étudiant — Prend-on ces mots au hasard ?

Le Sage — Ils ne sont pris au hasard que par ceux qui, ne connaissant rien des mantrams, les utilisent quand même.

L'Étudiant— Peut-on donc les utiliser selon des règles et également d'une façon anarchique ? Se peut-il que des gens qui ne connaissent absolument rien de leur existence ou de leur champ d'action puissent malgré tout en faire usage ? Ou bien est-ce comparable à la digestion dont tant de personnes ignorent pratiquement tout, bien qu'en fait elles dépendent de son bon fonctionnement pour leur existence ? Je fais appel à votre indulgence car je ne sais rien du tout sur ce sujet.

Le Sage — Dans presque tous les pays les " gens du commun " les utilisent constamment mais, même dans ce cas, le principe fondamental reste le même que dans l'autre cas. Dans les pays seuls où les traditions populaires n'ont pas encore eu le temps de s'établir les gens ne disposent pas d'autant de mantrams que dans les pays anciens comme l'Inde ou que dans certaines régions de l'Europe habitées depuis longtemps. Quoi qu'il en soit, dans tous les pays, ce sont les aborigènes qui les possèdent.

L'Étudiant— Voulez-vous suggérer par-là qu'actuellement des Européens s'en servent pour contrôler les élémentaux ?

Le Sage — Non. Mais je fais allusion aux effets des mantrams dans les relations habituelles entre les hommes. Cependant, bon nombre d'hommes, en Europe aussi bien qu'en Asie, peuvent exercer un pouvoir de commandement sur des animaux, mais il s'agit presque toujours de cas spéciaux. En Allemagne, en Australie, en Italie et en Irlande, bien des gens produisent des effets extraordinaires sur les chevaux, le bétail, et d'autres animaux de ce genre, par des sons spéciaux, prononcés d'une certaine façon. Dans ces exemples, le son émis est un mantram d'un seul vocable qui ne peut agir que sur l'animal particulier que l'utilisateur sait être soumis à ce mantram.

L'Étudiant— Est-ce que ces hommes connaissent les principes qui gouvernent ces choses ? Peuvent-ils les transmettre aux autres ?

Le Sage — Ce n'est pas le cas en général. Il s'agit d'un don découvert par soi-même ou hérité. Tout ce que ces hommes savent c'est qu'ils peuvent s'en servir efficacement comme un magnétiseur qui, tout en ignorant absolument le principe de son action, sait qu'il peut accomplir une certaine chose par une passe de la main. Ils sont aussi ignorants de ce qui est à la base de cet effet étrange que vos physiologistes modernes peuvent l'être de la fonction et de la cause d'une chose aussi courante que le bâillement.

L'Étudiant — A quel domaine peut-on rattacher cet exercice inconscient de pouvoir ?

Le Sage — A celui de la magie naturelle que la science matérialiste n'arrivera jamais à faire disparaître. C'est le point de contact avec la nature et avec ses lois que les masses ont toujours maintenu et ces masses, bien qu'elles représentent la majorité de la population, restent ignorées des « classes cultivées ». Vous découvrirez ainsi que ce n'est pas dans les salons de Londres, de Paris ou de New-York que l'on peut trouver des gens utilisant des mantrams, qu'ils soient authentiques ou non. Cette « Société », trop cultivée pour être naturelle, a adopté des méthodes de langage faites pour dissimuler et tromper, de telle sorte que les mantrams naturels ne peuvent être étudiés dans ce cadre.

Des mantrams naturels, isolés sont des mots simples comme « épouse ». Quand on le prononce, il fait venir à l'esprit tout ce qui s'y rattache. Prononcé dans une autre langue il correspondrait à la même idée fondamentale. Il en est de même avec des phrases plus longues, telles que bien des expressions de l'argot comme : « je voudrais bien voir la couleur de son argent ». II y a aussi des phrases applicables à certains individus et qui présupposent que l'on connaît le caractère de ceux auxquels on s'adresse. Quand elles sont prononcées une vibration particulière et durable se produit dans le mental de la personne affectée ; cette vibration l'incite à réaliser en acte l'idée impliquée ou à opérer un changement complet de vie, du fait de la justesse des idées suggérées et de l'antithèse mentale particulière induite chez l'auditeur. Dès que l'effet commence à se faire sentir, le mantram peut-être oublié puisque, dès lors, la loi de l'habitude domine dans le cerveau.

En outre, des groupes d'hommes sont influencés par des expressions possédant la qualité de mantrams. On peut l'observer au cours de grands troubles sociaux ou autres. La raison en est la même que précédemment. On évoque une idée dominante qui touche les besoins du peuple ou les abus qui l'oppriment ; le changement et l'alternance dans leur cerveau entre l'idée et la forme des mots se poursuivent jusqu'à l'accomplissement du résultat. Pour l'occultiste à la vue puissante, l'opération revient à faire résonner les mots associés à tout l'enchaînement des sentiments, des intérêts, des aspirations, etc., à un rythme croissant en rapidité et en amplitude, à mesure que le moment du changement et de la libération approche. Plus le nombre des personnes affectées par les idées est important, plus les conséquences seront considérables, profondes et étendues. On peut en trouver un bon exemple chez Lord Beaconsfield en Angleterre. Il s'y connaissait en matière de mantrams et inventa sans cesse des expressions du genre : « La Paix avec honneur », « une frontière scientifique », mais la mort l'empêcha d'ajouter sa dernière création « Impératrice des Indes », qui devait avoir une portée beaucoup plus étendue. Le Roi Henri d'Angleterre essaya également ce système sans savoir pourquoi quand il ajouta à ses titres celui de « Défenseur de la Foi ». Avec ces suggestions de nombreux exemples se présenteront à votre esprit.

L'Étudiant — Ces mantrams ne se rapportent qu'aux relations entre les êtres humains. Si j'en juge d'après ce que vous dites, ils n'affectent pas les élémentaux. Ils dépendent davantage des idées suggérées par les mots, que du son. N'ai-je pas raison en l'occurrence ? N'existe-t-il pas un domaine où certaines vocalisations produisent des effets dans l'Akasa, qui peuvent influencer les hommes, les animaux et les élémentaux sans que cela implique leur connaissance d'une langue ?

Le Sage — Vous avez raison. Nous avons seulement traité des mantrams naturels, employés inconsciemment. Les mantrams scientifiques appartiennent à la classe à laquelle vous venez de faire allusion. Il est peu probable qu'on les rencontre dans les langues occidentales modernes — en particulier dans le public anglophone qui change constamment son langage courant et y ajoute des mots nouveaux à tel point que l'Anglais actuel ne serait pas compris des prédécesseurs de Chaucer. C'est dans le sanskrit ancien et la langue qui l'a précédé que se trouvent cachés ces mantrams ainsi que les lois qui permettent leur utilisation et non dans les ressources d'aucune philologie moderne.

L'Étudiant— Pourtant, en supposant que quelqu'un acquière une connaissance donnée de certains mantrams anciens et corrects, pourrait-il affecter une personne parlant anglais et par l'emploi de vocables anglais.

Le Sage — II pourrait certainement le faire ; et tout adepte détient le pouvoir de traduire un mantram absolument authentique en n'importe quelle forme de langage, de telle sorte qu'une simple phrase ainsi prononcée par lui provoque un effet considérable sur la personne à qui elle est adressée, soit par écrit, soit de vive voix.

L'Étudiant — Ne pourrions-nous pas, pour ainsi dire, imiter de quelque façon les Adeptes sur ce plan ?

Le Sage — Oui, bien sûr. Vous devriez étudier des formes simples ayant la qualité de mantrams en vue d'atteindre le mental caché de tous ceux qui ont besoin d'aide spirituelle. De temps à autre, vous trouverez quelque expression qui possède une résonance dans le cerveau et qui finit par produire sur celui qui l'entend un résultat tel qu'il dirige son mental vers les choses spirituelles.

L'Étudiant — Je vous remercie pour votre enseignement.

Le Sage — Puisse le Brahmamantram vous guider vers la Vérité éternelle. OM.

W.Q. Judge

Cet article fut publié en anglais pour la première fois dans la revue The Path, d’août 1888. Il fait partie d’une série intitulée « Conversations sur l’occultisme ».

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