La promulgation de la Théosophie

La promulgation de la Théosophie

05 Avr, 2019

Certains parmi nous, ont trop prêté attention aux opinions des hommes de ce monde qui ont une réputation en science et en érudition. Leurs opinions sont de grande valeur dans leurs domaines respectifs, mais il n'est pas permis que les idées du monde rabaisse notre travail ou étouffent le désir de notre cœur. Ceux qui sont réputés ne régissent pas entièrement le progrès du genre humain.

La grande masse de l'humanité est faite de gens du commun, et c'est d'eux dont nous devons principalement nous occuper. Car notre message n'est pas seulement pour l'érudit et l'homme de science. Les érudits et les scientifiques sont eux-aussi influencés par les superstitions populaires. Et ces superstitions sont peut-être des moyens pour préserver en nous une vérité presque oubliée. En effet, si nous n'avions écouté que ce que nous avaient appris des livres, nous aurions depuis bien longtemps perdu tout contact avec notre vie réelle.

Si nous croyons à notre message et au but de la Société [Théosophique], nous ne devons jamais nous lasser de dire aux gens ce qu'ils peuvent comprendre. Et les riches aussi bien que les pauvres sont ceux à qui je m'adresse. Ils ont besoin de l'aide de la Théosophie, parce qu'ils s'aventurent très près des marécages du matérialisme. Ils doivent avoir accès à une véritable éthique, à une vraie philosophie. Parlez-leur de nos grandes doctrines de Karma et de Réincarnation. Parlez-en avec confiance, sans êtres affectés par les opinions des autres, et votre confiance engendrera la confiance de l'auditeur. La science et l'érudition exacte sont des facteurs de notre progrès, mais bien qu'ils soient importants, la masse des gens est toujours plus importante. Vous ne pouvez pas tout prouver scientifiquement. Mais si vous êtes convaincus, comme beaucoup d'entre nous le sont, que nous sommes des pèlerins immortels, disons-le aux autres. Disons leurs simplement et pratiquement comment ils ont été là auparavant incarnés dans d'autres corps, et comment ils seront là encore à souffrir ou profiter en conséquence de ce qu'ils ont pu décider dans une autre vie, et ils le croiront. Ils en viendront rapidement à admettre cela parce que ces lois sont des faits de la nature, des faits dans leur propre expérience intérieure. Si je devais ne parler qu'à des chercheurs, je ne pourrais effectuer aucun autre travail, alors que pendant ce temps mes autres camarades — ceux qui ne sont pas des érudits et qui sont la grande majorité — seraient privés de l'aide spirituelle qu'il est de mon devoir de leur donner.

Nous travaillons véritablement pour l'avenir, en posant la fondation pour l'avènement d'un jour meilleur à aujourd'hui. Nous sommes revenus tous ensemble pour faire ce travail, en saisissant toutes nos opportunités présentes. Nous devons agir aujourd'hui conformément à notre devoir présent, pour pouvoir être prêts pour le futur.

Notre devoir est de reconnaître la grande âme humaine avec laquelle nous devons agir et pour laquelle nous devons travailler. Son progrès, son expérience, sa vie intérieure, sont bien plus importants que notre civilisation tant vantée. Cette civilisation pourrait être facilement balayée, et qu'en resterait-il ? Votre pays pourrait être pris par les glaces en quelques semaines, si le Gulf Stream venait à être dévié de nos côtes. Les mines ont criblé votre pays, et un bon tremblement de terre pourrait facilement ébranler et engloutir sous la mer toutes vos gloires matérielles. Que resterait-il si ce n'est l'expérience humaine, l'expérience de l'âme ? En effet aucun cataclysme ne peut annihiler vos pensées ; elles vivent au-delà. Et ainsi tout le travail que vous effectuez pour la vie intérieure de l'homme ne peut subir de destruction, même si les archives, les livres et tous les travaux ingénieux faits sur le plan extérieur devaient êtres réduits à néant. Ainsi si vous croyez en cette noble doctrine de la réincarnation, n'ayez pas peur de la propager.

Mais ne vous limitez pas à l'intellect comme le font certains Théosophes. Les spéculations arides ou intéressantes sur tous les détails de la cosmogonie et de l'anthropologie ne sauveront pas le monde. Elles ne soignent ni de la peine, ni n'interpellent ceux qui sont pris entre les pierres de la meule du destin, sans savoir pourquoi il doit en être ainsi. Faites que votre connaissance intellectuelle de ces grands sujets, serve à toucher pratiquement les cœurs des hommes.

Notre dette vis-à-vis de la science est très grande. Elle a supprimé les obstacles et rendu possible la liberté de penser. La Science est notre alliée parce que sans son progrès, nous serions aujourd'hui soumis au bigot, et tous dans une même prison. Elle a combattu la domination et coupé les griffes des églises fanatiques. Et même des iconoclastes, comme Robert Ingersoll, qui violent souvent le sentiment et les idéaux de beaucoup d'honnêtes hommes, contribuent au progrès, en accomplissant l'œuvre de démolition qui doit précéder l'œuvre de reconstruction. C'est à nous de fournir la nouvelle structure, car les églises commencent à se rendre compte qu'elles doivent examiner les sujets qui étaient jusqu'à maintenant cachés. Un signe de cela fut observé lors d'un récent concile de l'Église Méthodiste en Amérique, où leurs plus brillantes lumières ont déclaré qu'elles devaient accepter l'évolution, sans quoi elles s'effondreraient. La seule église qui, jusqu'à présent, ne reconnait pas cela publiquement est la Catholique romaine. Elle est si maline que je ne serais pas étonné de l'entendre jeter publiquement son manteau sur toutes nos doctrines, et prétendre que ça a toujours été sa doctrine. Mais si elle prend cette mesure, elle lui sera la fatale. Aussi même cela doit nous laisser sans crainte.

Nous travaillons avec et pour la grande, invisible, mais réelle, Fraternité de l'Humanité. Et nos efforts, s'ils sont sincères, recevront l'aide de nos Frères qui sont devenus parfaits avant nous et sont toujours prêts à aider la famille humaine. Ainsi si nous sommes fermement attachés à cette croyance, nous ne pourrons jamais faillir.

J'ai entendu parler que de notre prétention à être non dogmatiques, ou que notre revendication à la liberté serait contraire à cette croyance [en les Maîtres]. Je ne partage pas cette opinion. Notre Société est, comme un corps, libre de tout sectarisme, et il devra toujours être ainsi. Et cela n'empêche pas l'inéluctable résultat d'un très grand nombre unis dans un même effort. Un grand nombre parmi nous sont parvenus in fine à la même croyance. Nous pouvons la proclamer haut, sans qu'aucun questionneur ne soit obligé d'y souscrire. Pour cela nous avons la garantie, non seulement de nos propres statuts, mais également de maintes déclarations d'H.P. Blavatsky. Si j'ai une croyance qui résous tous les problèmes qui nous chagrinent tellement, alors je l'exposerai à mon camarade qui a rejoint ces rangs. Si c'est faux, l'échange de pensées me corrigera ; si c'est vrai, la vérité devra en final prévaloir. En cela, la Fraternité signifie, la tolérance d'opinion, et l'absence de crainte à proclamer les croyances auxquelles vous tenez, et cette déclaration ne contredit aucunement la prétention au non sectarisme.

Cette Société est un petit germe d'un noyau d'une vraie Fraternité visible. Si nous travaillons convenablement le jour viendra où nous aurons atteint notre but et aurons formé ce noyau. Si nous avions cinq cents membres dans la Société s'appréciant les uns les autres de tout cœur, sans critique ni condamnation, et tous dévoués au même but et avec un même motif, alors nous pourrions couvrir le monde entier de nos pensées. Et c'est notre travail pour l'avenir, le travail tracé pour nous par ces Maîtres en qui beaucoup d'entre nous croient fermement.

Si seulement nous gardons patience, quelle perspective glorieuse, large, et noble s'ouvre à nous !

William Q. Judge

Article tiré de l'exposé de W.Q. Judge, donné en clôture de la convention de la Société Théosophique, à Londres, le 15 juillet 1892.

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