Sont-ils ce qu’ils prétendent être ? Des étudiants de la loi naturelle, de la philosophie ancienne et moderne, voire même de la science exacte ? Sont-ils déistes, athées, socialistes, matérialistes, ou idéalistes ? Ou ne forment-ils qu’un schisme dans le mouvement spirite moderne, et ne sont-ils rien d’autre que de simples visionnaires ? Sont-ils dignes de considération, comme étant capables de discuter philosophie, et de répandre la science véritable ; ou doit-on les traiter avec l’indulgence compatissante qu’on accorde aux « enthousiastes innocents » ? La Société Théosophique a été accusé indifféremment de croire aux « miracles » et d’en réaliser ; de poursuivre un but politique comme les Carbonari ; d’être un groupe d’espions au service d’un tsar autocratique ; de prêcher des doctrines socialistes et nihilistes, et, mirabile dictu, d’avoir des accointances cachées avec les jésuites français ; enfin, de démolir le spiritisme moderne, dans un but intéressé. Avec une égale virulence, les théosophes ont été qualifiés de rêveurs par les positivistes américains ; d’idolâtres par certains journaux de New-York ; de rénovateurs de « superstitions décadentes » par les spirites ; d’infidèles, émissaires de Satan par l’Église Chrétienne ; de véritables « gobe mouches » par le professeur W.B. Carpenter, membre de la Société Royale ; et finalement, ce qui est le plus absurde, certains adversaires hindous, dans le but de saper leur influence, les ont ouvertement accusés d’employer des démons pour accomplir certains phénomènes. De cet ensemble d’opinions, ressort un fait évident : la Société, ses membres, ses idées ont paru suffisamment importants pour qu’on les discute et qu’on les critique ; or, les hommes ne diffament que ceux qu’ils « haïssent ou craignent ».
Mais si la Société a rencontré des ennemis et des accusateurs, elle a eu également des amis et des défenseurs ; ayant débuté par un groupement d’une douzaine de personnes ardentes, le nombre de ses membres s’était accru, un mois plus tard, au point de nécessiter la location d’une salle publique de réunions ; au bout de deux ans, elle possédait des branches dans beaucoup de pays européens. Plus tard encore, la Société s’allia à l’Arya Samaj hindou, présidé par le lettré pandit Dayanand Saraswati Swami, et aux Bouddhistes de Ceylan, sous la direction de l’érudit H. Sumangala, grand prêtre d’Adams Peak, et président du Collège de Widyodaya, à Colombo.
Celui qui désire sérieusement approfondir les sciences psychologiques doit aller au pays sacré de l’ancienne Aryâvârta. Nulle autre contrée ne possède la sagesse ésotérique depuis une aussi grande antiquité, toute tombée que soi son ombre : l’Inde moderne. Considérant ce pays comme la serre chaude d’où ont émané tous les systèmes philosophiques ultérieurs, quelques membres de notre Société s’en sont allés vers la source de toute psychologie et de toute philosophie, pour y étudier sa sagesse antique, et apprendre d’elle ses secrets étranges. La philologie a fait trop de progrès pour exiger encore de nos jours la démonstration d’une unité primitive de nationalité chez les Aryens. L’hypothèse non prouvée et tendancieuse de la chronologie moderne n’est pas digne d’un moment d’attention, et elle disparaîtra avec le temps, comme tant d’autres hypothèses non prouvées. La filière de l’hérédité philosophique depuis Kapila, en passant par Épicure, jusqu’à James Mill, de Patanjali à Plotin, jusqu’à Jacob Böhme, peut être suivie, comme le cours d’une rivière dans la campagne. Un des buts de la Société consistait à examiner les conceptions par trop transcendantes des spirites, concernant les pouvoirs des Ésprits désincarnés ; et leur ayant dit ce que, à notre avis du moins, beaucoup de leurs phénomènes n’étaient point, il nous incombait de démontrer ce qu’ils étaient. Il est si bien admis que c’est en Orient, et surtout aux Indes, que la clef des phénomènes soi-disant « surnaturels » du spiritisme, doit être cherchée, que le « Pioneer » d’Allahabad (N° du 11 août 1879) vient d’en convenir récemment, et l’on sait bien que ce quotidien Anglo-Hindou a la prétention de ne rien affirmer qu’à bon escient. Blâmant les hommes de science qui, « concentrés sur les découvertes physiques depuis plusieurs générations, ont été par trop portés à négliger les investigations hyperphysiques », ce journal signale « la nouvelle vague de doute » (le spiritisme), qui a « depuis peu troublé leur conviction ». Pour beaucoup de personnes, y compris des gens d’intelligence et de haute culture, ajoute-t-il, « le surnaturel s’est affirmé une fois de plus comme un sujet digne d’étude et de recherche. Et il existe des hypothèses plausibles en faveur de l’idée que c’est parmi les sages de l’Orient…que l’on rencontre, à un plus haut degré que chez les peuples modernisés de l’Occident, les caractéristiques requises comme conditions spéciales à la production de phénomènes surnaturels ». Puis, ignorant qu’il plaide la cause d’un des buts et objets principaux de notre Société, l’éditeur remarque que c’est « la seule direction dans laquelle il nous semble que les efforts des théosophes hindous puissent être utilement dirigés. Les membres éminents de la Société Théosophique aux Indes, sont connus comme des étudiants très avancés en phénomènes occultes, et nous ne pouvons qu’espérer que l’intérêt qu’ils témoignent à la philosophie orientale…cache une intention secrète de poursuivre des investigations de l’ordre que nous avons signalé. »
Ainsi que nous le faisions remarquer, c’est là un de nos buts ; mais il y en a beaucoup d’autres, et le plus important consiste à faire revivre l’œuvre d’Ammonius Saccas, et à rappeler aux diverses nations qu’elles sont les enfants « d’une seule mère ». Quant au côté transcendantal de l’ancienne Théosophie, il est grand temps que la Société Théosophique s’explique à son sujet. Jusqu’à quel point la Société admet-elle la science de la recherche de Dieu et de l’investigation de la nature qui nous revient des anciens Aryens et des mystiques grecs, ainsi que la réalité des pouvoirs médiumniques du spiritisme moderne ? Nous répondons : « complètement ». Mais si l’on nous demande quelle est sa croyance, nous dirons : « en tant qu’organisme, elle n’en a aucune ». La Société n’a pas de dogmes, car les dogmes ne sont que les coques entourant la connaissance spirituelle, et la Théosophie a pour fruit la connaissance spirituelle, la pure essence de la recherche philosophique et divine. Comme représentant visible de la Théosophie universelle, la Société ne peut pas être plus sectaire qu’une Société Géographique qui se doit de signaler toute exploration géographique, sans s’inquiéter de la croyance des explorateurs qui l’accomplissent. La religion de la Société est une équation algébrique, dans laquelle chaque membre peut, à volonté, substituer une valeur qui correspond mieux aux exigences climatériques ou autres de son pays, aux caractéristiques de sa race, ou même aux siennes propres, pourvu qu’il n’omette pas le signe = de l’égalité. N’ayant aucune croyance acceptée, notre Société est toujours prête à donner et à recevoir, à apprendre et à enseigner par l’expérimentation pratique, au lieu de se contenter d’admettre passivement et avec crédulité des dogmes imposés. Elle admet volontiers les résultats auxquels sont arrivées les écoles et les systèmes précités, à condition que ces résultats puissent être démontrés par la logique et l’expérience. Mais, d’autres part, elle n’accepte rien sur simple ouï-dire, quelle que soit la provenance de l’information.
Mais, si nous envisageons les membres de la Société pris individuellement, la question est toute différente. Les nationalités et les races les plus différentes y sont représentées, et ses membres furent élevés dans les croyances les plus dissemblables, et les conditions sociales les plus variées. Certains croient en une chose ; les autres en une autre. Certains penchent vers l’ancienne Magie, ou la sagesse sacrée qui était enseignée dans les sanctuaires, et qui tout l’opposé du surnaturel et du diabolique ; d’autres croient au spiritisme moderne, ou commerce avec les esprits des morts ; d’autres encore, au mesmérisme ou magnétisme animal, simple force dynamique occulte de la nature. Un certain nombre de membres n’ont pas encore acquis une croyance bien définie, et se tiennent dans l’attente ; et il en est même qui s’intitulent matérialistes, en un certain sens. Mais il n’existe pas d’athées, ni de sectaire religieux dans la Société, car le simple fait de s’y affilier prouve qu’on cherche la vérité finale, concernant l’essence ultime des choses. S’il pouvait exister un athée spéculatif, ce que les philosophes nieront, il devrait rejeter à la fois, la cause et l’effet, que ce soit dans notre monde de matière, ou dans celui de l’esprit. Certains membres ont pu, comme le poète Shelley, donner libre cours à leur imagination, allant de cause en cause, ad inifinitum, au fur et à mesure que chacune se transformait logiquement en un résultat nécessitant une cause antérieure, jusqu’à ce qu’ils aient réduit l’Eternel à un simple mirage. Mais ceux-là même ne sont pas athées, au sens théorique du mot, qu’ils identifient ou non les fonctions que les théistes attribuent à leur Dieu avec les forces matérielles de l’univers ; car, dès qu’ils s’unissent à l’idéal abstrait de pouvoir, de cause, de nécessité et d’effet, ils ne peuvent plus être considérés comme athées que par rapport à un Dieu personnel, et non en ce qui concerne l’âme Universelle du panthéisme. D’autre part, le bigot sectaire, enfermé dans ses dogmes étroits et sans issue, ne peut sortir de son enceinte, pour entrer dans la Société Théosophique, qui, de son côté, ne peut d’ailleurs accueillir ceux dont la Religion défend le libre examen. L’idée fondamentale de la Société est la recherche libre et hardie.
La Société Théosophique, en tant qu’organisme, enseigne que tout penseur original, que tout investigateur du côté caché de la nature, qu’il soit matérialiste, c'est-à-dire, qu’il voie dans la matière « la promesse latente de toute vie terrestre » ; ou spiritualiste, c'est-à-dire qu’il reconnaisse dans l’esprit la source de toute énergie, comme aussi de toute matière, a été de tout temps, et est à proprement parler en Théosophe. Car, pour être Théosophe, il ne faut pas nécessairement reconnaître l’existence d’un Dieu, ou d’une divinité spéciale. Il suffit d’adorer l’esprit de la nature vivante, et d’essayer de s’identifier à lui ; il suffit de révérer cette Présence, cette Cause qui, invisible, se manifeste dans ses effets incessants, le Protée intangible, omnipotent et omniprésent, indivisible dans son essence, échappant à toute forme, et se manifestant cependant sous chaque forme existante, qui est partout et nulle part, qui est le Tout et qui n’est rien, qui possède le don d’ubiquité, et reste cependant Une, cette Essence remplissant, unissant, limitant, contenant tout, et contenue en tout. On verra par là, pensons-nous, que de tels êtres, qu’on les considère comme des Théistes, des Panthéistes ou des Athées, sont étroitement liés au reste de l’humanité. Quelle que soit sa croyance, dès qu’un étudiant abandonne le vieux chemin battu de la routine et s’engage sur le sentier solitaire de la pensée indépendante, vers Dieu, il devient un Théosophe, un penseur original, un chercheur de la vérité éternelle, possédant une « inspiration personnelle » pour résoudre les problèmes universels.
La Théosophie est l’alliée de tout homme qui cherche sérieusement, par une voie qui lui est propre, la connaissance du Principe Divin, des rapports de l'homme avec lui, et de ses manifestations dans la nature. Elle est aussi l'alliée de la science honnête, qu'il importe de distinguer de ce qui passe pour la science physique exacte, aussi longtemps que cette dernière n'empiète pas sur les domaines de la psychologie et de la métaphysique.
Et elle est encore l'alliée de toute religion honnête, c'est-à-dire de toute religion qui accepte d'être jugée selon les mêmes critériums que ceux qu'elle applique aux autres. La Théosophie considère que les livres qui contiennent la vérité évidente par elle-même, sont inspirés, mais non pas révélés. Elle envisage tous les livres comme inférieurs au livre de la nature, par suite de l'élément humain qu'ils contiennent. Pour arriver à lire le livre de la nature, et pour le comprendre correctement, les pouvoirs innés de l'âme doivent être hautement développés. Les lois idéales ne peuvent être perçues que par la faculté intuitive; elles dépassent le domaine de l'argumentation et de la dialectique, et nul ne peut les comprendre ou les apprécier exactement par les explications d'une autre intelligence, alors même que cette intelligence prétendrait avoir été instruite par une révélation directe. Et comme notre Société, tout en ouvrant les horizons les plus vastes dans le domaine du pur idéalisme, est fondée sur une base solide dans le monde des faits, son respect pour la science moderne et pour ses représentants sincères n'a rien d'affecté. Le monde doit une immense somme de reconnaissance aux représentants de la science physique moderne, en dépit du manque d'inspiration spirituelle supérieure chez ces derniers. C'est pourquoi, la Société Théosophique applaudit à la protestation noble et indignée de ce prédicateur de talent : le révérend O. B. Frothingham, contre ceux qui essaient de sous-évaluer les services de nos grands naturalistes. « Comment peut-on dire que la science est irréligieuse et athée ? », s'écria-t-il dans une de ses conférences récentes, donnée à New-York, « la science est occupée à créer une nouvelle idée de Dieu. C'est à la science que nous devons d'être arrivés malgré tout à une certaine conception d'un Dieu vivant. Et si nous ne tombons pas dans l'athéisme, l'un de ces jours, sous l'effet affolant du protestantisme, c'est encore à la science que nous en serons redevables, car c'est elle qui nous libère des illusions horribles qui nous tracassent et nous embarrassent, en nous mettant sur la voie du raisonnement, au sujet des choses visibles qui nous entourent... »
Et c'est aussi grâce aux efforts inlassables d'orientalistes comme sir W. Jones, Max Muller, Burnouf, Colebrooke, Haug, Saint-Hilaire et tant d'autres, que la Société, en tant qu'organisme, éprouve du respect et de la vénération pour les cultes Védiques, Bouddhiste, Zoroastrien, ou d'autres religions anciennes du monde, et témoigne d'un sentiment tout aussi fraternel envers ses membres Hindous, Cinghalais, Parsis, Jains, Hébreux ou Chrétiens, considérés comme étudiants individuels du « Soi », de la nature, et du divin dans la nature.
Née dans les États-Unis d'Amérique, la Société fut constituée sur le modèle de sa mère-patrie. Cette dernière, omettant le nom de Dieu dans sa constitution, de peur qu'il ne devienne un jour, un prétexte à créer une religion d'État, accorde dans ses lois, une égalité absolue à toutes les religions. Toutes soutiennent l'État, et chacune à son tour, est protégée par lui. La Société, copiée sur cette constitution, pourrait être appelée avec raison, une « République des Consciences ».
Nous avons, pensons-nous, prouvé maintenant pourquoi nos membres, en tant qu'individus, sont libres de rester en dehors, ou au sein de n'importe quelle religion, pourvu qu'ils ne prétendent pas jouir seuls du privilège de la liberté de conscience, et n'essaient pas d'imposer leurs opinions aux autres. A cet égard, les règles de la Société sont très strictes. Elle tâche d'agir selon la sagesse du vieil axiome Bouddhiste : « Honore ta propre foi, et ne médis pas de celle des autres », axiome répété dans notre siècle par la « Déclaration de Principes », du Brahmo Samaj, qui stipule si noblement : « Aucune secte ne sera rabaissée, ridiculisée ou haïe ». Dans la section VI des statuts révisés de la Société Théosophique, adoptés récemment en conseil général à Bombay, nous trouvons l'article suivant :
« Il ne convient pas qu'un dirigeant de la Société mère exprime, en paroles ou en actes, une hostilité ou une préférence envers une section quelconque de la Société (division religieuse ou groupe dans la Société). Tous ces groupes doivent être considérés et traités comme également dignes des efforts de la sollicitude de la Société. Tous ont un droit égal de voir les traits essentiels de leur croyance religieuse, exposés devant le tribunal d'un monde impartial ».
Individuellement, les membres peuvent, quand ils sont attaqués, transgresser éventuellement ce règlement, mais comme dirigeants, ils n'en ont pas le droit, et cette règle doit être strictement observée durant les réunions. Car, au-dessus de toutes les sectes humaines, se tient la Théosophie, sous sa forme abstraite, la Théosophie trop vaste pour être contenue dans l'une d'entre elles, mais les contenant aisément toutes.
Pour conclure, nous pouvons dire que la Société Théosophique, beaucoup plus large et plus universelle dans ses vues que n'importe quelle société purement scientifique, a, en plus de la science, sa croyance dans la possibilité d’atteindre par une volonté persévérante à ces régions spirituelles inconnues, que la science exacte place en dehors du champ d’investigation de ses fidèles. Et elle possède une qualité que l’on ne rencontre dans aucune religion. C’est qu’elle ne fait pas de différence entre les gentils, les juifs ou les chrétiens. C’est dans cet esprit que la Société a été édifiée sur la base d’une Fraternité Universelle.
Ne se mêlant pas de politique, hostile aux rêves insensés du Socialisme et du Communisme qu’elle réprouve, car tous deux ne sont qu’une conspiration déguisée de la force brutale et de la paresse, liguées contre le travail honnête ; la Société ne s’intéresse que peu à l’organisation humaine extérieure du monde matériel. Toutes ses aspirations sont dirigées vers les vérités occultes des mondes invisibles aussi bien que visibles. Qu’importe que l’homme vive sous le régime d’une république ou d’un empire ; le corps physique seul en est affecté. Ce corps peut être enchaîné ; quant à son âme, l’homme a le droit de répondre à ses tyrans, ce que répondit fièrement Socrate à ses juges. Ils n’ont aucun pouvoir surl’homme « intérieur ».
Telle est donc la Société Théosophique, et tels sont ses principes, ses buts multiples est ses objets. Devons-nous nous étonner que le grand public ait eu à son sujet une quantité d’idées erronées et que l’ennemi ait eu beau jeu à la rabaisser dans l’opinion du profane ? Le véritable étudiant a toujours été un reclus, un être de silence et de méditation. Il a si peu de goûts et d’habitudes identiques à ceux du monde actif, que, tandis qu’il étudie, ses ennemis et ses calomniateurs peuvent l’attaquer sans être inquiétés. Mais le temps est le grand remède, et les mensonges sont éphémères. La Vérité seule est éternelle.
Nous parlerons plus tard de quelques membres de la Société qui ont accompli de grandes découvertes scientifiques, et de quelques autres à qui les psychologues et les biologistes doivent un nouvel aperçu des problèmes obscurs de l’homme intérieur. Notre but immédiat visait à prouver au lecteur que la Théosophie n’était, ni « une doctrine nouvellement inventée », ni une cabale politique, ni une des sociétés d’enthousiastes nés aujourd’hui pour mourir demain. La preuve que tous ses membres ne pensent pas de même, c’est que la Société s’est organisée en deux grandes divisions : Orientale et Occidentale, celle-ci se subdivisant à son tour en nombreuses sections, selon les races et les points de vues religieux. La pensée d’un seul homme, pour infiniment variés que soient ses manifestations, ne peut tout envisager. Le don d’ubiquité lui étant refusé, la pensée doit nécessairement se spécialiser dans une direction, et dès qu’elle a dépassé les limites de la science humaine exacte, elle peut qu’errer à l’aventure, car les ramifications de l’Unique Vérité Centrale et Absolue, sont infinies. C’est pourquoi nous voyons parfois les plus grands philosophes mêmes se perdre dans le labyrinthe des spéculations, et provoquer par-là la critique de la postérité.
Mais comme tous travaillent à un même but unique : la libération de la pensée humaine, l’élimination des superstitions et la découverte de la Vérité, tous sont également bien accueillis.
Il est généralement admis que ces buts ne peuvent être atteints qu’en convainquant la raison, en enflammant l’enthousiasme de la nouvelle génération de jeunes intelligences qui vont vers la maturité, et s’apprêtant à prendre la place de leurs parents, conservateurs aux idées préconçues. Et comme tous, les petits aussi bien que les grands, ont parcouru la route royale qui mène à la connaissance, nous prêtons attention à ce que tous ont à dire, et admettons les petits et les grands dans notre association. Car aucun chercheur honnête ne revient les mains vides, et celui-là même qui connut le moins la faveur du public, peut déposer son humble offrande sur l’autel unique de la vérité.
H.P. Blavatsky
Cet article fut écrit par H.P. Blavatsky pour éclairer et aider les théosophes des Indes en particulier, et tout étudiant en général. Il parut pour la première fois, dans le Vol., I., N° 1 de la revue anglaise The Theosophist (Octobre 1879), à un tournant important du mouvement. Cet article est paru en français dans la revue Théosophie, Vol. I, n°2.