1 - Généralités
Cette section est tirée de l’article de la revue Théosophie, IX, n°9, paru sous le titre « Le Lotus – Fleur de pouvoir ».
« La nature parle par symboles et par signes. » - Whittier.
L’étude du sens caché de toutes les religions et légendes païennes, de toutes les nations grandes ou petites, et en particulier des traditions de l’Orient, a occupé la plus grande partie de la vie de H.P. Blavatsky. Elle était de ceux qui sont convaincus qu’aucune histoire mythique, aucun événement traditionnel dans le folklore d’un peuple n’a jamais été une pure fiction, et que chacun de ces récits a une valeur historique réelle. Elle croyait que l’histoire spirituelle et ésotérique de chaque nation était contenue dans des symboles.
Une parabole est un symbole exprimé par des mots ; ce n’est ni une fiction ni une fable comme certains le croient. C’est, selon la philosophie ésotérique, une représentation allégorique des réalités de la vie, d’événements et de faits. Même les contes de fées n’appartiennent pas qu’aux enfants, et certains hommes, peu nombreux certes, ont compris leur sens caché et ont essayé de les expliquer. Horace dit, dans son Ars Poetica : « Les mythes ont été inventés par les sages pour faire comprendre les lois et enseigner des vérités morales ». Horace essaya de faire comprendre l’esprit et l’essence des anciens mythes. Plutarque, qui était initié aux mystères secrets de Dionysos, écrivait à un collègue au sujet de la mort : « Les symboles mystiques nous sont bien connus, à nous qui appartenons à la Fraternité ».
Blavatsky consacre un part importante de sa Doctrine Secrète à l’explication des symboles dont elle montre les degrés de profondeur. Un exemple important est celui du Lotus : le symbole de l’évolution et de la perfectibilité humaine dans leur aspect le plus élevé.
Mantram sacré associé au Lotus
Le Lotus Sacré représente le Saint des Saints, le Cœur de l’Homme. C’est vers cela que le Bouddhiste est invité à diriger son esprit, lorsqu’il répète « Aum Mani Padme Hum » – « Ô, le Joyau dans le Lotus ». Le véritable ésotérisme est celui qui pénètre au cœur même de la matière et qui regarde l’âme des choses, là où le profane ne voit que l’œuvre extérieure de la forme.
« Au Tibet, dans l’interprétation exotérique, Avalokiteswara, “le Seigneur qui regarde” est Padmapani (le porteur de lotus et celui qui est né du lotus), le premier ancêtre divin des Tibétains, l’incarnation ou l’Avatar d’Avalokiteswara ; mais dans la philosophie ésotérique Avaloki, celui “qui regarde”, est le Soi Supérieur, alors que Padmapani est l’Ego Supérieur ou le Manas [le Mental]. L’invocation mystique « Om mani padme hum » est spécialement utilisée pour invoquer l’aide conjointe des deux. […] L’interprétation ésotérique voit en Avalokiteswara, le Logos, à la fois céleste et humain […]. » ‒ Mot « Avalokiteswara » du Glossaire Théosophique.
2 - Le Lotus : citations pour l'étude et la méditation
Nous donnons, ci-après, pour l’étude et la méditation, quelques citations sur le symbole du Lotus dans les écrits d’H.P. Blavatsky :
Un symbole très ancien
« C'est du Padma-Yoni – « le sein du lotus » – de l'Espace absolu ou de l'Univers, hors du temps et de l'espace, qu'émane le cosmos conditionné et limité par le temps et l'espace. L’Hiranya Garbha, « l'œuf » (ou la matrice) d'or, d'où surgit Brahmâ est nommé souvent le lotus céleste. Le dieu Vishnou, la synthèse du Trimurti ou la trinité hindoue, flotte assoupi, pendant les « nuits de Brahmâ », sur les eaux primordiales, étendu sur une fleur de lotus. Sa déesse, la belle Lakshmi, surgissant comme la Vénus Aphrodite du sein des eaux, a, sous les pieds, un lotus blanc. C'est du barattage, par les dieux réunis, de l'Océan de lait – symbole de l'espace et de la voie lactée – que, formée de l'écume des ondes crémeuses, Lakshmi, la déesse de la beauté et la mère de l'amour (Kama), apparut devant les dieux émerveillés, portée par un lotus et tenant à la main un autre lotus. De là, les deux principaux titres de Lakshmi : padma, le lotus, et Kshirabdhi-tanayâ – la fille de l'Océan de lait. » – H.P. Blavatsky « La légende du Lotus bleu ».
« Il n’y a pas d’anciens symboles, sans une signification profonde et philosophique qui ne leur soit attachée ; leur importance et leur signification augmentent avec leur antiquité. Tel est le cas du LOTUS. C’est la fleur consacrée à la nature et ses Dieux et elle représente les Univers abstraits et concrets, étant l’emblème des pouvoirs générateurs de la nature spirituelle et de la nature physique. Depuis la plus haute antiquité, les Hindous aryens, les Égyptiens et, après eux les Bouddhistes, la considéraient comme sacrée. Elle fut vénérée en Chine et au Japon et adoptée comme emblème chrétien par les Églises grecque et latine qui en firent un messager, comme le font les Chrétiens maintenant en la remplaçant par le lys d’eau (1). Elle avait, et elle a encore, sa signification mystique, qui est la même pour chaque nation sur terre. » (Trad. The Secret Doctrine, vol. I, p. 379, éd. originale anglaise).
(1) Dans la religion chrétienne, dans toutes les représentations picturales de l’Annonciation, l’Archange Gabriel tiens dans sa main une gerbe de nénuphar [lys d’eau], quand il apparaît devant la Vierge Marie. Cette gerbe illustre parfaitement le feu et l’eau, ou l’idée de la création et de la génération, et symbolise précisément la même idée que le lotus dans la main du Bodhisattva qui annonce à Maha-Maya, la mère de Gautama la naissance du Bouddha – le sauveur du monde. De même, Osiris et Horus étaient constamment représentés par les Égyptiens associés à une fleur de lotus ; les deux étant des dieux solaires ou du Feu. (Le Saint Esprit est aussi symbolisé par des « langues de feu » ‒ Actes).
« En Inde, Padma, le nénuphar, est une des images qui symbolise le Double pouvoir créateur dans la nature (la matière et la force sur le plan matériel). Le Lotus est le produit de la chaleur (le feu) et de l’eau (la vapeur ou l’Éther) ; le feu représente dans tous les systèmes philosophiques et religieux l’Esprit de la Déité, le principe générateur actif, mâle ; et l’Éther, ou l’Âme de la matière, la lumière du feu, est le principe féminin passif, d’où tout a émané dans cet Univers. Ainsi, l’Éther ou l’Eau est la Mère, et le Feu est le Père. Sir W. Jones (et avant lui la botanique primitive) a montré que les graines du Lotus contiennent – avant même leur germination – les feuilles parfaitement formées, la forme miniature de ce qui deviendra un jour, des plantes parfaites : la nature nous donne ainsi un spécimen de la préformation de sa production […].
« Le Lotus, ou Padma, est, un symbole très ancien et une illustration imagée du Cosmos et de l’homme. Parmi les raisons courantes qui en sont données il y a, en premier, l’idée qui vient d’être mentionnée que la graine du Lotus contient en elle-même, la miniature parfaite de la plante future, ce qui symbolise le fait que les prototypes spirituels de toutes choses existent dans le monde immatériel avant de se matérialiser sur Terre ; deuxièmement, le fait que la plante du Lotus croît dans l’eau, ayant ses racines dans l’ilus, ou la vase, et épanouit sa fleur dans l’air, au-dessus de l’eau. Le Lotus symbolise ainsi la vie de l’homme et également celle du Cosmos ; car la Doctrine Secrète enseigne que tous deux sont faits des mêmes éléments, et que tous deux ont une même ligne de développement. La racine du Lotus qui plonge dans la vase représente la vie matérielle ; la tige qui remonte dans l’eau caractérise l’existence dans le monde astral, et la fleur, qui flotte sur l’eau et s’ouvre vers le ciel, symbolise l’état spirituel » (Trad. The Secret Doctrine, vol. I, pp. 57-8, éd. originale anglaise).
Le lotus symbole des pouvoirs créateurs conjugués de l’Esprit et de la Matière
« Avec les hindous, le lotus est l’emblème du pouvoir producteur de la nature, par l’action du feu et de l’eau (esprit et matière). Dans la Bhagavad-Gîtâ [ch. IX, v. 15], il est dit : « Ô Dieu des Dieux, je vois […] le Seigneur Brahmâ sur son trône de lotus ». […] En Inde, le lotus est le symbole de la terre fertile, et surtout, du Mont Mérou [le domaine des hiérarchies divines, la montagne des dieux]. Les quatre anges ou génies des quatre points cardinaux célestes (les Maharajah des Stances [de la Doctrine Secrète]) reposent chacun sur un lotus. Le lotus est la double nature de l’hermaphrodite Divin et humain, étant, pour ainsi dire, bisexué.
« Pour les Hindous, l’esprit du Feu (ou la Chaleur) qui éveille, fructifie, et développe en formes concrètes tout ce qui (à partir de son prototype idéal) est né de l’EAU ou de la Terre primordiale, émana Brahmâ. La fleur de lotus, représentée comme poussant du nombril de Vishnou – le Dieu reposant sur les eaux de l’espace et son Serpent d’Infinité – est l’allégorie la plus pittoresque qui n’ait jamais été faite : l’Univers émanant du Soleil central, le POINT, le germe à jamais caché. Lakshmi, qui est l’aspect féminin de Vishnou (1), et qui est aussi appelée Padma, le lotus, est de la même manière figurée comme flottant lors de la « Création », sur une fleur de lotus, et lors « du barattage de l’océan » de l’espace, elle jaillit de la « mer de lait », comme Vénus de l’écume. […]
« L’idée derrière ce symbole est très belle, et elle montre, un peu plus, sa même parenté dans tous les systèmes religieux. Que ce soit sous l’aspect d’un lotus ou d’un nénuphar, il indique une même idée philosophique – à savoir, l’émanation de l’objectif à partir du subjectif, l’idéation divine passant de l’abstrait au concret ou à la forme visible. Car, dès que la TÉNÈBRE – ou plutôt ce qui est « ténèbres » pour l’ignorant – a disparu dans son propre espace de Lumière éternelle, ne laissant derrière elle que son Idéation divine manifestée, les LOGOI créateurs eurent leur entendement éveillé, et virent dans le monde idéal (jusqu’à présent caché dans la pensée divine) les formes archétypales de tout, et il se mirent à copier et construire, ou façonner, à partir de ces formes modèles évanescentes et transcendantes.
(1) Lakshmi est Vénus-Aphrodite, et comme cette dernière, elle jaillit de l’écume de l’océan avec un lotus dans sa main. Dans le Rāmāyana elle est appelée Padma.
(Trad. The Secret Doctrine, vol. I, pp. 379/80, éd. originale anglaise).
Le Lotus et la création du monde
« Brahmâ est une déité secondaire, et comme Jéhovah il “se meut sur les eaux”. Il est le dieu créateur, et dans ses représentations allégoriques à quatre têtes, il correspond aux quatre points cardinaux. Il est le démiurge, l’architecte du monde. « Dans l’état primordial de la création », nous dit Polier dans sa Mythologie des Indous, « l’univers rudimentaire, submergé dans l’eau, reposait dans le sein de l’Éternel. Surgissant de ce chaos et de ces ténèbres, Brahmâ, l’architecte du monde, se balançait sur une feuille de lotus qui flottait (se mouvait ?) sur les eaux, incapable de discerner autre chose que l’eau et les ténèbres. » Ceci est très proche de la cosmogonie Égyptienne, qui montre au commencement, Hathor où la Mère de la Nuit (qui représente les ténèbres illimitées) comme étant l’élément primitif qui couvre l’abîme infini, animée par l’eau et l’esprit universel de l’Éternel, et qui demeure seule dans le Chaos. Comme dans les Écritures juives, l’histoire de la création commence avec l’esprit de Dieu et son émanation créative – une autre Déité (1). Percevant cet état lamentable, Brahmâ consterné se dit à lui-même : « Qui suis-je ? D’où suis-je venu ? » Il entendit alors une voix : « Adresse ta prière à Bhagavat – l’Éternel, connu, aussi, comme Parabrahm. » Brahmâ, se levant de sa position de repos aquatique, s’assit sur le lotus dans une attitude de contemplation, et réfléchit à l’Éternel, qui, satisfait de cette preuve de piété, dispersa les ténèbres primordiaux et lui éveilla l’entendement. « Après cela, Brahmâ émane de l’œuf universel – (le chaos infini) comme une lumière, car son entendement est maintenant éveillé, et il se met au travail ; se mouvant sur les eaux éternelles, avec l’esprit de Dieu en lui. Dans son aptitude à se mouvoir sur les eaux il est Narayana ».
(1) Nous ne considérons pas le sens courant ou accepté de la Bible, mais le sens juif réel expliqué cabalistiquement.
« Le Lotus, la fleur sacrée des Égyptiens, et des Hindous, est le symbole d’Horus comme celui de Brahmâ. On ne trouve pas de temple au Tibet où au Népal sans ce symbole dont le sens est extrêmement suggestif. Les brins de nénuphar [ou lys] que l’archange tiens dans la main, pour les offrir à la Vierge Marie, dans les tableaux de l’“Annonciation”, ont précisément la même signification dans le symbolisme ésotérique. […]
« Tous ces faits montrent l’identité de parenté des trois systèmes religieux, Hindou, Égyptien, et Judéo-Chrétien. Partout où le nénuphar (ou lotus) mystique est utilisé, il signifie l’émanation de l’objectif à partir du caché, ou du subjectif – la pensée éternelle de la Déité, à jamais invisible, qui passe de l’abstrait au concret ou à la forme visible. Car dès que les ténèbres furent dispersées et « que la lumière fut », l’entendement de Brahmâ s’ouvrit, et il vit dans le monde idéal (qui jusqu’à présent reposait éternellement caché dans la pensée Divine) les formes archétypales de toutes les choses futures et innombrables qui seraient appelées à l’existence, et donc à devenir visibles. À ce premier stade de développement, Brahmâ n’était pas encore devenu l’architecte, car, le bâtisseur de l’univers, comme tout architecte, dût d’abord prendre connaissance du plan, puis réaliser les formes idéales qui étaient enfouies au sein de l’Un Éternel, comme les futures feuilles de lotus sont cachées dans la graine de la plante. Et c’est dans cette idée que nous devons chercher pour trouver l’origine et l’explication du verset de la cosmogonie juive, qui se lit : « Et Dieu dit, que la terre produise… les arbres fruitiers, selon leur espèce, donnant des fruits, contenant leur semence » [Genèse, I, 11]. Dans toutes les religions primitives, le « Fils du Père » est le Dieu créateur – c’est-à-dire, Sa pensée rendue visible ; et avant l’ère chrétienne, depuis la Trimurti des Hindous jusqu’aux trois têtes de la cabale des écritures expliquées par les Juifs, le dieu à trois têtes de chaque nation était complètement défini et substantialisé à travers ses allégories. Dans le crédo Chrétien nous ne voyons que le greffage artificiel d’une nouvelle branche sur le vieux tronc ; et l’adoption par les Églises Grecque et Romaine du symbole du nénuphar [ou lys] que tiens l’archange, au moment de l’Annonciation, montre une pensée qui a précisément la même signification métaphysique.
« Le lotus est le produit du feu (chaleur) et de l’eau, d’où le symbole double de l’esprit et de la matière. Le Dieu Brahmâ est la seconde personne de la Trinité, comme le sont Jéhovah (Adam-Kadom) et Osiris, ou plutôt Poimandres, le Pouvoir de la Pensée Divine, d’Hermès ; car c’est Poimandres qui représente la racine de tous les dieux Solaires égyptiens. L’Éternel est l’Esprit du Feu, qui réveille, fructifie et développe dans une forme concrète tout ce qui est né de l’eau ou la terre primordiale, émanée de Brahmâ ; mais l’univers est lui-même Brahmâ qui est l’univers. C’est la philosophie de Spinoza, dérivée de celle de Pythagore ; et c’est pour cette philosophie que Bruno mourut martyr. De combien la théologie Chrétienne s’est égarée de son point de départ, est démontré dans ce fait historique. Bruno fut assassiné pour l’exégèse d’un symbole qui avait été adopté par les premiers Chrétiens, et exprimé par les apôtres ! Les brins de nénuphars du Bodhisattva et plus tard de Gabriel, symbolisent le feu et l’eau, ou l’idée de la création et de la génération ; qui devint le premier dogme du sacrement du baptême. »
H.P. Blavatsky, traduction d’Isis Dévoilée (Isis Unveiled, Volume I, pp. 91 à 93)