L'Étoile à cinq branches et les élémentaux

L'Étoile à cinq branches et les élémentaux

01 Aoû, 2020

La rédaction du Theosophist a reçu dernièrement de nombreuses lettres concernant l'efficacité du mystérieux Pentagramme. Nos lecteurs orientaux ignorent peut-être la grande importance que les cabalistes occidentaux attachent à ce signe, et, pour cette raison, il peut être souhaitable d'en dire quelques mots à un moment où, précisément, le sujet s'impose avec tant d'insistance à l'attention de nos lecteurs. Tout comme l'étoile à six branches (qui est le symbole du macrocosme) l'étoile à cinq branches possède une profonde signification symbolique, car elle représente le microcosme. La première — le « double triangle », résultant de la combinaison de deux triangles respectivement blanc et noir, qui se croisent et s'entrelacent (image adoptée pour le symbole de notre Société) — est connue comme le « Sceau de Salomon » en Europe, et comme le « Signe de Vishnou » en Inde : elle vise à représenter l'esprit et la matière universels, avec une pointe blanche qui symbolise l'esprit s'élevant vers le ciel, tandis que la pointe inférieure du triangle noir se dirige vers la terre. Le Pentagramme représente lui aussi l'esprit et la matière, mais seulement en tant que manifestés sur terre. Emblème du microcosme (ou « petit univers ») reflétant fidèlement en lui-même le macrocosme (ou grand cosmos), il est le symbole de .la suprématie de l'intelligence ou de l'esprit de l'homme sur la matière brute.

La plupart des mystères de la magie cabalistique ou cérémonielle, les symboles gnostiques et toutes les clefs cabalistiques de prophétie sont résumés dans ce flamboyant Pentagramme qui est considéré, par ceux qui pratiquent la Cabale Judéo-Chaldéenne, comme l'instrument magique le plus puissant. Au cours de l'évocation magique, où la plus légère hésitation, erreur ou omission devient fatale pour l'opérateur, l'étoile est toujours sur l'autel, où se trouvent déposés l'encens et d'autres offrandes, et sous le trépied d'invocation. Selon la position de ses pointes, nous apprennent les cabalistes, « elle évoque de bons ou de mauvais esprits, et les repousse, les retient ou les capture ». « Des qualités occultes sont dues à l'intervention d'esprits élémentaux », dit le New American Cyclopaedia, à l'article « Magie », faisant ainsi usage au sujet de certains esprits — de l'adjectif « élémental » — mot que, soit dit en passant, les spirites ont accusé les Théosophes d'avoir forgé, alors que l'encyclopédie citée a été publiée vingt ans avant la naissance de la Société Théosophique. « Cette mystérieuse figure (l'étoile à cinq branches) doit être consacrée par les quatre éléments : il faut souffler dessus, l'asperger d'eau, la sécher dans la  fumée de parfums précieux, puis murmurer à son intention et inscrire dessus les noms de grands esprits, comme Gabriel, Raphaël, Oriphiel ainsi que les lettres du tétragramme sacré et d'autres mots cabalistiques », ajoute la N.A. Cyclopaedia, qui tient son information des livres des anciens cabalistes du Moyen Age, ainsi que de l'ouvrage plus moderne d'Eliphas Lévi —Dogmes et Rituel de la Haute Magie.

Un cabaliste londonien moderne, qui se présente comme un « Adepte », correspondant d'une revue spirituelle de Londres, se rie de la Théosophie orientale et voudrait bien, s'il le pouvait, la soumettre à la loi de la Cabale juive, avec son Angélologie et sa Démonologie chaldéo-phéniciennes. Ce nouveau Cagliostro expliquerait probablement le pouvoir et l'efficacité de l'« étoile à cinq branches » par l'intervention des bons « génies » qu'il aurait évoqués ; des djinns, qu'à la manière de Salomon il a apparemment mis en bouteille en scellant le goulot du récipient avec le « Sceau du Roi Salomon »(que ce potentat mythique n'a fait que copier servilement sur le symbole indien Vaishnava, en même temps que d'autres choses rapportées par 'lui du non moins mythique Ophir, si ses navires se sont jamais rendus là-bas). Mais, dans le cas où on réussit occasionnellement à soulager la douleur (comme celle causée par une piqûre de scorpion) par application du Pentagramme — succès, qui, soit dit en passant, pourrait devenir permanent et sûr chez certaines personnes s'il était accompagné de la connaissance de la cause qui l'a produit — l'explication donnée par les théosophes est un peu moins surnaturelle et rejette toute théorie invoquant, pour une telle opération, l'intervention de quelque « Esprit », qu'il s'agisse, comme on le prétend, d'esprits humains ou élémentaux. En vérité, la forme à cinq branches de l'étoile a quelque chose à faire, en l'occurrence, comme on va maintenant le voir, mais la réussite de l'opération dépend — et ceci d'une manière essentielle — de l'agent principal, qui entre en jeu, l’alpha et l'oméga de la force « magique » : LA VOLONTÉ HUMAINE. Tout l'attirail de la magie cérémonielle — parfums, vêtements, inscriptions hiéroglyphiques et autres détails de mise en scène — n'est bon que pour 1e débutant, le néophyte, dont les pouvoirs doivent être développés, dont l'attitude mentale pendant les opérations doit être définie, et la VOLONTÉ éduquée, en la concentrant sur de tels symboles. L'axiome cabalistique, selon lequel le magicien ne peut devenir le maître des Esprits Elémentaux qu'en les surpassant en courage et en audace dans leurs propres éléments, a une signification allégorique. C'était uniquement pour tester la force morale et l'audace du candidat, que les terribles épreuves de l'initiation aux anciens mystères furent inventées par les hiérophantes ; et, en conséquence, le néophyte qui avait prouvé son intrépidité dans l'eau, Ie feu, l'air et les terreurs de ténèbres Cimmériennes, était reconnu comme s'étant rendu maître des Ondines, des Sala­mandres, des Sylphes et des Gnomes. Il les avait « contraints à l'obéissance » et « pouvait évoquer les, esprits », car, après avoir étudié et approché intimement l'essence ultime de la nature occulte ou cachée et les propriété respectives des Eléments, il était devenu capable de produire à volonté les manifestations les plus merveilleuses de phénomènes « occultes » par la combinaison de telles propriétés ; ces combinaisons sont inconnues jusqu'à présent du profane, du fait même que la science, progressive et exotérique, qui avance avec beaucoup de lenteur et d'hésitations, ne peut aligner ses découvertes que l'une après l'autre et par ordre successif, puisqu'elle a dédai­gné, jusqu'à présent, de se mettre à l'école de ceux qui ont appréhendé tous les mystères de la nature depuis de longs âges. Nombreux sont les secrets occultes qu'elle a dénichés et extorqués à l'ancienne magie, mais elle n'en accorde pas plus de crédit à cette dernière, même pour ce qui apparaît de façon prouvée comme ayant été connu des anciens scientifiques ésotéristes, ou « Adeptes ». Mais nous ne devons pas nous écarter de notre sujet ; il nous faut donc maintenant nous occuper de l'influence mystérieuse du Pentagramme.

« Qu'y a-t-il dans un signe ? » nous demanderons nos lecteurs. « Rien de plus que dans un nom » répondrons-nous — rien si ce n'est que, comme nous l'avons dit plus haut, il aide à concentrer l'attention et, par suite, à river la VOLONTÉ de l'opérateur en un certain point. C'est le fluide magnétique ou mesmérique, qui s'écoule de l'extrémité des doigts de la main, lorsqu'elle trace la figure, qui guérit ou, tout au moins, fait cesser la douleur aiguë, en insensibi­lisant les nerfs — et non pas la figure par elle-même. Et, cependant, il existe des opérateurs compétents capables de démontrer l'efficacité de l'étoile à cinq branches, dont les pointes représentent les cinq membres cardinaux, de l'homme, ou les canaux du corps — la tête, les deux bras et les deux jambes — par où les courants mesmériques s'échappent le plus fortement : le simple fait de tracer cette figure (et l'effet obtenu est bien plus grand si on la forme avec l'extrémité des doigts qu'avec de l'encre, de la craie ou un crayon) en s'aidant d'un désir puissant de soulager la souffrance, permet très souvent d'obliger inconsciem­ment le fluide guérisseur à sortir de toutes ces extré­mités, avec une force bien supérieure à ce qu'elle serait autrement. La foi dans la figure est transformée en volonté intense, et cette dernière en énergie ; et l'énergie, de quelque sentiment ou cause qu'elle puisse provenir, ne peut manquer de rebondir quelque part et de frapper le point d'impact avec plus ou moins de force ; d'une manière assez naturelle, ce point est normalement le foyer sur lequel l'attention de l'opérateur s'est concentrée à ce moment ; d'où la guérison que le mesmériseur ignorant prétend attribuer au PENTAGRAMME. Schelling fait remarquer à juste titre que « bien que la magie ait cessé d'être l'objet d'une attention sérieuse, elle a eu une histoire qui la lie, d'une part aux thèmes les plus élevés du symbolisme, de la théosophie et de la science ancienne, et d'autre part, aux illusions ridicules ou tragiques des nombreuses formes de démonomanie... On peut trouver dans la théurgie grecque, les ruines d'une intelligence supérieure et même d'un système parfait capables de dépasser largement l'horizon que nous présentent les plus anciens documents écrits... et l'on peut retrouver des fragments du même système dans la Cabale Juive... », Ce « système parfait » est maintenant entre les mains d'un petit nombre d'adeptes en Orient. La légitimité de la « Magie » peut être contestée par les bigots, mais sa réalité en tant qu'art et, en particulier, en tant que science, ne peut guère être mise en doute. Elle n'est d'ailleurs pas du tout mise en doute par l'ensemble du Clergé de l'Eglise Catholique romaine, quoique la peur qu'elle lui inspire de la voir devenir un témoin terrible contre la légitimité de l'ascendant des prêtres force ces derniers à soutenir que ses merveilles sont dues à des esprits malfaisants ou des « anges déchus ». En Europe, la Magie a encore « quelques adeptes éclairés et respectables qui l'admettent ouvertement et la pratiquent » reconnaît la Cyclopaedia citée plus haut. Nous pouvons ajouter qu'à travers le monde « païen », sa réalité est presque universellement admise et que nombreux sont ceux qui s'y adonnent, quoiqu'ils essaient d'éviter d'attirer l'attention du monde sceptique.

H.P. Blavatsky

The Five-Pointed Star. Cet article a été publié dans la revue The Theosophist (Vol. II, p. 240 - Août 1881) sous la forme d'une Note de la Rédaction (H.P. Blavatsky), répondant à une lettre abordant le sujet de l'étoile à cinq branches

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