L’étude de la cosmogonie occulte, bien qu’infinie dans ses changements, et si diversifiée dans ses parties, ne peut jamais être entreprise avec succès, à moins que ces variations et ces parties ne soient perçues que comme des aspects d’une Unité Universelle. Une conception de l’unité doit être la base de toute spéculation, tant à son point de départ que dans son déploiement. Il en a toujours été ainsi dans les systèmes archaïques qui reposaient sur la connaissance occulte. Ainsi, le système grec est en phase avec la cosmogonie phénicienne, et tous deux s’accordent avec la Triade Orphique qui montre qu’Éros, Chaos et Chronos sont les trois principes co-opérateurs qui émanent du Point Caché et Inconnaissable. Il ne pourrait y avoir aucune conception philosophique logique, universelle et Absolue de la Déité sans recourir au point mathématique à l’intérieur du Cercle, pour fonder une telle spéculation. Le Point est le véritable Logos Ésotérique, ou la Monade Pythagoricienne, et de ce Point, ou Monade, procède la nature triple et co-égale de la première substance différenciée, ou la consubstantialité de l’Esprit, de la Matière et de l’Univers (manifestés). Chez les Grecs, Monas signifie, dans son sens premier, Unité.
Cette conception fondamentale de l’Unité est encore mise en évidence dans la définition du triangle Pythagoricien :
« Le Triangle Pythagoricien * * * consiste en dix points inscrits comme dans une pyramide (du premier point aux quatre derniers) à l’intérieur de ses trois côtés. Il symbolise l’Univers dans la fameuse Décade Pythagoricienne. Le point unique au sommet est une Monade ; elle représente un Point-Un essentiel, qui est l’Unité primordiale d’où tout procède, et tout est de la même essence que lui. Tandis que les dix points à l’intérieur du Triangle équilatéral représentent le monde phénoménal, les trois côtés qui enferment la pyramide de points sont les barrières de Matière nouménale, ou de Substance, qui la séparent du monde de la Pensée. » ‒ (The Secret Doctrine, I, p. 616).
Il est dit que la Monas Pythagoricienne réside dans la solitude et la ‘‘ténèbre’’, comme le ‘‘Germe’’, mais ce n’est une ténèbre que pour notre ignorance.
La Monade Supra-cosmique étant le Point-Un essentiel d’où tout procède, l’étude de sa nature ‘‘graduée’’ doit être faite en insistant toujours sur l’aspect essentiel de cette Unité, et d’un retour à l’Unité de toutes ses graduations.
L’auteur de La Doctrine Secrète revient sans cesse sur l’unité essentielle de toutes les sortes de monades, de dieux et d’atomes, bien que leur étude séparée puisse être utile pour comprendre les buts de la science occulte :
« Les Dieux des Anciens et les monades – de Pythagore à Leibnitz – et les atomes des écoles matérialistes actuelles (tels qu’elles les ont empruntés aux théories des anciens Atomistes grecs) ne forment qu’une unité composée, ou une unité graduée, comme la constitution humaine qui commence par le corps et finit par l’esprit. Dans les sciences occultes on peut les étudier séparément, mais on ne peut jamais les comprendre sans les considérer dans leurs corrélations mutuelles, durant leur cycle de vie, et comme une Unité Universelle durant les Pralayas [périodes de repos de l’univers]. » ‒ (The Secret Doctrine, I, p. 613).
La différence entre la Monade Supra-cosmique et les Monades manifestées doit être bien comprise. C’est la Monade Supra-cosmique qui émane le Premier Triangle, et qui disparaît ensuite dans son propre ‘‘royaume d’éternelle lumière’’, après avoir appelé à l’existence sa Divine Idéation Manifestée qui devient la base de la manifestation :
« Ceux qui sont incapables de saisir la différence qui existe entre la Monade – l’Un Essentiel Universel – et les Monades de l’Unité Manifestée, et celle qui existe entre le Logos à jamais caché et le Logos révélé, ou le Verbe, ne devraient jamais se mêler de philosophie, et encore moins, de sciences ésotériques. » ‒ (The Secret Doctrine, I, p. 614).
En associant cela à l’explication donnée à propos du triangle Pythagoricien, la Monade, qui est l’Un Essentiel Universel, ou le Logos à jamais caché, correspond au point supérieur unique du sommet du triangle, alors que les points à l’intérieur du triangle correspondent à ‘‘l’unité manifestée’’ ‒ le Logos révélé.
Cette différence semble si importante, du point de vue métaphysique, qu’il est nécessaire de rechercher toute la lumière disponible, car une confusion pourrait être fatale à la compréhension. Nous pouvons, pour cela, récapituler, en disant que la Monade Supra-Cosmique, ou l’Un essentiel, est l’univers absolument idéal, qui doit être distingué du Kosmos [Univers] invisible, bien que manifesté. L’Un Essentiel, le Point, se retire dans le cercle, et fusionne avec lui après avoir émané les trois premiers points et les avoir reliés par des lignes, en formant ainsi la première base nouménale du Second Triangle dans le Monde Manifesté. C’est la Monade Supra-cosmique qui disparaît dans son propre royaume d’Éternelle Lumière, en ne laissant derrière elle, que sa Divine Idéation Manifestée, et en allumant l’entendement des Logoï Créateurs ([Hiérarchies créatrices], les Manus) de façon qu’ils perçoivent dans le Monde Idéal, toutes les formes archétypales et, entreprennent de copier et de construire, ou de façonner, selon ces modèles, des ‘‘formes évanescentes et transcendantes.’’
« Ainsi, la Pensée Divine se personnifie dans les Manus, chaque Manu étant le dieu particulier, celui qui crée et façonne tout ce qui apparaît au cours de son propre cycle d’existence – ou Manvantara [cycle de manifestation d’un univers]. Le Manu semble alors, être le point rayonnant pour les Monades ou Pro-géniteurs des Systèmes Solaires, des Chaînes Planétaires, des ‘‘Règnes’’ de la nature, et de l’Humanité ‒ ‘‘le terme Monade pouvant s’appliquer aussi bien au plus vaste Système Solaire qu’au plus petit atome.’’» ‒ (The Secret Doctrine, I, p. 21).
« De même que le Logos reflète l’Univers du Mental Divin, et que l’Univers Manifesté se reflète dans chacune de ses Monades, comme l’a proposé Leibnitz, en répétant un enseignement oriental, de même la Monade doit, durant le cycle de ses incarnations, se refléter dans chaque forme-racine de chaque règne. » ‒ (The Secret Doctrine, II, p. 186).
Ainsi, les Manus, ayant eu leur intelligence éveillée par la Monade Supra-cosmique, ayant reçu pour ainsi dire, l’impulsion initiale, sont en outre décrits comme ‘‘Les Créateurs des Créateurs de notre Première Race’’ (The Secret Doctrine, II, p. 311). Le Manu Primordial est le Logos Invisible qui émane tous les autres Logoï, et qui amène à l’existence les autres Manus qui émanent collectivement les univers, et qui représentent dans leur agrégat le Logos Manifesté. Mais l’étudiant doit se rappeler que Svayambhûva [l’Auto-Manifesté] est un nom générique, aussi bien que spécifique, et qu’il s’applique à tous les Manus inférieurs qui deviennent les créateurs de leurs propres humanités.
« Aussi les “Commentaires” nous enseignent que si aucun Dhyân-Chohan, même le plus élevé, ne peut comprendre complètement “la condition qui fut celle de la précédente Évolution Cosmique”, “les Manus eux retiennent la connaissance de leurs expériences dans toutes les évolutions Cosmiques au fil de toute Éternité ”. Ceci est très clair ; le premier Manu est appelé Svayambhûva, ‘‘l’Auto-Manifesté’’, le Fils du PÈre non-manifesté. Les Manus sont les Créateurs des Créateurs de notre Première Race – l’Esprit de l’Humanité – ce qui n’empêche pas les sept Manus d’avoir été les premiers Hommes ‘‘Pré-Adamiques’’ sur Terre.
« Manu se déclare lui-même créé par Virâj, ou Vaishvânara, (l’Esprit de l’Humanité), ce qui veut dire que sa Monade émane du sein du Principe toujours actif, au commencement de chaque nouvelle activité Cosmique. Ce Logos ou Monade Universelle, (les Elohim dans leur collectivité) rayonne du dedans de lui-même toutes ces Monades Cosmiques qui deviennent les centres d’activité – les pro-géniteurs des innombrables Systèmes Solaires, ainsi que des Monades humaines, encore indifférenciées, des chaîne planétaires et de tous les êtres qu’elles renferment. Chaque Monade Cosmique est ‘‘Svayambhûva’’, ou AUTO-ENGENDRÉE, et devient le Centre de Force, d’où émerge une chaîne planétaire (ces chaînes étant au nombre de sept dans notre système). Les radiations de ce Centre deviennent à leur tour autant de Manus Svayambhûva (un nom générique, mystérieux et qui signifie bien plus qu’il n’apparaît) et chacun d’eux devient, semblable à une Légion, comme le Créateur de sa propre Humanité. » ‒ (The Secret Doctrine, II, pp. 310-1).
L’étudiant doit en conséquence faire une claire distinction entre la Monade Supra-cosmique, qui appartient à l’Être Non-Manifesté, et ‘‘ces monades cosmiques qui deviennent des centres d’activité,’’ et appartiennent aux plans de la manifestation. Ce sont ces dernières qui sont impliquées dans le cours général de l’évolution. En même temps, l’étudiant doit garder vivante dans son mental l’idée de l’Unité.
Article traduit de la revue américaine Theosophy (Décembre, 1912, volume I)